Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Bonjour Olivier VÉRAN.
OLIVIER VÉRAN
Bonjour Laurence FERRARI.
LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la matinale de CNEWS. On va parler des soignants dans un instant évidemment parce que c'est un sujet qui vous tient à cœur. Mais d'abord, le président de la République était en déplacement hier à Saintes, en Charente-Maritime, pour présenter la réforme du lycée professionnel. Il y avait des opposants à la réforme des retraites qui ont été tenus très très loin du Président. On ne peut pas dialoguer aujourd'hui avec les opposants à la réforme ?
OLIVIER VÉRAN
Le Président n'a eu de cesse que de dialoguer avec les opposants à la réforme, y compris lors de certains déplacements ; qu'il y ait une sécurisation d'un périmètre autour du déplacement du président de la République, c'est tout le temps en fait, pendant une crise sociale ou en dehors de la crise sociale.
LAURENCE FERRARI
Le bruit, ce n'est pas la démocratie ?
OLIVIER VÉRAN
Mais en tout cas, quand le Président n'est pas accueilli par une dizaine ou une vingtaine de militants ou de permanents syndicaux, un peu radicaux ou d'extrémistes politiques de gauche, ça se passe très bien et les images que vous avez vues, c'est le président de la République qui parle avec des jeunes, des moins jeunes et surtout qui porte une réforme fondamentale pour la jeunesse de notre pays.
LAURENCE FERRARI
Avec un milliard d'euros par an pour cette réforme des lycées professionnels, une grande cause nationale. Certains professeurs se sont révoltés disant que cela reviendrait au fond à fournir une main-d'œuvre pas chère aux entreprises. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
OLIVIER VÉRAN
Moi ce qui me choque, si vous voulez, c'est que le lycée professionnel, c'est un grand nombre de lycéens en réalité et il y en a sur deux qui, bien que disposant d'un bac pro, ne trouve pas de boulot dans l'année. Or il se trouve que beaucoup d'entreprises et de François d'ailleurs cherchent des salariés qualifiés pour pouvoir faire de la rénovation thermique des maisons par exemple ou travailler dans le domaine du numérique et donc le Président, il dit juste – et il a parfaitement raison – on va mettre en relation les filières qui ont besoin de main-d'œuvre qualifiée pour demain avec la formation des jeunes et avec les jeunes qui cherchent cette formation professionnelle. On va la faire découvrir plus tôt, au moment du collège parce que ça va permettre aussi de réhabiliter l'image sociale de ce travail, à l'instar de ce qui se passe chez nos voisins où ça se passe très bien et où les filières professionnelles sont très valorisées. Il dit en plus : on va arrêter de faire faire des stages à des jeunes lycéens non rémunérés, donc on va pour la première fois les indemniser et il dit en plus : comme on va faire cette rénovation pour pouvoir adapter le lycée professionnel aux enjeux actuels, on va mieux payer les profs, comme on l'a fait dans le lycée général – entre 100 et 230 euros pour tout le monde, jusqu'à 500 euros de plus par mois s'ils remplacent des collègues ou s'ils ont des missions supplémentaires – et donc en fait on fait de cette filière professionnelle, une filière d'excellence – ce qui ce qui se passe en Suisse, en Belgique, en Allemagne où les jeunes sont très contents quand ils y vont parce qu'ils savent qu'ils auront des débouchés. Le jour où on aura suffisamment de personnes pour faire la rénovation thermique des bâtiments par exemple, on pourra se dire que le travail aura été bien fait.
LAURENCE FERRARI
Mais il ne s'agit pas de fournir de la main-d'œuvre pas chère aux chefs d'entreprise comme le disent certains enseignants et certains syndicats ?
OLIVIER VÉRAN
Mais tout est caricaturé en permanence et vous le savez, Laurence FERRARI, dès que vous voulez réformer ou transformer quelque chose. Moi je préférerais que tout le monde, à l'instar du président de la République, soit surpris et veuille changer les choses quand on sait qu'un un diplômé sur deux aujourd'hui ne trouve pas de boulot dans l'année alors qu'on a énormément besoin de ces jeunes bien formés. Donc c'est ce qu'on va faire et encore une fois, avec un abord social de la question que personne n'a eu avant nous : on va indemniser les jeunes et on va mieux payer les profs.
