Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Bérangère COUILLARD, bonjour.
BERANGERE COUILLARD
Bonjour Christophe BARBIER.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes secrétaire d’Etat à l’Ecologie, mais on va commencer par parler de cette affaire de Saint-Brévin, ce maire qui démissionne après une tentative d’incendie de son domicile, l’enquête est en cours, mais c’est sur fond de polémique sur l’installation d’un centre de demandeurs d’asile, qu’est-ce qui ne va plus dans notre démocratie pour qu’on en arrive à menacer les maires ?
BERANGERE COUILLARD
Déjà dire évidemment mon soutien à Yannick MOREZ, sa famille, qui traverse un moment absolument terrible.
CHRISTOPHE BARBIER
Il quitte aussi la ville, donc c’est vraiment une rupture totale.
BERANGERE COUILLARD
Oui, bien sûr, c’est évidemment toute la ville de Saint-Brévin qui est touchée, évidemment rien ne justifie une telle violence envers un élu, quelqu’un qui s’engage pour le bien commun, pour la République, et moi je suis absolument choquée, surprise bien sûr parce que ces actes sont absolument violents, même si on a, en effet, beaucoup de violence dans notre pays depuis plusieurs années, et je suis moi aussi, en tant qu’élue depuis six ans, députée cinq ans auparavant, j’ai reçu à plusieurs reprises des menaces de mort.
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, j’ai vu ça. Vous avez peur parfois, vous vous dites un jour il y aura un fou ?
BERANGERE COUILLARD
Oui, ça arrive de le penser, alors évidemment on se dit… enfin, on est dans un pays qui est stable, avec évidemment un maintien de l’ordre, évidemment une protection, grâce à nos forces de l’ordre, mais il arrive de penser qu’il puisse nous arriver quelque chose, c’est vrai.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu’on doit durcir les textes et dire aux gens, attention, si vous vous en prenez à un élu, eh bien il y aura une peine aggravée, ce n’est pas comme s’en prendre à un citoyen lambda ?
BERANGERE COUILLARD
Je ne suis pas sûre que les peines suffisent à arrêter des personnes qui veulent agir ainsi, je pense que surtout il faut s’assurer de retrouver en fait une concorde, et je crois qu’on ne peut pas s’attaquer à des élus qui s’engagent pour le bien commun, pour la République, et je crois surtout qu’il faut que les Français le disent, le soutien soit complet, qu’on soit d’accord ou pas d’accord avec les décisions prises, il ne s’agit pas d’être d’accord avec la politique menée par le maire de Saint-Brévin, ou autre, c’est juste de dire qu’on ne peut pas toucher un élu de la République.
CHRISTOPHE BARBIER
Il y a des extrémistes à la droite comme à la gauche du spectre politique, sur les sujets écologiques il y a souvent des radicaux aussi, vous le sentez particulièrement ?
BERANGERE COUILLARD
Oui, bien sûr. C’est vrai que maintenant ça fait plus de 10 mois que je suis nommée à ce poste et je peux vous dire qu’aucun projet ne se fait sans contestation aujourd'hui, c'est vrai. On a aussi, et c'est bien heureux, des citoyens beaucoup plus avertis, sur cette question, c'est une question qui touche tout à chacun, et c'est vrai qu'il y a une cinquantaine d'années, dans les années 70, 80, on ne parlait pas de ces sujets, et donc les projets aussi se faisaient beaucoup plus facilement. Moi je suis bien heureuse que les Français soient beaucoup plus sensibles à cette question, mais il est vrai qu'aujourd'hui on a la difficulté, même parfois lorsqu'il y a des avis scientifiques, avec évidemment des études menées sur un certain nombre de projets, il y a des contestations, et beaucoup de contestations aujourd'hui qui amènent à des violences, et donc ça, évidemment, j’y suis opposée.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, votre actualité, pour encore quelques semaines ou quelques mois, c'est la sécheresse. Le mois de mai est pluvieux, ça a l'air de continuer ces prochains jours, est-ce qu'il faut être rassuré, un peu, beaucoup, pas du tout ?
BERANGERE COUILLARD
Alors, c'est une bonne nouvelle en effet, on a eu des niveaux de pluviométrie qui sont encourageants, malgré tout on ne rattrapera pas le retard, c'est-à-dire qu’en fait les pluies du printemps ne permettent pas de recharger les nappes phréatiques, ça se fait à évidemment pendant l'hiver, et pendant le printemps c'est plutôt, ça favorise évidemment la végétation, donc évidemment c'est bien, et tant mieux qu'il ait plu dans le nord, particulièrement dans le nord de la France, moi je pense particulièrement aux départements qui sont sur le pourtour méditerranéen…
CHRISTOPHE BARBIER
Les Pyrénées-Orientales en tête.
