Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publique, à Public Sénat le 14 juin 2023, sur les mesures salariales pour les fonctionnaires et la vie politique.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin c'est Stanislas GUERINI. Bonjour

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous ; ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND du groupe La Dépêche. Bonjour Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane et bonjour Stanislas GUERINI.

STANISLAS GUERINI
Et bonjour.

ORIANE MANCINI
Stanislas GUERINI, vous avez annoncé des mesures salariales pour les fonctionnaires : augmentation générale de 1,5 % au 1er juillet, des primes pour les bas et les moyens salaires. Mais pour les syndicats, le compte n'y est pas ; ça ne répond pas à l'urgence salariale dans la fonction publique, disent-ils. Est-ce que vous entendez leur déception ?

STANISLAS GUERINI
Je les entends et non seulement je les entends mais je les réunis pour pouvoir échanger avec eux. Évidemment, je l'avais fait il y a quelques semaines pour les écouter, pour écouter leur revendication. Je les ai réunis à nouveau lundi pour effectivement porter les annonces qui sont des annonces tout à fait significatives. Je veux le préciser. Vous vous rappelez que l'année dernière, on avait augmenté le point d'indice (3,5 %) ; c'était la plus forte augmentation du point d'indice depuis 37 ans. Ce que j'ai annoncé aux syndicats cette semaine, c'est que nous allons réitérer le même effort, la même enveloppe budgétaire, la même enveloppe salariale sur cette fin d'année : 3,5 milliards sur le deuxième semestre, 6 milliards d'euros en année pleine l'année prochaine. Mais j'assume de faire différemment ce que nous avons fait l'année dernière. Parce que quelle est la situation ? On a une inflation qui est en train de décélérer au global mais qui reste très forte sur les produits alimentaires et qui touche en particulier les bas salaires, les classes moyennes, ceux qui sont au début les échelles de rémunération et qui, en plus (parce que le SMIC a augmenté) voient souvent un manque de progressivité dans leur carrière. C'est un phénomène maintes fois commenté à votre antenne. Et donc les mesures à cette enveloppe budgétaire que je décris là, elle est consacrée, elle sera consacrée spécifiquement à ça, à augmenter de 2,5 % la rémunération indiciaire. 2,5 %, c'est le fixe des fonctionnaires en deux fois ; 1,5 % de valeur du point dès juillet, des distributions de points pour l'ensemble de la grille en janvier 2024 auxquelles j'ajoute, c'est plus rarement mentionné, des distributions de points spécifiques dès juillet aussi justement aux catégories C, au début des catégories B pour offrir une progressivité et auxquelles j'ajoute une prime : une prime pouvoir d'achat, il y a une prime MACRON dans le privé, il y aura une prime pouvoir d'achat pour les agents du public que je concentre sur la première moitié des fonctionnaires de 800 euros brut à 300 euros brut quand on est à 3 250 euros la rémunération.

ORIANE MANCINI
Prime qui concerne les trois catégories ou uniquement l'hospitalier et les services ?

STANISLAS GUERINI
Prime qui sera versée pour automatiquement les agents de l'État et les hôpitaux, les hospitaliers.

ORIANE MANCINI
Donc, pas les fonctionnaires territoriaux ?

STANISLAS GUERINI
Et qui sera à la main des collectivités territoriales. Je précise parce que c'est ce qu'elles nous ont demandé aussi d'avoir des outils qui soient le moins contraignant possible. Quand on touche à la valeur indiciaire, c'est les trois versants automatiquement : les outils indemnitaires, les primes ; c'est effectivement davantage à la main pour laisser de la marge de manœuvre aux employeurs territoriaux.

ORIANE MANCINI
On va y venir.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, après les tensions créées par la réforme des retraites, est-ce que ces discussions n'aggravent pas encore un petit peu les tensions avec les organisations syndicales et cette déception ?

