Interview de M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, à France Info le 15 mai 2023, sur la réintégration des soignants non-vaccinés, la saturation des urgences et la pénurie de médecins.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour François BRAUN.

FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Les soignants non vaccinés contre le Covid vont pouvoir reprendre le travail à partir d’aujourd’hui, ils étaient suspendus de leurs fonctions depuis un an et demi, d’abord pourquoi on n’a pas su, jamais su précisément combien ils étaient ?

FRANÇOIS BRAUN
C’était extrêmement difficile d’avoir le chiffre exact, on l’évalue à peu près à 0,3 % de l’ensemble de l’effectif de la fonction publique hospitalière, on parle bien de tous les personnels hospitaliers, il n’y a pas que des soignants dedans.

MARC FAUVELLE
Ça fait combien ?

FRANÇOIS BRAUN
Donc on évalue que c’est à peu près 3000, sachant que parmi ces personnes il y a des gens qui ne sont pas soignants, qui travaillent à l’hôpital sans être soignants, il y en a d’autres qui ont fait la maladie, donc qui ont pu déjà retourner travailler, c’est assez difficile d’avoir le chiffre exact.

MARC FAUVELLE
On est très loin des 15.000 qui avaient été évoqués au moment de cette suspension.

FRANÇOIS BRAUN
Oui, oui, on est très loin de ce chiffre, bien sûr.

MARC FAUVELLE
Combien vont revenir ?

FRANÇOIS BRAUN
C’est toute la question, un certain nombre ont déjà fait savoir qu’ils voulaient revenir dans leur service, d’autres, au contraire, se positionnent en disant qu’ils ne retourneront pas, qu’ils ont trouvé un autre métier, qu’ils voulaient faire autre chose, on va le savoir à partir d’aujourd’hui puisque c’est à partir d’aujourd’hui qu’on peut s’organiser pour les faire revenir dans les services.

SALHIA BRAKHLIA
Et est-ce qu’ils retrouveront tous leur poste d’origine ?

FRANÇOIS BRAUN
C’est ce qui est proposé en tout cas, c’est qu’ils retrouvent leur poste d’origine, leur niveau de carrière d’origine, c’est un peu comme s’il y avait eu une parenthèse, mais vous savez, moi mon travail c’est de faire, déjà d’appliquer la loi, parce que ce retour des soignants non vaccinés c’est l’application de la loi, après l’avis de la Haute autorité de santé, et c’est en ce fait de faire que les choses se passent le moins mal possible, ou en tout cas le mieux possible, pour leur réintégration.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous accepteriez, vous, de vous faire soigner par un médecin antivax ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, il y a cette question un petit peu de la loi et de l’avis de la Haute autorité de santé, qui était un avis sur les vaccinations obligatoires pour les soignants, pas que le Covid, on avait toutes les vaccinations, et puis il y a le côté éthique aussi de, quand on est soignant, se protéger pour protéger les personnes que l’on soigne, et là j’avais demandé, j’ai demandé, j’attends leur avis, le Conseil consultatif national d’éthique aussi, puisque je l’ai dit dès le départ, cette réintégration des soignants elle repose sur des éléments scientifiques et des éléments éthiques, et d’un point de vue éthique, effectivement, il faut que chaque soignant s’interroge, à titre personnel, de savoir…

MARC FAUVELLE
Qu’est-ce que vous feriez, vous, si la personne qui vous accueillait à l’hôpital, par exemple, et s’occupait de vous, était antivax ?

FRANÇOIS BRAUN
Je serais interrogatif, interrogatif et inquiet d’une personne antivax alors qu’on sait que la vaccination sauve des vies, et pour moi l’éthique du soignant c’est de se protéger pour protéger les patients qu’il prend en charge.

SALHIA BRAKHLIA
Pourtant c’est vous aujourd’hui qui autorisez ces soignants à revenir, donc qu’est-ce que vous dites aux patients, immunodéprimés notamment, qui s'inquiètent de leur retour ?

