Interview de M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, à RMC/BFMTV le 24 mai 2023, sur les violences envers les soignants et la situation dans les hôpitaux (urgences, pénurie de lits et de médecins).

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Média : RMC - BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8h33 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV, bonjour François BRAUN.

FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d’être dans ce studio pour répondre à mes questions ce matin, vous êtes le ministre de la Santé, à 11h55 vous serez à l’hôpital Georges Pompidou pour vivre cette minute de silence qui va être vécue dans tous les hôpitaux de France, vous serez auprès des soignants après ce drame qui est intervenu au CHU de Reims, l’infirmière Carène est morte, il y avait une autre personne qui a été poignardée également ce jour-là, qui était secrétaire médicale, je voudrais commencer par avoir une pensée pour elle et savoir comment elle va, si vous avez des nouvelles.

FRANÇOIS BRAUN
Bien sûr c’est, au-delà de la colère qu’on doit ressentir, il y a une émotion certaine pour ce qui s’est passé, qui est absolument horrible, inqualifiable. Carène est décédée, sa collègue est sortie du bloc opératoire, heureusement, elle est maintenant en surveillance, elle va mieux, mais restons quand même toujours prudents et comme vous je veux avoir un message pour la famille, pour les amis, pour les collègues, pour tous ceux qui sont intervenus sur ce drame.

APOLLINE DE MALHERBE
C’est évidemment un drame qui traverse toute la société aujourd’hui, on partage cette question d’émotion, et puis elle pose beaucoup de questions cette situation, des questions sur la sécurité, des questions sur le jugement, des questions sur ce qui s’est passé bien sûr, il y a de nombreux soignants qui témoignent depuis en disant « ça a été Carène, mais demain ça pourrait être nous. » Est-ce qu’il y a, d’abord sur la question de la sécurité des hôpitaux, de la sécurité des soignants, dans un contexte de violence accrue, c’est ce que disent les soignants, des mesures que vous allez mettre en place ?

FRANÇOIS BRAUN
Il y a un contexte de violence accrue envers les soignants, envers nos maires, on en parlait encore il y a quelques jours, il y a un contexte global de violence, et toute violence est inacceptable. Je crois que la première chose c’est de bien rappeler qu’il n’y a pas de violence banale, il n’y a pas ce qu’on appelle des incivilités, c’est violent, montrer le poing à quelqu’un ce n’est pas simplement un geste d’humeur, c’est le menacer, injurier une infirmière c’est une violence. Le premier point c’est de dire que toutes ces violences sont inacceptables, moi je veux une tolérance zéro, je veux qu’elles soient signalées, qu’elles soient prises en compte, nous avons mis en place déjà des mesures, il y a une convention hôpital-police-justice qui est en mise en place dans les établissements, qui permet une collaboration fluide entre tout le monde, qui permet aux soignants d’aller porter plainte rapidement, on banalise beaucoup trop, beaucoup trop, dans notre société, et de fait aussi dans le domaine sanitaire, ces violences.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous étiez urgentiste d’ailleurs vous-même avant d’être ministre…

FRANÇOIS BRAUN
Bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc c’est un univers, un quotidien, que vous connaissez par coeur !

FRANÇOIS BRAUN
Que je connais par coeur, c’est pour ça aussi qu’on peut faire des plans, on a d'ailleurs un plan de sécurisation des établissements, on a 25 millions par an qui sont mis aux établissements pour faciliter justement cette sécurisation, mais ce qu'il faut, et ce que je veux aujourd'hui, ce sont des mesures pratiques qui se voient sur le terrain, des choses simples, très simples…

APOLLINE DE MALHERBE
Alors allez-y, lesquelles, parce qu’effectivement on a l’impression qu’à chaque fois il y a des plans qui sont mis en place, il y a des conventions, comme vous dites, mais le problème c'est que dans l'urgence immédiate d'un danger ça ne marche pas à tous les coups, je vais y revenir, mais d'abord vos solutions.

