Interview de M. Jean-François Carenco, ministre chargé des Outre-mer, à Public Sénat le 10 mai 2023, sur l'abolition de l'esclavage, le pouvoir d'achat en Outre-mer, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie, la stratégie indopacifique de la France, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Jean-François CARENCO, je vous invite à vous installer. Merci beaucoup de nous avoir rejoints ce matin et d’être notre invité politique. Vous êtes ministre délégué chargé des Outre-mer. Merci d’être avec nous. On a beaucoup de sujets à aborder ce matin. On commence par le 10 mai puisque ce 10 mai marque la journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage. Une cérémonie aura lieu cet après-midi dans les jardins du Luxembourg mais une cérémonie, j’ai envie de dire, a minima. Le président de la République est absent, la Première ministre sera là mais elle ne prononcera pas de discours. Est-ce que c'est regrettable ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ne regardez pas l’intitulé de qui fait quoi. Le président de la République a été à Fort de Joux, j’y étais, c’est le premier qui y va. C’est le premier qui reconnaît que le combat contre l’esclavage est parti des esclaves eux-mêmes. Donc voilà, il faut reconnaître la vérité. Il a été à Fort de Joux, il a fait un discours, je crois, assez puissant, les gens étaient très émus. Il a été hier, et c'est un peu la même veine, à Lyon au Fort Montluc. Il faut arrêter de dire : il faut que le Président fasse ceci, fasse cela. Ce qu’il a fait dès cette année, depuis que je suis au gouvernement que je constate, juste pour dire que je le constate, Fort de Joux c’est un élément extrêmement fort. C'est la première fois dans l’Histoire qu’un président de la République dit explicitement : c'est eux qui se sont levés, c'est eux qui ont gagné. La République l’a reconnu derrière. Voilà, c'est ça qui se passe. Et l’idée, les messages qu’il a passés hier à Lyon, et je connais parfaitement Montluc pour différentes raisons, je trouve ça extrêmement fort. Extrêmement fort. Après, c’est le…

ORIANE MANCINI
Mais juste sur ce 10 mai, alors il y a plusieurs dates de commémoration de l’abolition de l’esclavage…

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, il y a plusieurs dates. Il y a le 10 mai, il y a le 23 mai et puis après c'est dans chaque territoire. Le 22 mai, le 27 mai, le 28 mai, le 10 juin, le 9 octobre, le 20 décembre à La Réunion, Mayotte a choisi après.

ORIANE MANCINI
Est-ce que le 10 mai n’est plus une date qui rassemble ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Mais si ! Mais toutes les dates rassemblent. Si on veut bien essayer de se rassembler, c'est la République qui rassemble. Ce qui menace notre République c’est l'individualisme, c'est le communautarisme. Est-ce que sur des dates comme ça, comme l’a fait le président de la République, on peut dire d'où est partie la révolte ? Elle est partie de Toussaint LOUVERTURE, le reconnaître, et derrière on se rassemble. Il y en a marre de se diviser.

ORIANE MANCINI
On va parler des sujets qui concernent les Outre-mer.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Allons-y.

ORIANE MANCINI
Ils sont nombreux, à commencer par le pouvoir d'achat comme en métropole évidemment qui est une préoccupation majeure. Est-ce que la vie quotidienne est plus dure aujourd'hui dans les Outre-mer qu’en métropole ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, avec un mot : c'est que l'inflation y est plus faible qu'en métropole. Que l'essence y est plus faible. Que nous avons décidé avec le gouvernement de ne pas appliquer la réforme du chômage. Que l'électricité y est plafonnée. Les efforts sont considérables. Donc la vie est plus dure…

ORIANE MANCINI
Ils sont suffisants pour vous ou il en faut d'autres ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Non mais j’y viens. D’aller vers le meilleur, c'est toujours un combat permanent. C'est un combat permanent. On a réformé ce qu'avait fait Victorin LUREL sur le BQP, on fait maintenant le BQP+ ce qui est une bonne nouvelle. Je viens d'avoir une lettre de monsieur SAADE de CMA CGM qui me confirme que la réduction de 750 euros par conteneur s'applique jusqu'à la fin de l'année. Tout ça ce n'est pas de l'argent qui vient d'ailleurs, c’est des efforts considérables. Je m'élève contre l'idée que l'inflation est exponentielle Outre-mer, c'est un mensonge, c'est un mensonge absolu puisque l'inflation y est plus faible mais elle s'attaque cette inflation à des populations qui ont un niveau de vie plus faible, et donc il faut agir plus et c'est ce qu’on essaye de faire.