BERANGERE COUILLARD
Voilà, et aussi autour du Rhône, où là il y a une pluviométrie qui est particulièrement basse, particulièrement aussi dans les Pyrénées-Orientales, un département qui subit une sécheresse historique, et donc là on a une attention toute particulière, on a mis en place, avec le ministre Christophe BECHU, des réunions très tôt dans l'année, parce que nous avions vu que l'hiver avait été particulièrement pauvre en pluie, et donc on est en train de regarder avec attention ces départements, et il y a eu, pas plus tard qu'hier, une cellule de crise interministérielle qui a été mise en place, donc par Matignon, et la réunion avait lieu hier après-midi, sur l'ensemble de la France, pour évaluer la situation.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que vous dites aujourd'hui aux Français ne partez pas en vacances dans ces régions-là, évitez les Pyrénées-Orientales, le Var, les Bouches-du-Rhône, pour éviter d’aller consommer de l'eau sur place, partez ailleurs ?
BERANGERE COUILLARD
Alors, là où je veux rassurer tout à chacun aussi c'est que, même dans les Pyrénées-Orientales, l'eau potable est assurée, donc il n'y aura pas de difficultés, en tous les cas connues, là à ce jour, pour la période estivale, par contre c'est vrai qu'il y a certaines restrictions, et notamment aujour… enfin, depuis le 10 mai, le préfet a passé un certain nombre de consignes, avec un arrêté qui prévoit la fin d'un certain nombre de choses, et donc notamment plus le droit de laver sa voiture, les golfs c'est interdit de les arroser, les piscines ne peuvent plus être remplies, donc il y a un certain nombre de contraintes sur ces territoires, malgré tout, non, il n'y a pas d'indication de ne pas aller dans ces territoires sur la période estivale. Le tourisme est une activité importante pour ces territoires, et donc aujourd'hui je n'ai pas ce message à faire passer.
CHRISTOPHE BARBIER
Le Plan eau, annoncé par le président de la République, va rentrer en vigueur dans quelques mois, dans quelques années, il faudra quelques décennies ?
BERANGERE COUILLARD
Pas des décennies, on a des projets à très court terme, d'ici 2027-2030, donc non, non, on engage vraiment une dynamique sur ce sujet. Il y a la gestion de la crise de cet été, et le Plan eau vient plutôt, du coup, résoudre la problématique sur les prochaines années, on se donne une dizaine d'années pour agir de façon extrêmement forte, ça passe bien sûr par la remise à niveau des canalisations, on sait qu'il y a des territoires qui perdent 1 litre sur 2 entre…
CHRISTOPHE BARBIER
Et ça c’est beaucoup d’argent à investir !
BERANGERE COUILLARD
C’est beaucoup d'argent investi, et donc il faut accompagner les territoires, et particulièrement les petites communes qui aujourd'hui ont moins de moyens pour justement mettre en oeuvre ces travaux, c'est aussi réutiliser de l'eau usée qui sera traitée, nos pays voisins le font très bien, je pense à l'Italie, 8% de l'eau est réutilisée, 13% en Espagne, et nous moins d’1%, donc on a un gap à faire, jusqu'ici on a cru qu'on avait de l'eau en abondance, on s'aperçoit aujourd'hui que ce n'est plus le cas, et donc du coup on est en capacité de mettre en oeuvre un certain nombre de projets, donc la réutilisation des eaux usées… traitées par exemple, c'est des choses qu'on va, enfin c’est des projets qu'on va initier particulièrement sur les communes littorales. Pourquoi ? parce qu'en fait les Français comprennent très bien qu'il n'est pas utile d'aller rejeter de l’eau douce dans la mer, donc c’est quelque chose qu’on va mettre en place rapidement.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous lancez l’Eco-score, en quoi cela va-t-il consister ?
BERANGERE COUILLARD
Alors, l’Eco-score, le président de la République l'a rappelé hier à l'Elysée, c'est une mesure extrêmement attendue, qui va permettre en fait de valoriser principalement les produits français, et les produits qui sont faits dans de bonnes conditions environnementales. L’Eco-score ça va toucher le textile, et également l'alimentaire, ça veut dire qu'en fait un consommateur va pouvoir être informé en fait de l'impact environnemental de son produit, c'est-à-dire pour le climat, c'est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre, l'utilisation de l'eau, l'utilisation de pesticides, l’impact sur la biodiversité…
CHRISTOPHE BARBIER
Le transport.
BERANGERE COUILLARD
Egalement, va être pris en compte, et donc c'est un calcul qui est généré, et qui va donner un score pour ce produit, un petit peu à l'image du Nutri-score qu'on connaît aujourd'hui, sauf que ça va être pour l'environnement, et donc sur les produits, textiles dans un premier temps, et également sur les produits alimentaires.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous voulez plus de recyclage aussi pour les emballages, est-ce à dire qu’un jour il y aura une consigne sur presque tous les emballages ?