FRANÇOIS BRAUN
Je leur dis que, là, dans la situation actuelle, ces soignants, bien entendu, peuvent revenir, et puis il y a les protections, les gestes barrières bien sûr, au sein de l'hôpital, sont tous…

SALHIA BRAKHLIA
Mais les masques ne sont plus obligatoires dans plusieurs hôpitaux aujourd'hui encore une fois, donc est-ce qu’on ne va pas trop vite, et pareil, face à l'inquiétude des patients, qu'est-ce que vous leur dites ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, un, les gestes barrières dans les services, en plus à forts risques, sont bien sûr préservés, le portage de masque est évident dans les services d'hématologie, il y a des personnes immunodéprimées, services de cancérologie, donc la protection existe. Après, est-ce que l'on va trop vite ? non je crois que l'avis scientifique a été donné, l'OMS a annoncé que ce n’était plus une urgence de santé publique internationale, on voit bien que cette pathologie est en train de devenir une pathologie qu'on va pouvoir comparer à la grippe saisonnière, se pose aussi la question de la vaccination contre la grippe pour les soignants, voyez qu’on a encore plein de sujets sur la table, mais en l'état cette réintégration était prévue par la loi de 2021, elle est effective.

SALHIA BRAKHLIA
Vous gardez la possibilité de les suspendre à nouveau ces soignants si l'épidémie repartait ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, pour l'instant nous gardons cette possibilité, même si je regrette que l'association des extrêmes à l'Assemblée ait voulu faire sauter cette possibilité, elle demande qu'on repasse par un texte de loi si jamais c'était le cas…

SALHIA BRAKHLIA
Une proposition de loi a été votée et ce n'est pas les extrêmes, pardon, c'est toute l'opposition qui l’a votée, donc…

FRANÇOIS BRAUN
C’est essentiellement l’association…

SALHIA BRAKHLIA
Donc en fait, dans les faits, vous ne pourriez pas les suspendre à nouveau, ces soignants.

FRANÇOIS BRAUN
Alors, pour l’instant cette proposition de loi a été votée, elle a été votée à l'Assemblée, elle n'est pas encore effective, il faut encore qu'elle passe au Sénat, mais c'est quand même bien une association de l'extrême droite et de l’extrême gauche qui a porté ce texte.

MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON a fait une promesse aux Français, il y a quelques semaines, celle de désengorger tous les services d'urgences de France d'ici à la fin de l'année prochaine, ça semble irréaliste, intenable quand on voit la situation aujourd'hui, comment vous allez faire ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, ce n'est pas irréaliste, ni intenable, et nous allons y arriver. Vous savez, le problème des urgences c'est un problème que je connais bien, forcément, la saturation des urgences est liée à deux phénomènes principaux. Le premier phénomène c'est des gens qui viennent aux urgences parce qu’ils n'ont pas d'autre solution, ou ils pourraient avoir une autre solution, mais ils ne la connaissent pas, et puis le deuxième problème c’est des gens qui doivent être hospitalisés à partir des urgences et pour lesquels on ne trouve pas de lits disponibles. Alors, pour ce premier problème, ce qu'on appelle l'amont des urgences, c'est-à-dire avant d'aller aux urgences, il faut appeler le 15, il faut appeler le service d'accès aux soins, nous sommes en train de généraliser ce service d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire français, il couvre pour l'instant plus de 50 % de la population, quand vous appelez, vous avez ce qu'on appelle un assistant de régulation médicale au téléphone, c'est un métier extraordinaire, qui permet d’évaluer très très rapidement, en moins d'une minute, la situation, et ensuite de passer l'appel à un médecin, soit généraliste, soit urgentiste, qui va vous proposer la bonne solution…

MARC FAUVELLE
Aujourd’hui, François BRAUN, c’est possibilité, est-ce que ça pourrait devenir une obligation, c'est-à-dire pas d'accueil aux urgences si on n'a pas d'abord appelé le 15 ?

FRANÇOIS BRAUN
C’est pour l'instant effectivement une possibilité, cela fonctionne, les mesures que j'avais prises l'été dernier montrent que cela est efficace, ça a diminué la fréquentation des services d'urgences, certains départements qui l'appliquent pour l'entrée dans tous les services d'urgences du département ont montré une diminution de 20 % de la fréquentation des urgences, donc on voit bien que c'est une solution, elle est mise à disposition de la population, on va suivre bien entendu les résultats, et puis on s'interrogera de savoir si ça doit être un peu plus renforcé ou pas.

