Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à CNews le 30 mai 2023, sur la lutte contre la fraude sociale, le RSA, la proposition de loi du groupe Liot et la loi immigration.

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Média : CNews

Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Bonjour Monsieur le Ministre.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

LAURENCE FERRARI
Bienvenu dans la matinale de Cnews. On va commencer par la lutte contre la fraude sociale, on parlera ensuite de vos dossiers, notamment le travail et tout ce que vous avez proposé sur le partage de la valeur. Mais d'abord, cette fraude sociale, qui est le pendant du plan contre la fraude fiscale. Est-ce qu'il y avait urgence à envoyer un signal très clair aux Français ? On parle de 6 à 8 milliards d'euros par an pour cette fraude aux prestations sociales.

OLIVIER DUSSOPT
Il y a une urgence chaque année. Et quand j'étais moi-même ministre des Comptes publics, j'avais cranté un certain nombre de dispositifs, avec des moyens dans les Caisses de Sécurité sociale, pour lutter contre la fraude. Gabriel ATTAL a présenté les mesures nouvelles, comment renforcer encore la lutte contre la fraude sociale, avec des estimations aujourd'hui que nous connaissons, notamment de la Cour des comptes au autour de la fraude au travail illégal ou encore des fraudes aux prestations. Ce qui est très important de souligner, c'est que cela représente des sommes importantes évidemment, c'est à chaque fois…

LAURENCE FERRARI
On parle de milliards d'euros, on est d'accord.

OLIVIER DUSSOPT
De milliards d'euros. Ça a à chaque fois une forme de trahison, et il a à la fois la fraude dont on parle souvent, qui et la fraude aux allocations…

LAURENCE FERRARI
Aux prestations.

OLIVIER DUSSOPT
… mais le plus gros de la fraude est souvent une fraude à la déclaration et donc à l'assiette de cotisations, lorsque l'on parle le travail illégal par exemple, c'est le gros motif, en tout cas le plus gros objet financier de la fraude sociale, c'est du travail non déclaré, sur lequel il n'y a pas de cotisations payées.

LAURENCE FERRARI
Et ça, ça vous concerne.

OLIVIER DUSSOPT
Ça me concerne, j'ai moi-même présenté il y a 10 jours aux partenaires sociaux le renouvellement du plan national de lutte contre le travail illégal, avec un certain nombre d'axes très forts, notamment autour de la question du travail de plateformes, parce que c'est une forme de fraude émergente, avec la volonté aussi de lutter contre la traite des êtres humains, parce que parfois, et c'est absolument dramatique, derrière le travail illégal il y a de véritables emprises, de véritables relations de domination, et même d'esclavagisme.

LAURENCE FERRARI
Juste pour revenir sur ce que propose Gabriel ATTAL. La fusion entre la Carte Vitale et la Carte d'identité pour éviter toutes ces Carte Vitale surnuméraires qui ne correspondent à personne, ça c'est important, contrôler les retraités qui vivent hors des frontières européennes, afin de mieux identifier ceux qui sont décédés, mais qui continuent à percevoir des allocations, renforcer les conditions de résidence en France pour bénéficier d'allocations sociales. Il faut donner un tour de vis.

OLIVIER DUSSOPT
Il faut renforcer ces mesures et toujours continuer à avancer. Vous avez évoqué la question du contrôle des retraités qui bénéficient d'une retraite à l'étranger, et c'est quelque chose de logique et de normal. Vous avez le droit, lorsque vous avez cotisé, et que vous avez cotisé toute une carrière, de vivre à l'étranger, soit parce que vous êtes vous-même étranger, que vous êtes rentré dans votre pays d'origine, soit parce que vous êtes Français et que vous faites le choix de vivre à l'étranger et de bénéficier de votre retraite à l'étranger. Mais il faut s'assurer de la réalité de l'existence, ça passe par des outils biométriques, ça passe par des contrôles physiques. Lorsque j'étais moi-même en charge ces questions-là, j'avais renforcé les moyens pour contrôler physiquement l'existence de telle ou telle personne. Ça passe aussi par des choses très techniques, qui relèvent de la coopération entre les États. Lorsque vous avez des coopérations sur les registres d'État civil, ça permet évidemment d'avoir connaissance directement des décès et des disparitions de personnes.