FRANÇOIS BRAUN
Il faut des choses pragmatiques. Je réunis demain les organisations syndicales, tout le monde, pour qu'on fasse vraiment le point, ce qu’on met sur la table tout de suite, j'ai confié en en février à ma ministre déléguée un travail autour de ce sujet de la sécurité…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça n’a pas l’air d’avoir porté ses fruits, c’est-à-dire que vous allez l’air de lui avoir, si j’en crois mes collègues notamment du journal « l’Opinion », qui disent que vous lui avez passé un savon, que vous l’avez convoquée, que vous lui dites que ça ne va pas quoi !

FRANÇOIS BRAUN
Ce n’est pas le sujet, ses travaux avancent…mais ce que je veux là ce sont des mesures concrètes, ce qu’attendent les soignants sur le terrain c'est qu'on leur dise voilà, le parking, où l'infirmière va le soir à 22h, où il n’y a pas de lumière, où il n’y a plus assez de lumière, eh ben il faut mettre de la lumière, la porte du bureau, du vestiaire, où on attend, et je l'ai vécu, on attend deux mois pour changer le digicode, c'est inacceptable. Je veux dire aux soignants tous ces, j’allais dire des irritants, mais le terme n’est pas assez fort, toutes ces « erreurs » du quotidien, sont inacceptables. Quand une infirmière a un téléphone qui ne fonctionne pas, vous savez dans le service d'urgences on a des téléphones, il y a un bouton d'alarme dessus, puisque forcément on doit être… eh bien souvent ça ne marche pas, parce que ça appelle la sécurité, ça c’est inadmissible.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, sauf que c’est la réalité effectivement du terrain. D’abord, vous, je le disais, vous avez été dans les urgences, vous êtes vous-même médecin, est-ce que vous avez déjà eu peur, est-ce qu'au quotidien vous avez été confronté vous personnellement François BRAUN ?

FRANÇOIS BRAUN
J’ai été confronté à de la violence au quotidien, bien sûr, bien sûr, je ne vais pas dire qu’on est allé jusqu'à se battre dans les services d'urgences, mais on est amené des fois à maîtriser des personnes qui peuvent être extrêmement violentes. 

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez déjà eu peur ?

FRANÇOIS BRAUN
Je vais paraître prétentieux en disant non, mais, peur non parce que nous sommes en équipe et puis je n’ai pas été confronté à des actes…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’étiez pas seul, vous n’étiez jamais seul.

FRANÇOIS BRAUN
Voilà. Remarquez, je vous dis ça et je réfléchis en même temps, et je me dis une fois, oui, il y a une personne qui m’a menacé avec une batte de baseball et là c’est quand même… on est un petit peu prudent. Mais surtout…

APOLLINE DE MALHERBE
Le problème c’est la solitude, et là vous disiez, c’est le fait d’arriver la nuit, c’est, on a eu des témoignages, on a eu Caroline ce matin qui nous a appelés sur RMC, qui disait que parfois quand elle prend ses gardes de nuit et qu'elle arrive dans le parking, en effet, qu'il n’est pas éclairé, qu'elle voit des gens qui zonent, qu'elle voit des gens qui errent dans les couloirs, qu'on rentre comme dans un moulin à l'hôpital et dans de nombreux hôpitaux de France, elle dit qu'elle a peur quand elle arrive. Il y a aussi les boutons qui ne fonctionnent pas, on a eu Julien, qui est de l'infirmier dans un hôpital psychiatrique, qui nous a appelés ce matin d'un hôpital de Normandie, il dit « nous on a un système de cordelette, à l'ancienne, fixée sur notre blouse, on est censé tirer sur la cordelette et on a normalement une quinzaine de personnes qui arrivent immédiatement », il dit qu'il a été confronté à cette situation, qu'il a tiré sur la cordelette et qu'il y a deux personnes qui sont arrivées, bon an, mal an, ça ne fonctionne pas.

FRANÇOIS BRAUN
C’est ça qui est inadmissible, c'est-à-dire qu’il y a des systèmes, mais des systèmes qui tombent un peu en désuétude, qui tombent en panne, qui ne sont pas remplacés. Ce que je veux dire aux soignants, là maintenant, c'est, un, n'acceptez aucune violence, arrêtez d'utiliser ce terme d'incivilité parce que quelqu'un vous a injurié, un patient, une famille, n'importe qui qui injurie un soignant c'est un acte de violence, il ne faut pas l'accepter, je crois que c'est vraiment la première chose. Il faut porter plainte, et, je le disais, la police, la justice…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que l’institution soutient, est-ce que l’institution soutiendra ?

