Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Hier Emmanuel MACRON recevait donc 300 maires à l’Elysée, on va parler longuement de leur situation, le chef de l’Etat a eu également un mot sur les réseaux sociaux, que je vais citer, qui nous a interpellés, " quand les choses s’emballent ", dit-il, " il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper. " Le gouvernement est-il prêt à couper les réseaux sociaux ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce que le président de la République a dit c’est qu’on ne pouvait pas regarder ce qu’on avait vécu sans essayer d’en tirer toutes les leçons, il y a des leçons en matière de maintien de l’ordre, il y a des leçons en matière de retour de l’autorité, il y a certainement des leçons aussi sur la politique de la ville, et le rôle des réseaux sociaux, en particulier de certaines applications pour se retrouver, a été au coeur d’une partie des difficultés auxquelles on a fait face, et un autre élément qui a été la multiplication des mises en ligne d’adresses de policiers, d’adresses personnelles d’élus. Personne n’imagine qu’on accepterait que sur une chaîne de télé, ou dans un média papier, on puisse faire des appels à la haine en mettant les coordonnées personnelles de quelqu’un. Il y a donc à la fois comment on évite la propagation de ce type de contenu, il y a déjà des dispositifs, et comment, si les choses s’emballent, on peut, à défaut de couper, ralentir une forme de flux.
ADRIEN GINDRE
Quand les choses s’emballent, vous pensez à quoi, qu’est-ce qu’il y a derrière cette formule ?
CHRISTOPHE BECHU
Je pense que si vous utilisez un réseau social pour dire « on se retrouve tous dans une heure pour aller mettre le feu à tel bâtiment », on est dans une forme d’emballement dans lequel le réseau joue un rôle de propagation ou d’accélération de la haine. Ce que le président de la République a exprimé hier c’est qu’il a dit à haute voix ce que l’ensemble des forces de l’ordre ont pu constater, on est confronté à des phénomènes de délinquance, de violences, nouveaux, qui s’appuient sur la viralité des réseaux sociaux, parce que parfois on est là en disant " tu as ce que les copains ont fait dans telle autre ville ou dans tel autre quartier, il faut qu’on les imite ", une viralité qui est parfois accentuée par les algorithmes de ces réseaux sociaux, et de l’autre côté des applications, en particulier de Maps, qui permettent de se donner des points de rendez-vous et de provoquer à ce moment-là des attroupements qui accentuent des phénomènes de violences.
ADRIEN GINDRE
Mais c’est une phrase pour faire peur, sonner l’alerte, dire attention à ces comportements, ou le gouvernement va réellement changer les règles, légiférer ou prendre des dispositions ?
CHRISTOPHE BECHU
Je sais bien qu’on aime quand, quand il se passe quelque chose, que dès le lendemain on puisse suggérer qu’il faut des nouveaux textes, des lois…
ADRIEN GINDRE
On aime comprendre surtout ce que dit le politique.
CHRISTOPHE BECHU
Je vous entends Monsieur GINDRE, ce que je veux dire c’est que le président de la République, après des heures passées avec les maires, a fait en sorte de répondre à la multiplication des sujets qui ont été évoqués devant lui, certains parlant d’éducation, d’autre parlant de reconstruction, d’autres encore des moyens de leur police municipale, etc.., dans toutes ces interventions, le rôle, le poids des réseaux sociaux, a été évoqué, et ce ne serait pas responsable, quand on est en charge, de ne pas se demander dans quelle mesure ça a pu contribuer ou accentuer une partie des difficultés, ce n’est pas l’annonce d’une loi de censure en aucune manière, ça n’était ni l’esprit, ni les propos du président.
ADRIEN GINDRE
Alors, pour le coup il y a eu une annonce de loi, une loi d’urgence a dit le chef de l’Etat en substance, pour faciliter la reconstruction des bâtiments endommagés, qu’est-ce qui sera possible, grâce à cette loi, qui n’est pas possible déjà aujourd’hui ?
CHRISTOPHE BECHU
J’aurai l'occasion dès la fin de cette matinée, en conseil des ministres, de présenter un texte sur lequel, avec mes équipes, on a travaillé une partie de la nuit…
ADRIEN GINDRE
Vous présentez déjà cette loi aujourd'hui en conseil ?