LAURENCE FERRARI
Et sur les conditions de résidence en France, pour bénéficier d'allocations sociales, on va passer 9 mois de l'année passés dans le pays, contre 6 actuellement. C'est une bonne chose, même chose pour les APL.

OLIVIER DUSSOPT
A l'exception des retraites, comme l'a précisé le ministre des Comptes publics, parce que les retraites c'est quelque chose d'assuranciel pour lequel vous avez cotisé. L'objectif est simplement de veiller et de vérifier que l'argent de la dépense sociale soit l'argent bien utilisé. Et je le répète, c'est à la fois la lutte contre la fraude aux allocations, aux versements, et la lutte contre la fraude aux cotisations et aux contributions.

LAURENCE FERRARI
Il y a aussi la fraude aux arrêts de travail, et là, dans ce plan Gabriel ATTAL pointe du doigt les médecins qui vous font des arrêts de travail en 2 minutes ou qui les vendent carrément sur les réseaux sociaux. C'est un vrai…

OLIVIER DUSSOPT
Ça fait partie des sujets. Alors, c'est un sujet qui sort du périmètre du ministère du Travail, mais qui concerne très directement l'articulation que le ministère des Comptes publics que Gabriel assure et le ministère de la Santé avec François BRAUN.

LAURENCE FERRARI
La lutte contre la fraude à la TVA, ça représente potentiellement 20 milliards d'euros par an…

OLIVIER DUSSOPT
Et ce que nous avons fait avec Gérald DARMANIN il y a quelques années sur le prélèvement à la source, la mise en place de la déclaration sociale nominative, permet aussi de lutter contre cela. Nous avions mis en place des dispositions législatives, qui permettent de lutter contre ce qu'on appelle la fraude Carrousel, qui est un système de fraude TVA s'appuyant sur des régimes légaux de plusieurs pays différents. Ça fait partie de tous ces sujets sur lesquels derrière des aspects parfois très techniques, il y a des possibilités de mieux lutter contre la fraude et donc de mieux dépenser l'argent public, de mieux l'économiser.

LAURENCE FERRARI
On a été trop laxiste, on a trop laissé faire en fait ?

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, je ne crois pas que nous ayons été trop laxistes. Chaque année les plans se renforcent. Aujourd'hui, quand on parle de fraude sociale, on pense immédiatement à la Sécurité sociale, la TVA c'est à un autre sujet, c'est fiscal. Dans les caisses de Sécurité sociale il y a 4 000 agents qui sont en charge de la lutte contre la fraude et qui chaque année, repèrent un peu plus de fraudes, que ce soit aux contributions ou aux allocations, pour faire en sorte que l'argent soit versé à qui de droit.

LAURENCE FERRARI
Un mot sur le RSA. Vous, vous avez conditionné le RSA à une activité. La réforme est expérimentée dans 18 départements. Ça fonctionne ? Vous allez le généraliser ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous sommes, alors c'est le tout début de l'expérimentation, nous avons 18 départements qui se sont portés candidats, il y en avait 45 nous en avons retenu 18, et l'objectif que nous avons, est de renforcer l'accompagnement des allocataires du RSA Pourquoi est-ce que nous le faisons ? Parce que nous savons que 7 ans après une première entrée au RSA, 40 % des bénéficiaires sont toujours au RSA. Et nous savons aussi…

LAURENCE FERRARI
Pourquoi est-ce qu'ils le sont toujours ?