FRANÇOIS BRAUN
L’institut soutient, soutiendra, comme c’était malheureusement le cas à Reims lundi, la police et la justice sont organisées pour prendre ces plaintes rapidement, donc…

APOLLINE DE MALHERBE
On verra ensuite le suivi, parce qu’on va revenir quand même sur le profil de la personne en question, il y a beaucoup à dire aussi sur le suivi et sur les contraintes qui sont ensuite posées.

FRANÇOIS BRAUN
Il n’y a pas de violence gratuite, je crois que c’est vraiment ça le message.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça, les violences gratuites il ne faut pas les accepter…

FRANÇOIS BRAUN
Deux, tous ces irritants, je suis désolé…

APOLLINE DE MALHERBE
Deux, vous nous dites que les digicodes, les lumières, etc.

FRANÇOIS BRAUN
Ça suffit.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça va être réparé, mais ça va être réparé quand ?

FRANÇOIS BRAUN
Ah mais là, ce n’est pas dans six mois.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça doit être la priorité.

FRANÇOIS BRAUN
C’est la semaine prochaine il doit y avoir un audit dans tous les établissements, il y a des directions, il y a des ingénieurs…

APOLLINE DE MALHERBE
Tout ce qui ne fonctionne plus, les portes qui n’ouvrent plus…

FRANÇOIS BRAUN
Tout ce qui ne fonctionne pas en termes de sécurité…

APOLLINE DE MALHERBE
Ou qui restent trop ouvertes…

FRANÇOIS BRAUN
Les portes magnétiques qui ne marchent plus, les badges, les machins, je veux que l’on vérifie tout ça, tout de suite, et que l'on répare.

APOLLINE DE MALHERBE
Et les hôpitaux dans lesquels les systèmes de sécurité sont vétustes, je parlais de la cordelette, la cordelette visiblement c'est un truc qui date d'il y a 20 ans, aujourd'hui, vous le disiez, normalement c'est plutôt le téléphone qui est censé marcher, encore une fois, quand il marche.

FRANÇOIS BRAUN
Oui, quand il marche, c’est bien là le problème.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc tout ça va être modernisé et réparé, on en est là…

FRANÇOIS BRAUN
25 millions d’euros par an…

APOLLINE DE MALHERBE
On va commencer par réparer.

FRANÇOIS BRAUN
25 millions d’euros par an, qui sont dédiés, pour l'instant, à l'ensemble de cette sécurité, s'il faut plus, nous mettrons plus pour corriger tout ça, mais en tout cas on ne peut plus accepter des systèmes défaillants.

APOLLINE DE MALHERBE
Ensuite le suivi judiciaire, on va en parler dans un instant, mais si on reste sur cette question aussi de la solitude. Julien, cet infirmier, ce matin il disait en 5 ans j'ai vu ma vie au quotidien se dégrader parce que nous sommes dans un hôpital où il y a 27 lits psychiatriques, 2 chambres d'isolement, il y avait 5 infirmiers il y a 5 ans, il n’y en a plus que 2 aujourd'hui. Ce n’est pas que des postes ont été fermés, c'est qu'il y en a 3 qui ont démissionné, qui ont fini par être épuisés, notamment après le Covid, et qui n'ont jamais trouvé de successeur. Ils travaillent à 2, alors qu'ils devraient être 5, et ça j'imagine que c'est dans beaucoup, beaucoup d'hôpitaux de France.

FRANÇOIS BRAUN
C’est dans beaucoup d'hôpitaux de France, c’est dans beaucoup de services, c'est le drame de notre hôpital public aujourd'hui. J’entends tout le temps il faut des lits, il faut des postes, mais nous avons les lits, nous avons les postes, mais nous n’avons pas les personnes pour être sur ces postes.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui enfin, il est payé 1700 euros, il bosse la nuit, il bosse le week-end, il est épuisé et il est injurié par les patients, donc je comprends qu’on ne trouve pas tellement de candidats.