STANISLAS GUERINI
Vraiment, sincèrement, je ne crois pas. Quand on s'est vu avec les syndicats, on a convenu (c'était il y a quelques semaines) de donner la priorité à trois sujets : apporter des réponses à la question du pouvoir d'achat, allez au bout de la négociation sur l'instauration d'une prévoyance pour les agents publics, c'est un chantier majeur qui est très souvent sous-estimé, il s'agit de la protection de la santé des agents, les questions d'invalidité, d'incapacité, d'arrêt longue maladie, c'est très important. Je souhaite boucler cette négociation avant la mi-juillet avec les syndicats. Et puis, le troisième sujet, c'est de définir un accord de méthode pour porter une réforme structurelle sur la question des carrières, sur la question des parcours, sur la question des rémunérations. Et j'ai dit aux syndicats que j'étais prêt à mettre dans des objets de négociations les éléments de politique salariale. Comment est-ce qu'on discute des rémunérations de façon récurrente, année après année, avec les syndicats de la fonction publique, avec l'ensemble des employeurs territoriaux ?

ORIANE MANCINI
Ça veut dire qu'il y aura d'autres mesures prochainement ?

STANISLAS GUERINI
Je ne veux pas créer... j'ai été le plus clair possible et je pense que c'est ça la clarté des débats, le respect aussi des interlocuteurs. Je n'ai pas mis à la négociation ce que je viens de vous annoncer là. Je les ai écoutés ; on a eu des bilatérales. Je leur ai fait des annonces, je ne les porte pas à la négociation. Mais en revanche, pouvoir effectivement mettre à plat la façon dont on discute des rémunérations, les éléments de politique salariale puisqu'on souhaite porter une réforme de structure…

ORIANE MANCINI
Oui, mais si vous souhaitez en rediscuter, ça veut dire que ça a vocation d'aboutir à quelque chose. Ça veut dire que vous envisagez…

STANISLAS GUERINI
Mais pas pour la dimension qui porte sur l'année 2023

ORIANE MANCINI
Mais pour 2024, il peut y avoir d'autres augmentations.

STANISLAS GUERINI
Mais effectivement pour préparer avec les syndicats une réforme de structure sur les rémunérations pour mettre à plat au fond les questions de rémunération dans la fonction publique avec quelques priorités. Moi, je considère et je les mets sur la table que les priorités, c'est plutôt de protéger les agents qui voient leur pouvoir d'achat vraiment impacté et renié par l'inflation quand il y a une inflation forte. Les priorités c'est de pouvoir apporter des perspectives d'évolution de carrière, parfois plus dynamiques. C'est ça souvent qui manque dans notre politique salariale. Ça veut peut-être dire aussi pouvoir davantage différencier les évolutions de carrière. Et puis, la troisième priorité, à mon sens, pour les discussions structurelles qu'on doit avoir, c'est de poser la question, la rémunération de la performance individuelle et collective, de l'engagement des agents. Je crois que tout ça, c'est compatible.

ORIANE MANCINI
Donc une rémunération au mérite, pour le dire plus clairement.

STANISLAS GUERINI
Mais ça existe déjà. Ce sont des outils qui sont assez timides et timidement utilisés parfois dans la fonction publique.

ORIANE MANCINI
Vous souhaitez développer.

STANISLAS GUERINI
Moi, je crois par exemple à des plans d'intéressement. C'est des outils qui fonctionnent très bien, qui permettent de récompenser la performance collective. Ça peut être par exemple l'atteinte de nos ambitions sur la transition écologique. Pourquoi pas ? On peut rendre tout ceci compatible avec les grandes transitions qu'on a opérées.

ORIANE MANCINI
Mais ce sera quoi ? Des primes au mérite mais individuelles ?

STANISLAS GUERINI
Ce sont des discussions structurelles qui restructureront beaucoup peut-être la façon de rémunérer les agents publics. Et cette discussion-là, je veux l'avoir avec les syndicats. Je suis prêt à négocier…

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous souhaitez des primes au mérite individuelles ?

STANISLAS GUERINI
Mais ça existe déjà. Pardon de vous le dire.

ORIANE MANCINI
Oui mais qu'elle soit renforcée. Non, mais vous le dites, c'est très timide et c'est très peu employé.

STANISLAS GUERINI
Donc, moi, ce que je dis…

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous dites, il faut renforcer ça ?

STANISLAS GUERINI
Mais, moi, je veux que le travail paye. Je veux que dans la fonction publique, l'engagement... Les agents que je vois toute la journée se décarcasser, vraiment on l'a vu pendant les crises, mais on le voit à chaque instant ; ce sont eux qui tiennent le service public. Je veux que ce travail-là paye, soit récompensé. Ça peut être de façon individuelle et ça peut être de façon collective, c'est ma philosophie. Je la mets sur la table aujourd'hui et je souhaite la porter à négociations avec des organisations syndicales.

