Interview de Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture, à LCI le 21 juin 2023 sur la fête de la musique, le Pass culture, son avenir au sein du gouvernement, le financement de France Télévisions par la publicité et la possibilité de sa suppression totale entre 20h et 6h.

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Média : LCI

Texte intégral

DAMIEN FLEUROT
Bonjour Rima ABDUL-MALAK.

RIMA ABDUL-MALAK
Bonjour.

DAMIEN FLEUROT
La Fête de la musique a déjà commencé pour les lève-tôt, on l’a vu ce matin sur l’antenne de LCI, au marché de Rungis. Un rendez-vous toujours très populaire en France, d’ailleurs, vous avez annoncé, il y a quelques semaines, la reconduction d’un plan, le Plan Fanfares, pour soutenir, eh bien, justement l’organisation de ces troupes musicales sur tout le territoire national, en quelque sorte.

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, les fanfares, ce sont des harmonies, des sociétés musicales, qui existent pour certaines depuis 150 ans, qui se transmettent de génération en génération.

DAMIEN FLEUROT
C'est l'héritage, le patrimoine culturel français.

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, complètement. Et elles sont un peu partout, j'ai pu en voir à Gommegnies dans le Nord ou en Auvergne, et ça permet de réunir les générations et de porter la musique aussi de manière festive, parfois moins, mais en tout cas, ces fanfares font aussi partie de notre patrimoine culturel bien vivant.

DAMIEN FLEUROT
La Fête de la musique qui s'exporte aussi, j'ai vu dans le programme, l'institut français de Madagascar, l'Alliance française de Pondichéry, qui organiseront des concerts, c'est aussi ça votre mission, faire rayonner la culture au-delà de nos frontières ?

RIMA ABDUL-MALAK
Bien sûr, depuis 1982, quand Jack LANG a créé la Fête de la musique, c'est devenu assez vite un phénomène mondial, aujourd'hui, il y a 120 pays où la Fête de la musique est organisée en même temps qu'en France, donc c'est vraiment un retentissement mondial, et cette Fête de la musique, c'est le premier jour de l'été, c'est aussi le jour le plus long, c'est le jour où on célèbre l'amour de la musique, c'est la fête des amateurs, et le mot amateur, c'est aimer quelque chose, donc, c'est : on aime la musique, on y va avec son instrument, sa voix, juste pour danser ou pour écouter, tous les amateurs se réunissent.

DAMIEN FLEUROT
Traditionnellement aussi, la soirée sans doute la plus chargée pour le ministre en charge du portefeuille culturel, vous avez parlé de Jack LANG, vous le croiserez ce soir…

RIMA ABDUL-MALAK
Evidemment.

DAMIEN FLEUROT
Evidemment. Votre ministère a aussi choisi une programmation engagée dans les jardins du Palais Royal donc à Paris, une scène exclusivement féminine, et un concert inclusif, expliquez-nous.

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, on a décidé, pour la première fois cette année, de chansigner le concert ce soir dans les jardins du Palais-Royal, au ministère de la Culture…

DAMIEN FLEUROT
Donc la langue des signes pour faire vivre la musique…

RIMA ABDUL-MALAK
Exactement, adaptée à la musique pour pouvoir accueillir du public sourd et malentendant, parce que, eux aussi, doivent pouvoir accéder à la magie de cette Fête de la musique.

DAMIEN FLEUROT
Alors, des concerts gratuits ce soir, mais sinon, le prix des places qui flambe, en tous les cas, c'est ce que disent les fans, et la saison des festivals qui s'ouvre ne va pas forcément inverser la tendance, est-ce que c'est un sujet de vigilance au ministère de la Culture ?

RIMA ABDUL-MALAK
Bien sûr, parce que dans cette période d'inflation, si on veut que la culture soit accessible au plus grand nombre, le sujet des tarifs se pose, moi, ma priorité, c'est d'aider les jeunes à aller dans les festivals, et c'est ce qu'on fait notamment via le Pass culture, rien que là, au jour où je vous parle, il y a déjà 220.000 places de festivals qui ont été prises via le Pass culture.

DAMIEN FLEUROT
On est en fin de saison, donc le Pass culture, il a souvent été déjà utilisé par…

RIMA ABDUL-MALAK
Ah, non, c’est le début de la saison des festivals, là, l'été...

