Déclaration de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, sur le projet de loi de finances pour 2021, à l'Assemblée nationale le 28 octobre 2020

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Je remercie votre commission d’avoir accepté le report de cette audition. Je suis confuse que vous ayez été prévenus très tardivement mais nous avions une réunion avec les partenaires sociaux à propos du contexte sanitaire et des mesures qu’il implique. Après la conférence sociale de lundi dernier, le dialogue social est plus important que jamais afin de partager le diagnostic et d’échanger sur les réponses à y apporter dans ce contexte inédit. Je salue la très grande responsabilité dont les partenaires sociaux ont fait preuve hier. Chacun a conscience de la difficulté de la situation sur le plan sanitaire, de même que de la fragilisation de notre pays sur le plan économique et social. Nos échanges étaient donc empreints d’une grande gravité.

Je suis très heureuse de vous retrouver et de répondre à vos questions sur le projet de loi de finances pour 2021.

Le budget du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion est ambitieux ; il mobilise des moyens sans précédent, à la hauteur des circonstances, et doit nous permettre de traiter et de surmonter les conséquences économiques et sociales de la crise.

Ce budget de relance inclusive a été largement co-construit avec les collectivités, les partenaires sociaux et les acteurs de terrain, conformément à la volonté de concertation qui anime le Gouvernement.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion reposent sur deux volets.

Tout d’abord, les crédits de la mission Travail et emploi, indépendamment de l’action de relance, augmentent de 400 millions d’euros car nous souhaitons intensifier l’effort d’inclusion de tous dans l’emploi, conformément aux trajectoires prévues avant la crise.

S’ajoutent ensuite à cet effort les crédits exceptionnels de la nouvelle mission Plan de relance : 10 milliards d’euros sont ainsi alloués à mon ministère sur les 22 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts pour 2021. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion est donc destinataire de près de la moitié des crédits de paiement de France Relance en 2021, ce qui montre à quel point les politiques de l’emploi et de l’insertion sont un pilier essentiel du plan de relance.

Ces politiques doivent permettre de surmonter les crises grâce à la formation, de renforcer la compétitivité de nos entreprises, de préserver et de développer les emplois et les compétences.

Le budget « socle » de mon ministère, hors relance, s’élève à 13,2 milliards d’euros et nous proposerons au vote du Parlement l’application ou le renforcement d’un certain nombre de mesures à la suite des récentes annonces du Président de la République et du Premier ministre dans le cadre du renforcement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Tous les dispositifs de formation et d’accompagnement vers l’emploi des jeunes et des salariés sont renforcés. Le plan d’investissement dans les compétences (PIC), doté de 14 milliards d’euros de crédits pour le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion sur l’ensemble du quinquennat, fait l’objet d’un nouvel engagement de 3,3 millions d’euros.

Les crédits de l’aide unique à l’apprentissage augmentent de près de 150 millions d’euros. La garantie jeunes et les parcours contractualisés d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) sont dotés de plus de 70 millions d’euros supplémentaires, hors plan de relance.

Les fonds destinés aux dispositifs d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi sont également renforcés. Nous augmentons de plus de 204 millions d’euros les crédits alloués aux dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE), dont 62 millions d’euros issus du plan de relance. L’ensemble de ces crédits permettra l’accueil de 35 000 jeunes supplémentaires dans l’IAE et de 25 000 dans la création d’entreprises.

En outre, conformément aux annonces récentes du Premier ministre, nous proposerons au Parlement de renforcer encore le dispositif de 30 000 places supplémentaires et d’augmenter en conséquence les crédits de la mission de 150 millions d’euros.

Nous augmentons également de 23 millions d’euros le budget alloué aux entreprises adaptées, qui incluent dans l’emploi des personnes en situation de handicap, en coordination avec les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et l’emploi accompagné.

Nous maintenons le nombre de contrats aidés, hors plan de relance, notamment les 100 000 parcours emploi compétences (PEC). Dans le cadre des récentes annonces du Premier ministre, nous vous proposerons également d’augmenter le budget de 120 millions d’euros afin de renforcer le dispositif dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones rurales, en faisant passer le taux de prise en charge à 80 % et en doublant la cible en termes de volume.

Nous attribuons aux emplois francs consacrés aux QPV 93 millions d’euros supplémentaires d’autorisations d’engagement, lesquels bénéficieront à plus de 33 000 nouvelles entrées en emplois francs.

Nous dotons d’un budget de 23 millions d’euros l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » afin d’en financer la deuxième phase et dont la CMP, en effet conclusive, vient de permettre l’adoption du principe.

Les enjeux de mobilité sont essentiels pour l’insertion : une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation en raison de ce problème. Le Gouvernement, en lien avec les collectivités locales, proposera donc au Parlement de voter une mesure nouvelle pour soutenir des plateformes mobilité et faciliter l’achat d’un véhicule pour les personnes en insertion.

Enfin, le service public de l’insertion et de l’emploi annoncé par le Président de la République à la fin de 2018 devrait se déployer dans trente territoires en 2021, puis dans trente-cinq nouveaux territoires en 2022. Nous proposerons au Parlement d’y consacrer 30 millions d’euros.

