Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour François BRAUN.
FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d’être dans ce studio ce matin. Vous êtes le ministre de la Santé et de la Prévention. On va évidemment parler ensemble de l’état de la santé en France et notamment de la santé psychiatrique après le drame de Bordeaux mais je voudrais qu’on commence par ce qui s’est passé hier soir, cette terrible explosion, que vous voyez d’ailleurs pour ceux qui nous regardent sur BFM TV, les images en direct donc de la rue Saint-Jacques où après avoir pensé que les recherches étaient arrêtées, la mairie de Paris précise que les recherches se poursuivent finalement, puisqu’il y a toujours une personne dont on est sans nouvelles. 35 blessés, quatre sont en urgence absolue. François BRAUN, vous êtes ancien urgentiste vous-même donc vous connaissez les moments d’urgence, de drame où on voit arriver à l’hôpital des gens malades. Avez-vous des nouvelles des personnes qui sont hospitalisées ? 35 l’ont été, combien encore au moment où on se parle ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors des nouvelles précises sur toutes les victimes, non. Je crois que les premières pensées vont forcément justement vers ces victimes et vers leurs familles. Il faut relever quand même qu’il y a quatre blessés graves, très graves pour au moins deux d’entre eux. Je crois que c’est à eux qu’il faut penser et puis surtout remercier la célérité des secours, des sapeurs-pompiers de Paris, la police, les équipes du SAMU, les équipes hospitalières, qui se sont mobilisés très, très vite sur place pour prendre en charge ces victimes.
APOLLINE DE MALHERBE
Tous les témoins d’ailleurs, tous ceux qui étaient dans les parages le disent : les secours sont arrivés très rapidement. Il y a aussi l’ancien hôpital du Val de Grâce qui est juste derrière, où se trouvaient des militaires qui ont aidé à évacuer. Quelles sont les blessures que l’on regretter ce matin ?
FRANÇOIS BRAUN
Dans des explosions comme celle-là, il y a deux types de blessures principales. Il y a ce qu'on appelle le blast qui est le souffle quand il y a une explosion. Alors ça peut projeter les gens, ça projette des objets qui peuvent heurter ces personnes donc on a des blessures traumatiques qui sont importantes. Et puis on a des blessures liées aux brûlures et je crois que les victimes les plus graves ont des brûlures extrêmement importantes.
APOLLINE DE MALHERBE
Deux personnes donc en urgence absolue au moment où on se parle.
FRANÇOIS BRAUN
Deux personnes pour lesquelles on peut dire le pronostic vital est engagé, mais en tout cas qui sont des blessés très graves.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans les jours qui viennent, la question aussi de la solidité des immeubles voisins sera posée. Mais au moment où on se parle, François BRAUN, les recherches finalement se poursuivent puisque l'on est toujours sans nouvelles d'une personne. Le nombre de pompiers mobilisés, de médecins mobilisés, est-ce qu'ils le sont toujours ce matin ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors les médecins ne sont pas mobilisés, les équipes d'urgentistes ne sont plus mobilisées pour prendre en charge des victimes sur place, bien sûr. Les médecins sont mobilisés dans les hôpitaux mais par contre, les équipes des urgences médico-psychologiques sont toujours mobilisées. Les équipes sont intervenues très tôt pour prendre en charge les témoins et puis les personnes - on appelle ça des personnes impliquées, c'est-à-dire qui ne sont pas blessées physiquement mais qui psychologiquement peuvent être atteintes - et ils sont de nouveau en place au niveau de la mairie du Vème arrondissement ce matin pour justement accepter toutes ces personnes qui ont été choquées par ce terrible accident.