OLIVIER DUSSOPT
Parce qu'ils ne sont pas suffisamment accompagnés. Alors…

LAURENCE FERRARI
Est-ce qu'il a une volonté, un manque de volonté de leur part, ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça, vous le trouverez de manière marginale, mais souvent il n'y a pas d'accompagnement. Par exemple je prends juste un chiffre pour illustrer. Vous avez presque un bénéficiaire sur cinq, 17 %, qui ne bénéficie d'aucun suivi, ce sont des personnes qui perçoivent l'allocation à laquelle ils ont droit, mais qui n'ont aucun suivi, ni social, ni professionnel. Notre objectif c'est le suivi, parce qu'on sait que l'accompagnement c'est la meilleure garantie de revenir vers l'emploi, et donc nous nous souhaitons que tous les allocataires du RSA, progressivement bien sûr, soient mieux accompagnés et puissent participer à des activités d'insertion et de formation. Nous ne sommes pas dans le travail gratuit, nous ne sommes pas dans le bénévolat obligatoire, mais bien dans une démarche vers l'emploi. Qu'est ce qui nous inspire ? Ce n'est pas quelque chose de très nouveau, c'est la loi de 1988 qui a créé le RMI. Dans la loi de 1988 il y avait…

LAURENCE FERRARI
Revenu Minimum d'Insertion.

OLIVIER DUSSOPT
D'Insertion, devenu après le RSA. Il y avait, il y a une notion qui est le contrat d'engagement réciproque. Dans ce contrat, qu'est-ce que nous allons faire ? Nous allons déterminer ce que les personnes peuvent faire, quels sont leurs objectifs, quels sont les besoins de qualification, les besoins de formation, les offres d'emploi qu'elles peuvent rechercher, et nous allons aussi faire en sorte qu'ils soient accompagnés pour y arriver. Et une fois…

LAURENCE FERRARI
Par qui alors ? Parce que vous dites "on", c'est qui, c'est…

OLIVIER DUSSOPT
Ce sont les conseillers de Pôle emploi, ce sont les agents des départements. Nous travaillons très bien avec l'Association des départements de France, et c'est d'ailleurs pour cela qu'il y a 18 départements dont celui du président de l'ADELINE FRANÇOIS, François SAUVADET, en Côte d'Or, qui expérimente ce renforcement de l'accompagnement. Aujourd'hui, cette expérimentation débute depuis quelques semaines, j'ai lancé l'expérimentation dans la Côte d'Or, la Première ministre l'a lancé en réunion, à La Réunion…

LAURENCE FERRARI
Et on parle de 15 à 20 heures d'activité obligatoire, d'insertion, par semaine.

OLIVIER DUSSOPT
Alors, 15 à 20 heures d'activités adaptées à la personne, adaptées à la qualification. Il faut que soit très personnalisé. Je prends souvent cet exemple, mais aujourd'hui vous avez un allocataire sur trois, presque, 32 %, qui sont, un allocataire sur trois, pardon, ce sont des familles monoparentales, essentiellement des femmes avec enfants. Vous ne proposez pas une formation de 17 à 20 heures à une femme qui a des enfants, ou alors il faut prévoir le mode de garde qui va avec. Donc c'est très adapté, pour accompagner vers l'emploi, et notre objectif est de le généraliser, et pour cela je présenterai dans quelques jours, autour de la mi-juin, un projet de loi pour le plein emploi, permettant de créer France Travail, cet opérateur c'est la transformation de Pôle emploi en France Travail, de mieux organiser l'information et le partage d'informations entre les acteurs de l'emploi, et d'aller vers cet accompagnement renforcé des allocataires du RSA. Notre seul objectif c'est…

LAURENCE FERRARI
Oui, mais en embauchant des agents, encore une fois, parce que ce suivi-là, il ne va pas tomber du ciel.

