Interview de M. Olivier Klein, ministre chargé de la ville et du logement, à France Info le 5 juin 2023, sur la crise du logement.

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Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Il est de plus en plus difficile de trouver un logement en location aujourd'hui en France, de plus en plus compliqué d'accéder également à la propriété. Depuis des mois, vous prévenez que le logement sera la prochaine bombe sociale. Est-ce que ça y est, la mèche est allumée ?

OLIVIER KLEIN
Oui, il y a un risque de bombe sociale. Le logement c'est une espèce d'El Dorado pour beaucoup de nos concitoyens, et moi, ma mission, avec tous les acteurs du logement, c'est empêcher que cette bombe explose, et donc trouver des solutions pour permettre à nos concitoyens de se loger, quel que soit leur niveau de revenus, quel que soit l'état de leur compte en banque, il faut qu'ils puissent trouver un logement, donc ça peut être location, ça peut être accession, et aujourd'hui on voit qu'il y a des difficultés, parce qu'on a une double crise, une crise de l'offre et une crise de la demande, et c'est là-dessus que l'on a travaillé depuis des mois, dans le cadre du Conseil national de la refondation, avant même que la crise soit en haut de la pile médiatique, à réfléchir à comment on redonne l'envie de construire, aux maires, à nos concitoyens, comment on construit un parcours résidentiel. Je l'ai dit début, je ne suis pas le ministre du Logement, mon sentiment c'est que je dois être le ministre du parcours résidentiel, de la mobilité résidentielle de tous nos concitoyens.

SALHIA BRAKHLIA
Vous dites que le logement n'est pas en haut de la pile médiatique, mais on doute aussi qu'il soit en haut de la pile du gouvernement, 82% des Français pensent que le Logement est le grand oublié du gouvernement. Ils se trompent ?

OLIVIER KLEIN
Oui, ils se trompent. Le président de la République et la Première ministre ont décidé d'avoir un Conseil national de la refondation, plein et entier. Tout au long du quinquennat précédent, des choses ont été faites, des choses majeures. Regardez MaPrimeRénov', c'est vraiment un dispositif qui a mis l'écogeste au centre de la réflexion. Regardez le premier plan logement, d'abord, c'est 440 000 personnes qui sont sorties de la rue pour aller vers un logement. Regardez l'Agence nationale de la refondation urbaine, que j'ai eu l'honneur de présider, quand on a commencé il y avait 5 milliards, à la fin du quinquennat précédent il y avait 12 milliards pour les quartiers populaires, pour la rénovation urbaine, donc non, on a travaillé sur la question du logement, et on ne part pas d'une page blanche, et ce Conseil national de refondation, c'est la suite de l'histoire de l'action du gouvernement. Mais pas tout seul, s'il y a vraiment un sujet qui est une responsabilité partagée, c'est bien celle du logement. L'État tout seul ne peut rien, les collectivités locales ne peuvent rien toutes seules, et c'est ensemble qu'on va construire le parcours résidentiel de nos concitoyens.

MARC FAUVELLE
Allez, on va essayer de détailler certaines de ces annonces. D'abord sur le constat. Pour la première fois depuis 2015, les prix du marché de l'ancien baissent en France. Est-ce qu'il faut laisser faire ou est-ce que le gouvernement doit intervenir ?

OLIVIER KLEIN
Alors, qu'il y ait une régulation, c'est la loi de l'offre et la demande, on a appris ça quand on était petit et à l'école, et c'est juste, parce qu'aujourd'hui, c'est vrai qu'un certain nombre de prix étaient très importants et rendaient le logement encore plus inaccessible. Dans une période de hausse de taux d'intérêt, eh bien évidemment il y a un double effet, donc nous on doit travailler, et c'est ce qu'on fait, avec les banques, pour que les Français puissent encore accéder au crédit, c'est ce qu'on propose aussi avec le maintien de la mensualisation du taux d'usure, et donc il faut continuer à avoir ces mesures d'accompagnement, et c'est surtout…

MARC FAUVELLE
Le taux d'usure, c'est le taux maximum auquel les banques prêtent, qui a été mensualisé depuis ces derniers mois. Ça va durer jusqu'à quand la révision ?