LAURENCE FERRARI
On voit que le Président maintient ses déplacements sur le terrain, montre que le gouvernement continue de réformer ; pourtant les oppositions ne détellent pas, si je peux me permettre, après le rejet de référendum d'initiative partagée par le Conseil constitutionnel, la prochaine échéance, c'est le 8 juin, le moment où l'Assemblée se verra proposer une proposition de loi par le groupe LIOT pour abroger la réforme des retraites. La Première ministre avait pourtant dit : le parcours démocratique de la réforme est terminé. Ce n'est pas vrai en fait !?
OLIVIER VÉRAN
Le parcours démocratique des réformes en général, je peux vous dire que non seulement il continue mais il accélère ; vous l'aurez remarqué, cette semaine, Éric DUPOND-MORETTI a présenté un projet de loi qui fera augmenter très fortement les moyens de la justice pour que ça aille plus vite, pour qu'on puisse suivre ses affaires sur son Smartphone, pour qu'on puisse mieux tenir compte du statut des victimes ; on va ensuite avoir un projet de loi présenté sur l'industrie verte, un sur le numérique etc. Donc chaque semaine, des projets de loi, ce qui montre que nous, on est en ordre de marche pour apporter des réponses aux problèmes des Français. Qu'il y ait des oppositions politiques qui veuillent maintenir tout le monde dans cette espèce de marasme et rejouer en permanence le match, c'est leur droit de le faire mais ça ne nous empêche pas d'avancer parce que ce qu'attendent de nous les Français, honnêtement, j'en suis convaincu, c'est plus d'école, plus de santé, plus de sécurité et un meilleur emploi.
LAURENCE FERRARI
Quand vous dites "marasme", c'est quoi ? C'est la contestation démocratique dans la rue ?
OLIVIER VÉRAN
Non non, je parle de cet état d'esprit des oppositions parlementaires radicales de gauche et de droite, qui ne veulent pas au fond qu'on puisse parler d'autre chose, qui ne veulent pas qu'on puisse parler de ce qui intéresse aujourd'hui les Français.
LAURENCE FERRARI
Mais la réforme des retraites, ça intéresse les Français, c'est indéniable !
OLIVIER VÉRAN
Ça intéresse les Français mais on en a parlé Laurence FERRARI, ce qui est indéniable aussi, pendant des mois. Cette réforme a été adoptée, elle a été validée par le Conseil constitutionnel ; elle a été à nouveau en quelque sorte revalidée en l'état par le Conseil constitutionnel et donc il y a une proposition de loi pour l'abroger, et puis après ils trouveront d'autres choses pour faire en sorte qu'on ne parle que de ça. C'est politique. C'est vraiment de la politique, d'accord, ils le savent très bien mais ils le font dans cet état d'esprit-là. Nous, la politique, on la fait vraiment pour le coup au service des Français en apportant des solutions concrètes.
LAURENCE FERRARI
La prochaine manifestation, c'est le 6 juin, à l'appel de l'intersyndicale ; celle du 1er mai a connu de nombreuses violences – 406 policiers et gendarmes blessés – vous redoutez un tel scénario pour le 6 juin prochain ?
OLIVIER VÉRAN
Ce n'est pas que je le redoute, c'est que je condamne par avance toute velléité de violence au sein de manifestations, qui sont, encore une fois, commises par des gens qui n'en ont rien à faire de la réforme des retraites, qui sont des gens qui sont des excités qu'on retrouve à chaque manifestation depuis des années dans notre pays ; certains viennent même d'ailleurs de l'étranger comme on l'avait vu à Sainte-Soline. Ils viennent, ils se disent : on va venir en France et on va profiter des cortèges syndicaux pour aller s'infiltrer et aller tenter de tuer tout simplement des policiers… Jeter des cocktails Molotov sur des policiers…
LAURENCE FERRARI
Vous le maintenez : ils viennent tuer des policiers.
OLIVIER VÉRAN
Je ne parle pas des manifestants, encore une fois, on est bien d'accord, la famille qui vient manifester, le délégué syndical qui vient manifester et il vient parce qu'il conteste la réforme mais vous avez des centaines des milliers de personnes qui viennent des quatre coins du pays et des quatre coins de l'Europe, avec la volonté de saper les institutions… Parfois, vous avez à la fois des drapeaux anarchistes à côté des drapeaux royalistes, c'est quand même un moment où ils arrivent à s'entendre, pour taper sur des policiers, voire tenter de tuer des policiers ; quand vous jetez un cocktail Molotov enflammé sur un policier, ce n'est pas pour passer un message en fait.
LAURENCE FERRARI
C'est pour le tuer…
OLIVIER VÉRAN
Eh bien oui.