OLIVIER DUSSOPT
Il va falloir des moyens, mais Pôle emploi a vu ses effectifs progresser au cours des dernières années…

LAURENCE FERRARI
Ça reste raisonnable…

OLIVIER DUSSOPT
Et nous savons qu'il faut des moyens pour accompagner les allocataires du RSA, parce qu'effectivement l'insertion, la formation, ça nécessite cette mobilisation. Nous avons un premier exemple, qui ne concerne pas le RSA, mis qui concerne les jeunes. Depuis 2022, il existe un Contrat engagement jeune, qui permet à des jeunes qui n'ont ni emploi, ni formation, et qui sont à un moment un peu d'impasse, de recherche dans leur vie, d'être accompagnés par les Missions locales ou par Pôle emploi. 300 000 en ont bénéficié en 2022, avec entre 15 et 16 heures d'activités par semaine. Et ça marche.

LAURENCE FERRARI
Et quel est le résultat à la sortie ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça marche. Presque les 3/4 d'entre eux, soit retournent dans une formation qualifiante, professionnalisante, soit directement à l'emploi, et c'est plus de la moitié qui va vers un emploi.

LAURENCE FERRARI
Un mot du partage de la valeur, parce que le pouvoir d'achat c'est l'obsession numéro un des Français, ils sont le sentiment qu'on n'en parle pas beaucoup. Vous, vous voulez étendre les dispositifs comme l'intéressement, la participation, les primes, à toutes les entreprises de plus de 11 employés, aujourd'hui le seuil était à 5 ans. Ça bénéficiera aux salariés mais pas à tous les Français, on est d'accord.

OLIVIER DUSSOPT
C'est 1,5 million de salariés qui sont concernés par cette mesure, et pour être tout à fait précis par rapport à votre question, c'est ce que nous souhaitons, c'est le sens du projet de loi et j'ai présenté la semaine dernière au Conseil des ministres, et qui sera examiné d'abord à l'Assemblée nationale puis au Sénat et à l'Assemblée nationale avant les vacances d'été. Mais d'où vient cette loi ?

LAURENCE FERRARI
Ça va être étudié avant l'été.

OLIVIER DUSSOPT
À l'Assemblée nationale.

LAURENCE FERRARI
D'accord.

OLIVIER DUSSOPT
Mais d'où vient ce projet de loi ?

LAURENCE FERRARI
C'est consensuel en même temps. Il n'y a pas de risque.

OLIVIER DUSSOPT
Nous aurons droit au débat sur les superprofits, les super-dividendes de la part de la France insoumise.

LAURENCE FERRARI
Absolument.

OLIVIER DUSSOPT
Mais cela ne vient pas que du gouvernement. La loi que j'ai présentée au Conseil des ministres, elle s'appuie sur un accord, un accord interprofessionnel majoritaire, qui a été signé par les trois organisations patronales, le MEDEF, la CGPME et l'U2P, et qui a été signé par 4 des 5 organisations syndicales représentatives. Tout le monde a signé sauf la CGT. Il prévoit effectivement, cet accord, que branche par branche, on puisse étendre les mécanismes d'intéressement et de participation de l'entreprise de 11 à 50 salariés. Il dit que lorsqu'une entreprise réalise un résultat exceptionnel, il faut qu'il y ait un intéressement exceptionnel au bénéfice des salariés. Il fait en sorte que la prime de partage de la valeur, qu'on appelle parfois la Prime Macron, puisse être prolongée notamment les entreprises de moins de 50, avec les mêmes avantages fiscaux et sociaux qu'aujourd'hui. C'est un accord qui est intéressant…

LAURENCE FERRARI
Exonération de cotisations.

OLIVIER DUSSOPT
C'est un accord qui est intéressant, qui est majoritaire, et l'engagement que nous avons pris avec le président de la République et la Première ministre, lorsque j'ai demandé au mois de septembre 2022 aux partenaires sociaux de négocier, à l'époque personne ne croyait à un accord possible sur le partage de la valeur, ils ont négocié, y compris pendant le débat sur les retraites, les négociations entre eux ont continué, nous leur avions dit : si vous trouvez un accord majoritaire, on l'appliquera intégralement et fidèlement. La loi que j'ai présentée au Conseil des ministres reprend l'accord des partenaires sociaux et l'inscrit dans la loi intégralement et fidèlement.