CHRISTELLE BERTRAND
Vous avez déjà un rendez-vous pris sur ce sujet-là avec les organisations syndicales ?

STANISLAS GUERINI
J'ai indiqué, c'était nos échanges lundi avec la multilatérale qu'on a tenue avec toutes les organisations syndicales ; j'ai indiqué que ces discussions de méthode, la définition de cet objet de négociations qui peut inclure la politique salariale. J'étais prêt à la tenir avant l'été pour avancer sur ces questions-là. Donc ça nous fait du travail avant la coupure estivale. Mais enfin, je crois que si à la fois on a apporté des réponses je crois puissantes, je l'ai démontré sur la question du pouvoir d'achat. Peut-être que ce n'est pas suffisant au titre de syndicats, mais ils ont quand même salué les mesures, les outils ; peut-être qu'ils auraient souhaité plus. Si on a avancé sur ces questions de pouvoir d'achat, de prévoyance qu'on a remis en route d'une certaine façon, le chantier structurel qu'on a défini un accord de méthode ; je crois qu'on aura fait pour les fonctionnaires, pour les agents publics, œuvre utile, c'est tout ce qui m'intéresse.

ORIANE MANCINI
Et vous le dites, l'augmentation concerne également les fonctionnaires publics territoriaux. Les élus locaux comprennent certes la nécessité d'augmenter les fonctionnaires, mais ils disent aussi que c'est une charge pour leur budget et qu'ils ont été mis devant le fait accompli ; c'est ce que dit l'Association des maires de France. Qu'est-ce que vous lui répondez ?

STANISLAS GUERINI
D'abord, il y a deux questions : est-ce qu'on a concerté ? La réponse est oui. J'ai réuni, le 23 mai dernier, l'ensemble des associations d'élus. Je les ai réunis à nouveau avant de rencontrer les organisations. Syndicales donc ce n'est pas vrai de dire qu'il n'y a pas eu de concertation. C'est vrai que j'ai pris mes responsabilités ; j'ai annoncé des choses. Mais en ayant entendu les employeurs territoriaux, est-ce qu'on a écouté les messages qu'ils nous ont passés ? Là aussi, la réponse, c'est oui. Ils ont dit trois choses, ils l'ont même dit publiquement dans la presse : prêt à des hausses de rémunération mais modérées, concentrer les efforts sur les bas salaires et lisser l'effort dans le temps. Précisément, c'est ce que nous avons essayé de faire. Je conviens qu'il y a un équilibre à trouver ; vous m'avez interrogé sur les attentes des syndicats, vous m'interrogez à présent sur les attentes des employeurs territoriaux. Mais nous avons répondu à ses attentes-là, pas que du point d'indice : 1,5 % tout de suite là où c'était 3,5 % l'année dernière. Concentrer nos efforts sur les salaires, je viens de vous le démontrer, c'est précisément ce que nous faisons.

ORIANE MANCINI
Oui, mais sauf que pour les budgets…

STANISLAS GUERINI
Et puis, le lisser dans le temps, une partie en 2023, une partie en 2024 donc avec plus de lisibilité. C'est là aussi ce que nous faisons. Et les employeurs reconnaissent d'ailleurs qu'il y a eu cette écoute-là. Mais je comprends bien que ça induit des efforts contraints dans les budgets.

ORIANE MANCINI
Est-ce que l'État doit aider les élus locaux ? Est-ce qu'il va y avoir des dotations supplémentaires ?

STANISLAS GUERINI
Je ne veux pas éviter cette question-là, mais avant de répondre à cette question-là, il faut quand même préciser que la seule question qui vaille, c'est si les employeurs territoriaux, les élus locaux avaient été seuls décisionnaires là, maintenant, tout de suite, dans une deuxième année à 6 % d'inflation, qu'auraient-ils fait ? Est-ce qu'ils auraient pris une décision différente de celle que nous prenons là ? Est-ce qu'ils auraient assumé de dire quand on a trois quarts d'agents en catégorie C dans une collectivité, aucun bougé sur les rémunérations pour l'année 2023 ? Je n'en suis pas certain. Il faut avoir cette franchise-là aussi, de se dire les choses. Donc le Gouvernement, je crois, le ministre de la Fonction publique est dans son rôle, essaie de trouver les bons équilibres. On a vu, ils sont parfois sur une ligne de crête entre les attentes des uns et des autres, nos contraintes budgétaires, il faut bien le dire aussi puisqu'on fait tout ça avec l'argent des Français qui rémunèrent les agents publics.