APOLLINE DE MALHERBE
Choquées, et d'ailleurs je recevais ce matin sur RMC le patron du bar qui est en face de cet immeuble qui s'est effondré, et on sentait effectivement que s'il n'avait aucune blessure, si son café semblait intact, il aurait besoin d'accompagnement. Il le disait, il allait se rendre justement à la cellule d'aide psychologique. François BRAUN, vous êtes ministre de la Santé. Aide psychologique dites-vous, alors dans les moments d'urgence il y en a, mais quand il n’y a pas d'urgence on en manque quand même sacrément. Je voudrais revenir sur le drame de Bordeaux. Le drame de Bordeaux, c'est cette vidéo qui a beaucoup circulé, qui a beaucoup été commentée, avec cet homme qui agresse dans une immédiate et fulgurante violence une grand-mère et sa petite fille dans une rue de Bordeaux. Cet homme avait non seulement été à de multiples reprises condamné, mais il souffrait également de troubles psychiatriques. Il est d'ailleurs est interné depuis ce drame. Pourquoi il ne l'a pas été avant ? Comment un homme comme ça, dont on sait qu'il est dangereux, dont on sait qu'il doit suivre des traitements peut être dans les rues ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors je ne vais pas intervenir sur les avis qui ont été donnés par les psychiatres et les professionnels qui suivent cette personne. Vous savez, les psychiatres comme les autres médecins sont des professionnels extrêmement responsables et qui prennent des décisions qui sont mûrement réfléchies.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pardon, je vous arrête tout de suite.
FRANÇOIS BRAUN
Je vous en prie.
APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu’il y a une réalité qui est la question du diagnostic, mais il y a une réalité aussi : c’est qu’ils prennent des décisions avec les moyens qu'ils ont, et ils peuvent peut-être se dire qu'il y a quelqu'un qui est dangereux mais qu'ils n’ont pas place.
FRANÇOIS BRAUN
Non, je crois qu’on n'est pas dans cette logique. Il faut là aussi remettre un peu les choses en place. Quand il y a une personne qui est dangereuse, identifiée médicalement comme dangereuse, elle est hospitalisée. Il y a des difficultés en psychiatrie, en pédopsychiatrie comme dans l’ensemble de notre système de santé. Je ne suis pas du tout là pour les nier, bien entendu. Il y a énormément de choses qui ont été mises en place ces dernières années, justement pour anticiper, pour diagnostiquer mieux. Je pourrais vous parler des presque 45 000 secouristes en santé mentale qui sont mis en place dans les entreprises. Là avec l’Education nationale et les universités, on va les déployer également dans l’Education nationale, le parcours Mon soutien psy – vous savez, on en a beaucoup parlé, ça s’est appelé Mon psy, Mon parcours psy, Mon soutien psy…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça marche, ça ?
FRANÇOIS BRAUN
Ça marche, ça marche. C’est plus de 600 000 consultations qui ont été faites, donc on voit qu’il y a de la réponse. Les maisons des adolescents, nous avons mis dans les départements de France maintenant, même un peu plus dans certains départements qui ont pris en charge plus de 100 000 jeunes et leurs familles. Donc on voit des dispositifs qui se mettent en place, c’est suite aux assises sur la santé mentale qui ont un peu plus d’un an qui ont été mises, donc on a des solutions.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous comprenez bien que ceux qui voient ce drame qui s’est passé dans la rue de Bordeaux, ils se disent : mais comment c’est possible qu’un homme comme ça qui devait prendre des médicaments - et qui ne les prenait pas vraisemblablement, il a dit d’ailleurs aux enquêteurs qu’il ne prenait pas son traitement – en effet soit dans la rue.
FRANÇOIS BRAUN
On va laisser l’enquête autour de cette…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne vous dites pas ça ?
FRANÇOIS BRAUN
Non. Je me dis qu’il faut savoir exactement ce qui s’est passé. Cette personne est-elle suivie ou pas ? Correctement suivie ? Il va falloir maintenant voir un peu ce qui s’est passé mais cet acte, il faut revenir là aussi sur cet acte qui est un acte odieux, qui est un acte inadmissible. On est dans une société qui est en train de devenir violente. Je crois que là aussi il faut s’en rendre compte et il faut prendre ça en charge.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi « on est dans une société qui est en train de devenir violente » ?
