Texte intégral
Q - Est-ce que vous êtes optimiste sur les chances d'accord aujourd'hui entre les ministres ?
M. Gérald Darmanin : La réunion d'aujourd'hui, vous le savez, est très importante. Elle fait suite à de très nombreuses années, de très nombreux mois de travail. On a essayé sous la présidence française, à la demande du Président de la République, de faire adopter ce paquet migratoire, ce pacte migration pour lequel l'Europe travaille depuis très longtemps. Je crois que nous avons tous réussi, Présidence tchèque, Présidence suédoise, à trouver un compromis.
Évidemment, nous sommes là aujourd'hui pour travailler et pour aboutir à un texte qui permettra, nous l'espérons, à l'Union européenne, aux États européens de répondre aux opinions publiques sur la question migratoire. C'est une question très importante, celle de l'enregistrement aux frontières bien évidemment, des contrôles aux frontières et celle bien sûr de la solidarité entre les États. Donc, c'est un moment important. C'est un texte ou des textes très difficiles et la France vient avec l'esprit de compromis même si on a encore du travail ce matin.
Q - Quelles sont les lignes rouges pour la France ?
M. Gérald Darmanin : Le principe d'une négociation, ce n'est pas de commencer par expliquer des lignes rouges, c'est d'essayer de trouver le meilleur compromis possible en essayant de comprendre les difficultés de tous les États : les États de première entrée comme l'Italie, comme l'Espagne, comme la Grèce, comme Malte ou Chypre ; et puis les États qui accueillent beaucoup de personnes comme la France ou comme l'Allemagne ou comme la Belgique par exemple. Donc, nous devons travailler ensemble dans un esprit de solidarité européenne. Ce que nous voulons, c'est changer la donne au niveau migratoire et je pense que ce que propose ce pacte migration, c'est-à-dire à la fois l'enregistrement, la procédure d'asile aux frontières mais aussi la solidarité et le travail avec les pays d'immigration, c'est un paquet global. Chacun peut y trouver son compte. C'est un paquet de fermeté et de solidarité. Je crois que c'est ce qu'il y a de plus important.
Si nous arrivons à faire adopter ce pacte migratoire, je rappelle d'ailleurs qu'il y a une discussion ensuite avec le Parlement européen donc ce compromis va faire naître un autre compromis, c'est très important notamment en perspective des élections européennes et puis pour rappeler évidemment que l'Europe, quand elle est unie, elle arrive à avoir des choses extrêmement positives pour les États et pour les populations.
Q - Le chiffre proposé de 22000 euros pour la solidarité budgétaire est-il trop bas ou trop élevé selon vous ?
M. Gérald Darmanin : Le principe général, c'est accepter effectivement qu'il y ait un chiffre de solidarité. Vous savez qu'il y a deux types de solidarité qui se sont exprimés : une solidarité financière mais la France est pour une solidarité de relocalisation de personnes qui sont en demande d'asile. Elle l'a toujours fait depuis les accords de La Valette. Elle le fait encore aujourd'hui, évidemment chacun selon ses capacités bien sûr.
Q - En Allemagne, il y a une polémique autour de la procédure aux frontières et des centres que cela va induire. Qu'est-ce que vous pensez ? Est-ce que vous pensez que c'est une façon correcte et humaine de gérer les migrations ?
M. Gérald Darmanin : C'est aujourd'hui que la situation n'est pas très humaine. Pourquoi ? Parce que quand les gens arrivent dans l'Union européenne, ils ne sont pas enregistrés, vous le savez bien, ils peuvent demander l'asile dans plusieurs pays, il y a des difficultés avec les contrôles de police. Quand ils ont droit à l'asile, on ne leur donne que très tardivement alors qu'ils sont en droit de récupérer cette protection très importante de l'Union européenne quels que soient d'ailleurs les motifs de cette protection.
Quand ils n'ont pas le droit à cet asile, nous avons beaucoup de mal, pour ne pas dire, c'est parfois quasi impossible de renvoyer dans les pays d'origine ces personnes qui détournent le droit d'asile. Donc, il y a des situations, je le vois depuis trois ans que je suis Ministre de l'Intérieur, absolument inhumaines puisque les gens sont parfois ni régularisables ni expulsables, on se demande à qui renvoyer ces personnes et on est dans une difficulté extrêmement forte puisque la réponse administrative, la réponse politique met beaucoup de temps, deux, trois ans, quatre ans parfois après leur arrivée sur le sol européen. C'est ça cette situation inhumaine avec des difficultés d'enfants qui sont déscolarisés, des difficultés évidemment que l'on peut tous comprendre.
Donc, la procédure d'asile à la frontière, c'est quoi ? C'est dire dès le début qu'on étudie rapidement votre demande, on vous accepte sur le sol européen lorsque légitimement vous avez le droit à l'asile - et l'Europe, je crois montre qu'elle est un continent protecteur pour les orientations sexuelles, pour les questions politiques ou religieuses bien évidemment - et en même temps on doit dire que ce n'est pas un détournement, ce n'est pas une filière d'immigration irrégulière que celle de l'asile, ça correspond à d'autres politiques migratoires pour lesquelles d'ailleurs beaucoup d'États ont des politiques différentes. Donc, je pense que c'est aujourd'hui la situation inhumaine et il ne faut pas confondre les choses.
Q - Sur les critères du pays tiers sûr, est-ce qu'il va y avoir un accord ?
M. Gérald Darmanin : On va entendre les discussions de tout le monde. La France est parfois un peu dubitative sur la possibilité d'imaginer un travail comme le font aujourd'hui les Danois, si c'est votre question exacte, parce qu'on a remarqué qu'aucun pays ne l'avait mis en place in concreto. C'est beaucoup évoqué, ce n'est pas beaucoup mis en place. Ensuite, il y a une négociation. Chaque État souhaite pousser, si j'ose dire, ses convictions. Donc, la France est prête à un compromis, pas à n'importe quel compromis mais un compromis pour faire avancer l'Union européenne, d'autant plus important pour nous que nous avons, je crois, pendant la Présidence française beaucoup poussé pour ces textes.
source https://ue.delegfrance.org, le 12 juin 2023