ORIANE MANCINI
C'était facile d'ailleurs auprès de Bruno LE MAIRE d'obtenir ces augmentations ?

STANISLAS GUERINI
Évidemment à chaque fois,…

ORIANE MANCINI
Vous avez bataillé ?

STANISLAS GUERINI
Des discussions et des arbitrages.

ORIANE MANCINI
Vous avez bataillé ?

STANISLAS GUERINI
Non, mais ce n'est pas une question de bataille parce que je ne veux pas laisser penser en disant ça qu'il y a deux lignes au sein du Gouvernement ; et pas les dépenser et puis ceux qui disent que la dépense publique doit être maîtrisée. On dit tous que la dépense doit être maîtrisée. Mais je considère qu'investir sur les agents publics au moment où l'inflation grignote le pouvoir d'achat, il faut être très clair. Aujourd'hui, il y a un agent public sur cinq est rémunéré au niveau du SMIC parce que le SMIC a beaucoup augmenté. Ça nécessite des réponses mais, moi, je crois qu'elles sont plutôt de l'ordre de l'investissement. Quand on paye mieux nos fonctionnaires, ça ne veut pas dire qu'on va s'exonérer d'une transformation de nos politiques publiques. Il n'y a pas des économies mais je crois qu'on peut mener ces deux chantiers en même temps.

ORIANE MANCINI
Vous ne m'avez pas répondu sur les dotations.

STANISLAS GUERINI
Je vous réponds sur la dotation. Moi, j'ai toujours considéré qu'il ne fallait pas découper les sujets ? On ne va pas dire qu'il y a un sujet salarial 2023 et donc on va avoir le débat spécifique pour savoir comment on compense ce sujet-là. Et puis, tout à l'heure, on parlera des secrétaires de mairie avec les sénateurs et puis, il y a les coûts d'énergie et puis, il y a d'autres charges qui peuvent être induites. Je crois qu'il faut un débat global sur la question du financement des collectivités. Et je le dis en tant que ministre d'un Gouvernement qui n'a plutôt pas de leçon à recevoir des gouvernements précédents sur les questions de dotation générale aux collectivités. On en a inversé la trajectoire, on l'a plutôt augmenté. Donc ce débat va avoir lieu. Précisément les associations d'élus sont reçues à Bercy cette semaine pour préparer les assises des finances publiques - elles se tiendront la semaine prochaine - qui doit permettre d'avoir à la fois une vision globale sur tous les sujets : les dépenses, les recettes, l'ensemble des dépenses et de l'ensemble des recettes et puis de donner une vision avec une visibilité dans le temps. Moi, quand j'échange, hier encore, avec François SAUVADET président des départements de France ; ce que souhaitent les associations d'élus, c'est d'avoir des perspectives d'évolution, de pouvoir se projeter dans le temps. Et ce débat-là est absolument primordial pour notre pays.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, Stanislas GUERINI, en début d'année à Nantes, vous avez aussi souhaité ouvrir d'autres chantiers concernant la fonction publique et notamment ouvrir le chantier des parcours des fonctionnaires. Où est-ce qu'on en est de ça ?

STANISLAS GUERINI
Précisément, ce sont les sujets que je mets à discussions avec les organisations syndicales là, maintenant, tout de suite. Avec quel axe de travail ? Faire en sorte qu'on puisse évoluer plus rapidement dans la fonction publique ; ça, ça sera mon fil rouge, la question des compétences. Que le fait d'acquérir des compétences par la prise de responsabilité, par son travail ou par la formation, ça soit mieux valorisé dans les parcours de carrière, ça permet de changer de métier éventuellement. Je signale, au passage, qu'on a pris des mesures ... Vous voyez que je n'évite pas le débat sur les retraites, on nous dit parfois qu'on ne veut plus jamais en parler, qu'on apprend des mesures dans le texte retraite pour pouvoir justement faciliter les changements de métier avant son public, ne pas perdre des droits quand on devient par exemple policier, quand on devient surveillant pénitentiaire pour prendre un seul exemple. Donc, tout ça, c'est ce qu'il nous faut travailler.