Ce budget « socle » de mon ministère est considérablement renforcé, quasiment doublé, grâce aux crédits de relance qui lui sont affectés et à ceux que nous allons proposer au vote du Parlement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Avec 10 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts en 2021, France Relance permet de conduire un effort d’investissement sans précédent pour développer les compétences de nos concitoyens.

Notre première priorité, c’est la sauvegarde et le développement des emplois : près de 8 milliards d’euros lui sont consacrés. Nous faisons un effort substantiel de 7,6 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros sont financés par l’UNEDIC, pour prendre en charge l’activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé, en activité partielle ou en activité partielle de longue durée.

Une partie de ces fonds doit également financer la reconversion des salariés dans le cadre des trois dispositifs conçus avec les partenaires sociaux et les entreprises qui ont été présentés ce lundi à la conférence du dialogue social.

Deuxièmement, notre urgence, c’est de donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d’insertion dans l’emploi. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion pilote la plus grande partie des 6,7 milliards du plan « 1 jeune, 1 solution », répartis entre trois ministères, soit 5,7 milliards, dont 3,6 en 2021.

Comme vous le savez, nous créons des primes exceptionnelles pour encourager l’embauche des jeunes et la signature de contrats en alternance. Par ailleurs, la revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle a été votée avant-hier. Nous ouvrons également 300 000 parcours et contrats d’insertion sur mesure en renforçant les moyens qui leur sont déjà consacrés par le budget « socle ».

Pour accompagner tous les jeunes vers l’emploi, nous ouvrons 80 000 nouvelles places en PACEA et 50 000 nouvelles places en garantie jeunes, soit une augmentation de 50 %.

Pour insérer dans l’emploi les jeunes qui connaissent le plus de difficultés, nous ouvrons, au-delà des places dans l’IAE et dans l’accompagnement à la création d’entreprises, de nouveaux contrats aidés, notamment 60 000 contrats initiative emploi, 60 000 nouvelles places en PEC, en plus des 20 000 déjà prévues dans le « socle ». Enfin, nous renforçons fortement le budget des missions locales en leur allouant 100 millions supplémentaires, ce qui porte leur enveloppe à 472 millions d’euros.

Troisièmement, nous investissons plus de 1,7 milliard d’euros, dont 1 milliard d’euros dès 2021, dans les formations aux métiers d’avenir ou en tension. Notre objectif est de permettre l’accès à un emploi durable des jeunes, des demandeurs d’emplois et des salariés en reconversion.

Dans ce cadre, nous engageons tout d’abord 500 millions dès 2021 sur 1,2 milliard d’euros au total, pour ouvrir 200 000 formations aux métiers d’avenir s’adressant aux jeunes.

Ensuite, nous mobilisons près de 500 millions d’euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l’offre de formation continue en France.

Par ailleurs, le budget 2021 présente de solides garanties de bonne exécution et d’efficacité des crédits alloués à mon ministère.

Tout d’abord, les conditions d’exécution du budget seront souples afin de garantir une efficacité maximale des dépenses. En effet, il sera possible de redéployer les crédits selon le niveau d’avancement des programmes grâce à un pilotage à la maille des territoires.

Ensuite, les dépenses de fonctionnement, notamment de personnels, participent à l’effort de maîtrise des finances publiques par l’État.

Le ministère est contributeur mais, compte tenu de la crise, j’ai veillé à ce que des ajustements en gestion soient consentis en fonction de la hausse de la charge de travail liée à la crise à travers des recrutements en contrat à durée déterminée (CDD) dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Enfin, le projet de loi de finances comporte quelques évolutions législatives proposées par le Gouvernement.

Tout d’abord, pour rétablir la situation de l’opérateur France compétences, un plan d’action est en cours pour produire des effets à brève échéance. De manière plus structurelle, le Gouvernement propose de doter cet opérateur d’une règle d’or visant son retour à l’équilibre à compter de 2022.

Par ailleurs, comme vous avez pu le constater dans le cadre de l’examen de la mission Engagements financiers de l’État, le Gouvernement propose de relever le plafond de la garantie de l’UNEDIC d’un montant de 10 milliards d’euros supplémentaires.

Au-delà, en tant que ministre de l’emploi et de l’insertion, je m’assurerai que les secteurs bénéficiaires de France Relance s’engagent pour l’emploi, notamment à travers des clauses en faveur de l’apprentissage et de l’insertion, dans le cadre de marchés publics comme privés.

Déjà, des signaux de mobilisation nous remontent du terrain.

En août et septembre, les embauches ont un peu augmenté : + 1,3 % par rapport à 2019 pour les jeunes de moins de 26 ans recrutés en CDD de plus de trois mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI) – près de 700 000 recrutements au total, ce qui est très rassurant.

Les primes à l’embauche des jeunes montent en charge. Les premiers chiffres montrent que le processus fonctionne bien – 43 000 demandes de primes entre le 1er et le 20 octobre – mais nous n’en sommes encore qu’au démarrage, moins de 10 % de réalisation de l’objectif ayant été réalisé.

La mobilisation de l’aide pourrait rapidement s’accélérer en raison des embauches qui ont eu lieu, ce que confirme une enquête menée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la part des entreprises de plus de dix salariés identifiant bien l’aide recouvrant 40 % des salariés du pays.