OLIVIER KLEIN
Là, au moins jusqu'à la fin de l'année, c'est une annonce que doit faire la Première ministre, et puis une des mesures fortes que l'on a, c'est le maintien du prêt à taux 0, pour que nos concitoyens, quels que soient leurs revenus, s'ils en ont la capacité, les classes moyennes et intermédiaires, puissent acheter quand les taux d'intérêt sont forts, le prêt à taux 0 prend encore plus d'importance, et moi je suis très très heureux de dire ce matin que le prêt à taux 0 va être maintenu, et va même être…

SALHIA BRAKHLIA
Il va être maintenu, mais il coûte trop cher, c'est ce que dit Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Économie. Vous le maintenez mais est-ce que vous allez changer les conditions d'accès ?

OLIVIER KLEIN
D'abord, on le maintient dans le neuf, et c'est très important, dans le collectif neuf, en zones tendues, ça va permet vraiment à de nombreux Français d'avoir cette espèce d'apport. Un prêt à taux 0 c'est à peu près considéré comme pour la banque, comme un apport. On va le maintenir dans l'ancien, en zones tendues et détendues, parce qu'on parle beaucoup des passoires thermiques, le moment de l'acquisition c'est le bon moment pour faire les travaux, et donc permettre de sortir des appartements qui sont vacants, grâce au prêt à taux zéro et un soutien à l'acquisition, c'est vraiment extrêmement vertueux. Donc non, c'est 600 millions d'euros par an, que le nouveau PTZ va dépenser pour les ménages, et c'est très important.

SALHIA BRAKHLIA
Mais, pas de prêt à taux zéro pour ceux et celles qui veulent qui veulent s'acheter un petit pavillon, c'est fini ça ?

OLIVIER KLEIN
Non, pas de prêt à taux zéro pour celles et ceux qui veulent s'acheter un petit pavillon, parce qu'il faut faire des choix. Gouverner c'est aussi faire des choix, des choix budgétaires, dans une période où l'argent est plus rare, mais surtout choisir…

MARC FAUVELLE
Mais pourquoi non aux pavillons mais oui aux appartements ?

OLIVIER KLEIN
Eh bien d'abord parce que l'habitat collectif produit plus de logements. On parle tous d'une crise du logement, donc il faut produire plus de logements.

MARC FAUVELLE
Mais les prix en ville sont bien plus élevés qu'en banlieue en zone rurale.

OLIVIER KLEIN
Eh bien oui, mais justement, mais les petits pavillons, d'abord c'est souvent de l'ancien. Pour ceux qui ont des pavillons anciens, ils auront accès toujours à MaPrimeRénov', à l'éco-prêt à taux zéro pour rénover son pavillon. Tout ça est toujours possible quand on est déjà propriétaire. Il faut faire des choix, ce choix c'est privilégier de loger le plus grand nombre et donc l'habitat collectif.

MARC FAUVELLE
La droite vous demande de remettre en place la mesure qu'avait pris Nicolas SARKOZY il y a de ça quelques années, c'est-à-dire déduire des impôts les intérêts d'emprunts des prêts immobiliers pour les primo-accédants. Est-ce que c'est une piste ?

OLIVIER KLEIN
Écoutez, le Conseil national de la refondation, les annonces de la Première ministre sont tout sauf un point final, on va continuer à travailler. Moi je veux bien que la droite nous invite à dépenser plus d'argent, je pense qu'il faut être attentif à l'argent public et choisir les mesures qui privilégient l'accès à la propriété d'un maximum de Français, mais le logement ce n'est pas que l'accès à la propriété, c'est pour ça qu'on est aussi extrêmement attentif et actif sur le logement intermédiaire, comme l'a souhaité Emmanuel MACRON président de la République, parce que ça permet de loger des classes moyennes, de faire un lien plus fort entre l'emploi et le logement. Aujourd'hui on le voit, si on veut réussir le plein emploi, si on veut réussir les transformations industrielles de ce pays, il faut ramener beaucoup plus le lien entre l'emploi et le logement, la mobilité, pour permettre d'accéder à un logement, mais aussi garder ou avoir un emploi.