FRANÇOIS BRAUN
Hier, malgré ce drame, j’étais au salon SantExpo qui réunit tout le monde de la santé, j’ai eu l’occasion de présenter au monde de la santé réuni les choses que nous allons mettre en France, ce que je vais mettre en place rapidement, pour la reconnaissance des pénibilités du métier de soignant, sur le partage de la garde entre l'ensemble des professionnels, le public comme le privé, nous avançons. Vous savez, quand je suis arrivé j'ai mis des jalons, j'ai dit que pour l'été nous aurons un certain nombre de mesures, sur le fonctionnement de l'hôpital, la gouvernance de l'hôpital, les carrières, eh bien tout ça va être annoncé avant le mois de juin.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous postuleriez, vous, pour un poste à 1700 euros dans un endroit où vous allez devoir faire le boulot de 5 personnes alors que vous serez sans doute 2 ou 3 et que vous allez bosser le soir, le week-end, et il disait « parfois la veille pour le lendemain on nous dit demain il faut que, au pied levé, tu viennes dans une organisation chaotique », me disait-il.

FRANÇOIS BRAUN
Vous savez, c’est un très très bon exemple ce principe de les appeler, ils sont en week-end, on leur dit « il faut venir demain parce qu'on n'a pas d'autre solution », ce que je veux mettre en place, typiquement là-dessus, ce sont des astreintes pour les infirmiers, ça n'existe pas, ça existe pour les médecins, ça n'existe pas pour le personnel infirmier.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça permettrait d'anticiper ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça permet d'anticiper, ça permet au cadre de santé de ne pas être obligé d'appeler 20 personnes pour en trouver une et les enquiquiner pendant le week-end…

APOLLINE DE MALHERBE
Des astreintes payées ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça permet que les astreintes soient payées, que ce soit indemnisé correctement, que quand les gens reviennent ils aient une rémunération qui correspond à l’effort qu’ils font, c’est tout ça que nous devons mettre en place dans l’hôpital. Ces propositions vont être avant la fin du mois de juin pour une mise en application le plus vite possible.

APOLLINE DE MALHERBE
Sur cette question du salaire également, 1700 euros pour un job d’infirmier dans un service psychiatrique avec des horaires effectivement à rallonge, est-ce qu’il n’y a pas un moment où il faut aussi rallonger le salaire ?

FRANÇOIS BRAUN
Il faut surtout… alors, la question du salaire se pose, et comme je l’ai dit dès je suis arrivé, il n’y aura pas de tabou et tout est sur la table, mais il faut surtout améliorer les conditions de travail, c’est ça aussi qui est essentiel, éviter ces horaires décalés en permanence, redonner au service la possibilité de s’organiser, qui mieux que le service, les personnels du service savent comment ils doivent s’organiser pour prendre en charge les patients.

APOLLINE DE MALHERBE
Et je précise que Julien, donc qui nous a appelés ce matin, il a tenu malgré tout à dire qu’il aimait son métier, que c’était un métier de vocation, et qu’il continuait encore aujourd’hui à aimer son métier. Ça c’est pour le personnel…

FRANÇOIS BRAUN
Mon travail c’est pour qu’il continue encore demain.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça c’est pour le personnel, les bâtiments, le fait de pouvoir rentrer dans des hôpitaux comme on rentre dans un moulin, est-ce qu’il n’y a pas un moment où il faut se poser cette question-là ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors on ne rentre pas dans un moulin partout dans un hôpital, je crois qu’il faut là aussi remettre les choses… vous ne pouvez pas rentrer dans un bloc opératoire comme ça, dans un service de réanimation, je l’espère dans un service d’urgences…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais évidemment les urgences, de fait, il faut pouvoir y rentrer, mais même, moi je prends l’exemple des maternités, n’importe qui peut rentrer éventuellement dans les étages, monter l’ascenseur et rentrer même dans les chambres.

FRANÇOIS BRAUN
L’hôpital est un lieu qui, malgré tout, est un lieu qui reste ouvert, ça ne va pas devenir une forteresse…

APOLLINE DE MALHERBE
Comment on trouve l’équilibre.