MARC FAUVELLE
Donc ça pourrait être, à terme, une obligation ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça pourrait être, certains pays ont cette obligation en termes de prise en charge, bien entendu on accepte toujours les gens qui viennent dans un service d'urgences, mais la prise en charge est forcément meilleure, anticipée, lorsque cela est préparé.

SALHIA BRAKHLIA
Et les assistants de régulation médicale, ceux qui décrochent au téléphone quand on appelle le 15, vous en avez assez ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors on n’en n’a pas assez, il faut absolument en recruter, c'est pour ça que je lance une grande campagne pour faire connaître ce métier, c'est un métier qui est insuffisamment connu, qui est revalorisé déjà parce que la loi qui vient d'être votée les reconnaît comme professionnels de santé, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent, alors qu'ils sont en contact avec les patients, au téléphone, en visio également, et puis c'est un métier extraordinaire puisque c'est un métier qui permet déjà de venir en aide aux gens qui nous appellent, d'aider à leur trouver la meilleure solution, donc nous devons recruter.

SALHIA BRAKHLIA
Vous allez en recruter combien ?

FRANÇOIS BRAUN
On évalue à 2, 3000, la nécessité d’en recruter dans l'immédiat pour couvrir l'ensemble de service d'accès aux soins.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre de la Santé, François BRAUN, depuis un mois les salaires des médecins intérimaires sont plafonnés à l'hôpital, pas plus de 1400 euros bruts pour 24 heures, que répondez-vous au Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux qui parlent d'une législation fatale aveugle car il n’y a aucune étude impact ?

FRANÇOIS BRAUN
Non je crois qu'il faut être raisonnable, il y a une dérive qui était arrivée dans cet intérim médicale, ce n’est pas contre l'intérim médicale, c'est une dérive qui arrivait à des choses totalement inacceptables, à des rémunérations pour monter jusqu'à 4000 euros pour 24 heures de travail et cette dérive entraînait une fuite, une perte des médecins de l'hôpital public qui partaient faire de l'intérim et donc une dégradation catastrophique de notre hôpital public.

SALHIA BRAKHLIA
Sauf qu'avec cette mesure aujourd'hui plusieurs hôpitaux sur le territoire galèrent parce qu'ils manquent de médecins intérimaires, des médecins remplaçants, est-ce que vous avez fait un recensement des services qui ont dû fermer partiellement ou complètement à cause de ce manque de médecins ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors bien entendu depuis un mois nous suivons au jour le jour la situation avec les agences régionales de santé qui sont très fortement, très fortement impliquées ? Ce qu’il faut dire aussi c'est que les situations qui sont mises en avant sont des situations qui était déjà en grande difficulté avant la mise en application.

MARC FAUVELLE
Ça s’est aggravé avec cette loi.

FRANÇOIS BRAUN
Il est difficile de le dire aujourd'hui que ça s'est aggravé, il y a une mise en lumière de ces situations plus importantes, mais il n’y a pas moins de médecins, en tout cas assez peu qui ne reviennent pas travailler.

MARC FAUVELLE
Le syndicat des médecins intérimaires que citait Salhia, il y a quelques instants, disait il y a quelques semaines, 70 services fermés aujourd'hui en France du fait de cette application, c'est le cas, c'est le chiffre que vous avez vous aussi ou pas ?

FRANÇOIS BRAUN
Non mais… soyons raisonnables, ils annonçaient plus de 100 services il y a un mois, il y en avait 3 qui étaient en difficulté effective, il y a effectivement des difficultés dans certains services comme je m'y suis engagé à chaque fois nous trouvons des solutions, nous mettons en place des solutions alternatives. Je dois saluer ici le côté, le fort engagement des professionnels de santé sur le terrain qui à l'échelle des territoires sont venus aider les services en difficulté. Oui la période est compliquée par rapport à cela, par rapport à cette difficulté en personnel, ce n'est pas nouveau mais en tout cas il fallait mettre un point d'arrêt à cet intérim qui dégradait l'hôpital public.

SALHIA BRAKHLIA
Sauf que François BRAUN dans certains territoires les médecins expliquent qu'il y a effectivement des alternatives qui ont été mises en place mais elles nécessitent parfois de rouler sur plusieurs dizaines de kilomètres supplémentaires, or chaque minute lorsque le patient est en état d'urgence, eh bien elle compte en fait. Donc c’est mettre en danger le patient.