DAMIEN FLEUROT
Oui, l’enveloppe pour le Pass culture. Mais est-ce que vous appelez les organisateurs aussi à la modération, à mettre plus de places 1er prix et moins de places premium ?

RIMA ABDUL-MALAK
En tout cas, à travailler une politique tarifaire qui permet pour des publics défavorisés, des personnes au chômage, des jeunes en difficulté, de pouvoir venir, et aussi de faciliter le covoiturage, de faciliter tout ce qui va permettre d'alléger les coûts, le camping sur place plutôt que l'hôtel, etc.

DAMIEN FLEUROT
Vous allez être donc en tournée tout au long de cet été, visiter ces festivals, ces rendez-vous, craignez-vous d'être accueillie, Rima ABDUL-MALAK, lors de ces déplacements, par des concerts, mais de casseroles, cette fois-ci, des opposants à la politique du gouvernement ?

RIMA ABDUL-MALAK
Oh, il y en aura peut-être, mais ce qui m'inquiète plus cet été, ça va être les dérèglements climatiques et l'impact sur les festivals, parce qu’on avait déjà vu l’été dernier des intempéries, les canicules, des inondations, des orages très violents, et ça, ça impacte très, très durement les festivals…

DAMIEN FLEUROT
Donc un appel à la vigilance…

RIMA ABDUL-MALAK
Donc aussi un appel à la vigilance et à travailler ensemble à l'avenir pour qu'il y ait aussi une prise en compte de tous ces enjeux climatiques, d'une transition écologique des festivals….

DAMIEN FLEUROT
Donc ça veut dire concrètement la modération, par exemple, énergétique avec des groupes électrogènes plus économes…

RIMA ABDUL-MALAK
Par exemple…

DAMIEN FLEUROT
Pas de climatiseur dans les champs, mais ça paraît une évidence.

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, par exemple, j'étais à « We Love Green », qui est un festival vraiment éco-responsable, où les groupes électrogènes étaient à l'hydrogène, où toute la vaisselle était consignée, il y avait zéro plastique, donc voilà, c'est aussi un des efforts qui sont nécessaires aujourd'hui pour que ces festivals restent des grands moments d'émotion musicale, mais aussi plus éco-responsables.

DAMIEN FLEUROT
Vous êtes aussi la ministre chargée de la communication et des médias, et parmi les dossiers du moment, sur votre bureau, il y a l’avenir de l'audiovisuel public, son fonctionnement, son organisation. Un rapport de deux députés a été publié au tout début du mois, il s'interroge sur la spécificité des programmes proposés par France Télévisions. En résumé, il n'y aurait pas assez de différences avec les programmes proposés par les chaînes privées. Est-ce que vous partagez ce constat ?

RIMA ABDUL-MALAK
Je trouve que c’est un rapport important pour poser ces questions justement et créer un débat sur : ça veut dire quoi une mission de service public, quand on est un audiovisuel public, des chaînes publiques, quelles sont nos missions publiques, et c'est tout l'objet en ce moment des discussions que nous avons avec ces entreprises, pour établir leurs objectifs sur 5 ans, en tant qu'Etat actionnaire, et parmi ces objectifs, par exemple, la proximité, être au plus proche de l'information locale, avec France 3, France Bleu, par exemple, c'est une vraie différenciation pour le service public. Mais il y a aussi l’action de la publicité, aujourd'hui, la publicité par exemple...

DAMIEN FLEUROT
Alors, on va y venir sur la publicité, mais peut-être un mot encore sur cette différenciation de l'offre pour les téléspectateurs sur le service public, effectivement, ça figure dans le cahier des charges, seriez-vous favorable à des obligations de pluralité, de diversité par chaîne, au sein du service public, et non plus au global, entre guillemets ?