LAURENCE FERRARI
Il faut renforcer la loi contre les agissements de ces individus. Est-ce qu'il faut une nouvelle loi anticasseurs ? Est-ce que vous travaillez dessus ? Quand est-ce qu'elle verra le jour ?
OLIVIER VÉRAN
Alors le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice se voient aujourd'hui même pour travailler sur cette question ; est-ce qu'il faut renforcer notre arsenal législatif ou est-ce qu'on a déjà suffisamment de choses et qu'il faut peut-être mieux appliquer certaines mesures ? Je n'ai pas la compétence pour vous répondre. Ce qui est sûr, c'est qu'on est déterminé à faire en sorte, un, de protéger les manifestants, deux, d'assurer la sécurité de ceux qui assurent la nôtre, c'est-à-dire des policiers et trois, nous donner les moyens d'éviter, d'empêcher que des individus infiltrent chaque manifestation, quelle qu'en soit la période, quelle qu'en soit la cause avec pour objectif de semer la violence.
LAURENCE FERRARI
Donc il faut agir en préventif, c'est-à-dire avant les manifestations, on est bien d'accord ? Les empêcher d'accéder aux manifestations.
OLIVIER VÉRAN
Sachant que les méthodes de ces personnes évoluent aussi ; on l'avait vu à Sainte-Soline ; ils sont venus trois ou quatre jours avant, planquer les boules de pétanque et les bidons d'essence, comme ça quand ils sont arrivés le jour J, ils ont passé la fouille sans problème. Donc ils s'adaptent, il faut qu'on s'adapte.
LAURENCE FERRARI
Vous avez aussi parlé du garde des Sceaux, la réponse pénale : après ces manifestations à Paris, 305 interpellations, 129 classements sans suite et seulement 25 déferrements. Est-ce que là, on est face à une justice qui est efficace ou est-ce qu'il y a une difficulté à prouver les agissements de ces gens-là ?
OLIVIER VÉRAN
Ce sont des décisions de justice, donc il y a une séparation des pouvoirs de l'État, donc je ne peux pas la commenter.
LAURENCE FERRARI
Non mais le résultat, les Français le voient…
OLIVIER VÉRAN
Ce qui est certain, c'est qu'il y a des interpellations qui sont faites dans des mouvements de cohue, des mouvements de foule avec des fumigènes, avec de la violence ; des personnes sont extraites parfois pour les protéger elles-mêmes, parfois parce qu'elles sont soupçonnées d'être en train ou d'avoir commis des méfaits, reste ensuite à le prouver, ça peut être difficile. Pour la première fois, on a pu utiliser des drones ; enfin c'est quand même un comble que dans notre pays, des manifestants violents puissent utiliser des drones et pas les forces de sécurité intérieures. Donc le ministre de l'Intérieur a proposé qu'on le fasse quasiment partout où ça été possible. On a évité sans doute des drames – c'était le cas, je crois, à Lyon où l'incendie d'une mairie a pu être évité grâce à l'usage des drones – je l'ai dit, ils s'adaptent, nous nous adaptons.
LAURENCE FERRARI
Gérald DARMANIN a aussi évoqué Jean-Luc MÉLENCHON qui lui-même estime que Monsieur DARMANIN est responsable à 100 % des violences. Est-ce que le leader de la France insoumise a une responsabilité dans la violence qui se déchaîne ?
OLIVIER VÉRAN
Il y a une continuité, une porosité, un continuum entre la violence politique dans le discours politique à l'Assemblée nationale et la violence exprimée dans la rue. Quand vous légitimez le recours à la violence sociale, vous avez une part de responsabilité ; je ne dirai pas qu'il est à 100 % évidemment responsable, mais il a une responsabilité, il le sait qu'il y a ces violences et finalement, il considère que c'est un mal pour un bien puisque la cause qu'il sert, c'est une cause révolutionnaire – et d'ailleurs vous voyez que tous ses amis sont sans arrêt en train… qui de se reconnaître de Robespierre, qui de parler de la prise de la Bastille qui n'ont pas été des moments d'une grande douceur dans l'histoire de notre pays. Donc cette légitimation de la violence qui est l'apanage d'une extrême gauche qui a opéré aussi une mutation idéologique, il faut la condamner bien sûr parce que quand les Français voient que leurs élus, une partie de la classe politique est violente verbalement, voire physiquement, elle se dit que finalement, tout est permis. Eh bien non, on est en République ; on peut manifester librement, on peut avoir la liberté d'expression et d'opinion mais la violence ne fait pas partie des libertés publiques.