SALHIA BRAKHLIA
Et le bail réel solidaire, c'est un autre moyen d'accéder à la propriété, comment ça marche ?

OLIVIER KLEIN
Alors ça c'est, moi je crois un formidable outil le bail réel solidaire, ça permet de déconnecter le foncier sur lequel on construit l'immeuble et l'appartement, ce qui fait que ça permet d'acheter de manière beaucoup plus abordable, là encore, pour des classes moyennes, des revenus modestes, mais être propriétaire, et donc on paie seulement son appartement. En gros ça divise par un et demi le prix. A Paris par exemple, un bail réel solidaire, on n'arrive à acheter un appartement à 5 000 € du m2, alors que sans le bail réel solidaire, on serait à 10 000 € du m2.

SALHIA BRAKHLIA
Et là aussi vous avez touché aux critères pour qu'il y ait plus de bénéficiaires ?

OLIVIER KLEIN
Plus de bénéficiaires. La Caisse des dépôts et consignations va accompagner mieux les projets de bail réel solidaire, avec un prêt qui s'appelle le Prêt Gaïa, et qui va permettre de développer ce très bel outil. Il n'y a qu'en France où on est à la fois souvent propriétaire du sol et de l'appartement, les londoniens font ça depuis de très très nombreuses années, et c'est vraiment un outil qu'on souhaite développer pour permettre l'accession à la propriété des plus modestes.

SALHIA BRAKHLIA
Avec le ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, Olivier KLEIN. Les promoteurs immobiliers tirent aussi la sonnette d'alarme, ils réclament un plan d'urgence face à l'explosion des matières premières, qu'avez-vous prévu de leur annoncer tout à l'heure ?

OLIVIER KLEIN
Aujourd'hui, dans un logement, tout est cher, le foncier, donc il faut maîtriser le prix du foncier, les matières premières, on voit qu'elles recommencent à baisser, mais ça va prendre du temps. Et donc nous, ce qu'on va leur annoncer, c'est ce que je vous disais tout à l'heure, d'abord, le maintien du Prêt à Taux Zéro, et jusqu'à présent, le Prêt à Taux Zéro, il était annoncé d'année en année, donc ça donnait très peu de visibilité, là, on va dire que le Prêt à Taux Zéro, il est maintenu pour 3 ans. Donc ça permet aujourd'hui, quand on démarre un projet, quand on est promoteur, on sait que le temps d'obtenir les permis, etc, ça va prendre du temps. Néanmoins, et d'ailleurs sur la question des permis, je pense qu'il faut trouver des solutions d'assouplissement, il faut aller plus vite, il faut que les maires respectent leurs propres PLU, aujourd'hui, les maires ont des programmes locaux de l'urbanisme qui définissent des hauteurs, etc, mais quand les promoteurs arrivent, on leur explique : ah, vous savez, finalement, j'ai mis ça dans le PLU, mais moi, je préfère quelque chose de plus bas, etc. Donc il faut qu'on se donne tous l'envie de construire plus parce qu'on a des concitoyens qui attendent, qui attendent trop longtemps un logement, et ça, ce n'est plus possible. Donc c'est tout ça qu'on va faire ensemble.

SALHIA BRAKHLIA
Donc il n'y a rien pour les matières premières, si j'écoute bien votre réponse ?

OLIVIER KLEIN
Non, sur les matières premières, comment voulez-vous qu'on intervienne sur cette question-là. Après, il y a la RE2020, il y a des règles, elles sont justes, elles sont écologiques et il faut les respecter.