FRANÇOIS BRAUN
Alors… non ce n’est pas mettre en danger le patient puisque quand vous avez une urgence, vous faites le 15, vous appeler le SAMU et ce qu'on appelle les SMUR qui sont ces équipes qui vont sur le terrain, ces équipes sont préservées.

SALHIA BRAKHLIA
Elles ne sont pas impactées.

FRANÇOIS BRAUN
Nous maintenons ces SMUR pour les urgences vitales, bien entendu ma préoccupation, c'est d'assurer ce maillage et qu'on maintienne ce maillage, il peut y avoir des services d'urgence dont l’entrée est régulée, nous en parlions tout à l'heure, c'est-à-dire qu'on appelle le SAMU avant pour bien savoir s'il faut aller aux urgences, mais en tout cas l'objectif principal est de maintenir la prise en charge de ces urgences vitales bien entendu.

MARC FAUVELLE
Le gouvernement précédent a modifié le numerus clausus en fac de médecine pour qu'il y ait davantage de médecins, combien de temps il faudra pour que ça se voit et combien de temps pour qu'il y ait assez de médecins en France, partout en France ?

FRANÇOIS BRAUN
Pour que ça se voit, 10 ans.

MARC FAUVELLE
Donc encore 7 ans puisque la mesure a trois ans.

FRANÇOIS BRAUN
Oui à peu près 7, 8 ans. Pourquoi, parce qu’il faut 10 ans pour former un médecin. Combien faudra-t-il de médecins dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans, c'est toute la question que j'ai posée à un de mes services qui est l'Observatoire national des professions de santé sur toutes les professions de santé, sur toutes les spécialités médicales, j'aurais leur réponse en septembre, c'est un travail qui est extrêmement compliqué à mener, mais bien entendu nous continuons à ouvrir largement la porte des facultés de médecine, on continue à augmenter le nombre d'étudiants, c'est la même chose auprès des chirurgiens-dentistes par exemple, nous avons augmenté, nous avons sept facultés de plus qui vont pouvoir former des chirurgiens-dentistes jusqu'à pouvoir en former 7000 par an en 2017 (sic). Donc vous voyez que nous ouvrons les vannes, il faut aussi des enseignants, ce n'est pas le tout de mettre des étudiants, on veut qu'ils soient bien formés, la formation française est une des meilleures, il faut continuer à bien les former, il faut donc aussi des enseignants pour les accompagner.

SALHIA BRAKHLIA
En attendant pour soulager les médecins un nouveau texte de la majorité adopté au Parlement instaure plusieurs mesures, vous donnez par exemple la possibilité aux pharmaciens de renouveler automatiquement certaines ordonnances, ça concernera qui ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça concerne essentiellement les patients chroniques, ceux qui ont des pathologies chroniques et qui n'arrivent pas à voir leur médecin traitant tout de suite, ça permet aux pharmaciens de prolonger le temps qu'ils voient leur médecin traitant. Nous avons aussi ouvert la possibilité d'accès à des infirmières directement, à des kinésithérapeutes dès lors qu'ils exercent dans un groupe avec toujours bien sûr un médecin et toujours le médecin traitant qui est un peu le chef d'orchestre et qui doit rester le chef d’orchestre.

MARC FAUVELLE
Il faut que ce soit un centre de santé avec à la porte à côté un médecin, on ne peut pas aller voir directement par exemple son ou sa kiné pour je ne sais pas, se faire refaire des semelles orthopédiques ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors pour l’instant prévoit que c'est tout à fait possible dans ces centres de santé où d'une façon générale quand on a des professionnels de santé qui travaillent ensemble, nous ouvrons l'expérimentation dans 6 départements dont 2 départements d'outre-mer dans un cadre plus large sans entrer forcément dans le détail, pour voir effectivement si c’est efficace. Mais nous avons par exemple aussi dans cette loi les assistants dentaires qu'on appelle de niveau 2 qui vont permettre de prendre en charge des patients à la place du chirurgien-dentiste, toujours sous sa supervision et qui feront gagner 30 % de temps à nos chirurgiens-dentistes, donc on voit bien que cette loi, elle ouvre un petit peu ce travail collaboratif entre les professionnels de santé qui est une des solutions.

