Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
AMANDINE BEGOT
Et merci beaucoup d’être en direct avec nous depuis Marseille, où le président a donc débuté hier une visite de trois jours. Emmanuel MACRON qui a fait une série d’annonces pour lutter et intensifier la lutte contre l’insécurité et ces trafics de drogues qui gangrènent la ville. Premiers visés, les consommateurs, qui seront désormais donc invités à payer sur le champ leurs amendes par carte ou en espèces. Les syndicats de police sont montés assez vite au créneau hier. Ils dénoncent une fausse/bonne idée, leur rôle, disent-ils, c’est d’interpeller et de verbaliser, pas de recouvrer des amendes. Et ils redoutent une charge de travail supplémentaire. Que leur répondez-vous ce matin, sur RTL, Monsieur le Ministre ?
GERALD DARMANIN
J’ai entendu effectivement ces retours, mais j’ai aussi beaucoup entendu les policiers de terrain, ça fait trois ans que je les visite quasiment tous les jours, me dire qu’ils étaient frustrés parce que l’amende pénale que nous mettons désormais pour les consommateurs de drogues n’est pas toujours recouverte, c’est tout à fait vrai. 40% seulement des gens la payent, c’est déjà beaucoup, il y a par ailleurs une inscription au casier judiciaire, ce qui est également beaucoup, mais les policiers souhaitent qu’on paie directement, ce qui est déjà le cas d’ailleurs sur les contraventions de sécurité routière, les policiers et les gendarmes font parfois payer directement, et puis, c’est le cas dans d’autres pays, je prends l’exemple de la Belgique ou l’Espagne par exemple. Donc on va travailler avec eux, bien évidemment, le décret sera discuté avec les syndicats de police, mais c’est une excellente mesure pour les Français.
AMANDINE BEGOT
Très concrètement, comment ça va se passer, les policiers auront sur eux des terminaux de cartes bleues ?
GERALD DARMANIN
Oui, exactement, ou ils pourront payer en liquide. Quand un policier fait un constat parce que quelqu’un fume du cannabis ou prend un rail de cocaïne, parfois, il lui fait vider ses poches, il trouve qu’il y a de l’argent dans ses poches. Pourquoi cet argent ne paierait pas l’amende ? C’est absurde, pour l’autorité de l’Etat, pour l’autorité du policier et du gendarme, avoir un procès-verbal, quelqu’un qui donnerait une fausse adresse, une fausse identité, et, finalement, quelqu’un qui se moquerait de l’amende versée, c’est évidemment insupportable pour le policier, pour l'autorité de l'Etat, pour la loi, eh bien, quand on constate que les gens ont de l'argent, une carte bleue, de l'argent liquide, il faut qu'ils payent cette amende sur place. Il faut faire la guerre contre les consommateurs de drogues, parce que s’il y a des consommateurs, il y a des vendeurs, et s’il y a des vendeurs, il y a des points de deal, s’il y a des points de deal, il y a des assassinats dans les rues de Marseille, par exemple.
AMANDINE BEGOT
Sauf que ça pose quand même un certain nombre de questions en termes de logistique, et les policiers de terrain le disent, ils vont se retrouver avec de l'argent liquide, comment on gère ça, j'imagine que, eh bien, assez vite, ils risquent de se retrouver à 200 euros l’amende, eh bien, avec plusieurs milliers d'euros sur eux, ça pose aussi des questions de sécurité, ça, Monsieur le Ministre ?
GERALD DARMANIN
Non, mais, face à la drogue, soit, on fait des commentaires, soit, on discute dans des salons, soit, on essaye de trouver des solutions, le président de la République, il essaie de proposer des solutions, Marseille est enkystée par la drogue, nous avons d'excellents résultats, des dizaines de points de deal en moins, 320 policiers en plus, tous les jours, des opérations, mais il y a toujours beaucoup de drogues, beaucoup trop de drogues qui pourrissent la vie des familles, pourrissent la vie des jeunes. Le travail des policiers, des gendarmes, des agents du ministère de l'Intérieur, de la justice, c'est d'arrêter au maximum les trafics de drogues. Alors, après, devant ça, on peut toujours dire : on a tout essayé, " il y a qu’à, faut qu’on ", non, on essaie d'être un gouvernement qui apporte des solutions, on est extrêmement volontaire, c'est nous qui avons créé l'amende pénale qui est utile, parce qu'elle permet de faire des contrôles qui nous permettent aujourd'hui de lutter contre les points de deal. Mais on constate aussi, au bout de 3 ans, il y a 350.000 amendes qui ont été mises, qu'elles ne sont pas toutes recouvertes, ces amendes. Est-ce que les Français sont favorables à cette mesure ? Je le crois très sincèrement et très majoritairement.