OLIVIER VÉRAN
Gérald DARMANIN a provoqué une crise diplomatique avec l'Italie hier en fustigeant la Première ministre Georgia MELLONI donc il estime qu'elle est incapable de gérer et régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue dans la péninsule italienne. Est-ce que c'était le moment de faire cette déclaration alors que l'Europe doit rester unie face à l'enjeu de l'afflux migratoire ?
OLIVIER VÉRAN
Je préfère cette image d'unité européenne…
GERALD DARMANIN
Que les déclarations de votre collègue ?!
OLIVIER VÉRAN
Non, non je préfère parler de l'unité européenne et de l'Italie qui est notre deuxième partenaire économique, avec qui on a une relation de fraternité…
LAURENCE FERRARI
Mais vous auriez prononcé ces mots-là ? Vous auriez dit : "Madame MELLONI est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue" ?…
OLIVIER VÉRAN
Je ne les ai pas prononcés, je ne les prononce pas davantage…
LAURENCE FERRARI
Et vous ne les soutenez pas…
OLIVIER VÉRAN
Je ne veux pas en faire, pardonnez-moi, une histoire politique ; il y a eu des mots qui ont été prononcés, le Quai d'Orsay a rappelé l'amitié entre l'Italie et la France, voilà et on continue de travailler avec les Italiens…
LAURENCE FERRARI
On aurait pu éviter ce genre de phrase, Monsieur le Ministre ?
OLIVIER VÉRAN
Écoutez…
LAURENCE FERRARI
On aurait pu éviter, oui ou non ?
OLIVIER VÉRAN
Écoutez… moi-même il m'arrive plus qu'à mon tour de pouvoir dire les choses ; encore une fois, il n'y a eu aucune volonté du ministre de l'Intérieur d'ostraciser l'Italie d'aucune manière que ce soit, je rassure les Italiens qui nous regardent et c'est le député d'une ville très "Italie friendly", Grenoble, où il y a une forte communauté italienne qui vous le dis : les Italiens, on discute, ils adorent la politique mais ils assument les choix qu'ils ont fait et ils veulent qu'on les laisse assumer leurs choix et ça tombe bien parce qu'on n'a pas l'intention de faire autrement.
LAURENCE FERRARI
Donc ça ne tombe pas au bon moment effectivement, la France connaît elle aussi un afflux de migrants qui viennent en grande partie l'Italie ; il y avait déjà eu une brouille diplomatique avec l'Italie au moment de l'Ocean Viking. Encore une fois, est-ce qu'il n'est pas temps d'unir nos forces ?
OLIVIER VÉRAN
On travaille avec l'Italie et de manière très concrète ; l'Italie admet beaucoup de la plupart des bateaux, en respect des accords internationaux que nous avons passés. Et ensuite, nous travaillons systématiquement avec les Italiens pour des règles de répartition. Donc on est intimement lié par notre histoire, par les enjeux économiques, sociaux, culturels mais aussi par les enjeux migratoires.
LAURENCE FERRARI
Faut-il être plus ferme face à l'immigration clandestine ? Vous étiez hier au Danemark, l'un des pays européens où la politique d'immigration est la plus dure et où cela fait consensus dans une société qui est plutôt sociale-libérale. Est-ce qu'on doit prendre l'exemple du Danemark qui a réduit drastiquement ses flux migratoires, qui a un programme d'intégration exigeant, qui a rendu un accès à la nationalité plus difficile ? Est-ce qu'on doit suivre cet exemple ?