SALHIA BRAKHLIA
François BRAUN plus de 3000 médicaments actuellement en pénurie sans compter ceux qui sont en tension, tous les secteurs sont touchés, les antibiotiques, le paracétamol, les anti épileptiques, les anticancéreux, comment on en est arrivé là ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors effectivement on a une très forte augmentation des déclarations, alors pas de rupture ou de pénurie mais en tout cas de risque de rupture et de pénurie parce que vous savez qu'en France on a l’agence nationale de sécurité du médicament qui est extrêmement vigilante et qui nous alerte très en amont de ces diminutions de stocks finalement, malheureusement ça concerne le monde entier, l'Europe entière. J'étais la semaine dernière avec mes homologues européens à une réunion de crise sur ce sujet des difficultés et des pénuries de médicaments parce que la solution elle est française bien sûr et nous avons déjà pris des mesures et nous continuons à en prendre, mais elle est aussi à l'échelle européenne.

SALHIA BRAKHLIA
Et alors vous avez prévu de dresser une liste de médicaments stratégiques, on a envie de vous demander déjà pourquoi elle n’existait pas en fait cette liste de médicaments ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors on n’appelle ça médicament stratégique, qui est très particulier, parce que le terme stratégique.

SALHIA BRAKHLIA
Oui les plus importants, on va dire ça.

FRANÇOIS BRAUN
Voilà c’est les médicaments critiques, effectivement elle n’existait pas, elle n’existe d’ailleurs pas au niveau de l’Europe et la France pousse pour avoir avec d’autres pays, 18 autres pays, pour avoir cette liste aussi à l’échelle de l’Europe. Pourquoi avoir une liste ? pour se concentrer sur la production de ces médicaments justement, ceux qui sont essentiels depuis la production de ce qu’on appelle le principe actif jusqu’à finalement la boite à la pharmacie.

SALHIA BRAKHLIA
L’industrie pharmaceutique vous répond qu’on pourra faire toutes les listes du monde, si les prix ne sont pas assez élevés l’industrie ne les fabriquera pas ces médicaments, en France ils sont vendus plutôt moins chers qu’à l’étranger, est-ce que ça va passer effectivement cette souveraineté des médicaments par une hausse des prix ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors la discussion elle est effectivement à ce niveau-là au niveau européen quand on dit que c’est moins cher en France, ce n’est pas tout à fait vrai, déjà en France les médicaments sont entièrement remboursés, ce qui est quand même l’argent de la Sécurité sociale, en plus il y a sans entrer forcément dans le détail, il y a le prix, ce qu’on appelle facial, c’est-à-dire où on voit ce qui est vendu et puis il y a tout le travail qui est fait derrière avec les laboratoires, les grossistes pour aménager un petit peu ce prix. Mais ce n’est pas qu’une question de prix, c’est aussi une question de chaine de production, c’est aussi une question de difficulté de principes actifs qui sont trop produits dans des pays comme la Chine ou l’Inde, donc on voit que le problème est bien global. En ce qui concerne clairement la question sur le prix des médicaments, eh bien nous avons bloqué pour l’instant la diminution du prix des médicaments génériques justement dans une discussion avec les industriels pour qu’ils nous, qu’ils aient de la transparence sur leur prix de production parce que si le prix de production effectivement est plus élevé que le prix de vente, on comprend bien que ça ne peut pas marcher. Et puis sous l’égide de la Première ministre un groupe de travail est mis en place avec les industriels et les professionnels pour voir comment adapter notre politique de prix du médicament.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous dites aux industriels-là qui vont être reçus par Emmanuel MACRON pour le sommet Choose France dont vont faire partie des industriels de la pharmaceutique, on est prêt à augmenter les prix mais dans ce cas-là il faut s’implanter en France pour produire ces médicaments ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors je verrai moi cet après-midi à Choose France plusieurs industriels, j’en vois une petite dizaine, effectivement il y a des questions d’implantation en France et en Europe. Il y a aussi des questions d’investissement dans la recherche et le développement, ce n’est pas le tout, il faut continuer. Et puis à la question des médicaments très, très innovants qui coûtent très chers, qui sont souvent limités à des pathologies, ce qu’on appelle orphelines, c’est-à-dire où il y a peu de cas, mais il y a aussi toute la problématique de nos vieux médicaments qu’il faut continuer à produire et qu’il faut que les industriels continuent à produire. Donc on voit bien que c’est un ensemble, c’est tout un équilibre qu’il faut maintenir.