RIMA ABDUL-MALAK
C'est un débat qui se pose, en fait, depuis que France Télévisions est devenu un groupe en 2009, ce sont des obligations pour le groupe, et c'est vrai que chaque chaîne a aussi son identité, sa spécificité, France 4 pour le jeune public et pour la culture avec Culturebox, France 5 a d’autres programmes…

DAMIEN FLEUROT
Oui, certains programmes sont…

RIMA ABDUL-MALAK
Donc c'est compliqué aussi de trop compartimenter, parce qu'il y a des enjeux qui sont globaux pour le service public…

DAMIEN FLEUROT
C'est compliqué, mais vous ne fermez pas la porte en tous les cas, vous avez effectivement évoqué ce sujet du financement de l'audiovisuel public, et les auteurs du rapport parlementaire estiment que dans un marché tendu de la publicité, avec aussi la concurrence de nouveaux acteurs, on pense aux plateformes par exemple, eh bien, il faut garantir le financement et qu’il ne repose plus sur les revenus publicitaires, comme c'est encore en partie le cas, notamment après 20h. Est-ce que vous étudiez cette piste, la fin totale de la publicité sur les antennes publiques ?

RIMA ABDUL-MALAK
Alors, moi je n'y suis pas favorable, je pense qu'on a aujourd'hui un bon équilibre, on a une part limitée, circonscrite de la publicité pour l'audiovisuel public, qui ne capte pas les recettes des chaînes privées, aujourd'hui, la vraie concurrence pour les chaînes privées en matière de publicité, ce sont véritablement les plateformes, vous l'avez dit, elles captent quasiment 90 % du marché publicitaire, les GAFAM. Et donc je pense qu'on a un bon statu quo qu'il faut préserver aujourd'hui, en tout cas, c’est ma position, mais le débat peut se poser au Parlement…

DAMIEN FLEUROT
Donc en tous les cas, pas d’évolution, et il y aura peut-être l'examen d'une proposition de loi, elle a été, en tous les cas, adoptée au Sénat. Rima ABDUL-MALAK, vous serez aux côtés d'Emmanuel MACRON en début de semaine prochaine à Marseille.

RIMA ABDUL-MALAK
Oui !

DAMIEN FLEUROT
Pour une longue visite présidentielle de 3 jours, je crois, avec un Conseil des ministres en visio, délocalisé, s'afficher aux côtés du chef de l'Etat dans cette période de tension politique, avec cette perspective du remaniement, ce n'est pas anodin. Vous y voyez un signe de confiance de l'Elysée ?

RIMA ABDUL-MALAK
J’y vois surtout un signe de conviction du président de la République pour la culture et pour la place de la culture à Marseille, notamment parce que dans le plan « Marseille en grand », il y a tout un projet très important pour le développement du cinéma, de l'audiovisuel, de la formation avec…

DAMIEN FLEUROT
Un investissement de plus de 22 millions d’euros.

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, en fait, on va arriver quasiment à 50 millions d'euros, parce qu'on va aussi créer des studios de tournage en s'associant au privé, on va développer des écoles pour que des jeunes puissent aller vers ces métiers du cinéma et de l'audiovisuel, on crée aussi des projets de lieux, comme la cinémathèque, l'antenne de la cinémathèque française qui va être aussi un lieu de mémoire et de transmission du patrimoine du cinéma. Donc, il y a vraiment un plan très ambitieux qu’on porte avec la région, avec la mairie de Marseille, avec la métropole, c'est un plan vraiment Etat avec les collectivités, et qui met la culture au coeur de ce que le président a souhaité pour « Marseille en grand ».

DAMIEN FLEUROT
Alors, on sait effectivement la proximité, presque l'amour que porte le chef de l'Etat à la cité phocéenne, on pourrait se dire aussi, l’Elysée reprend en main ce volet-là, culture, parce que peut-être qu'on estime qu'il n'avance pas assez vite ou qu'on ne communique pas assez sur ses investissements publics.

RIMA ABDUL-MALAK
En tout cas, là, par exemple, dans le domaine du cinéma, Marseille, c'est la deuxième ville la plus filmée de France, et elle manquait cruellement d'infrastructures de tournage, donc, soit, on en attendait que rien ne se passe, soit, on prenait à bras-le-corps ce sujet, et on allait voir les collectivités pour leur proposer un partenariat et travailler ensemble, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est venue s'associer à nous par exemple avec des budgets également conséquents, on n'est pas seul à porter ce programme, la ville et la métropole sont également à nos côtés, mais disons que l'impulsion, elle est venue, c'est vrai, du chef de l'Etat, quand il est allé à Marseille en septembre 2021, et qu'il a donné cette perspective d'un horizon en grand pour cette ville, qu'on aime tant.