AMANDINE BEGOT
40 % des amendes recouvertes, vous fixez quel objectif pour les prochains mois avec ces mesures ?
GERALD DARMANIN
Non, mais le principe d’une amende, c’est qu’elle soit recouverte le plus possible bien évidemment, on y arrive, ce n’est déjà pas si mal 40%, puisque notre travail à nous, c’est évidemment de vérifier l'identité de la personne, on le fait de plusieurs manières, et pas simplement si quelqu'un n'a pas de pièces d’identité, ça ne suffit pas pour le contrôler, et puis, il y a d’autres choses à faire, les mineurs ne sont pas concernés par l'amende pénale, les multirécidivistes non plus. Donc il faut qu'on améliore avec le garde des Sceaux notre processus, la France est un des premiers pays à le faire, je veux dire une nouvelle fois que ce qui est intéressant dans l'approche énoncée par le président de la République, c'est bien sûr la lutte contre les trafics, et vous avez vu qu'on a arrêté encore un très grand criminel, il n'y a pas très, très longtemps, qui était recherché depuis des années et des années, mais par ailleurs, les consommateurs sont responsables de ce qui se passe, s’il n’y a pas de demande, il n’y a pas d’offre.
AMANDINE BEGOT
Alors, justement, les consommateurs, est-ce qu’il ne faudrait pas durcir les sanctions, histoire de dissuader vraiment ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, là, vous êtes totalement paradoxale, excusez-moi, parce que nous avons…
AMANDINE BEGOT
Je vous pose la question, moi, je vous pose les questions que les gens se posent, ce n’est pas mon avis ou pas…
GERALD DARMANIN
Oui, oui, j’entends bien. Oui, oui, mais vous êtes paradoxale, alors, pardon, dans les questions que vous pensez que les gens se posent, l'amende pénale, on l'a créée il y a 3 ans. Encore une fois, c'est un magnifique outil pour pouvoir lutter contre les consommateurs, pour pouvoir mettre fin à des points de deal. Et encore une fois, à Marseille, c’est 70 points de deal en moins en 3 ans. Mais cette amende pénale, elle est à 150 euros si vous la payez tout de suite, 200 euros si vous la payez plus classiquement, 15 jours après. La difficulté, c'est qu'elle manque parfois d'autorité, parce qu'elle n'est pas toujours payée. Ce qu'on propose, ce n'est pas d'augmenter le montant de ceux qui la payent, ce qu'on propose, c'est que tout le monde la paye, et quand, une fois, un policier fait un contrôle, et que lorsque les gens vident leurs poches, ils ont de l'argent liquide, quel Français ne trouve pas de bon sens qu'on ne dise pas : eh bien, écoutez, vous avez de l'argent, payez votre amende immédiatement, c'est ce qui se passe encore dans d'autres pays, l'autorité du policier est à rétablir entièrement, et c'est ce que nous faisons avec cette proposition.
AMANDINE BEGOT
Depuis le début de l'année, Gérald DARMANIN, on a répertorié 23 morts dans des règlements de comptes à Marseille, c'est du jamais vu depuis 6 mois, et pourtant, vous y avez mis les moyens, 300 policiers supplémentaires en 2021 et 2022, trois compagnies de CRS, soit 200 hommes déployés depuis le mois de septembre. J’ai reçu il y a quelques jours l'une des mamans qui a perdu son fils dans un règlement de compte, justement, sur le vieux port, il y a 5 ans. Et elle le reconnaissait, elle disait, il y a quelques jours sur RTL, on ne peut pas dire que le gouvernement ne fait rien, mais comment expliquez-vous qu'on n’y arrive pas, que le nombre de victimes augmente chaque année ?