FRANÇOIS BRAUN
Ça veut dire que les actes de violence sont réguliers. Vous-même vous en faites écho dans les différents médias et nous avons tous globalement une réflexion à avoir sur ce sujet-là. Pourquoi est-on violent ? Mes pensées vont aussi bien sûr vers cette famille à Bordeaux, vers les soignants qui se font aussi régulièrement agresser, vers les élus : le maire de Toulouse qui a été agressé hier soir pendant une fête de la musique. Tout ça est inadmissible, on ne peut pas accepter ces violences en termes de réponse ou d’expression. Le débat doit se dérouler bien entendu mais la violence n’est jamais, jamais un élément de discussion.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais je m’arrête un instant là-dessus parce qu’à la fois je comprends parfaitement ce que vous dites et on en est tous témoin, mais en même temps il y a un côté un peu « c’est comme ça, la violence s’est installée et on doit tous y réfléchir. » Il n’y a pas à un moment des failles quand même ?
FRANÇOIS BRAUN
Déjà, je crois qu’une chose est importante – on va revenir sur la violence envers les soignants par exemple – c’est il faut arrêter de banaliser.
APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir. J’ai le témoignage notamment d’une infirmière qui s’adresse à vous.
FRANÇOIS BRAUN
Il faut arrêter de banaliser cette violence. La violence, elle est partout. Quand on injurie quelqu’un, c'est de la violence, ce n’est pas plus acceptable. Vis-à-vis des soignants, je l’ai annoncé très clairement, je veux une tolérance zéro. On n’a pas à injurier un soignant, rien que ça vous voyez. Or, on a tous tendance à banaliser. J’étais il y a quelques jours, quelques heures dans un service de la région parisienne, un service d’urgence et je discutais le soir avec les professionnels qui avaient malheureusement tendance à banaliser un petit peu des actes de violence. Moi je leur dis : non, c'est inadmissible et nous devons, mon travail, c'est aussi de vous protéger contre ces agressions.
APOLLINE DE MALHERBE
La sécurité des soignants, vous avez décidé d’en faire une priorité après le drame de Reims. Je voudrais que vous écoutiez le témoignage de Valérie. Valérie, elle est infirmière libérale, elle s’est fait agresser chez un patient atteint de troubles psychotiques. Elle va chez lui habituellement tous les jours pour s’occuper de lui et elle s’est fait rouer de coups. Elle avait signalé la dangerosité de l’homme, elle a un arrêt maladie de 7 jours d’ITT, elle a porté plainte et elle alerte. Ecoutez.
VALERIE, INFIRMIERE LIBERALE
J’aimerais lui dire qu’il va falloir prendre conscience que la psychiatrie, c'est l’enfant pauvre de la médecine. Qu’ils ont besoin de lits. Qu’ils ont besoin de structures pour accueillir les gens et de prendre en charge les gens correctement. Parce qu’au jour d’aujourd'hui, ce qui s’est passé pour moi et ce qui s’est passé pour d’autres infirmières avant, c’est le manquement de soins de prise en charge.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle dit être souvent aussi débordée et donc, en effet, que la prise en charge n’est pas à la hauteur. Elle dit cette phrase : il faut plus de lits, il y a un manquement de soins et un manquement de structures et de lits.