CHRISTELLE BERTRAND
Vous aviez évoqué notamment le chantier, enfin, la possibilité de supprimer les catégories A, B, C. Est-ce que c'est toujours en réflexion ?

STANISLAS GUERINI
Moi, je crois qu'il faut garder un système de catégorie. D'ailleurs, quand vous regardez toutes les grandes organisations, il y a toujours des catégories. Vous prenez une convention collective, il y a des catégories. Ce qui pose parfois problème dans la fonction publique, c'est que la façon dont on est entré dans la fonction publique, fonction d'un grade, fait en sorte qu'on est parfois coincé et qu'il y a une forme de plafond de verre. Prenons un exemple très concret parce que ça sera les débats que nous aurons que les sénateurs cet après-midi, une secrétaire de mairie. On est recruté parfois, c'est le cas le plus souvent, en catégorie C et pour pouvoir franchir la catégorie suivante, alors il faut pendant de longs mois préparer un concours administratif, parfois concours qui sont avec un rapport un peu éloigné avec la réalité du métier, du quotidien.

CHRISTELLE BERTRAND
Et donc vous voulez retirer les catégories et faciliter le passage à l'autre, c'est ça ?

STANISLAS GUERINI
Moi, ce que je souhaite, effectivement, c'est de pouvoir faciliter le passage, les mobilités que l'étiquette qu'on a sur le front parfois, on puisse l'a décollé un peu plus facilement par son travail, par ses compétences ou par la formation. Et c'est précisément ce que nous allons faire. Je prends cet exemple des secrétaires de mairie, mais parce qu'il me semble très bon, parce que ce métier-là symbolise au fond les difficultés d'attractivité qu'on a dans la fonction publique et de démographie.

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous allez faire faciliter le passage ou les recruter en catégorie B, les secrétaires de mairie ?

STANISLAS GUERINI
Je vais faire les deux. Je veux faire en sorte que ce métier, c'est plutôt un métier de catégorie B donc on puisse, à terme, plus facilement recruter en catégorie B, mais je veux surtout permettre les promotions. Vous voyez, je ne veux pas être trop technique là, mais souvent les employeurs territoriaux disent "nous, c'est très rigide la façon de faire les promotions. On a des quotas de promotion qui nous donnent tout un tas de contraintes". Ce qui est proposé dans cette loi-là, qui est très importante, c'est de pouvoir justement déroger au quota de promotion, donner beaucoup de souplesse aux employeurs territoriaux selon deux mécanismes : soit en reconnaissant les compétences, des secrétaire de mairie c'est un forme de validation des acquis de l'expérience, c'était trop peu existant dans la fonction publique, c'est ça qu'il faut qu'on développe, soit parce qu'elles forment une formation de qualification et donc, par le temps passé, de catégorie C pourront passer à catégorie B beaucoup plus facilement. On donne de la souplesse, on donne de la marge de manœuvre pour les employeurs territoriaux, c'est la philosophie de travail qui est la même pour l'ensemble de la réforme.

Christelle BERTRAND
Alors, en pleine crise du logement, il y a aussi un sujet majeur pour les fonctionnaires, c'est les difficultés pour se loger, vous avez souhaité que certains soient prioritaires. Où est-ce qu'on en est aussi de ce chantier-là ?

STANISLAS GUERINI
Nous allons tenir dans quelques jours, ça sera d'ici la fin du mois de juin, un comité interministériel du logement des fonctionnaires. Justement, pour pouvoir mobiliser toutes les forces pour apporter des réponses parce que je crois que la question du logement des fonctionnaires, elle est clé, à la fois pour le pouvoir d'achat, aussi de qualité de vie tout simplement. Ce sont, on en a beaucoup parlé pendant la crise sanitaire, des travailleurs de première ligne qui sont parfois, prenons un exemple, à l'autre bout de la ligne de RER. Et donc…

CHRISTELLE BERTRAND
Vous souhaitez que les policiers, les soignants…

STANISLAS GUERINI
Puissent travailler près de leur lieu de travail, d'évidence. Et c'est une réponse aussi aux questions d'attractivité.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais comment on fait ça ?