De la même manière, les perspectives de l’apprentissage sont positives, même si les demandes formelles de prime à l’apprentissage ne font que démarrer. Les derniers chiffres témoignent d’une dynamique très positive des conclusions de contrats, avec 314 000 contrats conclus. Si elle se poursuit, et nous ferons tout pour, nous aurons retrouvé le niveau de 2019, qui était une très belle année pour l’apprentissage. Là encore, l’enquête montre que la part des entreprises de plus de dix salariés ayant l’intention de recourir à l’aide représente un salarié sur deux.

Ce budget entend poursuivre la construction d’une « société des compétences », que la crise a rendue plus que jamais nécessaire. Elle repose sur l’idée, défendue dès le début du quinquennat par le Président de la République, que le travail est un facteur d’émancipation individuelle et de cohésion nationale, et que la formation constitue la meilleure des protections face aux crises.

Je suis prête à répondre à vos questions et à écouter les propositions d’enrichissement du texte que formulera votre commission.

(...)

Mme la ministre. Je vais tenter de répondre au plus grand nombre de questions possible, quitte à compléter mes réponses par écrit si je n’ai pas le temps de traiter certains points.

En ce qui concerne l’articulation des missions Plan de relance et Travail et emploi, nous avons fait le choix de présenter une mission de relance cohérente, pour montrer notre effort face à la crise, mais aussi parce que France Relance nous donne une souplesse qui nous permettra de réallouer les crédits le cas échéant selon l’évolution de la crise sanitaire et ses conséquences sur l’activité économique et sur l’emploi. Cela complique évidemment la compréhension des moyens consacrés à la politique du travail, de l’emploi et de l’insertion, que j’ai essayé de retracer.

S’agissant plus précisément de l’activité partielle, le recours à cette dernière, auparavant peu utilisée par les entreprises, a changé de dimension avec la crise, mais lors de la sortie de crise que nous espérons tous, nous pourrons rapatrier les crédits afférents vers la mission Travail et emploi.

Les finances de l’UNEDIC sont très affectées, ce qui rejaillira sur le budget de Pôle emploi avec deux ans de décalage, compte tenu des règles de fonctionnement en vigueur ; je veillerai naturellement à ce que ces pertes soient compensées pour Pôle emploi. À plus court terme, un chantier de l’agenda social est le cantonnement de la dette liée au covid pour l’ensemble des comptes sociaux et son effet sur l’assurance chômage. Un autre chantier concerne la gouvernance et le pilotage financier de l’assurance chômage, qui devraient précisément donner aux partenaires sociaux des leviers pour organiser le rééquilibrage des comptes sans avoir à absorber le choc de la « dette covid », qui doit faire l’objet d’un traitement spécifique.

S’agissant des emplois francs, nous renforçons le soutien de l’État en revalorisant la prime due la première année. Cela nous permet de nous fixer l’objectif de 33 000 entrées en 2021, soit autant que depuis le lancement du dispositif en avril 2018. Je suis cependant convaincue que l’argent, en la matière, n’est pas tout : pour que les jeunes des QPV accèdent à l’emploi, il faut les accompagner, faire comprendre aux entreprises que nous sommes là pour leur enseigner des codes qu’ils ne maîtrisent pas nécessairement et qu’elles doivent s’interroger sur la manière de les intégrer. J’ai donc demandé à mes services d’œuvrer à compléter le dispositif et les primes par un accompagnement vers et dans l’emploi – avant l’embauche, pendant l’embauche et après.

S’agissant de l’apprentissage, c’est vrai, la part des formations post-bac augmente. Nous devons rester très vigilants à deux niveaux. Tout d’abord, nous devons faire attention au travail des prescripteurs qui accompagnent les jeunes vers des formations infra-bac. Par ailleurs, nous avons engagé une discussion avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour que les financements affectés aux formations post-bac ne cannibalisent pas l’ensemble des moyens dédiés à l’apprentissage, ce qui pourra se traduire par un plafonnement du coût-contrat pour ces formations. En effet, les coûts contrats sont parfois extrêmement élevés, pour des formations qui pouvaient très bien être suivies auparavant, sans recourir à l’apprentissage et donc sans ces financements au contrat. Il me paraît donc raisonnable de plafonner le coût contrat pour les formations supérieures.

Pour ce qui est de France compétences, l’objectif est de parvenir à un équilibre – je vois mal comment il pourrait en aller autrement. Bien évidemment, il ne s’agit pas de pénaliser l’action de l’opérateur mais nous souhaitons que la gouvernance quadripartite prenne toute sa place, notamment face à un opérateur dont les recettes sont définies mais dont les dépenses sont dites de guichet. Cela ne signifie pas renoncer aux politiques prioritaires, en particulier l’apprentissage qu’il n’est pas question de freiner, mais nous nous sommes peut-être montrés un peu trop généreux lors de la fixation du coût contrat — au-delà de ce que je viens d’expliquer pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Nous devons pouvoir disposer de ce type de leviers de régulation. Par ailleurs, nous devrons nous pencher sur des sujets de trésorerie, notamment pour rééquilibrer le profil entre les encaissements et les décaissements de l’opérateur. Celui-ci a été créé récemment mais il est important que la gouvernance quadripartite s’empare pleinement de son pilotage. C’est bien le sens de la règle d’or qui a été proposée.