ORIANE MANCINI
Mais agir plus, ça veut dire quoi ? Est-ce qu’il va y avoir d'autres mesures en faveur des Outre-mer pour les aider à lutter contre cette inflation ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Agir plus ça veut dire, je prends par exemple, cette annonce de monsieur SAADE qu'il a bien voulue me faire. Je prends par exemple le prix de l'eau à Mayotte qui est bloqué lui aussi. Je prends par exemple à La Réunion où le bouclier BQP+ s'étend peu à peu. Chaque préfet a comme consigne, avant c'était une fois par an vers une grande négo, là maintenant tout au long de l'année on engrange, on engrange, ce qui fait que l'inflation baisse et que l'emploi se crée. Juste je veux dire, je comprends bien que c'est mieux quand c'est moins cher que gratuit, mais ça n'existe pas ça. Ça n'existe pas. Le vrai sujet, c'est de se rassembler comme on ne fait pour le 10 mai sur l'esclavage c'est de rassembler comme on le fait pour le 10 mai sur l’esclavage, c'est de rassembler contre la vie chère, c’est de se rassembler sur l'eau. J'entendais Victorin LUREL sur l'eau en Guadeloupe, petit mensonge.

ORIANE MANCINI
Pourquoi ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Parce qu’on n’en a jamais fait autant. Parce qu'on n'en a jamais fait autant ! Qui c'est qui paye le fonctionnement du syndicat ? C'est l'Etat. Il y a trois mois, on a mis le SMEAG, c’était une bonne chose, on s'est rassemblé : le président CHALUS, le président LOSBAR, FRANCISQUE et puis on s’est dit : on le fait ensemble, on arrête, on le fait ensemble et on met un programme tous les ans pour trois ans, l'argent qu'il faut. Il y a 3 mois, on réparait deux fuites par jour, on est monté à 36. C’est pas mal, d'ailleurs on entend moins crier.

ORIANE MANCINI
Juste un mot puisqu’on parle de l’eau. Alors il y a les questions effectivement sur les fuites d'eau, les entretiens des canalisations mais il y a aussi des inquiétudes sur la sécheresse.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Alors ça c’est un truc que MACRON n’a pas encore su faire : pleuvoir ! Il se déplace, il pleut.

ORIANE MANCINI
Donc ça veut dire quoi ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ça veut dire que c’est la vie.

ORIANE MANCINI
C’est quoi ? Il faut s’y résigner ? C'est la vie, c’est le climat ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Mais non, il faut mettre en place comme à Mayotte une usine de dessalement. Il faut travailler comme on le fait partout, aller chercher de l'eau.

ORIANE MANCINI
Donc vous dites aux collectivités qu'elles doivent aussi se prendre en main ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je ne dis pas aux collectivités. Je dis on se rassemble et on le fait ensemble comme on est en train de le faire à Mayotte, comme on est en train de le faire en Guadeloupe. C'est ça qui se passe. Comme on est en train de le faire à La Réunion avec la sécurisation de l’amenée d’eau. Il ne faut pas pleurer dans la vie, il faut travailler, il faut agir et surtout se dire la vérité et le faire ensemble. Il faut se dire la vérité et le faire ensemble, c'est ce qui est en train de se passer.

ORIANE MANCINI
Il y a une coopération suffisante pour vous ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je pense qu’elle s’entend très, très bien.