LAURENCE FERRARI
Un tout petit mot sur les superprofits et c'est un vrai sujet pour la gauche, vous n'y touchez pas.

OLIVIER DUSSOPT
Je crois qu'il ne faut pas y toucher aujourd'hui, parce que d'abord la conjoncture économique…

LAURENCE FERRARI
Pour ne pas braquer la gauche.

OLIVIER DUSSOPT
… est assez importante et peut fluctuer…

LAURENCE FERRARI
Eh bien non, au contraire, pour ne pas braquer la droite.

OLIVIER DUSSOPT
… très très vite, et par ailleurs nous avons déjà fait des choses. Parfois il y a une forme de négation de la réalité par rapport à nos oppositions. Mais en matière de superprofits des énergéticiens, nous les avons déjà mis à contribution pour financer le bouclier tarifaire.

LAURENCE FERRARI
D'accord, ok, très bien. Alors, le dialogue avec les partenaires sociaux continue, vous avez mentionné cela, simplement il y a encore une échéance sur la réforme des retraites, c'est le 8 juin à l'Assemblée nationale, et puis avant ça, le mardi suivant, il y a une grande manifestation, une grande mobilisation intersyndicale. Vous croyez qu'il y aura du monde dans la rue ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas, je n'ai jamais fait la météo du climat social, je ne vais pas commencer aujourd'hui.

LAURENCE FERRARI
Non, mais vous vous êtes assez rarement trompé.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne vais pas commencer aujourd'hui, et…

LAURENCE FERRARI
Il y aura peu de monde dans la rue, vous pensez ? La page est tournée ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous verrons le 6. Nous verrons le 6 et chacun est libre d'organiser les manifestations qu'il souhaite, dans notre pays. Par contre, le dialogue social a repris, comme vous l'avez dit, avec la Première ministre nous avons reçu les cinq organisations syndicales représentatives, les trois organisations patronales. Évidemment que tout le monde a le sujet des retraites en tête et évidemment qu'il y a des désaccords, mais l'essentiel est de pouvoir continuer à discuter et à échanger, et l'objectif que nous avons et que nous voulons partager avec les partenaires sociaux, c'est que d'ici à la fin du mois de juin nous puissions avoir un agenda social avec les grands thèmes de négociation des partenaires sociaux, les grands thèmes sur lesquels le gouvernement veut travailler, les grands thèmes sur lesquels les partenaires sociaux veulent eux aussi avancer. Je prends un exemple qui est très technique mais qui est important. Les partenaires sociaux ont trouvé un accord, nous sommes en train de voir s'il est majoritaire ou pas, en fonction de qui le signe ou pas. Sur la gestion de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, ils ont décidé il y a plusieurs mois de travailler sur le sujet. Si l'accord est majoritaire, nous le saurons cette semaine, nous regardons comment l'inscrire dans la loi, parce que nous respectons aussi ce travail-là, ça fait partie du dialogue que nous avons avec eux.

LAURENCE FERRARI
Un mot de ce qui va se passer dans l'hémicycle le 8 juin prochain. Vous voulez tout faire pour que la proposition de loi déposée par le groupe LIOT, qui propose d'abroger le décalage de l'âge de départ en retraite ne soit pas voté. C'est ça, hein, c'est "surtout pas le vote, au secours !".

OLIVIER DUSSOPT
C'est une proposition de loi qui est inconstitutionnelle et irresponsable.

LAURENCE FERRARI
Pourquoi irresponsable et inconstitutionnelle ?

OLIVIER DUSSOPT
Inconstitutionnelle, parce qu'elle ne propose rien de moins que d'alourdir la dette publique de 15 milliards d'euros par an, et l'article 40 de la Constitution dit que les initiatives parlementaires ne peuvent pas créer des dépenses sans prévoir les recettes qui vont avec.

LAURENCE FERRARI
Cette loi n'aura donc jamais été votée à l'Assemblée, Monsieur le Ministre.