Concernant le CPF, un quart des bénéficiaires avait fait basculer ses droits à la formation acquis au titre de l’ancien DIF vers son compte CPF. Nous avons donc choisi de reporter à nouveau la date limite pour basculer d’un dispositif à l’autre. Il est important que chacun se saisisse de cet outil. D’ailleurs, nous enrichissons le CPF. Ainsi, dans le cadre du plan jeunes, nous ferons apparaître sur le CPF l’ensemble des formations gratuites auxquelles un jeune peut accéder, notamment les formations financées par le PIC. Depuis septembre, les employeurs peuvent abonder les comptes CPF de leurs salariés. Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d’investir pour des formations orientées vers les secteurs d’avenir – la transition écologique, la transition numérique, la santé etc. Ce dispositif doit devenir une référence dans l’esprit de tous les salariés. Nous comptons communiquer auprès des employeurs et des salariés mais aussi enrichir le CPF pour que chacun s’emparer de cet outil d’émancipation.

Monsieur Didier Baichère, pour accélérer le déploiement du plan jeunes, nous avons d’abord besoin que les territoires s’en saisissent. Je m’appuie sur les préfets de région pour instaurer des gouvernances à l’échelle locale qui associent les collectivités et les partenaires sociaux. Nous avons également demandé aux préfets de région de travailler avec les préfets de département afin de décliner, le cas échéant à l’échelle des bassins d’emploi, des objectifs territoriaux partagés. Nous allons créer une nouvelle application qui devrait être disponible dans les tout prochains jours afin de rendre lisible l’ensemble de ces dispositifs. Nous avons voulu proposer, par le plan jeunes, une réponse adaptée à chacun. En contrepartie, nous devons clarifier l’ensemble pour que les jeunes identifient toutes les solutions de proximité auxquelles ils ont accès. Enfin, les parlementaires, peut-être mieux informés que les autres de toutes ces propositions, ont un rôle important à jouer pour les faire connaître.

Le dialogue social joue un rôle majeur pour surmonter la crise que nous traversons, en particulier pour permettre la reprise de l’activité à l’issue du confinement. Pas moins de 9 000 accords ont été signés pour mettre en œuvre les mesures sanitaires au sein des entreprises. Relevons également que 3 600 accords d’activité partielle de longue durée sont à présent entrés en vigueur dans les entreprises. On est encore capables, pour des sujets compliqués, de se projeter dans les prochains mois, d’anticiper le devenir de l’activité, de répartir l’activité entre les salariés, dans le cadre d’accords majoritaires, de mettre à profit les périodes non travaillées pour mettre en place des formations – c’est peut-être cette étape qui est encore devant nous. Je trouve remarquable que l’on y ait réussi.

La conférence sociale qui s’est tenue à Matignon en début de semaine mais aussi la réunion d’hier soir ont mis en évidence le très grand esprit de responsabilité des partenaires sociaux, que je salue. Le dialogue social finit toujours par porter ses fruits. C’est grâce au dialogue social que les entreprises ont bien voulu se saisir du plan jeunes. Le dispositif d’activité partielle de longue durée est une proposition des partenaires sociaux. Quant à celui qui permettra d’accompagner la reconversion des salariés des entreprises qui subissent une baisse durable de leur activité, vers des secteurs qui recrutent, il s’est, là encore, élaboré grâce au dialogue social.

J’ai toujours cru, quelles que soient les circonstances, au dialogue social mais la crise que l’on traverse nous démontre qu’il fonctionne dans notre pays.

Monsieur Stéphane Viry, il est majeur, pour la cohésion de notre pays, de favoriser l’insertion, de donner à chacun une qualification, de permettre à chacun de se former pour trouver un emploi. Nous nous y efforçons grâce à un ensemble de dispositifs qui permettent de maintenir les gens dans l’emploi – activité partielle, activité partielle de longue durée, dispositifs de reconversion pour changer de métier sans passer par le statut de demandeur d’emploi. Ces mesures contribuent à marquer la place du travail dans notre pays.

Nous avons également mobilisé Pôle emploi, notamment en direction des métiers en tension. Je ne sais pas si ce terme convient mais c’est une manière de répondre à l’une des questions qui a été posée au sujet des métiers du soin et de l’accompagnement. Il est tout de même paradoxal qu’au plus fort de cette crise, nous nous retrouvions avec d’un côté, une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi et de l’autre, des difficultés pour recruter dans des secteurs essentiels comme le soin ou l’accompagnement. Bien évidemment, il faut prévoir des formations, et j’en profite pour répondre d’ores et déjà à Mme Dubié que nous ouvrirons, grâce au financement exceptionnel du plan de relance, 6 000 formations d’infirmiers supplémentaires, 6 400 formations d’aides-soignants et 3 600 formations d’auxiliaires de vie.

Au-delà du problème de la formation, il faut pouvoir trouver les personnes qui acceptent de s’engager dans ces métiers, ce qui pose la question de l’attractivité et du déroulement de carrière. Nous en parlons avec Mme Brigitte Bourguignon. En tout cas, Pôle emploi, pour revenir à la question de M. Viry, est très mobilisé pour ces métiers, comme il peut l’être pour ceux du bâtiment et des travaux publics. Le contexte économique est compliqué mais le plan de relance prévoit de nombreux outils qui permettront d’accompagner les collectivités territoriales pour soutenir le secteur du bâtiment public et des travaux publics. Encore faut-il avoir les salariés formés pour accéder à ces métiers. Nous avons donc mobilisé Pôle emploi pour distinguer, parmi les demandeurs d’emploi, ceux que l’on pourrait orienter vers les métiers du bâtiment et des travaux publics.