FRANÇOIS BRAUN
Alors déjà, vous avez parlé d’une réaction par rapport au drame de Reims : les choses, on les a commencées avant. Il y a un plan de sécurisation des établissements avec des choses conséquentes qui sont mises justement pour les sécuriser. Ma ministre déléguée, Agnès FIRMIN LE BODO, avait lancé une enquête, enfin un travail auprès de professionnels justement pour proposer un plan et puis, à l’occasion du drame de Reims, c’est là que je me suis exprimé en disant : je veux des actions immédiates, maintenant les plans c’est bien mais il faut aussi des décisions immédiates et j’ai lancé cet audit auprès des établissements pour savoir exactement quelle est la situation. Vous savez, quelque chose de très simple que j’ai constaté dans le service d’urgences où j’étais, il y a des téléphones dans les services. Eh bien les mêmes téléphones que ceux qu’ils sont, qui sont des téléphones basiques si je peux dire, il y a exactement le même modèle mais avec un bouton d'appel d'urgence dessus. Il suffit d'appuyer dessus, tous vos collègues autour sont prévenus et la sécurité. Eh bien ça, je veux que dans tous les services à risque on l’ait.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce sera le cas ?
FRANÇOIS BRAUN
Oui. Oui, oui. J'attends cet audit, là. Je l’ai demandé juste pour fin juin, donc c'est quasiment la semaine prochaine.
APOLLINE DE MALHERBE
D’accord.
FRANÇOIS BRAUN
Faire le point. Mais tous les directeurs d'établissement sont prévenus que je n'accepterai plus qu'il y ait des risques pour les professionnels, qu'on ne les ait pas évalués et qu'on n'ait pas mis en place des mesures.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais en l'occurrence, est-ce que les risques ne sont pas dus au fait que certains sont chez eux alors qu'ils devraient être - comme on disait dans le temps mais on ne dit plus ce mot - à l'asile ?
FRANÇOIS BRAUN
Oui. Enfin, on peut enfermer tout le monde si vous voulez.
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais moi, je ne vous demande pas d’enfermer tout le monde, je vous demande juste d’enfermer ceux qui doivent l’être, y compris pour eux, pour leur propre protection et pour leurs propres soins.
FRANÇOIS BRAUN
Quand on dit qu'on manque de lits, on manque surtout de professionnels de santé pour soigner les gens qui sont dans les lits, que ce soit en psychiatrie ou ailleurs. Là aussi il faut remettre les choses un petit peu à leur place. On dit : il faut créer plus de lits ; non, il nous faut plus de soignants pour pouvoir rouvrir des lits qui sont fermés parce qu'on n'a pas de soignants. On comprend bien qu’on ne peut pas laisser une infirmière pour 50 malades par exemple, donc on réduit le nombre de lits forcément pour qu'ils puissent être pris en charge correctement. La psychiatrie est un sujet, je le disais, qui est en difficulté comme le reste de l'hôpital, pour les autres spécialités de l'hôpital. Il n’a pas été moins bien traité au mieux traité que les autres, on a un problème global. Dedans il y a des problèmes de personnel. On a quand même une psychiatrie et des professionnels qui sont très bons dans ce domaine. Vous savez, un psychiatre comme un médecin quelle que soit sa spécialité, ne renvoie pas quelqu'un s’il ne juge pas qu’il peut être suivi à l'extérieur. Le cas de cette infirmière que je salue et qui est dramatique, il est pour moi assez significatif de ce que nous avons discuté quand j'ai réuni tous les professionnels. C'est-à-dire on voit bien qu'elle a senti que son patient n'allait pas bien, mais elle a sa conscience professionnelle.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle a alerté.
FRANÇOIS BRAUN
Elle a alerté. Elle a alerté les professionnels qui le suivaient, elle a sa conscience professionnelle et elle se dit : il faut que je continue à le soigner. Or, j'ai discuté avec le président de l'Ordre des infirmiers qui m'a proposé une solution que je trouve très intéressante qu'on est en train d'explorer, il dit : cette infirmière, nous on veut bien qu'elle nous appelle, nous le Conseil de l'ordre, et on va trouver d'autres professionnels pour aller à sa place ou pour aller avec elle. Je crois que c'est comme ça aussi qu'on va trouver des solutions.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour pas que cette alerte soit lettre morte.