OLIVIER DUSSOPT
Alors, pardon, mais vous savez, dans la Constitution il y a des choses très simples…

LAURENCE FERRARI
A l'Assemblée, elle n'a pas été votée.

OLIVIER DUSSOPT
Lorsque vous engagez votre responsabilité, lorsque la Première ministre a engagé la responsabilité du gouvernement, elle ne l'engage pas dans le vide, elle l'engage sur un texte, le texte de la réforme des retraites. Rejeter la motion de censure revient à considérer le texte comme adopté. Je reviens à la séance…

LAURENCE FERRARI
Ça n'est pas tout à fait pareil.

OLIVIER DUSSOPT
C'est constitutionnel, donc c'est inscrit dans le texte démocratique. Je reviens à la séance de 8 et à cette proposition de loi du groupe LIOT, elle alourdit le déficit de 15 milliards, il faut qu'ils nous disent comment on fait. Est-ce qu'on fait des dépenses, qu'on sacrifie sur l'éducation, sur l'écologie, sur les transports, sur la sécurité, parce que pour trouver ces 15 milliards, il va falloir les enlever ailleurs. Est-ce qu'on baisse les pensions de retraite, est-ce qu'on augmente les cotisations ? Est-ce que les Français sont prêts à payer 700 000 € de plus par an à partir de 2030 pour assumer de telles conséquences ? Donc ça n'est pas constitutionnel et ça n'est pas responsable. Et donc c'est une machine à déception. Même si elle…

LAURENCE FERRARI
Et puis vous en avez marre de cette page des retraites, vous voulez la tourner définitivement.

OLIVIER DUSSOPT
Même si elle était votée, ce que je ne crois pas, le 8 juin, elle n'irait pas au bout, parce qu'elle ne serait pas constitutionnelle et elle ne serait pas adoptée au Sénat.

LAURENCE FERRARI
Donc vous allez l'empêcher…

OLIVIER DUSSOPT
Donc c'est une machine à déception, et notre responsabilité c'est de dire, d'expliquer, de montrer en quoi cette proposition de loi n'est pas responsable et d'une certaine manière c'est un mensonge aux Français.

LAURENCE FERRARI
Oui, mais c'est une façon de faire peur aussi.

OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas une façon de faire peur.

LAURENCE FERRARI
Si.

OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas une façon de faire peur, parce que je pense que tout le monde sait compter et quand on dit que cette proposition de loi augmente la dette de 15 milliards d'euros par an, tout le monde sait que ça n'est pas réaliste.

LAURENCE FERRARI
Un mot encore sur le texte sur l'immigration, qui sera sans doute proposé dans les prochains jours. Il y a eu des tractations entre le ministre de l'Intérieur et Les Républicains. Ils estiment qu'il y a une immigration massive dans notre pays, Les Républicains, ils proposent deux lois, dont une constitutionnelle, pour tenter de réguler ça et permettre à la France de s'extraire d'un certain nombre de traités supranationaux qui nous empêchent en réalité d'expulser les clandestins. Il faut avancer sur ce terrain de l'immigration ?

OLIVIER DUSSOPT
Il faut, alors d'abord il faut avancer sur ce terrain et il faut discuter, et avec Gérald DARMANIN nous sommes prêts à discuter avec tous les groupes politiques, et notamment regarder les propositions du groupe ALR, mais…

LAURENCE FERRARI
Vous avez besoin d'eux pour voter.

OLIVIER DUSSOPT
… il y a une difficulté, c'est que dans la partie constitutionnelle de leur réforme, ils ne proposent rien de moins que de sortir des traités européens et de sortir de la CEDH, c'est ce qu'on appelle un double frexit, ou un frexit au carré. Nous sommes profondément européens et attachés au cadre européen. Donc il y a une partie de ce qu'ils proposent qui ne nous paraît pas envisageable. Et par ailleurs, on ne peut pas dans une discussion, entrer uniquement sur les questions de ligne rouge de leur part. Donc nous allons continuer à discuter et voir comment nous pouvons avancer. La majorité présidentielle, les trois groupes de la majorité sont très unis, très soudés, et souhaitent à la fois qu'on puisse traiter la capacité de notre État à faire respecter ses décisions et mieux lutter contre l'immigration irrégulière, mais aussi avancer sur la question de l'intégration par le travail.