SALHIA BRAKHLIA
Vous dites qu'il faut que les maires fassent un effort, qu'ils permettent plus de constructions, comment concilier la construction de logements avec l'objectif de zéro artificialisation nette des sols, comment dire aux maires : eh bien, il faut permettre plus de constructions, et en même temps, vous leur mettez d'autres normes ?

OLIVIER KLEIN
D'abord, c'est un objectif 2050, donc aujourd'hui, on peut toujours construire, et il faut le faire, et puis, il faut faire…

MARC FAUVELLE
Avant 2030, il y a un objectif qui…

OLIVIER KLEIN
Il y a un objectif de diminution…

MARC FAUVELLE
Qui est celui de diviser par deux l'artificialisation des sols qui existe déjà…

OLIVIER KLEIN
Oui, mais c'est pour ça que le gouvernement a annoncé le maintien du fonds friche, et on va travailler vraiment à regarder comment on peut faire du renouvellement urbain sur les zones commerciales, sur les friches industrielles, sur les friches, l'État va mettre à disposition, parce que nous aussi, on doit montrer l'exemple avec notre foncier, le foncier de l'État et de ses différents organismes associés. Il faut aussi faire avec le "déjà là", rehausser, rendre ça plus possible. Il faut faciliter la transformation de bureaux en logements, il y a trop de bureaux vacants aujourd'hui après le Covid, et puis, en fonction des caractéristiques industrielles ou bureaux, de bureaux d'un territoire, et puis, il y a ce qu'on appelle la construction hors site aussi, qui va être développée, on veut créer une filière française industrielle sur le hors site pour pouvoir une sobriété foncière, elle est nécessaire pour la planète. Et il faut la mettre en œuvre, mais, moi, je suis persuadé que c'est une opportunité, cette sobriété foncière, d'abord, il faut le faire, on a besoin… vous aviez, il y a 2 minutes, un reportage sur l'eau, donc on a besoin de protéger l'eau, il faut réfléchir au cycle de l'eau, et en même temps, il faut construire, parce que nous Français ont besoin d'habiter.

MARC FAUVELLE
Il n'y aura pas d'exception à la loi sur la non-artificialisation des sols ?

OLIVIER KLEIN
Vous savez qu'elle est en…

MARC FAUVELLE
D'assouplissement ?

OLIVIER KLEIN
Il y a des travaux qui sont menés avec le Sénat…

MARC FAUVELLE
Il y a des tentatives en ce moment, y compris au sein de la majorité, pour dire : attention, ça va être trop dur.

OLIVIER KLEIN
Il y a une réflexion sur le périmètre, le net doit se calculer sur un périmètre intelligent. Lorsqu'on construit une infrastructure nationale, bien évidemment, ça doit être compensé sur des tailles et des périmètres plus grands que le territoire d'une commune ou d'une intercommunalité, donc il faut retrouver…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire, ça pourrait se décider à l'échelle d'un département ou d'une région par exemple plutôt qu'à l'échelle d'une ville ?

OLIVIER KLEIN
Oui, ça fait partie des réflexions, en tout cas, à l'échelle intercommunale, il faut restituer, vous savez, quand on regarde, moi, je suis maire ou j'ai été maire très longtemps, je fais du renouvellement urbain, je regarde ma ville, on est en train de reconstruire une ville comme Clichy-sous-Bois sur un ancien délaissé d'autoroute, en 50 ans, ce délaissé d'autoroute est devenu une zone humide, alors qu'il y a 50 ans, on prévoyait d'y faire passer l'autoroute, eh bien, on cherche dans sa ville d'autres lieux, d'autres zones humides pour restituer, parce que net, ça veut dire donner et restituer.

MARC FAUVELLE
Sur le logement social, Olivier KLEIN, est-ce qu'il faut toucher à la loi SRU qui oblige les villes à construire 20 ou 25, selon les villes, 20 à 25% de logements sociaux, est-ce que vous souhaitez qu'on touche à ce chiffre qui est devenu un… qui a, à la fois, permis d'augmenter le chiffre de logements sociaux et qui, dans certaines villes, n'est pas respecté ?