FRANÇOIS BRAUN
Voilà, c’est tout cet équilibre, il y a des secteurs qui doivent être des secteurs plus sécurisés, où on peut rentrer… vous savez, tous les professionnels de santé ont un badge maintenant, où on peut mettre son badge pour rentrer quand on va dans un service, eh bien il faut s’annoncer avant pour pouvoir rentrer, c’est ces solutions-là que je veux qu’elles soient mises en place.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais par contre on a l’impression que les soignants sont en première ligne et qu’ils doivent aussi faire ce job-là, c’est-à-dire que c’est à eux qui, suivant qu’ils se trouvent dans le bon couloir ou pas, tombent sur quelqu’un et ils disent « monsieur vous allez où ? », tout ça paraît assez chaotique quand même.

FRANÇOIS BRAUN
Oui, alors ça peut paraître chaotique, mais ça ne l’est pas, heureusement, dans la majorité des établissements, et effectivement, je vous rejoins, ce n’est pas le rôle d’un soignant de faire de l’orientation des personnes dans un hôpital, il y a des agents pour cela.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu’il faut mettre en place des agents de sécurité de manière plus systématique ?

FRANÇOIS BRAUN
Les agents de sécurité existent dans les établissements, ce n’est pas tant d’en mettre plus ou de les mettre partout, c’est qu’on puisse les appeler, qu’ils puissent intervenir. A Reims, pour revenir sur cette situation terrible, les agents de sécurité sont intervenus très vite, ils ont d’ailleurs permis de signaler l’agresseur à la police, qui elle aussi est venue très vite pour l’interpeller, c’est vraiment ce système, comment fait-on le lien le plus rapide possible entre l’agression, l’incident et l’intervention de personnes supplémentaires.

APOLLINE DE MALHERBE
François BRAUN, l’homme en question est rentré dans l’hôpital avec son couteau de 20 centimètres, il a ciblé délibérément des soignants, mais ce n’était pas la première fois, il avait déjà commis des actes d’agression, même mode opératoire, au couteau, contre des soignants, c’était en 2017, contre quatre soignants à l’époque. Cinq ans plus tard, 2022, il a enfin été jugé, mais à ce moment-là il y a eu un non-lieu pour irresponsabilité pénale, et depuis il y avait encore une suspension dans ce jugement-là pour confirmer si oui ou non il était pénalement responsable et l’audience, justement, elle devait, elle aura lieu ce vendredi. Comment est-ce possible que pendant tout ce temps-là il soit resté dans la nature ?

FRANÇOIS BRAUN
Je crois qu’il ne faut pas, déjà par rapport à cette situation une enquête a été diligentée très rapidement par la justice, il faut laisser l'enquête avancer, savoir exactement ce qui s'est passé, savoir dans quel…

APOLLINE DE MALHERBE
Quelle enquête, là vous me parlez de Reims ?

FRANÇOIS BRAUN
De Reims.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais enfin on a déjà eu l'enquête pour…

FRANÇOIS BRAUN
Oui mais là précisément dans quel état d'esprit était cette personne, qu'est ce qui s'est passé exactement, je ne peux pas vous en dire plus parce que l'enquête est en cours. Je crois que nous avons un système judiciaire qui fonctionne bien avec les problématiques…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous trouvez que ça fonctionne bien ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui la justice l’a arrêté rapidement.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous avez quelqu'un qui a déjà fait ça.

FRANÇOIS BRAUN
Je crois qu'on ne peut pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Qui n'avait aucune contrainte, ni même de contraintes psychiatriques, c'est-à-dire qu’il était censé être suivi mais en ville et il a d'ailleurs reconnu qu'il ne prenait plus de traitement et personne ne s'en inquiéter, quelqu'un qui a poignardé 4 personnes quand même.

FRANÇOIS BRAUN
Je vous dirai, je ne reviendrai pas sur ce qui a amené à ce drame absolument terrible et je le redis, il faut laisser une enquête se conduire. Dans ce qu'on appelle les hospitalisations….

APOLLINE DE MALHERBE
Je ne peux pas me satisfaire de cette réponse, François BRAUN, parce que l’enquête sur Reims, je veux bien le croire, mais il y a déjà eu une enquête, il y a eu 6 ans d'enquête.

FRANÇOIS BRAUN
Et il y a eu des décisions qui ont été prises après l'avis de psychiatres par la justice. Je crois qu’il ne faut pas….