ORIANE MANCINI
On revient juste à une question du pouvoir d'achat puisqu’hier lors des questions d'actualité au Gouvernement, le député La France insoumise de Martinique Jean-Philippe NILOR a posé la question sur le prix des billets d’avion, disant que le prix des billets d'avion avait augmenté de 50 % en Martinique et en Guadeloupe. Qu'est-ce que vous répondez à ça ? Est-ce que des mesures vont être prises ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
La première mesure à prendre, c'est qu'il y ait des avions. Excusez-moi, si l'Etat ne met pas 130 millions sur la table, il n’y a plus d'avions sur La Réunion, et je le fais en toute amitié et en toute coopération avec Huguette BELLO. On a mis sur la Guadeloupe 120 ou 130 millions il y a deux ans, on se prépare à en remettre autant. Le premier sujet c'est ça. J'ajoute qu’au-delà du billet d'avion sur la Guadeloupe, il faut faire entre Wallis et Futuna, il faut faire la desserte interne de Guyane, il faut faire la desserte de Miquelon, il faut faire la desserte de Saint-Martin. Chacun regarde l'ensemble du sujet. Donc premier sujet, on dépense des centaines de millions par an à ce que les compagnies existent. Là au moins il n’y a plus de prix de billets s’il n’y a plus d’avions, si on pouvait regarder ça et se dire cette vérité. La deuxième vérité, ne nous concentrons pas sur un sujet : l’État intervient et soutient toutes les dessertes intérieures, ce qu'on appelle la double insularité et ça dépense des dizaines de millions. Après on est sur le sujet, la dont tout le monde pas entre la France et les Antilles. Qui a fait augmenter le prix de l'essence ? C’est le monde qui est comme ça et donc face à ça, il faut réagir, il faut réagir. Donc on a changé les structures de LADOM, le Parlement a voté un complément. On est en train de travailler pour avoir plus d'argent sur LADOM, changer la règle de LADOM.

ORIANE MANCINI
Mais juste est-ce qu’il va y avoir des mesures pour aider les ultramarins à ce que le prix du billet d’avion baisse, en tout cas, ou à financer le prix du billet d’avion ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Soit vous faites baisser le prix du billet d'avion, la réponse est non. Soit vous donnez les moyens pour avoir un billet d'avion, enfin on travaille sur les prix…

ORIANE MANCINI
Abordable.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Abordable pour les gens.

ORIANE MANCINI
Il va y avoir des mesures ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ça, c'est la réforme de LADOM qui est en cours. Je veux doubler son budget. C’est déjà 100 millions quand même LADOM, c’est déjà 100 millions si on prend tout ensemble.

ORIANE MANCINI
Et vous souhaitez doubler le budget.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Et je souhaite doubler le budget avec l'aide des collectivités locales, avec l'aide du Parlement, on va lui demander des choses. Madame la Première ministre dans le débat budgétaire qui se construit en ce moment, c'est un des sujets sur lesquels j'allais dire elle est favorable à ce que je propose.

ORIANE MANCINI
Ça veut dire que le coût du billet d'avion pour les ultramarins pourrait baisser ? À quelle échéance ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Normalement, je ne sais pas à quelle échéance parce qu'il y a des lois etc, on fait tout pour augmenter le budget LADOM et que le billet baisse.

ORIANE MANCINI
On va parler de vos différents déplacements.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui.

ORIANE MANCINI
Demain vous accompagnez Elisabeth BORNE.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
J’étais à Saint-Pierre-et-Miquelon.

ORIANE MANCINI
Je vais y venir, ne vous inquiétez pas, mais d'abord demain vous accompagnez Elisabeth BORNE…

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ce soir d’ailleurs.

ORIANE MANCINI
Ce soir à La Réunion, un déplacement de 3 jours si je ne me trompe pas qui doit faire le point sur une consultation engagée depuis septembre avec les élus ultramarins. Quel est l'objet précis de ce déplacement ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Non mais quand vous faites un déplacement, vous n’y allez pas juste pour une chose, ça n'existe pas.

ORIANE MANCINI
Surtout sur 3 jours, j’imagine.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Moi je suis content que Madame la Première ministre aille et prenne bien la sensibilité. Vous savez, quand vous vous déplacez Outre-mer, ce n'est pas pareil que quand vous lisez un dossier. Je viens de le vivre il y a quatre jours : j'ai fait déjà 19 déplacements. Je pars à La Réunion ce soir, quand je rentre lundi je pars en Guyane puis j'irai à Saint-Martin, puis j’irai en Calédonie. Donc sentir les choses, c'est comme ça qu'on avance. Le premier sujet, c'est d'avancer.