DAMIEN FLEUROT
Alors, vous n’avez pas complètement répondu à ma question sur votre avenir au sein du gouvernement, on sait, eh bien, que cela ne dépend pas que de vous, en tous les cas, et vous êtes candidate à continuer au poste de ministre de la Culture, vous nous le dites ce matin ?

RIMA ABDUL-MALAK
Ah, je ne me pose pas la question comme ça, moi, je suis ministre de la Culture aujourd'hui, et je pense bien le rester demain.

DAMIEN FLEUROT
Vous pensez parce que vous avez reçu des garanties…

RIMA ABDUL-MALAK
Ah, non, non, non, en tout cas, je le souhaite, et effectivement, je pense qu’on est tous, tous les ministres…

DAMIEN FLEUROT
Mais pour quelle raison en fait, c’est important de…

RIMA ABDUL-MALAK
Aujourd’hui, on est à l’action, on est à l’oeuvre, on est au travail.

DAMIEN FLEUROT
C’est important, eh bien, de durer aussi dans cette fonction ministérielle qui a connu, par le passé, beaucoup de changements, beaucoup d'instabilité, en quelque sorte ?

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, c’est vrai qu’au ministère de la culture, il y a une sorte de malédiction depuis une dizaine d'années, et que les ministres ont en général une durée d'un an et demi à la tête de ce ministère, et je pense que c'est trop court, qu'on a besoin de temps pour engager des projets ambitieux, le patrimoine par exemple, c'est typiquement le temps long du travail pour restaurer un monument, que ce soit Notre-Dame ou une petite église à Conti, où je suis allée dans la Somme, il faut du temps pour suivre ces projets, pour les porter, et pour ramener du goût, du sens à la vie des Français par la culture.

DAMIEN FLEUROT
Un dernier mot peut-être au sujet de de ce changement d'équipe gouvernementale à venir, en tous les cas, c'est ce que l'on peut lire, une réunion a lieu ce matin au siège du parti Renaissance en présence d’une vingtaine de parlementaires autour de Stéphane SEJOURNE, le chef du parti. L'ordre du jour prévoit en fait un débat sur l'ouverture aux Républicains au sein de l'équipe gouvernementale. Votre ancrage à vous, eh bien, il penche du côté de la gauche, vous avez travaillé pendant plusieurs années aux côtés de Bertrand DELANOË. Est-ce que vous dites : l'équilibre aujourd'hui tel qu'il est constitué, il est suffisant, pas besoin d'aller chercher des élus Républicains au sein de l'équipe gouvernementale ?

RIMA ABDUL-MALAK
Je pense que c'est important de continuer à travailler dans cette logique de dépassement qu'Emmanuel MACRON a portée dès 2017, et de travailler avec toutes les forces républicaines qui ont envie de porter un projet ambitieux pour la France, elles peuvent venir de la gauche, elles peuvent venir de la droite…

DAMIEN FLEUROT
En termes d'équilibre aujourd’hui, vous diriez que, eh bien, il est bon, ou que, compte tenu des forces en présence à l'Assemblée nationale, il est logique, il serait même plus confortable pour faire voter des textes de faire pencher le curseur un peu plus à droite ?

RIMA ABDUL-MALAK
Moi, j'ai le sentiment qu’il n’y a pas deux blocs aussi clairs, et qu’il n’y a pas des textes de gauche, des textes de droite, il y a une logique d'ambition sur laquelle on peut se retrouver à différentes sensibilités politiques, sur certains textes plus facilement que d'autres peut-être, mais en tout cas, la nécessité d’une alliance aujourd'hui avec les LR, qui, de toute façon, ne la souhaitent pas visiblement, ce n'est pas forcément la seule option possible, puisque ça fait un an qu'on travaille, qu'on passe des lois, qu'on avance sur des chantiers, et tous ne sont pas législatifs, avec ce dépassement qui permet de fédérer des personnalités de différentes sensibilités politiques.

DAMIEN FLEUROT
Vous seriez à l'aise, vous imaginez poursuivre votre mission avec un Premier ministre Les Républicains ?