APOLLINE DE MALHERBE
Donc c'est comme ça.

FRANÇOIS BRAUN
Non, ce n’est pas comme ça, je crois qu'il ne faut pas mélanger, en tout cas je ne souhaite pas qu’on mélange le problème de la psychiatrie, le problème de la violence, ce sont deux choses qui sont, je suis désolé de le dire, distinctes et on le voit bien par la violence qu’il y a dans notre société. Est-ce que vous savez que les personnes handicapées psychiques, malades psychiatriques si on veut faire simple sont responsables de 2 % des actes pénalement répréhensibles, 2 %, c'est beaucoup, c'est trop mais ce n’est pas beaucoup non plus. On focalise systématiquement sur ces pathologies psychiatriques et ces malades psychiques sont malheureusement plus souvent victimes de violences qu'auteurs de violences. Alors des événements aussi terribles, aussi dramatiques que ce qui vient de se passer à Reims mettent un éclairage cru violent sur cette situation mais je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, il faut traiter ces actes de violences, il faut traiter la violence…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là je ne mélange pas grand-chose, François BRAUN, c’est la même personne qui a commis les mêmes actes, les uns en 2017, les autres cette semaine, ce n’est pas tout mélanger que de faire un rapprochement quand même entre ce qu'il a vécu et qu'il a commis en 2017 et ce qu’il a commis cette fois-ci.

FRANÇOIS BRAUN
Ce rapprochement est tout à fait licite, mais je le redis laissons les enquêteurs et la justice faire leur travail.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais le fait qu’il n'y ait pas eu de décision de mesure de sûreté, qu'il n'y ait pas eu de mesure d'enfermement, qu'il n'y ait pas eu d'obligation de soins ou en tout cas pas de suivi d'une obligation de soins ça ne vous paraît pas un problème ?

FRANÇOIS BRAUN
Je n’ai pas que ça ne me paraissait pas un problème, c'est une personne qui si j'en crois les informations qui m'ont été fournies était sous curatelle donc qui était donc surveillée, qui n'était pas si libre que ça mais je le redis laissons cette enquête éclairer toutes les circonstances de cette agression.

APOLLINE DE MALHERBE
Et la question effectivement des moyens que l'on donne à l'hôpital psychiatrique, aux soins de la santé mentale en France, est-ce qu’il y a un problème là-dessus, est-ce qu'il n'y a pas suffisamment de moyens ? Les psychiatres, les psychologues tout le monde crie au fait que la santé mentale est le parent pauvre de la santé en France, est-ce que ça n’en est une illustration, une de plus ?

FRANÇOIS BRAUN
Je ne vais pas redire ce que je dis depuis que je suis arrivé sur l'état de notre système de santé, notre système de santé a des difficultés…

APOLLINE DE MALHERBE
Notre système de santé a des difficultés, mais la psychiatrie là-dedans encore plus !

FRANÇOIS BRAUN
Vous savez, nous avons 15.500 psychiatres en activité, 600 établissements psychiatriques, quand j'entends qu’on en manque partout, qu'il n'y en a pas, non, nous avons des structures. Alors, nous manquons de personnel, il y a des lits qui sont fermés par manque de personnel, comme dans les autres spécialités, nous avons aussi une concentration, mais c'est l’organisation-même de la psychiatrie, autour de ces établissements psychiatriques, je crois qu'il faut que nous continuions à développer ces réseaux autour de la psychiatrie, le quinquennat précédent a amené des solutions dans le cadre des Assises de la santé mentale, j'attends là aussi, en ce qui concerne les jeunes, puisqu'on en parle beaucoup aussi, les conclusions des Assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie, nous avons mis en place, au précédent quinquennat, "Mon parcours psy" qui, quoi qu'on en dise, a pris en charge 300.000 consultations…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça fait beaucoup d’assises, beaucoup de réflexions, peu de décisions.

FRANÇOIS BRAUN
Non, mais « Mon parcours psy » c’est objectif, c’est 300.000 consultations, c'est près de 100.000 personnes qui sont prises en charge, donc il y a des solutions qui se mettent en place, comme dans les autres sujets de la santé, nous avançons, nous continuons à avancer, je veux qu'on avance encore plus vite sur ces questions de sécurité, avec des éléments pratiques, des solutions pratiques, concrètes, qui se voient sur le terrain.