ORIANE MANCINI
Mais sur La Réunion.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Sur La Réunion, il y a des problèmes d'agriculture, c'est clair. On a des problèmes de pêche avec des décisions qu'on n'arrive pas à faire prendre à la Commission européenne qui nous bloquent. On a le grand projet des élus réunionnais qui est ce qu’on appelle le ferroviaire, moi je ne l'appelle pas le ferroviaire, de transport sur l'ensemble de l’île où on discute bien et on est à peu près d'accord sur ce qui est à faire dans les années qui viennent, dans les trois ans qui viennent avec Madame la présidente. Il y a tout ce que fait monsieur MELCHIOR sur la santé. La santé La Réunion est un département en pointe sur la santé, on va le constater. Est-ce qu'on peut de temps en temps aller se réjouir de ce qui se passe, essayer de le faire ?

ORIANE MANCINI
Il va y avoir des annonces ? Il va y avoir des annonces à La Réunion ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je n’en sais rien. Mais on ne gère pas avec des annonces, on gère en entrant Outre-mer.

ORIANE MANCINI
Mais il y a des attentes des élus.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ce que les élus attendent, c'est qu'on progresse sur tous les sujets. Ensemble, se dire la vérité et progresser ensemble. C’est les journalistes qui veulent des annonces, pas les élus.

ORIANE MANCINI
Les deux, les deux j'imagine. Vous revenez de Saint-Pierre-et-Miquelon, vous nous l'avez dit. Quelles sont là aussi les remontées que vous avez eues ? Des attentes, des inquiétudes ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, des inquiétudes partagées. On s'est dit c’est un voyage de 4 jours. Ce n’est pas arrivé, je crois que personne n’est resté 4 jours. Un discours de vérité, on a fait des réunions de travail. Le premier sujet de Saint-Pierre-et -Miquelon, c'est sa démographie. C’est sa démographie. Il y a 27 naissances programmées jusqu'à la fin de l'année, un programme est prévu, et au 1er mai il y avait eu déjà 31 décès. Ce qui est en cause c'est à terme si on ne bouge pas, c'est ce qu'on s'est dit ensemble, l'existence même de l'archipel…

ORIANE MANCINI
Qui est menacée.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Parce que s’il n’y a plus personne, une fois que vous aurez 400 habitants à Miquelon, c'est fini, ils sont tous vieux. Les jeunes il faut qu’ils…

ORIANE MANCINI
Donc il y a une menace sur l'existence même de cet archipel aujourd'hui.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Sur la démographique, donc tout le monde en a pris conscience, et on a pris conscience qu'il fallait se retrousser, arrêter de se disputer, travailler ensemble, après se dire la vérité. Sur la pêche, il y a 2 avenirs économiques : vous avez la pêche et vous avez le tourisme. On n'a pas parlé de la desserte de Saint-Pierre-et-Miquelon mais partout il y a des choses, partout on dépense des millions d'euros. Des millions d'euros.

ORIANE MANCINI
Autre territoire, la Polynésie où les indépendantistes ont remporté les élections territoriales, donc en Polynésie française. Ils disposent pour la première fois d'une majorité absolue pour gouverner. C'est aujourd'hui que doit être élue la présidence du futur gouvernement. Comment vous allez travailler avec cette majorité ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Bien. Je connais bien monsieur BROTHERSON, je voudrais saluer d'ailleurs l'équipe qui est partie, qui n'a pas gagné les élections. Il y a un changement de génération…

ORIANE MANCINI
Qui étaient des autonomistes.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Il y a un changement de génération. Il y a une prégnance de la question sociale. Je note les déclarations de monsieur BROTHERSON qui est : d'abord on construit, d'abord on travaille donc on n’a pas d’état d’âme.

ORIANE MANCINI
Pas d’inquiétude. Vous allez vous rendre prochainement en Polynésie ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je veux venir, tout ça se construit. C'est un sujet important, donc le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN, je n’en sais rien, on discute ça ensemble.