RIMA ABDUL-MALAK
Alors, on va voir, en tout cas, aujourd'hui, c'est Elisabeth BORNE qui est Première ministre, j'apprécie énormément de travailler avec elle, c'est une femme absolument courageuse, combative, engagée, qui vient de faire des annonces très fortes pour notre jeunesse hier, et qui est au travail. Donc moi, pour l'instant, je travaille avec Elisabeth BORNE.

DAMIEN FLEUROT
On a vu récemment votre opposition avec Laurent WAUQUIEZ, le président LR de la région Auvergne Rhône-Alpes, au sujet de la baisse de certaines subventions régionales accordées à certains acteurs culturels. Est-ce que ce goût pour le combat politique, vous pourriez le porter demain, on vous présentant à des élections, en faisant campagne ?

RIMA ABDUL-MALAK
Moi, mon combat aujourd’hui, il est vraiment pour la culture, mon parti, c'est la culture, et partout où elle est en danger, partout où elle est menacée, je serai là pour porter une voix aux côtés des artistes, des organisations culturelles pour les aider à faire mieux et à toucher le coeur des Français. Après, si ce combat doit m'amener à être plus présente sur le terrain politique, en dehors du champ de la culture, nous verrons le moment venu, mais aujourd'hui, la culture est en soi un enjeu politique très important, et quand on touche à la culture, ça symbolise en quelque sorte ce qui pourrait arriver à la démocratie dans son ensemble, si cette logique était appliquée à d'autres champs.

DAMIEN FLEUROT
L'investissement dans la culture, un combat politique, notamment contre le Rassemblement national, on va y venir dans un instant, un mot peut-être sur la Fête du cinéma qui est de retour, du dimanche 2 juillet au mercredi 5 juillet, avec un tarif unique de 5 euros, justement, sur cette tarification des places de cinéma, Sarah LEGRAIN, députée LFI de Paris, souhaiterait que le montant du ticket soit plafonné tous les jours de l'année, c'est vrai que ça a un coût d'aller voir un film, surtout quand on est en famille. Vous étudiez cette proposition de loi ?

RIMA ABDUL-MALAK
Toutes les propositions de lois sont intéressantes à étudier, mais il faut savoir qu'en France, on a un tarif moyen des places de cinéma qui est finalement assez bas au sein de l'Union européenne, on est à 7 euros de prix moyen des places, alors, certes, quand on est en tarif plein, qu'on n'a aucune réduction, ça peut paraître plus cher, parce que ça ne sera pas 7 euros, mais pour beaucoup de monde, en fait, on peut trouver des places à tarif très réduit dans des salles près de chez soi, et en France, on a un réseau de salles, y compris Art et Essai, de proximité qui est très important ; on est le deuxième pays au monde qui a le plus d'écrans par habitant, de salles de cinéma par habitant, et les salles, on ne peut pas non plus leur imposer une politique tarifaire, ça doit évidemment relever de leur liberté commerciale, évidemment, ce qu'on peut faire, c'est assouplir pour certaines la réglementation relative aux cartes d'abonnement, etc., et surtout, moi, je tiens beaucoup au Pass culture, parce qu'encore une fois, ma priorité, c'est la jeunesse pour que le public d'aujourd'hui reste aussi le public demain, et que ces jeunes puissent aller au cinéma avec leur Pass culture, on voit que c'est la deuxième dépense des jeunes via le Pass culture.

DAMIEN FLEUROT
Après l’achat…

RIMA ABDUL-MALAK
Après les livres.

DAMIEN FLEUROT
Voilà.

RIMA ABDUL-MALAK
Après les livres.

DAMIEN FLEUROT
Le cinéma, pour terminer, c’est effectivement l'exception culturelle française, au festival de Cannes, vous avez alerté sur les menaces concernant la liberté d'expression et de création, si, par malheur, avez-vous dit, le RN arrivait au pouvoir, vous avez des raisons sérieuses et factuelles d'être inquiète ?

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, parce que j'ai pu voir ces derniers mois que des députés du Rassemblement national plaidaient pour que les aides du Centre national du cinéma soient limitées à des films qui font la promotion de l'histoire de la France, j'ai pu voir des députés plaider pour décrocher des tableaux de certains musées, enfin, en tout cas, un tableau du palais de Tokyo, j'ai pu voir des menaces contre Bilal HASSANI par exemple quand il veut jouer dans une ancienne église qui n'est plus, depuis 150 ans, une église, à Metz, avec des mouvements d’extrême droite…

DAMIEN FLEUROT
Alors, au sujet du tableau au palais de Tokyo, Marine LE PEN a dit que ce militant n'était plus membre du parti le Rassemblement national...

