Texte intégral
Monsieur le ministre, cher Christophe
Monsieur le Président de la région, cher Xavier Bertrand
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les salariés d’Innovafeed,
Il y a quelques années, de nombreuses années, j'avais vu un film qui m’avait beaucoup marqué, qui a marqué les personnes de ma génération qui s'appelait Sa Majesté les mouches, qui est l'histoire d'enfants qui débarquent dans une île.
Ils n'ont pas de quoi se nourrir, pas de quoi boire, pas de quoi vivre correctement et du coup, ça dégénère totalement et cette île lointaine devient un enfer.
Mais ici, c'est exactement l'inverse, c'est le paradis des mouches. Elles arrivent, elles se nourrissent, elles se reproduisent, elles meurent et en mourant, elles donnent vie à un autre cycle de production.
Et j'y vois là l'image de ce qui va, à mon sens, redonner, pour reprendre les mots du président de la République, un élan à la France.
L'élan français viendra du génie français, de cette capacité d'inventivité, d'innovation qui impressionne nos compatriotes et qui impressionne le reste du monde.
Je veux dire que quand j'ai pris un petit déjeuner avec Clément (Clément Ray : Co-fondateur et président-directeur général d’Innovafeed) il y a quelques semaines, et qu'il m'avait parlé de son histoire de mouches, j'avais été totalement stupéfait et totalement séduit, en me disant : Mais voilà une idée simple, car toutes les idées géniales sont des idées simples, passer des protéines animales qui émettent trop de CO2 à des protéines d'insectes. Et c'est ce qui nous a amenée avec Christophe Béchu à venir ce matin ici sur ce site.
Ça a l'air simple. C'est en fait monstrueusement compliqué d'arriver à maîtriser ce cycle de vie des mouches pour créer des protéines d'insectes, ça demande des connaissances technologiques sur l'hygrométrie, sur la biologie animale, sur la reproduction extraordinairement complexe, arriver à industrialiser le vivant, je pense qu'il n’y a rien de plus compliqué. Et vous y êtes arrivés, félicitations !
Vous êtes l'illustration, vous et tous les salariés ici, de ce que le génie français peut donner de meilleur.
Je voudrais saluer aussi le soutien qui a été apporté par la région, par le Président de la Région, Xavier Betrand. Nous nous connaissons de longue date, je sais que nous partageons la même envie de réindustrialiser le pays. Nous avons livré des combats ensemble et je voudrais vraiment, au nom de l'État, saluer l'engagement du Président de la région des Hauts-de-France pour la réindustrialisation de sa région et pour le soutien à l'innovation.
Alors, évidemment, le génie ne suffit pas. Le génie, c'est le point de départ et je suis convaincu que c'est ce qui redonnera un élan à notre pays. Mais il faut aussi un contexte favorable et trop souvent, en France, on se dit : On a des idées qui sont absolument excellentes, ça suffit ; c'est nécessaire et ça ne suffit pas.
Il faut aussi un contexte favorable au développement de ce génie, un terreau qui soit le plus favorable possible. Alors on a commencé à le faire depuis 2017 pour accélérer la réindustrialisation, notamment en baissant les impôts de production qui pénalisaient l'industrie, en formant, en qualifiant davantage.
Mais aujourd'hui, nous voulons franchir une nouvelle étape avec le projet de loi industrie verte avec ces convictions très profondes, la transition climatique est une opportunité historique pour réindustrialiser la France.
La France a une longue tradition industrielle. Elle l’a abandonnée au cours des 4 décennies passées. Et pour moi, il n'y a pas de plus grand scandale politique, économique et je dirais même moral, que d'avoir laissé filer 2 millions d'emplois dans notre pays, délocaliser massivement notre industrie, laisser tomber les ouvriers, la culture ouvrière et l'industrie.
Et bien là, nous avons aujourd'hui, sur la base de ce que nous avons décidé depuis 6 ans avec la décarbonation de la transition climatique, une opportunité historique de rouvrir des usines, de créer des emplois, de recréer des postes d'ingénieurs, d'ouvriers, de techniciens de maintenance sur notre territoire.
Ce projet de loi industrie verte, il est encore en concertation et je donne juste les idées sur lesquelles nous avançons. Mais si vous voulez vous exprimer dessus, profitez-en, il reste encore quelques jours pour vous exprimer sur le site internet du ministère sur ces propositions.
Première proposition, celle-là, je pense qu'elle ne va pas soulever beaucoup de difficultés, c'est augmenter le soutien financier à tout projet d'industrie verte. Ça peut concerner l'agroalimentaire, les batteries électriques, l'hydrogène vert, les panneaux solaires, en accordant non seulement des subventions, mais également des crédits d'impôt à la production. Ce qui va donner de la visibilité à votre équilibre financier et à votre production. En gros, c'est ce que font les Américains avec l'Ira. C'est ce que nous serons les premiers à faire en Europe avec le projet de loi industrie verte. Pas simplement des subventions à l'ouverture de l'usine, mais des crédits d'impôt à la production pour garantir la rentabilité de la production sur le long terme.