LAURENCE FERRARI
Et vous entendez les Français qui disent à 80 %, selon les sondages que l'on fait sur notre antenne, qu'il y a trop d'immigration en France, qu'on n'arrive pas à intégrer, qu'on n'arrive pas à trouver du travail pour ces gens-là ?

OLIVIER DUSSOPT
Qu'il y ait des difficultés d'intégration, c'est vrai, qu'il y ait des difficultés relatives au travail, c'est vrai. Le taux de chômage des étrangers non communautaires est 2 fois supérieur au taux de chômage moyen, et ça passe par d'autres leviers, d'autres outils, c'est la raison pour laquelle nous proposons d'aller plus loin en matière de formation, d'apprentissage du français, que nous proposons aussi dans ce texte que nous avions porté et sur la base duquel nous travaillons avec Gérald DARMANIN, nous proposons à la fois de donner plus de force à l'État, de faire respecter ces décisions, et éviter des situations totalement inextricables, et en même temps d'être plus fort sur l'intégration, avec une conviction, c'est que la meilleure façon d'intégrer un étranger, là nous parlons d'étrangers non communautaires, puisqu'au sein de l'Europe il y a liberté de circulation, mais la meilleure façon d'intégrer un étranger non communautaire, c'est de passer par deux choses : la langue et le travail.

LAURENCE FERRARI
Et le travail. Est-ce que vous êtes prêt à revenir un tout petit peu sur les conditions de régularisation des travailleurs sans papiers ?

OLIVIER DUSSOPT
Je sais que ça fait partie des…

LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous êtes prêt à durcir cela pour justement obtenir le soutien des LR ?

OLIVIER DUSSOPT
Cela fait partie des discussions, il faut le faire…

LAURENCE FERRARI
Ils disent que c'est un appel d'air.

OLIVIER DUSSOPT
D'abord, ce n'est pas un appel d'air, nous essaierons de leur démontrer, puisque nous parlons d'hommes et de femmes qui sont présents sur notre territoire depuis plusieurs années, qui travaillent de manière régulière, mais qui ont une situation personnelle qui n'est pas régulière. Donc nous ne sommes pas sur du flux, si je peux reprendre cette expression, mais plutôt pour des gens qui sont présents sur le territoire, et puis par ailleurs…

LAURENCE FERRARI
Depuis quoi, 5, 6, 7 ans ?

OLIVIER DUSSOPT
Dans l'avant-projet, tel que nous l'avons présenté, c'était 3 ans, peut-être que ça peut être 5 ans, mais regardons les choses pas à pas, en ayant en tête que lorsqu'on parle de secteurs en tension, il y a un certain nombre de métiers qui aujourd'hui dans notre pays ne fonctionneraient pas, connaissent des sanctions de recrutement et ne fonctionneraient pas sans l'apport de cette main-d'œuvre étrangère, qui existe déjà, qui est déjà sur le territoire. On continue à discuter avec le ministre de l'Intérieur. Quand on rentre dans une discussion, le principe c'est de ne pas la fermer avant d'y être entré. Donc on y entre avec la majorité présidentielle, puisque nous nous trouvons de manière collective sur ce sujet-là.

LAURENCE FERRARI
Attention à ne pas franchir la ligne rouge, c'est ce que vous dites.

OLIVIER DUSSOPT
Des lignes rouges, tout le monde veut en mettre, la meilleure façon d'entrer dans une discussion c'est de regarder point par point ce que les uns et les autres proposent et voir si un compromis est possible.

LAURENCE FERRARI
Ça va être compliqué donc ce texte sur l'immigration. Merci beaucoup Olivier DUSSOPT…

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mai 2023