FRANÇOIS BRAUN
Voilà, pour que cette alerte ne soit pas simplement une alerte auprès des professionnels qui le suivent, mais que ce soit aussi une alerte auprès d'autres professionnels qui peuvent venir l'aider et la soutenir. Voilà des solutions pragmatiques que je veux mettre en place très vite.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais qu'on parle aussi des urgences, notamment avant l'été qui vient et qui, dans certaines régions, est déjà très largement installé. Première inquiétude qui est quand même l'inquiétude canicule, les personnes âgées, les personnes vulnérables, les malades, les personnes âgées. Est-ce qu’on est prêt ?
FRANÇOIS BRAUN
On est prêt, en tout cas on met tout ce qu'il faut pour être prêt à prendre en charge l'ensemble des personnes. La canicule est malheureusement un risque que maintenant on connaît, on sait comment il faut agir. Ce n’est pas uniquement une question d’hôpital, ce n'est pas uniquement une question de santé, c'est une question de solidarité envers les plus âgés. Si vous avez une personne âgée à côté de chez vous, il faut s'assurer qu'elle va bien, il faut aller la voir, il faut s'assurer qu'elle s'hydrate, qu'elle mange correctement. Ce sont maintenant des habitudes, j'allais dire, qui sont en train d’infuser dans notre société. Ça c'est essentiel dans ces périodes de canicule parce que, oui, on meurt encore de canicule. On ne meurt pas par défaut de soins, on meurt parce qu’on est tout seul, on a personne qui s'occupe de vous, on ne s'hydrate pas assez, et quand les équipes du SAMU arrivent, ça peut être trop tard.
APOLLINE DE MALHERBE
Les urgences cet été.
FRANÇOIS BRAUN
Alors les urgences cet été, vous savez, l'été est toujours une période difficile pour les urgences de façon globale, parce qu’on a des mouvements de population, parce que les professionnels de l'hôpital doivent prendre des congés comme tout le monde. Depuis l'année dernière, j'ai pris des décisions pour faciliter ce fonctionnement. Faciliter déjà l'intervention aux urgences, c'est-à-dire les gens qui vont aux urgences, appelez le 15 avant de vous déplacer, je crois que c'est le message. Votre médecin traitant n'est pas joignable, appelez le 15, appelez le SAMU, appelez ce service d'accès aux soins qu'on est en train de finir de déployer sur l'ensemble du territoire, parce qu'on vous donnera la meilleure solution près de chez vous. Ça, c’est la première chose. Ensuite, j'ai signé là une instruction sur l'ensemble des ARS pour leur dire : je veux que vous organisiez ce qu'on appelle l'aval des urgences. Vous savez les urgences, le problème c'est des gens qui viennent aux urgences alors qu'ils auraient pu être pris en charge ailleurs, donc ça c'est le service d'accès aux soins, le SAMU, qui les réoriente vers le meilleur endroit. Et c'est ensuite des gens qu'on n'arrive pas à hospitaliser parce qu'on n'arrive pas à trouver de lits disponibles - on revient sur ce problème de lits. Donc je veux que sur chaque territoire, il y ait une gestion de tous les lits du territoire, des lits d’hôpital public mais aussi des lits des cliniques privées, et que cette gestion des lits puisse permettre aux urgentistes d'hospitaliser leurs patients. Ça, c'est l'instruction que j'ai signée il y a deux jours pour l'ensemble des ARS demandant que ce soit mis en place au 1er juillet. C'est déjà mis en place dans beaucoup d'endroits, nous le renforçons.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez donc renforcé les urgences. Combien au moment où on se parle sont fermées ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors les fermetures complètes, ce qu’on appelle les fermetures, c’est quasiment rien, c'est-à-dire des services qui ont fermé le rideau, les services d’urgences sont maintenus. On a cette régulation médicale de l’arrivée aux urgences dans beaucoup de services. Ça va se poursuivre pendant cet été, c'est-à-dire que vous avez un médecin au téléphone avant, c’est le médecin régulateur du SAMU qui va vous dire : écoutez, votre cas ne nécessite pas d’aller aux urgences, allez voir le docteur