Deuxième idée qui est un peu plus controversée mais qui me paraît totalement indispensable, et je rejoins totalement ce qu'a dit Xavier Bertrand tout à l'heure sur la nécessité de conjuguer croissance et climat. Nous devons accélérer les ouvertures d'usines.
Clément en avait fait le témoignage. Je pourrais citer des dizaines d'autres témoignages dans les filières, hier c’était l'industrie laitière qui est venue me voir. Il y a quelques jours, c'était une industrie qui concernait les batteries électriques.
A chaque fois, la plainte est la même, elle est légitime. On met trop de temps en France pour ouvrir une usine. Il faut en moyenne 18 mois. Sur certains sites, c'est 24 mois. Ça désespère des investisseurs qui disent écoutez, on voudrait bien nous installer en France, mais c'est trop long.
Nous voulons, avec ce projet de loi, réduire les délais d'ouverture ou d'agrandissement d'une usine par deux en les ramenant de 18 mois en moyenne à 9 mois en moyenne, sans rogner sur les ambitions environnementales mais en simplifiant les réglementations.
Troisième idée force de ce projet de loi, la préférence européenne. Chinois et Américains ne se gênent pas d'accorder la préférence à leurs produits réalisés sur leur territoire. Ils ne se gênent pas pour accorder les bonus, les aides financières à des produits qui sont réalisés sur leur territoire.
Je propose que nous fassions exactement la même chose et que nous réservions un certain nombre d'aides à des produits industriels verts réalisés sur le territoire français ou sur le territoire européen.
J'imagine déjà les controverses, mais dans le XXIe siècle qui démarre, croyez-moi, aucune puissance ne fera de cadeau à d'autres. Et je ne vois pas pourquoi la puissance européenne ferait des cadeaux à la puissance chinoise ou à la puissance américaine.
Quatrième levier : la commande publique. On en parle très souvent avec Christophe Béchu, il faut évidemment que les entreprises publiques, que les collectivités locales favorisent la production locale. Ça paraît aller de soi, ce n’est pas toujours le cas, et nous pouvons l’inscrire dans la loi.
Enfin, dernier volet, la formation. Si nous voulons avoir une industrie puissante, il faut des formations, des qualifications nécessaires pour que les usines tournent, pour que les qualifications soient disponibles de l’ouvrier de maintenance, du technicien de maintenance aux chaudronniers et soudeurs jusqu'aux ingénieurs.
Et je partage là aussi ce qui a été dit par Christophe. Ça fait plaisir de voir autant d'ingénieurs femmes dans cette usine. J'ai l'impression qu'effectivement toutes les ingénieurs femmes de France se sont retrouvées ici, chez Innovafeed.
Nous devons impérativement avoir plus de femmes qui s'engagent dans le métier d'ingénieur. C'est un des grands échecs français, comme vous regardez depuis 20 ans, nous avons une part de femmes ingénieurs qui stagne à 20 %. Il faut impérativement que nous arrivions à la parité sur les femmes ingénieurs.
Quel est l'objectif à terme de ce projet de loi industrie verte ? C'est d’avoir la France comme première nation décarbonée en Europe. La place de la France n‘est pas deuxième, ce n'est pas troisième. C'est premier.
Et avec ce projet de loi, avec la base industrielle qui est la nôtre, avec les idées que vous portez, avec ce génie français, nous pouvons demain être la première nation décarbonée en Europe. C'est cela notre ambition avec le président de la République et la Première ministre.
Je voudrais terminer en m'adressant aux salariés, d’abord pour les remercier de leur accueil, leur accueil chaleureux. Ce n'est pas courant de nos jours. Soyons clairs. L'accueil est chaleureux parce que nous avons vu avec Christophe et avec le Xavier des salariés heureux.
Et je pense qu'il y a plein de choses à retirer de ce que vous nous avez dit. D'abord sur la diversité de vos parcours. Christophe l'a rappelé, c’est vrai que ça fait plaisir de voir des salariés qui faisaient des pièces automobiles avant, travailler dans la logistique, travailler chez L'Oréal. L'un d'entre eux, qui, je crois, travaillait dans l'une d'entre elles, à Dole et qui faisait de La vache qui rit et qui se retrouve à fabriquer des protéines animales, à faire des protéines d'insectes.
C'est un beau symbole. Les salariés heureux pour une raison, c'est que leur travail a du sens. C’est qu’en travaillant chez Innovafeed, vous travaillez à la décarbonation de notre économie et c'est pour ça que j'ai le sentiment profond que la décarbonation ne va pas simplement permettre de réindustrialiser notre pays, mais va nous redonner une ambition collective et va redonner du sens à des centaines de milliers d'emplois dans notre pays.