Dans le contexte actuel, il faut savoir faire preuve d’imagination. C’est vrai, nous avons appuyé le plan jeunes sur des dispositifs existants car nous avons eu peur de prendre du retard en en créant de nouveaux. Cela étant, peut-être reste-t-il des trous dans la raquette au niveau des mécanismes qui permettent d’accompagner les jeunes. Pour les combler, il est nécessaire de nous informer des cas où certains jeunes n’auraient pas pu être accompagnés vers une qualification, une formation, un emploi pour que nous adaptions nos dispositifs. Quant aux personnes les plus éloignées de l’emploi, vous aurez noté l’effort consenti pour les insérer par l’activité économique. Soyons clairs : il est important de prévoir des financements pour créer des postes supplémentaires à condition que les entreprises d’insertion aient accès à des marchés. C’est le sens de la réflexion confiée à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. C’est en tout cas le sens des achats inclusifs : nous devons parvenir, par l’intermédiaire des achats publics et privés, à donner de l’activité à ces entreprises d’IAE, si l’on veut répondre à la diversité des situations.

Pour ce qui est du rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi, nous avons pris du retard dans les objectifs initialement fixés en raison de la crise sanitaire. En tout cas, au 1er janvier 2021, l’offre de service intégré des demandeurs d’emploi en situation de handicap devrait être déployée sur 220 agences de Pôle emploi, le déploiement à la totalité des 930 agences de Pôle emploi et des 98 agences Cap emploi étant prévue pour avril 2021. Heureusement, nous avons pu nous appuyer sur une phase pilote qui nous a permis de bien concevoir le dispositif et d’échapper à une vision quelque peu hors sol de ces sujets. La construction est bien engagée et le groupe de travail qui réunit l’ensemble des contributeurs de données à transmis ses propositions, qui seront prises en compte.

S’agissant de la contractualisation des dépenses engagées au titre du programme 103, dans le cadre des contrats de plan État-région, nous souhaitons maintenir, pour les contrats de plan 2021-2027, les crédits précédemment prévus entre 2015 et 2020. L’État signera également des accords régionaux de relance avec les régions, à hauteur de 3 milliards d’euros, notamment pour travailler sur les dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution », dont les objectifs ont d’ores et déjà été déclinés à l’échelle régionale.

Monsieur Paul Christophe, le nombre d’allocataires du RSA augmente dans tout le territoire, ce qui nous conduit à accélérer le déploiement du service public de l’insertion et de l’emploi. Des expérimentations devaient être menées dans quatorze départements mais la crise a interrompu les démarches engagées. Nous avons la ferme intention d’avancer au cours de l’année 2021 dans trente départements, et dans trente-cinq supplémentaires en 2022. Il me semble indispensable que chaque personne éloignée de l’emploi puise s’adresser à un référent unique, que l’on puisse proposer un accompagnement global, régler les problèmes de systèmes d’information, afin d’assurer un véritable suivi de ces personnes. C’est le sens des crédits qui vous seront proposés pour lancer l’expérimentation dans trente départements en 2021.

Madame Valérie Six, je ne peux vous laisser dire que la réforme de la santé au travail est au point mort. Ce n’est pas, en tout cas, la vision qu’en ont les partenaires sociaux. Vous le savez, j’échange régulièrement avec eux et ce point figure à l’agenda social. Cela étant, lorsque les partenaires sociaux négocient entre eux, il est bien évident que le Gouvernement les laisse faire. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé au travail. Nous avons à nouveau échangé récemment à ce sujet avec les partenaires sociaux : ils ont confiance dans les chances d’aboutir à un accord sur ce sujet majeur. À ce stade, nous allons continuer à leur faire confiance. Nous leur avons dit, lors de la conférence du dialogue social, lundi dernier, que le Gouvernement se tenait à leur disposition et que les vecteurs législatifs nécessaires pour concrétiser ces accords seraient ensuite trouvés — je ne pense pas que les parlementaires me contrediront.

Concernant les maisons de l’emploi, il a été entendu, suite à la création de Pôle emploi et au constat, dressé à l’époque, du caractère limité de la couverture du territoire par ces maisons de l’emploi, qu’elles concentreraient leur action sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences territoriales ou sur les clauses sociales, tout en se plaçant dans une logique d’appels à projets grâce à des financements provenant, par exemple, du PIC ou du Fonds social européen. Je connais l’attachement des parlementaires à ce sujet et je suppose que les amendements seront nombreux. Nous y serons attentifs.

La coopération entre Pôle emploi et les missions locales est essentielle. Un jeune ne doit pas être pénalisé parce qu’il aurait frappé à la porte de Pôle emploi au lieu d’une mission locale. C’est pour cette raison que, dans le cadre du plan jeunes nous avons fixé des objectifs communs entre les missions locales et Pôle emploi en les invitant à s’organiser pour travailler ensemble. Nous avons un besoin impératif, urgent, massif, de missions locales dans la période que nous traversons, ce qui explique que nous ayons renforcé leurs moyens. Je n’ai pas été alertée sur d’éventuelles difficultés qu’elles pourraient rencontrer, alors que l’on échange régulièrement avec le président de l’union nationale des missions locales. S’il a des messages à nous transmettre, nous serons à son écoute. Il est très important, du fait de la période qui s’annonce, de s’assurer que les missions locales ont tous les moyens nécessaires pour accueillir les jeunes qui en auraient besoin. J’y veillerai personnellement.