Stanislas GUERINI
Je vais vous dire, je ne vais pas laisser penser que j'ai une baguette magique. Tout ça dépend évidemment de l'offre de logement, donc, qui doit s'inscrire dans la durée, mais on peut faire des choses de court terme. Je vais vous donner trois axes de travail qui seront les axes de travail que nous aurons. D'abord, mieux mutualiser les offres de logement, aujourd'hui, comme souvent dans la fonction publique, chacun est dans son silo, les fonctionnaires de tel ministère, par versant, les territoriaux, les hospitaliers, et personne n'a accès, au fond, à une offre de logement qui soit beaucoup plus mutualisé entre les agents des…

CHRISTELLE BERTRAND
Un fichier commun ?

STANISLAS GUERINI
Donc, je crois effectivement qu'il faut développer des outils communs pour pouvoir mieux mutualiser. Deux, on a des outils qui sont parfois un peu rigides. Il n'y a pas de bail spécifique aux agents de la fonction publique. Vous prenez un logement social, le lendemain vous quittez un hôpital, vous devenez intérimaire, vous êtes dans un logement social et l'employeur ne sait pas au fond s'il peut investir pour vous proposer un logement. Peut-être qu'il peut y avoir des réflexions sur ces sujets-là. Et puis, trois, il faut produire, il faut produire du logement intermédiaire, pour pouvoir reloger les fonctionnaires. Il y a déjà des programmes qui sont lancés où l'État…

CHRISTELLE BERTRAND
Donc, les programmes qui seraient faits pour les fonctionnaires ?

STANISLAS GUERINI
Du foncier, on peut contractualiser avec des opérateurs, fabriquer des logements et en réserver une partie pour reloger des fonctionnaires. Donc, vous voyez, c'est tous les leviers, certains de court terme, certains qui seront un effort sur la durée pour apporter des réponses durables, réelles, concrètes aux fonctionnaires.

ORIANE MANCINI
Christelle, on va changer de sujet.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, c'est un sujet plus politique. Les bruits se font de plus en plus intenses ces derniers jours, parlant d'un remaniement. Est-ce qu'on peut continuer à avancer avec ce même Gouvernement ou est-ce qu'il faut changer les choses selon vous ? Même si ce n'est pas vous qui en décidez.

STANISLAS GUERINI
Écoutez, voyez la richesse des sujets que nous discutons là : rémunération des fonctionnaires, secrétaire de mairie, logement, on va avancer à l'Assemblée tout à l'heure sur les questions d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à la fonction publique. Est-ce qu'on peut continuer à avancer ? Bien sûr que oui, j'espère humblement vous en faire la démonstration ce matin qu'il y a beaucoup de sujets sur lequel on bosse et on avance.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais vous êtes bloqué sur un sujet majeur qui est le projet de loi immigration, sur lequel planche aujourd'hui Gérald DARMANIN.

STANISLAS GUERINI
Pourquoi bloqué ? Pardon, il y a des discussions…

CHRISTELLE BERTRAND
Vous ne trouvez pas visiblement… il y a la question de la jeunesse se pose.

STANISLAS GUERINI
On n'a pas de blocage-là. Il y a un travail préparatoire. On veut trouver un équilibre. On veut pouvoir avancer, construire une majorité sur ce texte. Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur, est en train de mener ces discussions-là. C'est le mandat qu'il a de la Première ministre et le président de la République. C'est un sujet important pour nos concitoyens, très important, il a été exprimé pendant l'élection présidentielle, législatives. On doit avancer. Donc, il y a un équilibre à trouver pour bâtir une majorité autour de ce texte. On a fait la démonstration qu'on savait bâtir des majorités, pas sur tous les textes, il y a eu un conflit important sur la question des retraites mais enfin, il y a quand même été adopté dans les conditions qu'on connaît, mais il était adopté. Il y a les textes budgétaires qui ont fait l'objet d'un 49.3. Puis, il y a tous les autres textes ultra majoritaires dans ce quinquennat, depuis le début du quinquennat, c'est plus d'une trentaine de projets de loi, je crois, une soixantaine, si on compte tous les textes ont été adoptés à l'Assemblée et au Sénat. C'est la démonstration qu'on peut…

ORIANE MANCINI
Un remaniement n'est pas nécessaire ? Il ne faut rien changer ? Élisabeth BORNE peut rester ?