APOLLINE DE MALHERBE
François BRAUN, deux questions encore, l’une d'abord sur drogue et alcool, évidemment le drame de Roubaix cette semaine, mais aussi hier à Trappes une petite fille de 6 ans qui a été tuée par une personne qui conduisait sa voiture et qui était sous l'emprise du cannabis, est-ce que ce n’est pas un problème majeur de santé publique, comment lutter, comme on a pu mettre en place un plan contre l'alcool au volant, est-ce qu'il faut assumer, en France, malgré le fait qu’officiellement on ne se drogue pas, puisqu’officiellement c'est interdit, de mettre en place une vraie campagne contre la drogue au volant ?

FRANÇOIS BRAUN
Je pense qu’il faut… je travaille sur l'ensemble de ces sujets des addictions, pourquoi ? parce que, quand on parle de drogue, quand on parle du cannabis, de l'alcool, on parle du tabac aussi, c'est quand même un produit qui est psychoactif, c'est-à-dire qui augmente le tonus un petit peu, si vous voulez, eh bien paradoxalement les jeunes fument moins, fument moins de cannabis et boivent moins d'alcool, par contre il y a des dérives vers d'autres modes de consommation addictifs, qui sont terribles, des produits psychoactifs beaucoup plus puissants, on a parlé de l’hexahydrocannabinol, ce fameux HHC dont on parle, la cocaïne qui est de plus en plus…

APOLLINE DE MALHERBE
Le HHC n’est pas interdit !

FRANÇOIS BRAUN
Ça ne va pas tarder.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah, ça ne va pas tarder ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça ne va pas tarder.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous nous annoncez ce matin qu’il va finir par être interdit, aujourd’hui on peut l’acheter à tous les coins de rue !

FRANÇOIS BRAUN
Oui, j’attends l’avis de l'ANSM, comme je l'ai dit, j'ai demandé à l’ANSM de se dépêcher un peu plus…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin votre avis a l’air d’être fait.

FRANÇOIS BRAUN
Voilà, mais discutez avec les professionnels, tout le monde est d’accord, c'est un produit addictif, donc c’est un stupéfiant…

APOLLINE DE MALHERBE
D’accord, donc le HHC sera interdit.

FRANÇOIS BRAUN
Il sera mis dans la liste des stupéfiants dès que possible.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu’il faut inscrire sur les bouteilles de vin « boire tue », sur les bouteilles d’alcool ? c’est une proposition que fait Julien COURBET qui a perdu son père qui a été renversé par un chauffard alcoolisé.

FRANÇOIS BRAUN
Ces problèmes d’addiction, je crois qu’il faut les prendre de… je fais plus que croire, je suis persuadé, qu'il faut les prendre sur trois aspects différents, la prévention, la lutte contre le trafic et les mésusages, si je peux m'exprimer ainsi, et ensuite le traitement. En ce qui concerne la prévention c'est un élément essentiel, vous savez, ce n’est pas pour rien que c’est le ministère de la Santé et de la Prévention.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ministre de la Santé et de la Prévention.

FRANÇOIS BRAUN
Voilà. La prévention est essentielle, pourquoi ? parce qu’il faut que nos jeunes aient la capacité de dire non, c'est ça qui est important. Alors, je ne vais pas entrer dans des détails très très techniques, mais on parle de compétences psychosociales, c'est quoi ces compétences psychosociales ? c’est redonner aux jeunes la capacité de dire non, la bonne estime de soi, le fait d'interagir avec les autres, le fait de reconnaître ses émotions, tout ça doit être travaillé. Les jeunes parents, le programme…

APOLLINE DE MALHERBE
Travailler…

FRANÇOIS BRAUN
Mis en place, ça avance.

APOLLINE DE MALHERBE
Travailler tout au long de la chaîne, on l’a vu malheureusement cette semaine, effectivement, votre charge est lourde, non seulement du côté de la santé, mais aussi de la prévention, merci à vous François BRAUN d’avoir répondu à mes questions ce matin sur RMC et BFM TV.

FRANÇOIS BRAUN
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 25 mai 2023