OLIVIER VÉRAN
Je ne suis pas pour le grand remplacement de l'extrême droite ni pour le grand renoncement de l'extrême gauche, voire de la gauche… du PS en général parce que maintenant, elles sont tellement intimement liées. Le Danemark a une histoire et une situation géographique qui sont totalement différentes de la nôtre et il n'est pas lieu évidemment d'envisager d'appliquer en France les mesures qu'ils ont appliquées. Mais ce que je constate, c'est que la social-démocratie danoise, c'est-à-dire le centre-gauche danois, a opéré une mutation politique il y a de cela que 7 ans, lorsqu'ils ont constaté que l'extrême droite était montée à 22 % et que l'immigration et l'intégration étaient des sujets de préoccupation pour les Danois. Ils ont décidé de répondre à ces préoccupations par des mesures concrètes. Encore une fois, je ne les commente pas et je ne les fais pas miennes mais le fait est que 7 ans plus tard, l'extrême-droite est passée de 22 à 2 %. Donc je combats l'extrême droite politiquement, je suis un grand démocrate ; mon engagement en politique s'est créé contre l'idée de l'extrême-droite. Et donc parfois, pour combattre l'extrême droite, il faut aussi être capable de parler à ceux qui ont peur et à qui l'extrême-droite ne vend que de la peur et jamais de solutions. Donc c'est ça que je suis allé voir et encore une fois, ce qui est intéressant, c'est que c'est la gauche danoise qui l'a fait, cette gauche qui siège d'ailleurs avec les socialistes au Parlement européen. J'ai dit à mes collègues danois : vous avez parlé de ce que vous mettez en place avec les gens avec qui vous siégez au Parlement européen ? Ils m'ont dit : non, ce n'est pas le sujet… Encore une fois, on doit prendre à bras à bras le corps tous les problèmes qui préoccupent les Français et donc il y a les inégalités sociales qui est un sujet de préoccupation, il y a la question de la transition écologique qui est une vraie préoccupation, le pouvoir d'achat et il y a la question de l'immigration et de l'intégration. Je rappelle qu'il y a un projet de loi qui doit être présenté à l'automne. Au-delà même de la question de ce projet de loi qui est bien nécessaire et utile et efficace, on ne doit pas hésiter à parler avec les Français de ce qui aujourd'hui les perturbe, parfois leur fait peur ; il faut pouvoir avoir cet espace de débat.
LAURENCE FERRARI
Mais une mesure par exemple que vous gardez de ce que vous avez vue au Danemark : toute peine de prison, même avec sursis, empêche définitivement l'accès à la nationalité danoise. On prend ?
OLIVIER VÉRAN
L'accès à la nationalité danoise, j'ai vu la communauté française hier avec des gens qui ont un doctorat, qui sont sur place depuis 8 ans, qui ont des gros revenus et qui se voient refouler…
LAURENCE FERRARI
Donc chez nous, il y a un problème…
OLIVIER VÉRAN
Je ne sais pas… les Français qui étaient là-bas, ils parlent danois ; enfin je ne voyais pas pourquoi, honnêtement, on ne leur donnait pas la nationalité… Figurez-vous que pour avoir la nationalité danoise, il faut passer un test et pour la petite histoire, un tiers des députés ont réussi ce test au Danemark. Donc ils mettent la barre sans doute trop haute. Non, ce qui est intéressant, c'est qu'ils ont dit à la population : vous estimez que c'est un problème, on l'entend. Voilà. Nous, on ne considérait pas que c'était un problème mais vous dites que ç'en est un, donc on va en discuter entre nous, on va en débattre et on va faire en sorte qu'on comprenne pourquoi c'est un problème. Et les Danois leur ont dit : l'immigration pour nous, ce n'est pas un problème de racisme, de xénophobie, c'est un problème de pérennité de notre modèle social.
LAURENCE FERRARI
Préserver l'État providence.
OLIVIER VÉRAN
Voilà, parce qu'on a des dépenses publiques, parce qu'on a accès à la santé etc. et on veut pouvoir continuer. On paye des impôts, on est d'accord pour payer des impôts mais à côté de ça, on veut certaines règles de base. Quand on vient d'un pays en guerre, on ne discute pas, on est accueilli ; quand on arrive et qu'on est capable de travailler, on ne discute pas, on peut travailler ; par contre on veut une maîtrise. Et ils avaient ce sentiment, cette crainte que l'immigration pourrait à un moment donné déstabiliser leur modèle social. Et donc ils ont mis tout un tas de règles – encore une fois je ne reviens pas sur ces règles, je ne les fais pas mienne – mais qui ont eu entre guillemets comme impact de faire reculer cette idée que l'extrême droite… le nationalisme étaient la solution à tous les maux. L'extrême droite et le nationalisme ne sont jamais la solution à aucun mal.
LAURENCE FERRARI
… Présentation de ce projet de loi à l'automne prochain. Un mot sur la vaccination des soignants ; on a vu que certains soignants sont très choqués qu'hier à l'Assemblée, il y eu l'abrogation de l'obligation vaccinale pour les soignants contre le Covid. Vous y étiez favorable ? Vous préfériez la suspension ou l'abrogation ?