SALHIA BRAKHLIA
Oui mais vous allez leur dire quoi ?

FRANÇOIS BRAUN
Eh bien je vais leur dire, venez investir en France.

SALHIA BRAKHLIA
On est prêt à faire des efforts sur les prix.

FRANÇOIS BRAUN
Parce que la France est un pays qui travaille effectivement sa politique de prix, parce que la France est un pays attractif, la France est le pays qui a le plus d’investissements de pays étrangers en Europe, donc venez travailler chez nous, vous y serez bien.

(…)

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre de la Santé François BRAUN. François BRAUN, on trouve en France depuis un an, en vente libre dans des boutiques ou sur Internet, HHC, dérivé du cannabis, que certains comparent à du joint légal, est-ce que c'est une drogue oui ou non ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, c'est un produit qui entraîne une addiction, est-ce que c'est un produit stupéfiant, c'est la question qui est posée actuellement, en particulier à l'Agence nationale de sécurité du médicament, qui va nous dire si c'est un stupéfiant ou pas. De toute évidence c’est un produit qui entraîne une addiction, une addiction forte, c'est un dérivé du cannabis…

MARC FAUVELLE
Des effets psychotropes aussi ?

FRANÇOIS BRAUN
Des effets psychotropes bien entendu, importants, ils profitent d'une « faille » de classification, ils ne sont pas classés comme produits stupéfiants, je pense très honnêtement qu'ils le seront rapidement.

MARC FAUVELLE
Il y a un trou dans la raquette.

FRANÇOIS BRAUN
Il y a un trou dans la raquette, qu'il faut combler rapidement, pour ne plus avoir cette vente libre qui est tout à fait…

MARC FAUVELLE
Mais un trou qui dure depuis un an.

FRANÇOIS BRAUN
Un peu moins d’un an, c’est un produit qui est arrivé sur le marché il y a peu de temps, c'est un produit qui est ancien, qui est connu depuis les années 50, qui n’était pas du tout « exploité », il n’est pas présent à fortes doses au niveau naturel, bon, c'est un produit qui prend un trou dans le marché, il faut maintenant fermer cette porte rapidement.

MARC FAUVELLE
Interdiction à quelle échéance a priori ?

FRANÇOIS BRAUN
Ecoutez, le plus rapidement possible, dès que j'ai l’avis des scientifiques sur cette classification, je pense que c'est une affaire de semaines.

MARC FAUVELLE
Et en attendant vous déconseillez aux Français de l'utiliser ?

FRANÇOIS BRAUN
Je déconseille très fortement, c'est un produit qui entraîne une addiction, donc il faut absolument éviter d'en prendre.

MARC FAUVELLE
Les puffs, ce sont les cigarettes électroniques jetables, qui font un carton chez les jeunes, aujourd'hui un adolescent sur six y a déjà goûté, alors que c'est normalement interdit aux mineurs, il y a 3 mois vous disiez sur ce plateau que ce serait le bon sens de les interdire, quand est-ce que vous allez le faire ?

FRANÇOIS BRAUN
Je dis toujours la même chose, et je travaille avec les parlementaires pour un projet de loi qui permettrait de les interdire. C’est un désastre pour la santé publique, parce que ça entraîne, ça amène les jeunes vers le tabac, tabac qui tue encore 75.000 personnes par an en France, il faut quand même toujours le rappeler, c'est aussi une catastrophe écologique, puisque c'est jeté, ce n'est pas recyclable au niveau des batteries, donc je pense tout à fait licite de l'interdire.

SALHIA BRAKHLIA
Le Comité national de lutte contre le tabagisme propose carrément d'interdire aussi le tabac aux moins de 21 ans, vous vous êtes pour ?

FRANÇOIS BRAUN
Très honnêtement je n’ai pas d'avis tranché là-dessus, j'attends l'avis des scientifiques, voir si ça a une incidence ou pas sur le développement du tabagisme.

MARC FAUVELLE
Le prix du paquet de cigarettes a augmenté encore ces derniers jours, on est autour de 11 euros le paquet, à combien il sera à la fin du quinquennat ?