OLIVIER KLEIN
Alors, surtout pas, enfin, moi, je suis un farouche défenseur de la loi SRU, il faut construire du logement social partout, le logement social, c'est une chance, c'est un modèle français, c'est tout sauf un épouvantail, aujourd'hui, les maires ont beaucoup changé…

SALHIA BRAKHLIA
Il faut l'augmenter ce chiffre ou pas ?

OLIVIER KLEIN
Non, il faut le respecter, il faut travailler dans le cadre de la loi SRU telle qu'elle existe, à l'échelle communale, ensuite, moi j'invite les maires à signer des contrats d'équilibre social pour pouvoir avoir cette capacité à mieux construire, à construire plus, plus vite, mais oui, il faut…

MARC FAUVELLE
Mais il y a aussi des maires de bonne ou de mauvaise foi, d'ailleurs qui disent : on n'a pas le foncier pour construire, et qui, année après année, paient les amendes…

OLIVIER KLEIN
Mais ça, ça, dans le cadre des conventions…

MARC FAUVELLE
Qui paient des amendes depuis parfois 10 ou…

OLIVIER KLEIN
Dans le cadre des conventions triennales, c'est regardé avec le préfet avec intelligence, et parfois, bienveillance, là où il y a des zones inondables, des zones à risque, et qu'on ne peut pas construire, oui, mais, moi, je connais aussi beaucoup de maires qui ont quelques dents creuses, et dès qu'il y a une dent creuse, on construit, et pas forcément du logement social, donc oui, il faut respecter la loi SRU, parce qu'elle a permis, vous l'avez dit…

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais d'accord, mais alors, dans ces cas-là…

OLIVIER KLEIN
De construire plus de 50% du logement social de ces dernières années, donc beaucoup de ceux qui n'y allaient pas y sont allés, et 50% du logement social construit ces dernières années l'a été grâce à la loi SRU, qui est une loi extrêmement importante.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'il faut pénaliser davantage les maires qui ne veulent pas, vous venez de le dire, construire du logement social ?

OLIVIER KLEIN
Il faut continuer à les pénaliser, il faut les accompagner, moi, je crois aussi à la politique plus de la carotte que du bâton, mais s'il faut un bâton, en emploiera aussi le bâton.

MARC FAUVELLE
Question importante pour les locataires, Olivier KLEIN, jusqu'ici l'augmentation des loyers a été plafonnée par le gouvernement, il y a une sorte de bouclier…

OLIVIER KLEIN
3,5%…

MARC FAUVELLE
3,5, est-ce que ça va continuer et jusqu'à quand ?

OLIVIER KLEIN
Alors, on a passé en première lecture à l'Assemblée la possibilité de continuer à plafonner à 3,5% jusqu'à la fin…, jusqu'en juin 2024, donc le chemin parlementaire continue, et la loi va au Sénat dans les jours qui viennent, c'est une proposition équilibrée, si on ne fait rien, les loyers vont augmenter dans le cadre de l'inflation à plus de 6%. Donc, moi, je souhaite protéger les locataires, mais aussi les propriétaires, parce qu'on ne peut pas dire : il faut rénover et empêcher les propriétaires d'avoir un certain nombre de ressources qui augmentent avec l'inflation, donc cette proposition à 3,5%, elle est équilibrée.

MARC FAUVELLE
3,5 pour des personnes modestes, c'est une grosse augmentation qui va tomber tous les mois, est-ce que ça va aller de pair aussi avec une revalorisation des APL ?

OLIVIER KLEIN
Alors, on a revalorisé les APL une première fois dans le cadre de la loi de Finances, c'est difficile, on n'arrête pas de le dire, les finances sont contraintes, l'État a mis en place des boucliers pour amortir les hausses des énergies, donc beaucoup de choses ont été faites pour protéger nos concitoyens, et en particulier les locataires…

SALHIA BRAKHLIA
On est loin des 10%, de la hausse de 10% demandée par la Fondation Abbé Pierre au niveau des APL.