OLIVIER VÉRAN
Le gouvernement avait décidé la suspension sur avis de la Haute autorité de santé ; l'union de la NUPES et du RN… d'ailleurs c'est la première victoire qu'ils remportent depuis 3 ans de Covid quand même, leur seule victoire… La seule victoire à mettre à leur crédit, historiquement, aura été de permettre à des gens qui doutent de la science, de remettre la blouse blanche pour peut-être soigner nos parents demain dans les hôpitaux. Bon. Vous savez ce que je pense de cette question de la vaccination Covid et de la nécessité quand on est soignant de protéger les autres en se protégeant soi-même.
LAURENCE FERRARI
Il faut se vacciner pour vous…
OLIVIER VÉRAN
Ça fait partie de notre éthique professionnelle. Maintenant, la décision a été prise de les réintégrer, que ce soit par décret ou par la loi, de toute façon la loi n'ira pas au bout puisqu'ils auront été réintégrés avant que la loi ait terminé son parcours. Mais symboliquement je vous le dis, je retiens qu'en trois ans de lutte contre le Covid, il y aura eu un consensus une fois entre l'extrême droite et l'extrême gauche et ça aura été pour cette cause-là qui n'est pas la mienne. Mais je respecte le choix du Parlement évidemment.
LAURENCE FERRARI
Mais ça vous heurte qu'il y ait eu une abrogation de l'obligation vaccinale pour les personnels soignants.
OLIVIER VÉRAN
Je pense que le défi qui est devant nous, ce n'est pas de permettre à des gens qui doutent de la science, de soigner dans les hôpitaux ; je pense que le défi que nous avons devant nous, c'est de garantir que les soignants, quand ils sont face à des personnes fragiles, ils ne risquent pas leur transmettre des maladies transmissibles. Pour moi, le grand défi de demain, ce n'est pas de réintégrer les soignants non vaccinés contre le Covid, c'est de faire en sorte que les soignants soient vaccinés contre la grippe par exemple, parce que la grippe hospitalière, la grippe transmise à l'hôpital, elle tue elle aussi. Voilà. Et c'est encore une fois, cette adhésion à la pensée qui n'est pas une croyance… à la pensée scientifique, aux faits scientifiques, qui est importante. Maintenant, on a fait l'obligation quand il le fallait ; aujourd'hui on est dans un moment où l'épidémie n'aurait pas justifié nécessairement qu'on oblige les soignants à se vacciner – quand on l'a fait, c'était nécessaire – mais je vous redis : il faut qu'on garde quand même comme cap le fait que les soignants soient protégés eux-mêmes pour protéger les autres.
LAURENCE FERRARI
Encore un mot et ce sera le dernier, sur le projet de loi sur la fin de vie qui est attendu d'ici la fin de l'été. François BAYROU a jugé suffisant le cadre actuel de la loi CLAYES-LEONETTI ; il dit : ne faisons pas un service public pour donner la mort, les mots ont un sens. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que dit François BAYROU ?
OLIVIER VÉRAN
Alors moi, peu importe mon opinion personnelle sur la question, je vais être très clair avec vous, on a fait une convention citoyenne à la demande du président de la République ; c'est 185 citoyens qui se sont réunis pendant 6 mois, ils ont travaillé ; ils connaissent mieux le sujet que moi-même et je pense que beaucoup de monde en politique. Et à la fin, ils ont voté, ils ont débattu. Et ils ont voté pour une évolution de la loi pour plus de soins palliatifs et pour l'ouverture encadrée d'une assistance médicalisée à mourir. C'est un exercice démocratique exceptionnel, je le dis, exceptionnel, de très grande qualité et j'en respecte les conclusions et je les fais miennes.
LAURENCE FERRARI
Donc François BAYROU a raison de dire : on crée un service public pour donner la mort ?!
OLIVIER VÉRAN
Je ne vous parle pas de François BAYROU ; je vous parle de citoyens tirés au sort, représentatifs de la France, à qui on a confié le soin de mener une réflexion, qui l'ont fait de manière remarquable et qui il me semble, justifiait d'une appropriation démocratique désormais par les pouvoirs publics, ce qu'a annoncé le président de la République à travers un projet de loi qui interviendra cet été.
LAURENCE FERRARI
Donc c'est une déclaration inutile.
OLIVIER VÉRAN
Non il exprime une opinion qui lui est personnelle mais je considère que l'heure n'est pas en tout cas à ce que les opinions personnelles l'emportent sur l'opinion démocratiquement exprimée par une petite France réunie pendant 6 mois pour travailler cette question.
LAURENCE FERRARI
Olivier VÉRAN était l'invité de la matinale. Merci beaucoup d'être venu ce matin sur CNEWS, Monsieur le Ministre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mai 2023