ORIANE MANCINI
Ce n’est pas prévu pour le moment, il n'y a pas de déplacement prévu en Polynésie ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Peut-être prévu. Vous savez, à la vitesse où je me déplace ça devient compliqué. Oui il y aura un déplacement en Polynésie, c'est clair. Il y a les JO qui arrivent, il faut les préparer.

ORIANE MANCINI
Mais quand ? Avant l'été, après l'été ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je ne sais. Mon emploi du temps est un tel casse-tête…

ORIANE MANCINI
Mais qu’est-ce que vous avez vu dans ce vote ? Dans ce vote, dans cette victoire claire des indépendantistes ? Est-ce que vous y avez vu une forme de rejet, de défiance envers la métropole ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Pas du tout, pas du tout. J'y ai vu des élections locales, d’ailleurs monsieur BROTHERSON a bien pris soin de ne pas dire : c'est un vote pour l'indépendance. Des élections locales avec une majorité qui était là depuis très longtemps. Donc des jeunes, une question sociale, c'est ça que j'ai vu, voilà.

ORIANE MANCINI
Mais quand même, est-ce que du coup ils ne sont pas en position de force pour négocier avec l'Etat un référendum d'autodétermination ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ils risquent de le perdre.

ORIANE MANCINI
Donc vous n’êtes pas inquiet. Pour vous, la Polynésie française ne deviendra pas indépendante.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Pas tant que je suis ministre.

ORIANE MANCINI
Oui mais après ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Mais je n’en sais rien. Je veux dire la vie est un long fleuve pas très tranquille, mais c'est surtout une vie de travail - une vie de travail - et je sais que monsieur BROTHERSON a envie de travailler.

ORIANE MANCINI
Mais pour vous, il ne demandera pas l'indépendance de la Polynésie ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Pas tout de suite.

ORIANE MANCINI
Pas tout de suite.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
En tout cas, c'est ce qu'il a dit. Vous savez, moi je crois ce que disent les gens. Il l’a dit, confirmez-le moi, il l'a bien dit, y compris il l'a écrit.

ORIANE MANCINI
La Polynésie française, ça représente une très, très grande partie de l'espace maritime français. Est-ce qu’il y a un risque d'une perte d'influence de la France ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je ne crois pas. Le président de la République a une stratégie indopacifique claire. Vous savez, j'étais en Calédonie en 88, on disait à l'époque qu’il fallait lutter. Les Calédoniens disaient, y compris les Kanaks, il faut lutter quand les Australiens. Tout ça, c’est… Le monde est confronté à une crise diplomatique, une crise écologique, une crise migratoire considérable. Considérable. Le vrai sujet c'est que la République puisse rassembler l'ensemble des populations qui la composent pour lutter, pour trouver les bonnes solutions, les bonnes solutions à cette crise qui est mondiale. Arrêtons de nous regarder le nombril. Cette crise elle est mondiale.

ORIANE MANCINI
Mais vous n’êtes pas inquiet pour la Polynésie, pour la Calédonie, d’une perte d’influence de la France, et de visées, peut-être de la Chine, sur ces territoires ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Attendez, les visées de la Chine elles sont évidentes. Je suis inquiet, mais de dire je suis inquiet ça ne suffit pas, ce qu'il faut faire c'est travailler, c'est ce que propose…

ORIANE MANCINI
Mais pour vous il y a des visées de la Chine ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Pardon.

ORIANE MANCINI
Pour vous il y a des visées de la Chine sur ces territoires français ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ils ne s’en cachent pas trop !

ORIANE MANCINI
Et alors, comment vous faites ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Eh bien on essaye que tout le monde soit… se dire la vérité, ensemble et progresser, ce qui compte c'est le niveau de vie des gens, ce qui compte c'est que les gens soient bien dans les territoires, ce qui compte c'est que les gens soient bien dans la République, et je ne suis pas sûr que ceux qui disent « oui, oui », que les communautaristes indépendantistes soient majoritaires.