OLIVIER KLEIN
Oui, parce que l'argent est rare, qu'il faut faire des choix et d'aider les plus fragiles, il y a des aides qui existent, d'autres qui doivent être renforcées, il faut travailler sur la partie charges des APL, et c'est ce que l'on fait aujourd'hui.

MARC FAUVELLE
On va parler dans un instant de ce qu'on surnomme parfois le chantier du siècle, c'est-à-dire le chantier de la rénovation thermique des bâtiments, ça coûte parfois très cher, c'est parfois un peu complexe aussi, beaucoup de plaintes déposées…

OLIVIER KLEIN
Il y a vraiment un objectif de simplification sur ce sujet…

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre de la Ville et du Logement, Olivier KLEIN. Olivier KLEIN, pour tenir nos objectifs climatiques il faudrait rénover entièrement, pas simplement changer une fenêtre ou une chaudière, 400 000 logements par an, on est à 70 000, ce sont les derniers chiffres, ceux de l'an dernier, comment est-ce qu'on va arriver ?

OLIVIER KLEIN
D'abord en simplifiant, en mettant plus d'accompagnateurs Rénov, en augmentant le nombre de guichets qui permettront aux Français d'aller chercher les informations et les subventions, en baissant le reste à charge, parce que c'est le rôle de l'éco-PTZ, en en aidant plus dans le collectif parce que, si on veut rénover plus, et là on va annoncer un objectif de 200 000 rénovations performantes, efficaces et performantes pour 2024…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire globales.

OLIVIER KLEIN
Voilà, des rénovations qui dépassent…

MARC FAUVELLE
Trois fois plus que l'an dernier.

OLIVIER KLEIN
Exactement, et c'est vraiment un objectif qu'on souhaite tenir parce que 80% des logements sont déjà là, ceux de 2050 sont déjà là, donc rénovons ce qui existe pour améliorer la qualité de vie des Français, c'est bon pour la planète, c'est bon pour leur portefeuille.

MARC FAUVELLE
Il y a une proposition qui vient d'être faite par un député de la majorité, il propose que tous ceux qui font des travaux puissent rembourser le prêt des années après, au moment de la revente, de l'appartement ou de la maison, ou au moment de la succession, est-ce que c'est une bonne idée ?

OLIVIER KLEIN
Alors c'est une piste, qui existe déjà, qu'on veut développer…

MARC FAUVELLE
Piste modeste puisqu'il y a 30 personnes l'an dernier qui en ont bénéficié en France, ce n'est pas comme ça qu'on va tout rénover.

OLIVIER KLEIN
Parce que nos concitoyens ont du mal à laisser une dette à leurs descendants et donc il faut qu'on explique mieux ce dispositif pour permettre de rénover plus et plus vite.

MARC FAUVELLE
Mais est-ce qu'il faut par exemple qu'une banque qui propose un prêt pour faire des travaux propose obligatoirement cette option-là ?

OLIVIER KLEIN
Oui, ça fait partie du travail que l'on mène avec Bruno LE MAIRE et les banquiers, d'informer ceux qui vont faire des travaux de tous les dispositifs qui existent, l'éco-PTZ, on y a beaucoup travaillé. Vous savez qu'aujourd'hui, quand on dépose son dossier MaPrimeRénov', on n'a pas besoin de redéposer les mêmes pièces administratives à son banquier parce qu'il y a un lien qui est fait entre les deux, donc tout ce qui est fait pour simplifier l'acte de rénover est vraiment au cœur de nos préoccupations, je peux vous l'assurer, et il le sera aussi dans la rénovation du logement social, parce qu'il faut rénover le privé, mais il faut aussi rénover le logement social, c'est extrêmement important, et empêcher, puisqu'on va parler Airbnb très probablement après, moi je me bats pour que quelqu'un qui n'est pas capable de respecter les règles de sortie de ces passoires thermiques de son appartement, ne puisse pas d'un seul coup le basculer dans le meublé touristique, c'est insupportable.

