Interview de M. Olivier Klein, ministre chargé de la ville et du logement, à BFM Business le 28 avril 2023, sur l'action du gouvernement en faveur du secteur immobilier et le logement social.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM Business

Texte intégral

PAULINE DUCAMP
BFM Business et RMC découverte, nous accueillons Olivier KLEIN. Bonjour monsieur le ministre.

OLIVIER KLEIN
Bonjour.

PAULINE DUCAMP
Ministre délégué à la Ville et du Logement.
Alors, Elisabeth BORNE a fait, cette semaine, des annonces, plusieurs mesures pour relancer un secteur qui est en crise. On en parle depuis le début de semaine ici-même sur BFM Business. Et parmi toutes ces annonces, alors on va les décrypter avec vous, il y en a une très importante : le PTZ qui est maintenu et qui a priori pourrait être élargi. Alors, à quoi va ressembler ce nouveau PTZ ?

OLIVIER KLEIN
Oui, vous avez raison, il y a une crise, on ne la découvre pas depuis cette semaine. Depuis le mois de novembre, je parle de cette crise du logement, je parle de bombe sociale. Et parmi les mesures qui permettront de rassurer et de permettre aux Français de devenir propriété, il y a le PTZ.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le Prêt à taux zéro.

OLIVIER KLEIN
Oui, le Prêt à taux zéro, pardon. C’est une bonne mesure parce que ça permet à nos concitoyens d’avoir une forme d’apport quand on n’a pas d’apport, le Prêt à taux zéro. Et donc, le fait qu’il est maintenu, puisqu’il aurait dû s’arrêter à la fin de cette année, est une bonne nouvelle. Ensuite, on est en train de travailler pour voir la manière dont il sera maintenu en zone tendue bien sûr parce qu’on a besoin de produire du logement là où il y en a le plus besoin. Et puis aussi, il faut le verdir je crois, parce qu’aujourd’hui, on a besoin d’un Prêt à taux zéro qui permette d’être plus vertueux, accompagner peut-être la rénovation thermique. Il y a déjà un prêt à taux zéro pour la rénovation énergétique qui accompagne MaPrimeRénov’. Mais je crois que pour l'acquisition, le Prêt à taux zéro est vraiment un outil extrêmement utile qui vient compléter d'autres mesures, bien évidemment, dont on va encore parler.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il faut quand même dire que ce prêt à taux zéro, il était important dans les périodes de crise, notamment à la fin des années 90, pour sortir de l'ornière le marché immobilier parce qu'il permet de solvabiliser des ménages qui ne pourraient pas emprunter. L'Etat ou une collectivité leur prête ce taux à taux zéro avec un différé d'amortissement de plusieurs années et qui est souvent considéré par de l'apport personnel par les banques.

OLIVIER KLEIN
Exactement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc c’est très important. Or, aujourd'hui, on sait, monsieur le ministre que c'est ça le problème ; c'est que les foyers, les ménages, notamment les primo-accédants, arrivent devant leur banquier, on trouve un appartement, sont en train de monter le montage financier ; on leur dit « non, vous n’êtes pas solvable parce que les taux d'intérêts ont augmenté et que votre capacité d’endettement est moindre ». Donc ça c'est le PTZ. L'autre annonce de la Première ministre… en tout cas, ce n'est pas une annonce, c’est une pression sur les banques pour qu'elles soient un peu plus souples. Qu'est-ce que vous pouvez faire concrètement pour qu'effectivement les banques utilisent notamment cette enveloppe de 20% qu'elles ont pour dépasser un peu les critères de strict taux d'endettement ?

OLIVIER KLEIN
D'abord, vous avez raison. Je reviens sur le PTZ, une minute ; le PTZ, il est encore plus important en période où les taux d'intérêt sont hauts, bien évidemment. Et c'est aussi un effort financier de l'Etat, du Gouvernement, parce que plus les taux d'intérêt sont hauts, plus l'écart entre le prêt à taux zéro et les taux d'intérêts sont importants et donc il va falloir compléter auprès des banques. Et puis, oui, les banques aujourd'hui sont prudentes, trop prudentes. Alors ce n’est pas moi qui vais dire qu'il faut renvoyer les Français vers le surendettement, il faut être attentif. On ne peut pas prêter à n'importe quelles conditions. Et le parcours résidentiel n'est pas fait que par l'acquisition, il y a aussi le logement social, c'est très important, l'allocation. Mais, nous, notre travail, ce que l'on mène avec Bruno LE MAIRE, avec Christophe BECHU, quand on réunit les banquiers, quand je vois le gouverneur de la Banque de France, c'est de dire aux banquiers « vous avez aujourd'hui une possibilité d'être moins prudentes, d'offrir des prêts un peu plus longs à des gens qui ont un taux d'effort qui est limite mais qui est acceptable compte tenu du reste à vivre. Eh bien, utilisez aujourd'hui les possibilités qui vous sont offertes ; vous avez 20% de marge de manoeuvre. Aujourd'hui, on est à peine à 13-14% d'utilisation de ces marges de manoeuvre. Donc oui, il faut convaincre les banques. Et c'est ce que fait Bruno LE MAIRE et ce que je fais à ses côtés en parlant aux banquiers, en leur disant « on a besoin de vous". Vous savez, les banquiers, ils sont souvent aussi dans le monde de la promotion donc c'est aussi du gagnant-gagnant pour eux.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais, il y a six mois, on leur a dit le contraire. Le gouverneur leur disait " attention, ne surendettez pas les ménages, respectez bien les critères, il y a trop de ménages qui sont trop endettés ". On leur dit le contraire six mois après ; c’est difficile à suivre.