GERALD DARMANIN
Alors, il y a deux choses, est-ce que la délinquance baisse à Marseille depuis qu'on a mis tous ces renforts inédits de policiers et de gendarmes ? La réponse est oui, entre moins 10 et moins 20 % de délinquance par rapport à l'année dernière, c'est très important. Est-ce que vous saisit plus de trafics de drogues ? La réponse est oui, on saisit quasiment deux tonnes de cannabis par exemple à Marseille, c'est une augmentation sans précédent, les avoirs criminels, c’est aussi en augmentation de 40%, c'est-à-dire l'argent qu'ont les trafiquants de drogue. Y a-t-il des conséquences à ces points de deal en moins, cet argent saisi, à cette drogue saisie en plus ? Oui, parce que la drogue, c'est très rémunérateur, c'est parfois entre 60.000 et 80.000 euros un point de deal en argent liquide. Et donc, il y a des règlements de comptes, il y a des assassinats du fait du travail de la police et de la justice, parce que des bandes, il y a des guerres de bandes évidemment à Marseille, des bandes très enkystées depuis de très nombreuses années à Marseille essaient de récupérer le territoire, comme ils disent, c'est quasiment de la terreur, le territoire des autres bandes que nous avons pu interpeller. Et donc, ces assassinats évidemment sont très graves pour la vie publique à Marseille et pour tous ces mères de famille qui perdent des enfants. Ce qu’a annoncé le président le président de la République hier, c'est l'étape 2, la première étape, c'était beaucoup de policiers de voie publique, ceux qu’on croise dans la rue, qui attaquent les points de deal. La deuxième étape qu’il annonçait, c'est le renforcement de la police judiciaire. Désormais, les annonces du président de la République se concentrent sur des magistrats en plus, des enquêteurs spécialisés en plus pour renforcer la PJ, pour pouvoir démanteler des réseaux, et souvent qui se cachent à l'étranger, à Dubaï, au Maghreb. Et donc c'est pour ça que je multiplie les voyages à l'étranger pour cette coopération internationale ; il faut désormais que nous passions à la phase 2 qui est l'enquête judiciaire extrêmement renforcée.
AMANDINE BEGOT
C'est comme ça qu'on remonte le fil. Monsieur le Ministre, vous parlez d'assassinats.
GERALD DARMANIN
Oui, c’est des assassinats, c’est des assassinats, les mères de famille qui perdent leurs enfants, qu’ils aient été ou pas liés au trafic de stupéfiants, ce sont des assassinats, ce n'est pas simplement un folklore marseillais qu'on accepterait d'ailleurs, il n'y a pas de folklore marseillais, Marseille a le droit de vivre comme toutes les villes de France dans la tranquillité, il y a des gens qui se font tirer dessus à la Kalachnikov, on a par exemple saisi plus de 50 kalachnikov depuis le 1er janvier de cette année, donc là aussi, les trafics d'armes sont très largement arrêtés à Marseille, mais, il y en a encore, évidemment, ce sont des assassinats.
AMANDINE BEGOT
70 points de deal démantelés à Marseille, a, annoncé hier le président, il en reste toutefois près d'une centaine, est-ce que, parfois, vous n'avez pas l'impression de vider un océan à la petite cuillère ?
GERALD DARMANIN
Mais c’est ça le travail…
AMANDINE BEGOT
C’est long…
GERALD DARMANIN
Oui, c’est long, mais c’est ça le travail de la police et de la gendarmerie, que serait un maire, j'ai été maire à Tourcoing, qui, si, tous les jours, vous iriez le voir et vous lui diriez : ma rue est sale et qu’il vous répondrait : mais vous savez, elle sera sale demain, ce n'est pas la peine de la nettoyer, vous diriez : c’est un drôle de maire. Un maire, tous les jours, avec ses services municipaux, il essaye de nettoyer la rue, et puis, il faut faire ça tous les 2 jours, tous les 3 jours, tous les 4 jours, parce que les gens sont sales, parce qu’il y a des papiers qui traînent, voilà. Eh bien, la police et la gendarmerie, c'est pareil, quand il y a un point de deal qui se recrée, eh bien, il faut qu'il intervienne, il faut qu'on empêche ce point de deal d'exister, il faut qu'on interpelle les personnes, et puis, si une semaine après, il réapparaît, il faut être là, c'est ça le travail de la police et de la gendarmerie, c'est tous les jours, comme un maire, d’essayer de nettoyer au maximum sa ville, de rendre sécurisée au maximum sa ville, tous les jours, il faut faire des rondes dans le métro, tous les jours, il faut aller surveiller les terrains de sport, tous les jours, il faut permettre aux gens de vivre correctement, c'est l'honneur des policiers et des gendarmes de répéter, au risque de leur vie, les mêmes gestes pour protéger les Français.