MARC FAUVELLE
C'est une aberration aujourd'hui…

OLIVIER KLEIN
C'est pour ça qu'on travaille, dans le cadre d'un projet de loi qui sera étudié à la rentrée, à empêcher ça, à avoir le diagnostic, l'étiquette thermique, aussi pour le meublé touristique, parce que c'est trop facile d'avoir une passoire thermique dans laquelle on loge mal ses locataires et d'un seul coup mettre des petits nœuds aux fenêtres et…

MARC FAUVELLE
Mais ça paraît complètement fou qu'aujourd'hui on ne puisse plus, et heureusement, louer une passoire thermique, puisque les premières interdictions sont tombées…

OLIVIER KLEIN
Si c'est faux on l'empêche.

MARC FAUVELLE
Mais qu'on puisse encore louer un appartement à des touristes pendant trois jours, qui est une passoire thermique.

OLIVIER KLEIN
Absolument, et c'est insupportable, et donc on va se donner les moyens de l'empêcher.

SALHIA BRAKHLIA
En parlant d'Airbnb, un peu partout en France des maires partent en croisade contre ces locations saisonnières, hausse des loyers, pénurie de logement, ce sont les conséquences, est-ce que la France est condamnée à se "airbnbiser" ?

OLIVIER KLEIN
Non il faut… à la fois être un pays touristique c'est une chance, il faut la respecter, mais il faut aussi permettre à nos concitoyens, où qu'ils soient, de se loger, c'est le cas en Bretagne, c'est le cas au Pays-basque, c'est le cas en Corse, on voit qu'il y a des grandes difficultés, c'est le cas à Paris, et donc il faut…

SALHIA BRAKHLIA
Alors on fait quoi ?

OLIVIER KLEIN
Il faut taxer plus les Airbnb, il faut permettre aux maires d'avoir la possibilité de définir le nombre, les compensations…

SALHIA BRAKHLIA
Donc on met en place des quotas dans chaque ville ?

OLIVIER KLEIN
Alors ça c'est la décision des maires, ce n'est pas à moi d'en décider. On augmente… il y a 2 000 villes qui pourront augmenter par exemple la taxe sur la résidence secondaire, les maires pourront s'en emparer ou pas, on est en train de travailler, avec les associations d'élus, à la liste, et vous savez, en France on a déjà beaucoup de protections sur les Airbnb, on voit que ce n'est pas suffisant, il y a la numérotation, la classification, etc., il faut continuer à trouver des solutions équilibrées, mais il faut aussi, on parlait de la loi SRU tout à l'heure, en zone touristique, il ne faut pas s'exonérer aussi du respect de la loi SRU parce qu'on voit qu'un certain nombre de villes…

SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce qu'on peut réfléchir aussi à l'interdiction à Florence par exemple, dans le centre historique, on envisage d'interdire la location Airbnb ?

OLIVIER KLEIN
Il n'y a pas de tabou, ça fait partie de sujets que l'on doit mener, dans le cadre de la décentralisation des politiques du logement, des réflexions qu'on mène avec les élus locaux.

MARC FAUVELLE
Il y a aussi la question de la fiscalité, vous en avez dit un tout petit mot. Aujourd'hui quelqu'un qui loue son appartement sur AirBnb a un abattement de 70% sur ses revenus…

OLIVIER KLEIN
Non, dans les mesures qui vont être annoncées, on travaille sur une fiscalité la plus équivalente possible sur le meublé, le meublé touristique, la location longue durée, pour privilégier…

MARC FAUVELLE
Ah, la même fiscalité pour quelqu'un qui loue avec un bail classique…

OLIVIER KLEIN
La Première ministre va probablement annoncer un chantier de réflexion sur les fiscalités, on verra ce que sera le point d'atterrissage.

MARC FAUVELLE
Mais ils paieront plus d'impôts, si je suis votre raisonnement.