J’enchaîne avec le FDI. Le défi de l’IAE est considérable puisque nous avons la volonté de créer 65 000 places supplémentaires en 2021. C’est adapté au contexte actuel mais il faut que nous ayons les marchés pour ces structures d’IAE et que nous soyons capables d’accompagner leur transformation. Nous devons, pour cela, utiliser avec souplesse les moyens, qu’il s’agisse de l’aide au poste ou des financements du FDI, comme en 2020. En tout cas, il faudra lever tous les freins au développement des structures d’IAE.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé le nouveau report, de trois mois, de la réforme de l’assurance chômage. Pour autant, le Gouvernement est attaché à cette réforme dont les objectifs ne sont pas remis en cause par la crise : encourager les entreprises à proposer des emplois de meilleure qualité. Nous sommes les champions d’Europe des contrats courts alors qu’ils fragilisent grandement les salariés, en particulier dans la crise actuelle. L’objectif d’inciter les entreprises à améliorer la qualité de l’emploi reste valable. On doit toujours gagner à reprendre un emploi plutôt qu’à rester demandeur d’emploi. Pour autant, il faut prendre en compte le contexte. Les chiffres du troisième trimestre, qui viennent de nous être communiqués, montrent que la situation n’était pas si mauvaise. Si le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A avait fortement augmenté en raison de la crise, au deuxième trimestre, cette hausse s’est réduite de deux tiers par la suite et cette tendance s’est poursuivie en septembre.

Ces résultats ne nous empêchent pas de porter une attention particulière à certaines évolutions, notamment l’augmentation de 200 000 demandeurs d’emploi non indemnisés par rapport à février, ce qui est certainement lié à l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA. On constate également que certains salariés précaires, qui parvenaient à avoir un niveau de vie satisfaisant en combinant les revenus qu’ils tiraient de l’enchaînement de CDD courts et les allocations de demandeur d’emploi, n’y parviennent plus dans la période actuelle. Pour remédier à cette situation, nous proposons des mesures en direction des entreprises afin de soutenir l’activité, comme le dispositif de l’activité partielle. Nous avons pris des dispositions pour favoriser l’embauche – je vous renvoie à tout ce qui concerne l’insertion par l’activité économique.

Récemment, le Premier ministre a annoncé des mesures pour renforcer le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Je reste très vigilante à la situation des personnes qui avaient signé des contrats courts ou précaires. Nous en discuterons dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage. Je ne sais pas si les décisions que le Président de la République prendra pour faire face à la crise sanitaire nous amèneront à prévoir des mesures exceptionnelles pour indemniser le chômage de tous les demandeurs d’emploi mais nous devrons, quoi qu’il en soit, nous pencher sur le sort des travailleurs qui alternent périodes de chômage et périodes d’emploi. On insiste beaucoup pour que Pôle emploi identifie les personnes susceptibles d’être fragilisées par la crise mais, finalement, on se rend compte que tous les secteurs recourent au contrat court, pas seulement celui de l’événementiel ou du tourisme. Nous devons avoir une vision globale du problème des personnes fragilisées du fait de leur modèle de revenus qui, en enchaînant contrats courts et indemnisation chômage, ne fonctionne plus en période de crise. Plus structurellement, nous devrons également prévoir des mesures pour sécuriser ces personnes fragilisées et en grande précarité, qui parviennent encore à s’en sortir en temps normal, mais ne le peuvent plus en temps de crise. Le travail est engagé et nous l’évoquerons avec les partenaires sociaux dans le cadre des discussions que nous menons autour de la réforme de l’assurance chômage.

M. Bernard Perrut. Les jeunes sont notre priorité, dans cette période difficile, et je salue le travail des missions locales, en lien avec Pôle emploi. Comment expliquez-vous, madame la ministre, que les montants affectés aux moyens d’accompagnement et à la garantie jeunes diffèrent autant entre la mission Travail et emploi et la mission Plan de relance ? Les évaluations du dispositif ont apporté la preuve de son utilité et si les moyens investis par la nation restent insuffisants dans le cadre du plan de relance, les effets de la montée en charge du dispositif – 50 000 supplémentaires – seront annulés par une dégradation du dispositif et de ses résultats. Ne conviendrait-il pas de mettre en cohérence les moyens mis à disposition pour accompagner les jeunes en situation de précarité et augmenter l’enveloppe prévue dans le plan de relance, par jeune, pour la ramener au même niveau que dans le programme 103, ce qui correspondrait à une augmentation de 33 millions d’euros de l’enveloppe globale de 133 millions prévue par le plan de relance pour les missions locales. Vous avez indiqué, madame la ministre, que les missions locales ne vous avaient pas fait part de leurs réflexions. C’est, en tout cas, l’une de celles qu’elles ont adressées aux parlementaires.