Et c'est vraiment un message de remerciement que je veux adresser aux salariés, de nous transmettre cet enthousiasme et cette envie de redonner du sens au travail.
Mais si on est tout à fait honnête, j'ai vu des salariés heureux, nous avons discuté tout à l'heure, mais nous avons aussi des salariés qui sont inquiets. Pas inquiets sur le travail ; du boulot, il y en a et le plein emploi, je suis persuadé que nous allons y arriver, mais inquiets sur leur pouvoir d'achat.
Et je voudrais simplement en terminant dire quelques mots sur ce sujet qui, je le sais, est la première préoccupation des salariés ici et de tous les salariés de France. Quelle est la réponse à cette flambée des prix ? Prix à la consommation ; prix alimentaires ; le caddie qui augmente ; les courses sont de plus en plus difficile à faire.
Première chose, c’est que lorsque les prix de gros baissent, ce qui est le cas aujourd’hui, que les grands industriels baissent aussi leur prix. Je ne vois pas pourquoi, lorsque les prix augmentent, les industriels répercutent à la hausse tout de suite ; et lorsque le prix du blé baisse, le prix du paquet de pâte met 3 mois à baisser. C’est inacceptable.
J’ai demandé aux distributeurs de rouvrir les négociations avec les industriels, ce qui ne se fait jamais. D'habitude les négociations commerciales, c'est une fois dans l'année, c'est début mars. Je leur ai demandé de rouvrir les négociations. S'ils ne le font pas, nous les convoquerons à Bercy et si la convocation ne suffit pas, je me réserve tous les moyens à ma disposition pour que les grandes industriels répercutent à la baisse la baisse des prix de gros sur les prix des produits que vous payez au supermarché.
La deuxième réponse, c'est la rémunération du travail. C’est les salaires parce que la première rémunération, c'est le salaire. Et je redis que toutes les entreprises qui ont les moyens de le faire doivent continuer à augmenter les salaires. Elles l'ont fait, 4,5% en moyenne et je les en remercie.
Mais 4,5, soyons honnête, c'est inférieur à l'inflation. Donc toutes celles qui peuvent le faire doivent continuer à augmenter leurs salaires. Certaines sont en difficulté, ne peuvent pas. Je comprends très bien. Mais d'autres qui ont les marges suffisantes, elles doivent augmenter les salaires.
La deuxième augmentation de la rémunération, c'est les dispositifs d'intéressement, de participation et de primes. Utilisez-les, je sais qu'ils sont utilisés aussi. Depuis l'été dernier, il y a 7 millions de salariés qui ont touché en moyenne 730 euros de prime défiscalisée - ça arrondit bien les fins de mois d'avoir ces primes défiscalisées.
Et je souhaite que dans les meilleurs délais possibles, nous puissions retranscrire dans la loi l'accord qui a été conclu par les partenaires sociaux sur l'intéressement, la participation et les primes défiscalisées pour que les salariés des PME en bénéficient et pas uniquement les salariés des grands groupes.
Cet accord des partenaires sociaux est un accord historique parce qu'il va ouvrir la voie de ces dispositifs aux salariés des PME. Je souhaite qu'il soit retranscrit dans la loi le plus vite possible. Enfin, la dernière chose, ce sont les heures supplémentaires défiscalisées, je le dis et je vois que certains proposent de revenir sur cette défiscalisation des heures supplémentaires, il en est hors de question.
Et je tiens à rappeler que c'est Xavier Bertrand qui avait porté cette idée il y a quelques années, à tout seigneur, tout honneur. Et bien quand c'est une bonne idée, je suggère que nous le gardions et que lorsqu'on a une bonne idée, plutôt que de vouloir en changer tous les 4 matins, on la conserve, et que le maximum de salariés puissent avoir accès à ces heures supplémentaires défiscalisées.
Mon tout dernier mot sera très simple, c'est le mot de fierté. Je pense que vous, salariés d’Innovafeed, vous pouvez être fiers de travailler dans cette entreprise, fiers du travail dont vous faites au quotidien.
Je pense que vous, Aude (Aude Guo : Co-fondatrice d’Innovafeed), Clément, vous pouvez être fiers de ce que vous avez réalisé parce que c'est vraiment impressionnant.
Et je pense que cette fierté collective, il faut que nous la portions, pour montrer à tous nos compatriotes et au-delà, à tous les autres partenaires européens et au reste du monde, que la France, elle a des idées, elle sait les mettre en oeuvre, qu'elle a pris à bras le corps la question fondamentale du changement climatique, qu'elle ne se résigne pas à ce que la réponse au changement climatique soit moins de prospérité, moins de croissance.
Et que nous, nous voulons au contraire conjuguer lutte contre le réchauffement climatique, croissance et prospérité collective, et qu'Innovafeed est le meilleur exemple.
Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 25 avril 2023