OLIVIER KLEIN
A un moment si on veut privilégier le logement de ceux qui vivent là et qui veulent travailler là, il va falloir trouver des mesures plus équilibrées, oui.

MARC FAUVELLE
Est-ce que finalement le point de départ, celui qui encourage le Airbnb, c'est le fisc ? 70% d'abattement, enfin quel autre secteur a 70% d'abattement sur ses revenus ? ça ne veut pas dire qu'il paye 30% d'impôt, ça veut dire qu'il est imposé sur 30% de ses revenus.

SALHIA BRAKHLIA
Et il gagne plus en loyers.

OLIVIER KLEIN
On est dans un pays extrêmement attractif d'un point de vue touristique, donc il faut rééquilibrer…

MARC FAUVELLE
Et qui aime imposer, mais pas ce secteur-là.

OLIVIER KLEIN
Il faut imposer tout le monde avec justesse.

SALHIA BRAKHLIA
Olivier KLEIN, le gouvernement va inciter les sans-abris qui sont en région parisienne à partir en province avant les Jeux olympiques, est-ce que ce sera sur la base du volontariat ?

OLIVIER KLEIN
Alors c'est sur la base du volontariat. Aujourd'hui on a ouvert environ 4 000 places d'accompagnement provisoire en province parce qu'on a 100 000 places d'hébergement d'urgence en région parisienne, c'est trop, on ne sait pas faire bien l'accompagnement social et administratif de ces personnes, quand ils sont dans des hôtels répartis un peu partout, donc si on veut mieux accompagner ces personnes fragiles il faut, sur la base du volontariat, les accompagner. Vous savez, les associations de solidarité, avec lesquelles on travaille tous les jours, sont favorables à ce dispositif, Pascal BRICE le disait encore il y a quelques jours…

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous entendez le message quand même qui est sous-jacent, un SDF est moins rentable qu'un touriste, pour les JO.

OLIVIER KLEIN
Mais ce n'est pas ça la question, la question c'est comment on fait pour qu'on sorte de l'hébergement d'urgence. Dans les mesures qui vont être annoncées par la Première ministre il y a le plan Logement d'abord 2, je parlais tout à l'heure, dans le bilan, le plan Logement d'abord 1, plus de 160 millions supplémentaires dans le cadre du quinquennat pour faire que les gens sortent de la rue pour aller vers un toit, ça c'est déterminant. L'hébergement d'urgence ce n'est pas la bonne solution, mais c'est l'honneur de la France de préserver cet hébergement d'urgence de manière inconditionnelle. Moi je me suis battu pour garder 200 000 places d'hébergement d'urgence dans ce pays, parce que c'est nécessaire, il y a trop de gens fragiles, mais en même temps l'objectif c'est de ne pas rester dans l'hébergement d'urgence.

SALHIA BRAKHLIA
Mais concrètement, comment ça va se passer, il va y avoir des cars qui vont venir chercher les sans domicile fixe ?

OLIVIER KLEIN
Mais non, ça a déjà commencé, il y a un travail qui est mené par la préfecture de région Ile-de-France, d'information aux associations et à ces personnes sans-abri, de leur dire "voilà, si vous acceptez d'aller en province on va vous accompagner", plutôt des personnes seules, pas des familles, parce qu'on ne va pas changer les enfants des écoles, etc., "si vous acceptez d'aller en province dans ce centre d'accueil provisoire, on va étudier votre dossier, on va regarder votre situation et ensuite vous pourrez revenir en région parisienne si c'est votre choix, vous pourrez aller en zone tendue où il y a besoin de travailleurs, si c'est votre choix", c'est un travail qui est fait sur la base du volontariat, mais je vous assure, dans une volonté de mieux accueillir et accompagner ces personnes sur le territoire national s'ils peuvent y rester.

MARC FAUVELLE
Olivier KLEIN, ministre de la Ville et du Logement, était ce matin l'invité de France Info, merci et bonne journée à vous.

OLIVIER KLEIN
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juin 2023