Stanislas GUERINI
Ce n'est pas ce que je dis. Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire. Je dis que, dans la vie, moi, j'ai une philosophie qui est de m'inquiéter de ce qui est entre mes mains, à moi, alors vous me pardonnerez. Cette question-là, elle n'est absolument pas dans les mains, alors, pourquoi est-ce qu'on va y consacrer toutes nos journées et du jus de cerveau alors qu'on a quand même du pain sur la planche sur des sujets qui sont autrement plus importants ? C'est une position qui est assez pragmatique au fond d'un ministre du Gouvernement que je vous donne ce matin.

CHRISTELLE BERTRAND
Vous êtes aussi un ministre très politique et on voit que les Républicains ont changé d'attitude depuis la fin de la réforme des retraites. Une partie du groupe vous a aidé au moment des retraites n'y est pas forcément prêt aujourd'hui. Est-ce qu'Élisabeth BORNE est la bonne personne pour continuer à discuter avec eux et à négocier avec eux ?

STANISLAS GUERINI
Mais évidemment que oui. Moi, je la soutiens de toutes mes forces dans ce Gouvernement parce qu'elle mène un travail extrêmement courageux, avec de la clarté, avec une vision pour notre pays, avec une feuille de route qui a été définie avec le président de la République et elle nous permet d'avancer. Qui d'autre qu'Élisabeth BORNE ferait mieux qu'elle aujourd'hui ?

CHRISTELLE BERTRAND
Un ministre de Droite. Un ministre issu de la Droite ?

STANISLAS GUERINI
Mais vous savez vous avez, avant moi, un invité précédent, Jérôme BASCHER, qui est sénateur LR.

STANISLAS GUERINI
Il a dit, nous on ne cherche pas une coalition particulière mais je fais confiance aux uns et aux autres selon l'intérêt du pays pour regarder à chaque fois qu'elle est l'intérêt de la Nation et qui permet d'avancer et je crois que je vous l'ai dit, qui a permis sur de nombreux textes de pouvoir avancer. Cette méthode-là, c'est la méthode que nous a demandé d'adopter le pays, ce sont les Français qui ont voté, qui ont donné à la majorité présidentielle une majorité, parfois on a l'impression un peu de l'oublier, une majorité relative à l'Assemblée nationale, elle oblige à composer, elle oblige à chercher des équilibres, à bâtir des coalitions, texte par texte. Je crois que c'est à ça…

ORIANE MANCINI
Vous pensez que vous allez encore y arriver avec les LR aujourd'hui ?

STANISLAS GUERINI
Oui je le crois et vous savez, c'était intéressant de voir que dans les moments peut-être les plus conflictuels, c'était après le 49 3 sur les retraites tout de suite il y avait des textes à examiner, c'était le texte sur le nucléaire, ce n'est pas un petit sujet pour notre pays, il a été adopté avec une large majorité, je crois que c'était le lendemain, était adopté un texte de loi qui avait été coconstruit NUPES-Renaissance, excusez du peu, sur la question des influenceurs, qui est aussi une question du quotidien des Français, unanimité sur ce texte-là. Donc vous voyez qu'en fonction des sujets, peut-être aussi en fonction de l'opinion, et ce qu'elle nous demande de faire, des messages clairs qui ont été adressés pendant les élections présidentielle, législatives, eh bien nous pourrons avancer.

ORIANE MANCINI
Donc vous pensez que le texte l'immigration a une chance d'être voté.

STANISLAS GUERINI
Oui bien sûr. Et je crois Gérald DARMANIN fait un excellent travail pour s'en donner les moyens et bâtir une majorité autour de ce texte.

ORIANE MANCINI
Sauf qu'il cherche à la bâtir avec les Républicains cette majorité, est-ce que vous qui venez plutôt de la gauche, vous le regrettez ?

STANISLAS GUERINI
Non, bien sûr que non, je ne regrette pas, il cherche à la bâtir avec celles et ceux qui sont prêts à regarder ces questions en face, à mettre aussi parfois…

ORIANE MANCINI
Et la gauche est prête à regarder ces questions en face pour vous ?

STANISLAS GUERINI
…un peu de dogmatisme ou d'idéologie de côté, ça peut concerner tout le monde et de trouver des solutions avec un fil rouge qui est celui de l'efficacité.