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, mais en amont, c'est une députée du Rassemblement national qui a instrumentalisé cette oeuvre, et en a fait un combat politique, en confondant les choses, elle a fait de cette oeuvre une oeuvre de promotion de la pédophilie alors que c’était l’inverse, cette artiste de 73 ans, qui vit en Suisse, Miriam CAHN, dénonçait les horreurs de la guerre, et les horreurs et les violences de la guerre.

DAMIEN FLEUROT
Et quand vous voyez certains militants parfois très jeunes en faveur du climat, qui s'en prennent à des oeuvres d'art dans les musées, par exemple, vous n'y voyez pas aussi une atteinte à la culture, vous ne mettez pas un signe égal entre les deux actions ?

RIMA ABDUL-MALAK
Alors, ce n’est pas un signe égal, parce que leur but n'est pas de détruire une oeuvre d'art, puisqu'ils s'attaquent à des oeuvres majoritairement protégées par des vitres, et que c'est un activisme que je ne cautionne pas du tout, parce que je pense que ça ne sert en rien la cause du climat d'aller asperger de soupe un tableau dans un musée, nous, nous avons renforcé la sécurité et la vigilance dans les musées, ça n'est pas encore arrivé en France, à part une fois devant la collection Pinault, sur une oeuvre qui était à l'extérieur, une sculpture de Charles RAY. Et à chaque fois, j'ai dénoncé ces actes d’éco-vandalisme, parce que je ne crois pas que ça sert la cause climatique

DAMIEN FLEUROT
Votre combat contre le Rassemblement national, on l'entend bien ce matin, est-ce que, eh bien, l'investissement public de l'Etat à Villers-Cotterêts, dans la rénovation du château, c'est aussi un investissement, je dirais politique e culturel bien sûr ?

RIMA ABDUL-MALAK
Bien sûr, Villers-Cotterêts, c'est la ville de naissance d'Alexandre DUMAS c'est la ville où François 1er a signé cette célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts, qui a eu comme impact…

DAMIEN FLEUROT
Et le château de la ville…

RIMA ABDUL-MALAK
L’importance du français comme langue de la nation…

DAMIEN FLEUROT
Et le château de la ville doit devenir la cité internationale de la francophonie…

RIMA ABDUL-MALAK
Voilà. Ça va être en septembre, l'inauguration de ce nouveau lieu culturel qui sera aussi un projet éducatif, un projet de réaménagement du territoire, d'attractivité de ce territoire, dans l'Aisne, dans le Nord de la France, en Picardie, et c'est un lieu où on verra des spectacles, des concerts, des déambulations littéraires.

DAMIEN FLEUROT
Vous avez sans doute lu l’article consacré à ce château et à la rénovation de ce château dans l'hebdomadaire L'Express, une folie présidentielle à 200 millions d'euros, écrit le journaliste.

RIMA ABDUL-MALAK
Mais le coût du patrimoine, c'est un investissement pour l'avenir, restaurer nos pierres, c'est plus que des pierres, c'est restaurer une histoire…

DAMIEN FLEUROT
Mais est-ce que dans un contexte…

RIMA ABDUL-MALAK
C’est refaire vivre une histoire…

DAMIEN FLEUROT
De baisse de la dépense, on vous demande aussi de faire des économies...

RIMA ABDUL-MALAK
Non, le patrimoine, le patrimoine, véritablement, c'est un investissement, parce que pour l'avenir, c'est la force aussi de notre pays d'avoir su préserver tout ce qui fait la richesse de notre histoire…

DAMIEN FLEUROT
Mais vous avez reçu votre lettre de cadrage d'Elisabeth BORNE dans la perspective du budget 2024, vous devez faire 5 % d'économies.