M. Thierry Michels. Concernant l’action dédiée aux entreprises adaptées du programme 102 Accès et retour à l’emploi, une réforme importante du modèle des entreprises adaptées a été initiée en 2018, à travers l’expérimentation de nouveaux dispositifs que sont les CDD « tremplins », l’entreprise adaptée de travail temporaire et l’entreprise adaptée pro-inclusive. Compte tenu des difficultés liées à l’épidémie que connaît l’emploi dans notre pays, pourriez-vous nous détailler les mesures prises pour que le déploiement de ces dispositifs n’en supporte pas les conséquences ? Que pourriez-vous nous dire, en particulier, des premiers résultats du plan de soutien aux entreprises sociales inclusives, dont les entreprises adaptées, annoncé en août 2020 ?

Par ailleurs, les entreprises adaptées relèvent de la compétence du ministère du travail alors que le dispositif de l’emploi accompagné est supervisé par le ministère de la santé. Comme la coordination s’opère-t-elle pour un suivi effectif de l’avancement des différentes expérimentations en faveur d’une meilleure inclusion dans l’emploi des personnes handicapées ?

M. Thibault Bazin. Je souhaite vous transmettre deux sujets d’inquiétude, dans notre territoire frappé par les pertes d’emploi. Concernant le handicap, tout d’abord, beaucoup d’ESAT réalisent un travail remarquable pour insérer professionnellement les personnes en situation de handicap mais leurs acteurs sont inquiets pour l’avenir. Au regard du contexte économique, avez-vous compris que l’inclusion dans le milieu ordinaire s’avère bien difficile ? Êtes-vous prête à faire perdurer le modèle des ESAT, bien adapté pour répondre à la situation de nombreuses personnes en situation de handicap ?

S’agissant des territoires oubliés, par ailleurs, ma circonscription compte des milliers de demandeurs d’emplois mais elle reste exclue du dispositif des emplois francs en raison de l’absence de quartier prioritaire de la politique de la ville. Pourtant, les secteurs en renouvellement urbain où le nombre de demandeurs d’emploi est élevé, ne manquent pas. Madame la ministre, donnerez-vous les mêmes chances à tous les territoires en souffrance ? Êtes-vous prête à revoir les zonages pour qu’ils soient plus équitables et n’oublient personne au bord du chemin ?

M. Belkhir Belhaddad. Je crois en l’intérêt du dispositif des emplois francs, meilleur que celui des zones franches, précédemment mis en place et totalement dévoyé par les entreprises. Vous avez annoncé 33 000 nouvelles entrées en emplois francs et 93 millions supplémentaires en autorisations d’engagement pour 2021 à destination des QPV. Ce dispositif a cependant soulevé quelques critiques, notamment parce qu’il ne rencontrerait pas toujours son public. Vous l’avez d’ailleurs évoqué en soulignant la nécessité de prévoir des mesures d’accompagnement. Je suis d’accord avec vous. Toute la difficulté est de diriger ces jeunes vers ces dispositifs extrêmement intéressants. Quelles pistes nous proposez-vous ?

Mme Perrine Goulet. On ne peut que saluer l’ampleur du plan de soutien à la formation et l’emploi des jeunes. Les moyens d’action de nombreux dispositifs augmentent, mais les écoles de la deuxième chance ne bénéficient pas de cette dynamique. Le budget que consacre l’État à cette mission est identique qu’en 2020, et je n’ai pas trouvé de ligne sur ce dispositif dans le plan de relance.

Le projet annuel de performances prévoit d’ouvrir 2 000 parcours supplémentaires en 2022 : serait-il possible d’avancer cette échéance à 2021 ? Les jeunes sortants des écoles de la deuxième chance peuvent bénéficier d’emplois francs s’ils sont issus d’un quartier prioritaire de la politique de la ville ou, à La Réunion, dans le cadre du plan Pétrel. Serait-il possible d’étendre les emplois francs à tous les jeunes sortants des écoles de la deuxième chance en zone rurale ?

Mme Isabelle Valentin. Dès la première vague du covid-19, des mesures d’urgence ont été prises par le Gouvernement pour accompagner les entreprises et les salariés. Mais comment expliquer que nous manquions cruellement de personnel dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les hôpitaux ? Comment expliquer que l’intérim médical renchérisse les coûts : 606 euros par jour pour un médecin, 300 euros par jour pour un aide-soignant ? Comment expliquer que Pôle emploi ne travaille que depuis septembre sur les fichiers des personnes aptes à rejoindre les entreprises et les établissements de santé ?

Les 16 000 formations supplémentaires d’infirmiers, aides-soignants et auxiliaires de vie sont une bonne nouvelle, mais pourquoi avoir tant attendu ? Pourquoi ne pas avoir profité du répit de l’été pour les mettre en place ?

Pourquoi l’aide à l’embauche des jeunes, de 4 000 euros, est-elle aussi encadrée ? Les entreprises qui ont embauché des jeunes en CDD cet été et souhaitent leur offrir un CDI ne peuvent y prétendre, puisqu’ils faisaient partie des effectifs en août. Certaines entreprises renonceront aux CDI et embaucheront d’autres jeunes.

L’augmentation de 50 % du nombre de contrats garantie jeunes est notable. Dans ma circonscription, sur 700 garanties jeunes, seulement dix ont répondu favorablement pour travailler dans les métiers du sanitaire.

Les certificats de qualification professionnelle sont une solution rapide pour répondre aux besoins des entreprises et des territoires. Envisagez-vous de les développer ?