OLIVIER KLEIN
Moi, je ne crois pas qu'on leur dise le contraire. La HCSF, vous le savez, elle donne cette capacité de regarder les dossiers avec prudence mais aussi avec intelligence. Et nous, on leur demande de conserver l'intelligence, la prudence parce qu’on ne peut pas… Aujourd'hui, il y a un climat qui est difficile, il y a la guerre en Ukraine, il y a l'inflation donc les gens ont parfois des réticences à se lancer dans l'acte d'achat, mais ceux qui se lancent dans l'acte d'achat et qui en ont les besoins, eh bien, accompagnons-les si c'est possible sans les mettre en danger financièrement.

PAULINE DUCAMP
Il y a une critique des courtiers qui revient régulièrement, c'est de dire qu'en fait, les banques se servent du crédit immobilier comme un produit d'appel et puis finalement pour vendre autre chose et, que du coup, elle n'en propose pas assez. Est-ce que ça, vous allez justement discuter avec les banques pour qu’elles débloquent des crédits, pour que ce ne soit pas simplement un moyen d'attirer des Français puis finalement on ne leur prête pas d'argent ?

OLIVIER KLEIN
Oui, mais bien sûr, vous avez raison, souvent l'acte d'entrer dans une banque, il est lié à l'acquisition et au crédit immobilier parce qu’on nous y oblige même si ce n'est pas tout à fait obligé. Et c'est vrai que c'est un produit d'appel. Donc, oui, il faut que les banques jouent le jeu ; toutes les banques. On est en train de regarder, j'en parlais l'autre jour avec le gouverneur de la Banque de France. On sent qu'il y a des banques qui sont encore plus prudentes que d'autres et celles-là, avec le gouverneur, on va leur rappeler à leurs responsabilités. Leur responsabilité, c'est d'accompagner l'économie de ce pays. Accompagner l'économie de ce pays, c'est accompagner la construction de logements. Parce que moi, je suis ministre du Logement, je suis ministre du parcours résidentiel ; mon objectif, ce n’est pas de faire vivre les banques, les promoteurs ; c’est de permettre aux Français de se loger.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, autre mesure annoncée justement hier par la Banque de France, c’est le relèvement du taux d'usure. Ça permet justement, là encore, de débloquer un peu les situations où les banques ne te prêtent pas parce que le plafond qu’on leur impose, selon elles, est insuffisant pour les rémunérer ; donc là, on augmente. Alors, c'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Une bonne nouvelle parce que ça va libérer des dossiers ; une mauvaise puisque ça va renchérir le coût du crédit immobilier.

OLIVIER KLEIN
Alors, vous le savez, ça a été une demande des promoteurs, une demande des courtiers d'avoir un taux d'usure réévalué mensuellement. Ce qui est le cas jusqu'au mois de juillet et puis, on va évaluer si c'est une mesure qui vaut le coup de durer. Donc là, il y a la possibilité. Evidemment, il y a aussi un marché concurrentiel, celui des banques donc il y a une possibilité d'aller à un plafond. Aujourd'hui, je ne crois pas que les banquiers iront jusqu'au plafond ; on est autour de 3,3% de taux d'intérêt. Ce n'est pas l'intérêt des banquiers d'aller au taux maximum. Mais en tout cas, ils connaissent et ils connaissent chaque mois ce taux est donc ça leur permet de travailler et de voir les liquidités présentes sur les marchés et de répondre aux sollicitations des Français qui souhaitent acquérir.

PAULINE DUCAMP
Vous parliez à l'instant de la construction du neuf. On sait que voilà la Caisse des dépôts va jouer un rôle important que ce soit… alors pour bien comprendre, en rachetant des logements et puis aussi en faisant sortir 20 000 logements neufs de terre dans les prochaines années, c'est ça ?