AMANDINE BEGOT
Gérald DARMANIN, le Conseil d'Etat doit se prononcer dans les prochaines semaines sur le port du hidjab dans les compétitions de football, hier, le rapporteur public a rendu un premier avis, et il souhaite que les joueuses voilées puissent jouer. Vous y êtes toujours défavorable ?
GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr, bon, d'abord, le Conseil d'Etat n'a pas rendu son avis définitif…
AMANDINE BEGOT
En principe, il suit celui du rapporteur.
GERALD DARMANIN
En principe, mais pas toujours. Les terrains de sport sont sans doute les derniers endroits où la neutralité religieuse, politique, syndicale est quasi parfaite, et je pense qu’on n'a pas besoin de rediviser, surtout lorsqu'il s'agit d'associations souvent communautaristes qui veulent, non pas défendre une cause très noble, qui est la liberté de culte, et moi, je suis très attaché en ces jours de l'Aïd à la liberté de culte, et notamment de nos compatriotes musulmans, mais ça n'a rien à voir avec les coups de boutoir contre la République, et on n'a pas à porter de vêtements religieux lorsqu'on fait du sport. Donc j’y suis très opposé, et évidemment, ce serait un coup de canif très fort contre le pacte républicain que de le permettre.
AMANDINE BEGOT
Et si le Conseil d’Etat donnait son feu vert, vous vous engagez à prendre des recours ?
AMANDINE BEGOT
Moi, je ne suis pas le ministre des Sports, mais, moi, quand j'étais parlementaire, il est vrai j'étais…
AMANDINE BEGOT
Dès 2012…
GERALD DARMANIN
Mais exactement, j’avais déposé une proposition de loi pour qu'il y ait absolument la neutralité sur les terrains de football, enfin, les terrains de sport en général, je crois que ce n'est pas un bon signe pour la liberté de la femme, pour le principe même que nous nous faisons de : qu'est-ce qu'une rencontre sportive, que de savoir quelle est la religion de la personne contre qui on joue au football ou au rugby ou n'importe quel autre sport. Je pense que cette neutralité, elle est très importante.
AMANDINE BEGOT
Sauf que l'argument du rapporteur, c'est par exemple de prendre l'exemple de ces joueurs qui remercient Dieu après avoir marqué un but. C'est l'argument en tout cas qui a été donné dans son argumentaire, hier.
GERALD DARMANIN
Non, mais je ne vais pas faire le commentaire du rapporteur, voilà, il fait du droit, moi, je fais de la politique, la politique, je vous dis, pour le bien commun, ce n'est pas de rajouter de la division entre les Français, je crois qu'on peut – et ça n'a rien à voir évidemment l'un avec l'autre – tout à fait vivre sa religion, accéder à son lieu de culte, pouvoir élever ses enfants dans la culture religieuse que l'on souhaite, sans pour autant mettre de la religion partout, et notamment sur les terrains de sport. Donc je tiens évidemment à la neutralité et au fait que, encore une fois, quand vous jouez au football, vous n’êtes pas obligé de savoir quelle est à religion de la personne qui est en face de vous, c'est très important. Je constate d'ailleurs qu'on se pose la question pour les femmes et sur finalement la conquête par des vêtements religieux du corps des femmes, c'est évidemment inacceptable, et j'espère que tous ceux qui défendent, et à bon titre, le droit des femmes, se poseront évidemment ce genre de mesure inique, mais encore une fois, le Conseil d'Etat est une instance extrêmement sage, et il aura bientôt à se décider, et je souhaite, j'espère profondément pour la République qu’ils garderont la neutralité sur les terrains de sport.
AMANDINE BEGOT
Un grand merci Monsieur le Ministre d'avoir été en direct avec nous donc depuis Marseille. Merci Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
YVES CALVI
Marseille a le droit de vivre normalement comme toutes les villes de France, vient de nous dire le ministre de l'Intérieur.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 28 juin 2023