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, croyez-vous raisonnable de ne prolonger que de trois mois le report de la réforme de l’assurance chômage ? Nous allons subir de plein fouet le confinement qui arrive, offrir un peu plus de lisibilité, sans renoncer à la réforme, apporterait de la sérénité aux partenaires sociaux.

Le chômage des jeunes explose, et je m’inquiète de constater à quel point ils sont abandonnés à eux-mêmes. Vous dites être en relation étroite avec les missions locales. Pour y avoir participé dans ma circonscription, je ne suis pas persuadé que les moyens dévolus soient à la hauteur des enjeux. Cette génération sacrifiée a vécu le drame du confinement pendant deux mois et va de nouveau être confrontée à une période difficile, nous devons employer les grands moyens.

Le directeur général de Pôle emploi a déclaré que les 1 500 collaborateurs récemment recrutés seront formés en seulement six semaines. Ce n’est pas sérieux ! Je me suis fait passer pour un quidam au chômage, pour voir dans quelle mesure ils étaient capables de m’accompagner. J’ai été reconnu au bout de 2 heures, mais j’ai constaté qu’en dehors de liens internet, il n’y avait pas de prise en charge, pourtant indispensable.

Je sais que le contexte est difficile, mais il faut renforcer les rapports humains. Le plan de 2005 de MM. Borloo et Larcher prévoyait de rencontrer les gens très souvent, pour les sécuriser, les rassurer, et les accompagner sur une nouvelle voie.

Mme le ministre. Monsieur Perrut, la lecture du budget n’est pas simple, mais je vous assure que tous les moyens pour les missions locales sont prévus. Les crédits d’intervention prévoient 100 millions d’euros pour disposer d’effectifs, et si les missions locales ont des difficultés, qu’elles nous en informent.

Les crédits affectés à la garantie jeunes augmentent de 50 % en additionnant les crédits portés au budget du ministère et à la mission Plan de relance. C’est un excellent dispositif, et je regrette que l’objectif ne soit atteint qu’à 60 %. Par comparaison, l’accompagnement intensif des jeunes, dispositif comparable proposé par Pôle emploi, est à 70 % de ses objectifs. Nous mettrons le paquet sur les garanties jeunes et nous nous assurerons que les missions locales ont les ressources pour accueillir les jeunes, quelles que soient les restrictions dues aux mesures sanitaires. Si besoin, nous abonderons les crédits. Tous les jeunes doivent accéder à une qualification, un accompagnement, une formation ou un emploi.

S’agissant des dispositifs de soutien aux entreprises inclusives, nous avons décidé de travailler en deux temps avec l’enveloppe de 300 millions d’euros. Tout d’abord, 134 millions d’euros ont été engagés pour pallier les difficultés qu’elles ont connues lors du confinement. Ensuite, les projets de développement de ces entreprises inclusives se multiplient. Le calendrier étant un peu serré, nous verrons comment continuer à les accompagner au début de l’année 2021.

Nous coordonnons nos efforts avec le secrétariat d’État aux personnes handicapées au sujet des ESAT et des entreprises adaptées. Nos dispositifs sont complémentaires, notamment les emplois accompagnés, qui sont une très bonne mesure. Les mesures d’accompagnement des personnes handicapées peuvent nous inspirer pour trouver les réponses à d’autres difficultés. Nous disposons d’une palette de réponses que nous articulons au mieux entre ESAT, entreprises adaptées et emplois accompagnés.

Les emplois francs ne sont pas prévus pour les zones rurales, mais pour les QPV. Mais nombre de dispositifs s’appliquent sur tout le territoire, en particulier la prime exceptionnelle à l’embauche ou les PEC. Je n’ai pas identifié de difficultés propres aux jeunes en zone rurale.

M. Thibault Bazin. Je ne parlais pas des zones rurales, mais des zones de renouvellement urbain (ZRU).

Mme la ministre. Vous évoquez les ZRU qui ne sont pas des QPV. Je prends note de votre remarque, nous allons consulter la carte.

Nous devons articuler les aides au poste, l’accompagnement, et aller chercher les jeunes. Tous les acteurs dans les QPV doivent coopérer, et nous échangeons régulièrement avec Mme Nadia Hai. Le ministère du travail souhaite devenir partenaire des cités éducatives. Par ailleurs, les cités de l’emploi permettent de réunir tous les acteurs qui accompagnent les jeunes. Nous voulons aussi projeter Pôle emploi dans les quartiers prioritaires. Nous devons aller chercher tous les jeunes pour les amener dans nos dispositifs.

Il n’est pas prévu de moyens spécifiques pour les écoles de la deuxième chance en 2021. Si nous recevons des projets de développement, nous pourrons réallouer des financements. J’ai rencontré les responsables de ces écoles, ils n’ont pas formulé de demandes de renforts dès 2021, mais je suis ouverte à tout. Tous les dispositifs peuvent être mobilisés dans la période actuelle pour nous assurer de tenir l’engagement : un jeune, une solution.

S’agissant de la réforme de l’assurance chômage, nous travaillons sur les différents paramètres pour prendre en compte les objectifs initiaux de la réforme et les situations particulières créées par la crise.

Quant à l’emploi des jeunes, avec le plan que nous avons présenté dès le mois de juillet, notre objectif est bien de ne pas laisser une génération sacrifiée. Nous devons apporter une réponse à chaque jeune.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 25 avril 2023