ORIANE MANCINI
Mais la gauche est prête à les regarder ces questions ?

STANISLAS GUERINI
Je le souhaite et je l'espère, quand on parle des questions d'immigration de travail, quand on parle au fond du réel, je crois que c'est ça qu'il faut faire sur ces questions-là, quand on voit la situation de gens qui sont sur notre territoire parfois depuis de nombreuses années, qui sont dans les restaurants dans lesquels nous allons manger, dans lesquels les Français vont manger, et qui sont dans un entre deux, eh bien ces questions-là, je crois qu'il faut savoir aussi les adresser avec beaucoup de pragmatisme.

STANISLAS GUERINI
Et vous voyez que les mesures que la majorité a amenées sur la table, puisque, elles ont même été déjà discutées au Sénat, elles recueillent une majorité chez les Français, quand on les interroge mesure après mesure, à la fois dans notre capacité à mieux appliquer la loi, ces questions sont connues : reconduire, faire appliquer la question des OQTF, des laissez-passer consulaires, mais aussi les questions d'immigration de travail, toutes ces questions sont d'ailleurs assez largement majoritaires dans l'opinion, je suis certain que les uns et les autres, qui ont un mandat des Français regardent aussi ces questions-là.

CHRISTELLE BERTRAND
Le 21 juin, Stéphane SÉJOURNÉ réunit un certain nombre de cadres de Renaissance pour discuter de ce sujet-là justement, quel partenariat avec les Républicains, comme on avance avec eux, c'est une grosse partie du sujet, est-ce que vous ne trouvez pas aujourd'hui, vous, qui venez de la gauche, que tout tourne autour des Républicains, et que ça ne déséquilibre pas ce fameux en même temps qui était la donne originelle d'En Marche ?

STANISLAS GUERINI
Précisément, notre secrétaire général, j'ai exercé cette fonction, mène une réunion politique de nature stratégique, la question effectivement…

ORIANE MANCINI
Et qu'est-ce que vous allez répondre à cette question ?

STANISLAS GUERINI
Des partenariats, des coalitions, de savoir comment est-ce qu'on continue d'avancer, pas pour la politique politicienne, dans l'intérêt du pays…

ORIANE MANCINI
Qu'est-ce que vous allez répondre…

STANISLAS GUERINI
L'ordre du jour, ce n'est pas quelle politique avec les Républicains, d'ailleurs, ça, ce sont les commentaires qui sont venus s'ajouter à cette réunion-là. L'ordre du jour de cette réunion, c'est une réunion politique sur notre capacité à pouvoir avancer. Mais tant mieux, il a mille fois raisons de bâtir, c'est à ça que ça sert un parti politique…

ORIANE MANCINI
Non mais, sur aussi : est-ce qu'il faut bâtir un accord avec les Républicains, quelle va être votre réponse, puisque vous allez être consulté, j'imagine, quelle est votre réponse ? Est-ce que oui ou non, il faut un accord de coalition avec les LR ?

STANISLAS GUERINI
Mais moi, je crois qu'il faut arrêter de bâtir un discours selon lequel on voudrait dire, on va absorber les uns et les autres…

ORIANE MANCINI
Mais ce n'est pas absorber, c'est un accord de coalition…

STANISLAS GUERINI
On va élargir la majorité au sens où les uns et les autres au fond viendraient se soumettre à la majorité présidentielle. Je crois que ce n'est pas ça la question, la question, c'est de pouvoir, sur un contenu programmatique, sur des textes concrets, vous savez, les grands discours les grands mots ou les questions d'appareil, je crois que ça saoule les Français, ils regardent ça, je veux dire, chaque jour d'un peu plus loin encore. Les questions qui leur parlent, ce sont les questions concrètes, et parfois, les questions du quotidien, quand on parle de papiers d'identité, quand on parle de capacité dans les mairies à assurer sa République, ça, ce sont des questions du quotidien…

ORIANE MANCINI
Merci…

STANISLAS GUERINI
C'est pour ça qu'il faut qu'on continue à avancer. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de politique derrière, mais on doit la mettre au service de cet agenda-là, qui est un agenda concret de réformes pour pouvoir permettre à notre pays d'avancer.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup Stanislas GUERINI, d'avoir été notre invité.

STANISLAS GUERINI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juin 2023