RIMA ABDUL-MALAK
Nous devons tous trouver des marges de manoeuvre dans notre budget, notamment en grande partie pour financer la transition écologique, c'est pour moi très important de chercher des marges pour pouvoir ensuite engager par exemple des travaux, au musée d'Orsay, on a remplacé les ampoules par des LED, on a gagné un tiers sur les factures d'énergie. Donc c'est aussi vertueux à terme non seulement sur un plan éco-responsable, mais aussi pour faire des économies.

DAMIEN FLEUROT
On entend votre ambition, notamment pour la rénovation du patrimoine, et pourtant, on lit, eh bien, que vous lancez une collecte de dons, une souscription publique en faveur de la préservation du village martyr d'Oradour-sur-Glane, ça veut dire que l'Etat n'a plus les moyens, seul de faire face à cette dépense et il faut aller chercher des financements de particuliers ou de privés ?

RIMA ABDUL-MALAK
Nous le faisons nous sommes aux côtés de ce village depuis 1946, l'Etat à la charge de l'entretien et de la préservation de ces vestiges, de ce village martyre où il y a eu vraiment un massacre atroce pendant la Seconde Guerre mondiale et on doit aujourd'hui, forcément ces ruines se dégradent et on doit s'associer les citoyens et l'Etat ensemble pour porter l'avenir de la restauration de ce site. Donc on a avec la Fondation du patrimoine lancé il y a quelques jours une collecte et on vise…

DAMIEN FLEUROT
Donc un financement participatif mais ça veut dire avec des contreparties par exemple données aux particuliers.

RIMA ABDUL-MALAK
Voilà mais ce sont les deux, c’est-à-dire il y a un soutien de l’Etat, voilà défiscalisation forcément, mais en tout cas on espère atteindre 2 millions de dons pour compléter le soutien de l'Etat à la restauration des vestiges d’Oradour.

DAMIEN FLEUROT
Et c'est la même démarche qui a amené le président de la République le 5 juin dernier lors de sa visite au Mont Saint-Michel à vous demander de trouver aussi là des sources de financement pour préserver le patrimoine religieux, on pense aux églises notamment qui s'abîment dans de nombreux villages.

RIMA ABDUL-MALAK
En fait il parlait du patrimoine religieux qu'on dit non protégés, c’est-à-dire non classés, qui n'est pas inscrit monument historique.

DAMIEN FLEUROT
Donc les petites églises.

RIMA ABDUL-MALAK
Voilà qui sont, pas forcément petit d'ailleurs mais qui peuvent ne pas avoir été classées au titre des Monuments historiques, donc nous on va faire déjà une première campagne de classement pour voir lesquels sur le territoire pourrait en fait avoir un intérêt patrimonial architectural pour être classés monument historique et donc être pris en charge par l'Etat, parce qu'en fait depuis 2004 l'Etat a la charge des monuments historiques et les collectivités ont la charge des églises qui ne sont pas classées Monuments historiques.

DAMIEN FLEUROT
C’est une façon de rappeler aussi un peu les racines chrétiennes de la France cher à un ancien président de la République Nicolas SARKOZY.

RIMA ABDUL-MALAK
Le patrimoine, c'est au-delà de nos racines chrétiennes, ce sont nos paysages, c'est un rapport à notre histoire qu'on soit croyant ou non l'importance d'une église au coeur de son village, c'est quelque chose auquel les Français sont attachés.

DAMIEN FLEUROT
Avec des annonces.

RIMA ABDUL-MALAK
Ça dépasse la religion.

DAMIEN FLEUROT
Lors des journées du patrimoine.

RIMA ABDUL-MALAK
C’est culturel.

DAMIEN FLEUROT
Avec des annonces que vous ferez lors des journées du patrimoine sur...

RIMA ABDUL-MALAK
Oui, nous y travaillons avec Gérald DARMANIN qui est aussi en tant que ministre de l'Intérieur, ministre en charge des cultes et nous travaillons aussi avec la Fondation du Patrimoine pour trouver des solutions pour être aux côtés des communes notamment de moins de 10 000 habitants, c'est l'objectif que nous a fixé le président de la République, les communes les plus fragiles pour soutenir leur patrimoine non classé Monuments historiques.

DAMIEN FLEUROT
Merci beaucoup, Rima ABDUL-MALAK, d'être venue sur le plateau de LCI.

RIMA ABDUL-MALAK
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 22 juin 2023