ORIANE MANCINI
Et quel message vous adressez à ce matin en Polynésiens, qu'est-ce que vous leur dites ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je leur dis travaillons ensemble, ce qui compte c'est le bien-être des Polynésiens, ce qui compte c'est l'influence de la Polynésie dans la République et l'influence de la Polynésie républicaine dans le monde.

ORIANE MANCINI
Sur la Nouvelle-Calédonie, puisque vous en parliez, il y a un mois Elisabeth BORNE à ouvert à Matignon les discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, elle a reçu les indépendantistes et les pro-France, une visite de votre part, et de celle de la part de Gérald DARMANIN, était annoncée pour le mois de mai, est-ce qu’elle aura lieu ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Elle aura lieu au 1er juin.

ORIANE MANCINI
1er juin vous irez ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, et je note que Monsieur MAPOU, le président de la Calédonie, du gouvernement calédonien, est à Paris, il a rencontré la Première ministre, il a rencontré Gérald DARMANIN, je l'ai rencontré, travaillons, travaillons. C’est vrai que ce n’est pas très in de dire, voilà, moi je suis… je fais des annonces, je fais des machins, travaillons, sur l’eau en Guadeloupe on a travaillé et ça s’est arrangé, et c’est vrai, peut-être, je n’ai pas fait assez de publicité pour dire que l'Etat paye beaucoup, mais ça n'a pas d'intérêt, ce qui compte c'est d'avoir de l'eau.

ORIANE MANCINI
Et sur la Nouvelle-Calédonie les relations sont désormais apaisées entre l'exécutif et les indépendantistes ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Il me semble qu'ils se parlent correctement, Monsieur MAPOU a été reçu par Gérald DARMANIN longuement, par la Première ministre, par moi, il a vu le président du Sénat, il a vu la présidente de l'Assemblée nationale, on bosse.

ORIANE MANCINI
Ça veut dire qu’un accord vous paraît possible ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui.

ORIANE MANCINI
Pour quand, à quelle échéance là aussi ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Vous êtes terrible. Vous savez, le temps dans le Pacifique n’est pas le même que le vôtre, pas le même que le mien, ce qui compte c'est d’asseoir tout ça, d'asseoir tout ça, et qu'on progresse pas à pas. Le temps de pacifique n’est pas du tout le même.

ORIANE MANCINI
Donc vous irez le 1er juin, vous nous l'annoncez, et il y a aussi une visite d'Emmanuel MACRON cet été qui avait été envisagée, est-ce qu’elle aura lieu ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je ne commente pas les décisions du président de la République.

ORIANE MANCINI
Donc ce n’est pas acté pour le moment.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ce n’est pas ce que j’ai dit.

ORIANE MANCINI
C’est ni acté, ni pas acté.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
J’ai dit je ne commente pas le président de la République.

ORIANE MANCINI
Un mot sur Mayotte également, Mayotte où le gouvernement a donc lancé une opération pour lutter contre la délinquance et l'immigration illégale en expulsant massivement des étrangers en situation irrégulière, principalement venus des Comores, où en est cette opération aujourd’hui ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Eh bien ça se déroule pas mal…

ORIANE MANCINI
C’est-à-dire ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je vous rappelle qu’il y a trois sujets, il y a l’opération d'aller arrêter quelques délinquants, des vrais voyous, qui coupent des mains, qui attaquent des enfants, c'est quand même ça le vrai sujet, à tous ceux qui critiquent je dis allez voir le banditisme absolu, et si on ne faisait pas on nous dirait « ah là là, vous ne l’avez pas fait », on le fait " ah là là à vous la faute ", ça suffit, il fallait le faire et Gérald DARMANIN eu le courage de le faire. Deuxième sujet, le décasage, est-ce que vous accepteriez, vous, que, je ne sais pas où vous habitez, que partout il y ait des bidonvilles qui se mettent, machin, etc. ? Ce qui est fait, j’ai eu un échange de messages avec une de mes anciennes collaboratrices qui est responsable de l'hébergement d'urgence, elle m’a dit on n’a jamais fait autant pour reloger, elle me dit c’est un boulot émouvant, mais c’est terrible. On nous a donné tous les moyens pour reloger, tous les moyens, je rappelle qu’on a rouvert une société HLM avec Action Logement, ça va être un progrès énorme, et puis après il y a tous ceux qui sont la nature irrégulière, Anjouan ce n’est pas la France ! des réunions ont eu lieu hier avec la ministre des Affaires étrangères, le ministre de l'Intérieur, des deux pays si j’ose dire…

ORIANE MANCINI
Et les deux présidents de la République qui ont échangé, est-ce que les Comores vont accepter de reprendre leurs ressortissants ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je pense que oui.