X parce qu’on travaille avec les médecins libéraux et on sait qu’ils ont des créneaux de consultation disponibles et si vous devez aller aux urgences, je préviens le service des urgences qui vous accueille bien entendu si votre cas nécessite les urgences. Donc il y a cette régulation de l’entrée aux urgences et surtout, je crois qu’il faut dire à nos concitoyens que tout ce qui concerne les urgences graves, les urgences vitales est bien sûr maintenu sur l’ensemble du territoire national, nos équipes qu’elles soient médicales, qu’elles soient paramédicales, continuent à intervenir chez vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que ça, ça reste assez théorique quand même, François BRAUN, je voudrais vous alerter sur le cas que me faisait remonter un pharmacien, un pharmacien de Thionville, qui nous avait alertés sur RMC, la semaine dernière, et qui disait qu’on dit toujours que ça tient, que c’est dur, mais que ça tient. Et lui, il est très inquiet d’avoir constaté que ça ne tient pas, et il a eu l’exemple d’un de ses patients, un de ses patients âgés, qui s’est retrouvé avec un enchaînement de circonstances dramatiques dont il est mort. Malade, il a appelé son médecin traitant, qui n’a pas répondu tout de suite, et qui n’était disponible que plusieurs jours après. Il a fini par voir son médecin traitant, qui lui a prescrit des antibiotiques, il s’est rendu à la pharmacie, même pas lui-même, mais son épouse, l’épouse a vu son pharmacien, or, le pharmacien a constaté qu’il était en rupture de l’antibiotique prescrit. Le pharmacien qui connaît bien le médecin a appelé le médecin, lui a dit : qu’est-ce que je fais, le médecin lui a dit : bon, faute de cet antibiotique-là, donne un antibiotique un peu différent, un peu moins fort, qu’il a donc prescrit, au bout de trois jours, ce malade n’allait pas mieux, il a donc été aux urgences. Les urgences étaient fermées. Il a donc dû aller à d’autres urgences, et quelques jours après, il est décédé. Le pharmacien disait : on ne sait pas s’il aurait survécu, mais ce qu’on sait, en tout cas, c’est qu’on n’a pas mis toutes les chances de notre côté.
FRANÇOIS BRAUN
Alors, là, vous avez un cas qui cumule, on pourrait dire, un certain nombre de problèmes. Le médecin traitant n’est pas disponible, je vous l’ai dit, si vous avez quelque chose que vous considérez urgent, votre médecin traitant n’est pas disponible, vous appelez le 15…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais moi, j’imagine la panique de ces personnes âgées…
FRANÇOIS BRAUN
Non, mais je vous décris un peu…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui n’ont pas forcément ces réflexes.
FRANÇOIS BRAUN
Oui, c’est bien pour ça qu’il faut passer ce message, c’est ça qui est important, il faut absolument passer ce message. Votre médecin traitant n’est pas disponible, vous n’arrivez pas à le joindre, ce que vous avez, vous considérez que c’est urgent, vous appelez le 15. Le 15, ce n’est pas seulement quand quelqu’un est en train de mourir. C’est pour toutes ces urgences aussi. Ça, c’est le premier élément. Vous parlez des pénuries de médicaments, on pourrait en reparler, j’ai lancé – vous le savez – des mesures très précises sur ces pénuries…
APOLLINE DE MALHERBE
Je m’en souviens très bien, mais ça veut dire qu’il existe encore des cas où…
FRANÇOIS BRAUN
Oui, il existe encore des difficultés, si j’ai lancé et sorti cette liste de 450 médicaments essentiels, qu’on regarde de beaucoup plus près, ce n’est pas par hasard, c’est bien parce qu’il y a des difficultés d’approvisionnement qui sont mondiales, qui ne sont pas simplement liées au problème français. Les urgences de Thionville étaient fermées, non, les urgences de Thionville n’étaient pas fermées, les urgences de Thionville ont un accès régulé, justement par le 15, c’est mon ancien secteur, que je connais…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le connaissez bien, mais ça veut dire quand même qu’une personne âgée qui dans la panique, dans l’angoisse, prend sa voiture et arrive aux urgences, trouve portes fermées.