OLIVIER KLEIN
Alors, aujourd'hui, on le sait, il y a des projets qui sont bloqués parce qu’il n’y a pas assez d'acquéreurs potentiels et donc vous savez comment marche…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On remarque que ça coûte trop cher. Les promoteurs nous disent " mais nous, on en construit plus parce que d'abord, on n'est pas sûr de remplir et créer les commandes, mais en plus, c'est trop cher ; les matériaux sont trop chers. "

OLIVIER KLEIN
Les matériaux et puis, souvent ils ont acheté le foncier il y a quelques mois ou années et ils l'ont acheté très cher. Donc il faut débloquer ces projets. Et je le redis, débloquer ces projets parce qu'on a besoin de construire du logement pour nos concitoyens. Et quand la Caisse des dépôts ou d'autres partenaires pourront accompagner pour sortir ces projets, eh bien, on aura la capacité de construire du logement : du logement intermédiaire, du logement social. Et donc la Caisse va regarder partout sur le territoire national, plutôt en zones tendues bien évidemment, avec différents acteurs de la promotion immobilière, si un projet est complètement bloqué mais qu'il a intérêt à sortir de terre, eh bien, on va travailler avec la Caisse. Et j'espère - et on y travaille avec d'autres partenaires institutionnels - pour qu’on relance cette activité de construire, il faut construire du logement. Il y a plusieurs millions de Français qui ont besoin d'un logement, tous types de logement. Moi, je suis là pour construire le parcours résidentiel et donc aider aussi l'économie et produire du logement. Et la Caisse va jouer un rôle très important et j'espère que d'autres partenaires institutionnels viendront avec à ses côtés.

PAULINE DUCAMP
Et les 20 000 logements, du coup, vous avez déjà identifié des zones particulières où vont aller… ?

OLIVIER KLEIN
Non, c’est un travail qui va être mené avec la Caisse des dépôts, la Caisse des Dépôts habitat, avec les projets qui sont coincés mais pas très loin de démarrer. C'est un travail qui va démarrer très vite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Olivier KLEIN, l'autre sujet ; à votre place, il y avait Emmanuelle COSSE qui est présidente de logement social sur ce plateau.

OLIVIER KLEIN
L'USH.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Elle nous a alertés aussi sur les difficultés du logement social. Alors les difficultés évidemment de rénovation et de construire. Elle nous a surtout dit, c'est très intéressant pour ceux qui nous écoutent et qui nous regardent, que c'était un problème pour le plein emploi. C'est-à-dire qu'en fait, les entreprises lui disaient que faute de logement social, elles ne pouvaient pas attirer des talents et des salariés près des lieux de vie économique.

OLIVIER KLEIN
Oui, bien sûr. D'abord, je le redis, il n’y a pas de séparation entre la promotion immobilière et le logement social. La moitié du logement social est faite par la promotion immobilière parce qu’il y a des ventes en bloc, on rachète du logement dans des opérations de promotion immobilière. Donc oui, il faut construire du logement, il faut en construire partout, là où on en a le plus besoin. Et oui, la relation emploi-logement, elle est certaine, elle est historique. On habite le moins loin possible de là où on travaille. Donc il faut produire du logement, il faut rénover le logement, c'est l'objectif qui est le mien, c'est le travail que l'on mène avec l'Union sociale de l'habitat en travaillant sur ce pacte de confiance et il est inscrit dans la feuille de route de la Première ministre, ce pacte de confiance. Donc on y travaille, on continue. L'objectif c'est de le signer avant le prochain congrès HLM. Donc on y travaille d'arrache-pied, comme on travaille avec Action logement pour la convention quinquennale. Et il faut produire du logement vite maintenant parce que les Français en ont besoin.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ça, c'est beaucoup de mots. Votre travail, vous, dans les prochaines semaines, c'est de vous battre avec Bercy pour obtenir de l'argent pour financer le PTZ, pour obtenir de l'argent pour le logement social. Est-ce que c'est un combat perdu d’avance ?

OLIVIER KLEIN
Non, il n’y a aucun combat perdu d'avance sinon je ne serais pas là. De l'argent pour le logement social, il y en a.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n’est pas ce que nous a dit Emmanuelle COSSE. Elle nous a dit que le renchérissement des taux d'intérêt, du Livret A…

OLIVIER KLEIN
Vous savez aussi qu’un autre combat qui a été le mien, avec Bruno LE MAIRE, c'est de limiter la hausse du taux du Livret A parce que chaque hausse du taux du Livret A a des effets extrêmement négatifs sur le monde du logement social. On a déjà maintenu ce taux à 3%, il va y avoir peut-être une autre augmentation du taux au mois d'août. Et moi, je souhaite qu'il reste à son niveau actuel, mais ça fait partie des discussions qui sont en cours. En tout cas, le logement social sait que je suis à leurs côtés et qu'on travaille ensemble à trouver du foncier, à rénover. J'étais encore hier à Garges-lès-Gonesse où j'ai vu de très belles opérations de rénovation urbaine, de constructions neuves et je peux vous assurer qu'on y travaille.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais les professionnels du BTP, eux, nous disent « attention, il y a 100 000 emplois qui vont peut-être être détruits dans le BTP.

OLIVIER KLEIN
Oui, c'est pour ça qu’il faut accompagner cette crise, l'éviter parce que le vieil adage « quand le bâtiment va, tout va » est un adage qui a du sens. Et oui, il faut sortir de cette crise. En tout cas, essayer de la plafonner pour que le monde du bâtiment aussi puisse continuer à construire et avoir des carnets de commandes pleins, à la fois sur la rénovation et à la fois sur la construction neuve.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bon combat contre Bercy. On verra le résultat dans le budget, le produit de loi de finances pour 2024. Olivier KLEIN, on tiendra les comptes.

OLIVIER KLEIN
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 3 mai 2023