ORIANE MANCINI
Oui ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je pense que oui, que ça va se faire doucement.

ORIANE MANCINI
Vous pensez ou ça a été acté ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Vous savez, en matière de politique étrangère tout ça est toujours compliqué, je pense que oui, et que le bon sens va l'emporter, et le bon sens c'est quand même que la France coopère avec les Comores…

ORIANE MANCINI
Et que les Comores coopèrent avec la France.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Et que les Comores coopèrent en acceptant que…

ORIANE MANCINI
Et là ça a l’air plus compliqué…

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Quelle est cette histoire de rejet de ses ressortissants, de ses propres ressortissants ?

ORIANE MANCINI
Donc vous leur dites il faut les reprendre, sinon quoi, sinon il faudra suspendre l’aide au développement qui est accordée aux Comores ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je pense que je n’aime pas quand on fait chanter ma République.

ORIANE MANCINI
Donc oui.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Donc oui.

ORIANE MANCINI
Donc suspension de l’aide au développement….

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Non, ils négocient.

ORIANE MANCINI
Est-ce qu’il faut aussi suspendre des visas ? c’est ce que demandent certains élus.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Attendez, je ne suis pas ministre des Affaires étrangères, je note que tous les ministres ont la double nationalité, beaucoup, beaucoup, donc voilà, essayons…

ORIANE MANCINI
C’est pour ça que je vous demande est-ce qu’il faut aussi suspendre des visas ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Essayons, encore une fois, de travailler au fond sur les trois sujets, il y en a un qui est très bien parti, c’est d’arrêter des assassins, il y en un qui est bien parti aussi c'est de recaser, de construire, de mieux reloger les gens, il y en a un qui est en discussion, et je pense qu'il est en bonne voie.

ORIANE MANCINI
Elle prendra fin quand cette opération ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je vais dire c'est une accélération de ce qu'on faisait avant, elle ne durera pas, on ne pourra pas maintenir les forces de l’ordre, quand on aura abouti à un certain nombre d’arrestations de voyous, c’est ça que je veux mettre en avant.

ORIANE MANCINI
Mais quel est votre objectif, deux mois ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Deux, trois mois, oui.

ORIANE MANCINI
Deux, trois mois. Elisabeth BORNE veut finalement un texte immigration en juillet, elle a demandé à Gérald DARMANIN de travailler dessus pour cette échéance, est-ce qu'il y aura dans ce texte un durcissement du droit du sol à Mayotte ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Alors, je ne m'occupe pas d'immigration, ça, avec Gérald DARMANIN, on a un partage des tâches…

ORIANE MANCINI
Mais vous vous occupez du droit du sol à Mayotte.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
On a un partage des tâches, sur les sujets immigration c'est complètement
lui, ça ne concerne pas que l'Outre-mer…

ORIANE MANCINI
Lui il a affiché sa volonté de durcir le droit du sol à Mayotte, est-ce que ça peut figurer dans ce texte ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Est-ce que vous savez que l'immigration à Cayenne, quelle est la première nationalité qui immigre à Cayenne ?

ORIANE MANCINI
Vous allez nous le dire.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Non, non, mais dites-le, je vous interroge, pour une fois on change de…

ORIANE MANCINI
C’est vous qui répondez aux questions.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Ce sont des Marocains sahraouis, et la deuxième c'est des Syriens, la troisième c’est des Afghans, le monde change, le monde change.

ORIANE MANCINI
Mais là on s’éloigne de Mayotte, est-ce qu’il faut durcir le droit du sol à Mayotte ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je pense que oui, mais ce n’est pas ma compétence.