FRANÇOIS BRAUN
Non, elle trouve un professionnel qui lui ouvre la porte, qui contacte le médecin régulateur, en tout cas, c’est comme ça que ça doit fonctionner. Je ne connais pas ce cas précis, mais c’est comme ça que ça fonctionne. Il n’y a pas d’urgences fermées, sauf quelques cas exceptionnels, quand il y a plusieurs services dans une…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais Monsieur le Ministre, personne ne vous a alerté, aucun médecin ne vous a dit : j’ai un patient qui est mort faute de soins à temps, ou quand même, dans un lien, peut-être indirect, mais dans un lien avec les tensions ?
FRANÇOIS BRAUN
On sait déjà, par exemple, vous allez dans un services d’urgences qui est saturé, on le sait depuis plusieurs années, et des études internationales, et récemment une étude française, le montrent. Quand vous êtes admis dans un service d’urgences saturé, et que vous êtes hospitalisé, les risques de complications, de décès sont plus importants que si vous arrivez dans un service d’urgences qui n’est pas saturé. C’est bien pour ça qu’un engagement pris par le président de la République, et que nous tiendrons, est de lever cette saturation des services d’urgences avant la fin de l’année prochaine, en agissant sur l’amont, en agissant sur l’aval, et sur l’organisation des services. Alors, si vous voulez me dire que notre système de santé est en difficulté, oui…
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous l’avez dit dès le…
FRANÇOIS BRAUN
Bien entendu, mais je veux aussi dire que, avec les mesures prises depuis un an, cela commence à aller mieux. Je ne vais pas tout régler en 12 mois, mais ça commence à aller mieux. Nous sommes sortis de l’ornière, il faut remettre la marche avant.
APOLLINE DE MALHERBE
François BRAUN, un mot sur les dons d’organes, vous portez, je porte ce ruban vert, c’est indiqué également sur la télévision pour ceux qui regardent BFM TV. Un mot, que faire, est-ce qu’il faut encourager ceux qui nous écoutent à donner leurs instructions ?
FRANÇOIS BRAUN
Il faut surtout les encourager à en parler, je crois que c’est ça qui est essentiel. 8 Français sur 10 sont favorables au don d’organes, ce qui est remarquable en termes de pourcentage, mais seulement la moitié en parlent, en parlent à leur entourage, vous savez, j’ai vécu ça aussi dans ma vie antérieure, si je puis dire, de demander à une famille un don d'organes…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous étiez urgentiste…
FRANÇOIS BRAUN
Et on se rend compte que les gens n'en ont pas parlé, et donc forcément, quand vous êtes face à ce deuil…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on perd le temps de la question de l’angoisse, de…
FRANÇOIS BRAUN
Et face à ce drame, on n’a pas la capacité de répondre, donc le message, c’est vraiment : parlez-en, parlez-en à vos proches, parlez-en à votre famille, si vous voulez donner vos organes, ce qui est un choix personnel, il faut d'abord en parler, parce que nous avons un tiers de refus sur des donneurs potentiels, et ça diminue forcément les chances pour les autres malades. Je vais tout à l'heure à l'Agence de biomédecine, qui supervise un petit peu ça, pour justement faire le point avec eux de la situation, et puis, cet après-midi, à Lille, à l'Institut Coeur Poumon justement qui fait des greffes. Je crois que c'est très important, parlez-en…
APOLLINE DE MALHERBE
Parlez-en…
FRANÇOIS BRAUN
Parlez-en en famille.
APOLLINE DE MALHERBE
Parlez-en, et le message est passé. François BRAUN, merci d'être venu ce matin, je rappelle que vous êtes ministre de la Santé et de la prévention.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 26 juin 2023