BERANGERE COUILLARD
Alors, on a deux objectifs principaux, c’est vrai, c'est de mieux collecter et recycler ce que nous produisons déjà aujourd'hui, et puis il y a aussi l'objectif, qu'on ne perd pas de vue, c'est de baisser la production de ces plastiques, surtout ceux qui ne sont pas recyclables, ça c'est certain, et de faire en sorte qu'il n'y ait plus de plastiques à usage unique à partir de 2040, et donc il y a un double objectif qui s'opère. Donc, sur le sujet du recyclage, en effet il faut qu'on collecte mieux, en France on n’a que 25% de l'ensemble de nos emballages ménagers plastiques qui sont aujourd'hui collectés et recyclés, c'est beaucoup trop bas, alors qu’on a un objectif pour 2029 de 55%, donc on a un gap à faire de 30%, la consigne est un des leviers, on est en train de discuter avec l'ensemble des acteurs, particulièrement les collectivités locales, il y a d'autres solutions aussi, la tarification incitative, c'est-à-dire que plus vous triez, moins vous payez, il y a des bonus-malus pour valoriser, mettre… récompenser, on va dire, les bons élèves, je pense à certaines régions qui font beaucoup mieux que d'autres, et donc il faut inciter évidemment les mauvais élèves à faire mieux, et la consigne fait partie des leviers qui peuvent être activés.
CHRISTOPHE BARBIER
Longtemps l'industrie c'était la pollution, là on veut réindustrialiser la France, le président en parle aujourd'hui à Dunkerque, mais ce sera propre ?
BERANGERE COUILLARD
Oui, c'est bien l'objectif, c'est-à-dire de faire de la France une nation verte, et je crois que c'est absolument indispensable de faire en sorte de mettre de l'argent public, sur les emplois de demain, sur l'économie verte, et non pas sur des emplois qui sont amenés à disparaître, et c'est ce que le président de la République a passé comme message hier, avec des investissements extrêmement importants, et faire en sorte, demain, de réimplanter de l'industrie, et surtout sur des friches industrielles, que nous avons en masse, quand je dis ça c'est qu'on nous avons 70.000 hectares de friches industrielles dans notre pays.
CHRISTOPHE BARBIER
A dépolluer souvent.
BERANGERE COUILLARD
A dépolluer aussi, mais ça veut dire qu’on va lutter contre l'artificialisation des sols, le but ce n’est pas de rebétonner quelque part alors que nous avons des espaces qui aujourd'hui sont prêts… qui ont accueilli de l'industrie, et qui sont prêts à réaccueillir de l'industrie demain, il nous faut à peu près 20 à 30.000 hectares de friches industrielles pour justement être en capacité d'accueillir ce que nous souhaitons accueillir demain.
CHRISTOPHE BARBIER
Tous ces projets. Ce sera bientôt la Journée internationale de la biodiversité, est-ce que la disparition des espèces n'est pas plus inquiétante que le réchauffement climatique ?
BERANGERE COUILLARD
Les deux sont liés. Vous savez, la biodiversité est nécessaire et indispensable au climat, et à la baisse des émissions de gaz à effet de serre parce qu'elle capte évidemment le CO2, et en même temps le climat fait que la biodiversité dépérie, et donc les deux sont intimement liés, d'ailleurs on le voit sur les dernières COP qu’il y a pu avoir, et notamment par exemple à Montréal, on a parlé de la biodiversité, et c’est quelque chose qui, il y a quelques années, n’était jamais évoqué, et donc protéger la biodiversité ça fait partie évidemment de ma mission, c’est extrêmement important, on est en train de regarder, de discuter avec l’ensemble des acteurs, les ONG, et évidemment… aussi la FNSEA, tous les acteurs qui agissent, c’est-à-dire de faire en sorte qu’on ait vraiment des objectifs et des cibles, une stratégie nationale biodiversité, ça veut dire que demain il faudra que l’activité humaine ait moins d’impact sur la biodiversité et qu’on mette en valeur cette biodiversité, qui est absolument nécessaire à la survie humaine, tout simplement.
CHRISTOPHE BARBIER
Avec l’été les polémiques sur la cohabitation entre le loup et l'élevage vont reprendre, est-ce qu’on n’a pas aujourd'hui de trop de loups dans trop d'endroits en France, est-ce qu'on n'a pas été débordés par cette réintroduction ?
BERANGERE COUILLARD
Non. Pourquoi je vous dis ça ? c'est parce qu'en fait on a l'arrivée du loup depuis plusieurs années et on se rend compte que dans les départements qui connaissent le loup depuis plusieurs années, il y a une baisse de la prédation, et donc ça veut dire qu'il y a aussi des nouvelles habitudes qui ont été prises par les agriculteurs, et surtout un accompagnement aussi de l’Etat, qui a été à la hauteur, pour faire en sorte de sécuriser les lieux d'élevage, et donc le loup, et c'était un choix politique de faire réapparaître le loup, de faire en sorte que le loup revienne dans notre pays, aujourd'hui il y a un certain nombre de choses pour accompagner les éleveurs, particulièrement les indemnisations qui sont renforcées et élargies au-delà même des moutons, c'est-à-dire ça va beaucoup plus loin que…
CHRISTOPHE BARBIER
Que remplacer les bêtes.
BERANGERE COUILLARD
Voilà, et donc aujourd'hui ce qu'il faut c'est évidemment appréhender la manière dont les loups arrivent dans d'autres départements parce qu’évidemment ils continuent d'évoluer sur notre territoire.
CHRISTOPHE BARBIER
Bérangère COUILLARD, merci, bonne journée.
BERANGERE COUILLARD
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 mai 2023