ORIANE MANCINI
Un mot sur les travaux du Sénat puisque la délégation sénatoriale aux Outre-mer a remis ses travaux sur l'avenir institutionnel des Outre-mer, est-ce que vous êtes favorable à un changement de Constitution pour renforcer la différenciation ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Le président de la République, à la suite de l'appel de Fort-de-France, a réuni tout le monde le 7 septembre, il a indiqué sa voie, donc j'y travaille, moi on m’a demandé de travailler sur les perspectives, le rapport du Sénat est pas mal fait d'ailleurs…

ORIANE MANCINI
Vous allez reprendre certaines de leurs propositions ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
En tout cas leur plan. Dans la note que je fais, je fais une note à Monsieur le ministre de l'Intérieur, que j’espère lui remettre le 15 juin, puis elle sera transmise au président de la République et il décidera. Vous savez, dans la vie…

ORIANE MANCINI
Ça veut dire quoi leur plan, qu’est-ce que vous allez reprendre ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Dans la vie il faut dire des choses réalistes, en tout cas quand vous êtes ministre ce n’est pas des invocations, ce n’est pas des évocations, c’est dire des choses réalistes susceptibles d'être faites, et je rappelle que s'il y a des modifications institutionnelles fortes, il faut l'accord des populations.

ORIANE MANCINI
Mais vous n'êtes pas fermé à un changement de Constitution.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
On n’est pas fermé du tout, en tout cas le président de la République l’a indiqué clairement.

ORIANE MANCINI
Il propose aussi que chaque année au Parlement soit consacrée une semaine législative aux Outre-mer.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, oui oui.

ORIANE MANCINI
Ça vous le reprenez ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Non mais je veux dire ce n’est pas… l’important c’est que les lois soient votées, après, c’est peut-être 37 heures et 18 heures, enfin je n’en sais rien, ce n’est pas le sujet.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot, Marine LE PEN a fait des scores élevés à la dernière présidentielle dans les territoires d'Outre-mer, est-ce que ça acte un échec de la politique d'Emmanuel MACRON dans ces territoires ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
D’abord je l'appelle que… c’est marrant comme vous posez la question, ce n’est pas la politique d'Emmanuel MACRON, c'est éventuellement la politique du gouvernement, conduite par…orientée par Monsieur MACRON, la politique des élus locaux, la politique des chefs d'entreprise, arrêtez de tout personnifier comme ça.

ORIANE MANCINI
C’est-à-dire qu’il a été 5 ans au pouvoir !

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, oui, mais attendez, quand vous êtes au pouvoir vous ne faites pas tout ce que vous voulez, ce n’est pas une dictature ! pour que ça marche…

ORIANE MANCINI
…Quand même fortement la politique de votre gouvernement.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Oui, eh bien je trouve que c’est un échec global du travail…

ORIANE MANCINI
De tout le monde.

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Mais bien sûr, mais bien sûr.

ORIANE MANCINI
Exécutif et élus locaux ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Et chefs d’entreprise, tout le monde. On réussira ensemble. Non au communautarisme des élus locaux face à l’Etat, non au communautarisme de l'Etat face aux élus et aux chefs d'entreprise, c'est ça qui s'est passé, et c'est ça que le président MACRON, Gérald DARMANIN, m’ont dit « essaye de le changer. »

ORIANE MANCINI
Une dernière question que posait Victorin LUREL qui était à votre place et qui était votre prédécesseur au ministère des Outre-mer, est-ce que vous avez les moyens de votre politique aujourd’hui ?

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Je vais vous dire, jamais le budget de l'Outre-mer n'a été aussi fort, il a dépassé les 3 milliards, jamais de budget de l'Etat consacré à l'Outre-mer, qui est à 23, 24 milliards, n'a été aussi élevé, ça c'est la vérité, personne ne veut le dire, ça gêne ceux qui pleurent.

ORIANE MANCINI
Merci Jean-François CARENCO, merci beaucoup…

JEAN-FRANÇOIS CARENCO
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
D’avoir été notre invité pour la première fois de cette émission, dans cette émission, merci d’être venu.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 mai 2023