FRANÇOIS BRAUN
Ecoutez, nous nous sommes engagés, et c'était la loi de finances de l'année dernière, enfin qui couvre pour cette année, à ce que le prix du tabac suivre le prix de l'inflation, ça devenait un peu aberrant, avec cette inflation, où finalement le tabac revenait moins cher, donc nous allons continuer à suivre cette ligne, et puis par contre je me positionnerai là aussi très clairement, dans la prochaine loi de finances de la Sécurité sociale, pour augmenter aussi, équilibrer les taxes avec le tabac à chauffer, qui est toujours moins taxé.

MARC FAUVELLE
Mais il n’y a pas d’objectif affiché à plus long terme, c'est-à-dire on continue à avancer, année après année, vous ne dites pas aux fumeurs ça va faire encore plus mal, d'ici 2027 ça sera 15 euros, par exemple ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, on continue à suivre, en tout cas pour l'instant, l'inflation, ce qui est sûr, et on a plus de voir ces dernières années, c'est qu'en augmentant le prix du paquet de tabac on diminue le nombre de fumeurs, donc on diminue le nombre de personnes qui font des maladies cardio-vasculaires, qui font des cancers du poumon, c'est quand même bien pour la santé publique.

SALHIA BRAKHLIA
François BRAUN, il y a quelques jours Elisabeth BORNE a demandé à tous les membres du gouvernement de faire 5 % d'économies sur leur budget, est-ce que le ministère de la Santé sera aussi concerné ?

FRANÇOIS BRAUN
Mais bien sûr, le ministère de la Santé est concerné, comme tous les autres ministères, nous avons de l'argent à engager pour refonder notre système de santé, cet engagement il va de pair aussi avec des économies dans les secteurs où nous pourrons faire des économies.

SALHIA BRAKHLIA
C’est-à-dire, où est-ce que vous allez faire des économies, parce que par exemple Gabriel ATTAL, le ministre des Comptes publics, dit que l'une des pistes concerne l'indemnisation des arrêts de travail, ça veut dire quoi ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors déjà, la principale piste c'est la lutte contre les fraudes, la lutte contre la fraude au niveau des régimes sociaux est quelque chose qui est importante, nous pouvons aussi avoir une meilleure utilisation des médicaments, une meilleure utilisation de notre système de santé, tout cela va nous permettre de faire des économies et de pouvoir dépenser ces économies pour mieux faire fonctionner le système.

SALHIA BRAKHLIA
Meilleure utilisation, ça veut dire moins de remboursements ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, on n’est pas dans une logique de moins de remboursements, non non, on n’est absolument pas dans cette logique-là. Vous savez, les remboursements des médicaments ils sont définis par ce qu'on appelle leur service médical rendu, un médicament qui rend un énorme service médical est remboursé, les médicaments qui ne rendent pas de service médical, ou pas mieux que ce qui existe, sont moins bien remboursés.

MARC FAUVELLE
Vous pensez par exemple à l'homéopathie ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui, ça peut être le cas de l'homéopathie bien sûr, on n’a pas de service médical rendu élevé pour beaucoup de médicaments de l'homéopathie.

SALHIA BRAKHLIA
Mais sur les arrêts de travail, du coup vous ne m'avez pas répondu.

FRANÇOIS BRAUN
Non, parce que sur les arrêts de travail, c'est une piste de réflexion sur des arrêts de travail abusifs, mais…

MARC FAUVELLE
Mais uniquement dans la lutte contre les fraudes, la règle de l'indemnisation des arrêts de travail ne sera pas modifiée ?

FRANÇOIS BRAUN
Il n’y a pas pour l'instant de piste qui amène cette modification.

MARC FAUVELLE
Pour l’instant.

FRANÇOIS BRAUN
Je vous dis pour l’instant, oui, parce que vous savez, nous commençons à travailler, avec Gabriel ATTAL, le budget pour 2024-2025, vous savez que l'objectif du plan de stabilité du gouvernement est bien d’arriver en dessous de 3 % de déficit en 2027, c’est un objectif que nous devons tenir pour la place de la France au niveau du monde et au niveau de sa place économique, nous tiendrons cet objectif et nous travaillons sur le budget d’année après année.

MARC FAUVELLE
François BRAUN, ministre de la Santé merci et bonne journée à vous.

FRANÇOIS BRAUN
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 mai 2023