CHRISTOPHE BECHU
On va présenter un texte parce qu'il y a des choses qui relèvent du législatif et il y en a d'autres qui, comme vous le dites, peuvent d'ores et déjà être traitées à condition qu'on additionne ce que le droit actuel permet et parfois qu'on ne facilite, c'est ce qui sera présenté ce matin, en clair, pour pouvoir accélérer de manière extrêmement rapide la reconstruction à l'identique de ce qui a été démoli, et là on devrait pouvoir écraser les délais d'une manière qui soit extrêmement forte, pour pouvoir sécuriser des travaux de confortement de relogement dès maintenant, parce qu'on a des problématiques, qui pour certaines n'attendent pas. Quand vous avez une école qui a brûlé, ça a été le cas de près d'une centaine dans notre pays, quand vous avez des centres de loisirs qui sont censés accueillir des enfants pendant le temps des vacances, qui ont été démolis, vous avez des besoins qui sont des besoins d'urgence, pas forcément de reconstruction, mais au moins de réponse. En sécurisant la réponse, en indiquant à l'ensemble des préfets, comment accueillir les demandes des élus, comment accélérer les procédures, comment utiliser les leviers qui existent, on va répondre à la première commande du président de la République sur l'urgence. Et puis il y en a une deuxième, parce que le président a aussi dit qu'on ne pourrait pas laisser seuls des maires qui allaient se retrouver aussi avec des difficultés pour aller financer une partie de ces travaux, l'état d'esprit du gouvernement ça n'est pas une partie de ces quartiers compliqués ont brûlé, on va sortir le carnet de chèques, ça a été fait par le passé et on a vu la limite de ça, en revanche ce n’est pas la double peine pour les habitants d'une partie de ces quartiers, et pour les maires, en faisant en sorte de les priver d'équipements dont ils ont besoin.
ADRIEN GINDRE
Juste, avant de prolonger, parce que c'est très important ce que vous évoquez, la dimension budgétaire, le coût et le financement, encore un petit mot du calendrier. Ce que vous êtes en train de préparer, ce que vous allez présenter tout à l’heure, ça a vocation à entrer en vigueur quand, a fortiori, s'il y a une dimension législative, quand est-ce que tout cela sera à la fois présenté au Parlement, voté, effectif ?
CHRISTOPHE BECHU
Ça, ça va être finalisé dans la journée, ce que je veux dire c'est qu’il y a une première brique avec ce texte, qui répond à la commande d'urgence du président de la République, que je présente en fin de matinée, et dans la foulée de la journée les angles qui ne sont pas couverts par ce premier texte, y feront l'objet de dispositions législatives dont on précisera le calendrier dans la journée.
ADRIEN GINDRE
Vous parliez tout à l'heure des écoles, en ce qui concerne les mairies ou les bâtiments municipaux, vous avez des chiffres à l'échelle nationale, de combien ont été endommagés ou détruits la semaine dernière ?
CHRISTOPHE BECHU
On a des chiffres, qui je pense sont à peu près exhaustifs, on est effectivement sur plus d'une centaine de mairies, le chiffre précis pour les écoles il était de 84 avant-hier si vous voulez même le connaître, on est sur 65 commissariats de police municipale, mais on est sur un chiffre, quand on regarde les casernes de gendarmerie ou les commissariats de police qui dépasse les 200 pour ces bâtiments. On est sur, en tout, plus d'un millier de bâtiments publics, quand on additionne les gymnases, les centres de loisirs, les centres d'hébergement, sans compter les commerces, les lieux privés, les habitations qui ont été endommagées, sur la pure partie bâtiments publics on est à plus de 1000 bâtiments et même plus près des 1500, que des 1000.
ADRIEN GINDRE
Vous évoquiez la dimension budgétaire, alors revenons-y. il y a certaines régions, c'est cas par exemple de l'Ile-de-France, qui ont déjà dit il y aura un fonds d'urgence, en Ile-de-France c’est 20 millions pour les 140 communes touchées. Qu'est-ce que l'Etat va faire, est-ce que c'est là aussi un mécanisme de fonds d'urgence, ou est-ce qu'on est plutôt sur des prêts à taux 0, et donc qui seront remboursés ?
CHRISTOPHE BECHU
D’abord vous l'avez dit, et je veux le saluer, il y a des régions, et même des départements, je pense au département des Bouches-du-Rhône, qui ont annoncé des dispositifs de soutien, la région Grand Est, la région Sud, la région Ile-de-France, l'Etat dès lundi matin a dit qu’il débloquait de manière immédiate 20 millions d'euros pour la reconstruction et pour le financement des caméras de vidéoprotection de manière à rapidement pouvoir, dans la logique de la priorité donnée au maintien de l’ordre, répondre à cette problématique, et maintenant il se préoccupe du fond. Il faut comprendre que sur les bâtiments publics on a deux types de problématiques, la plupart des bâtiments sont assurés, quand vous êtes assuré la question c'est la question de la franchise, du reste à charge, qui peut être couvert, ou par les collectivités locales, ou par un appui, que l'Etat pourrait apporter, et qui devra faire l'objet d'un vote et d'une disposition budgétaire.
ADRIEN GINDRE
Pourrait ou pourra ?
CHRISTOPHE BECHU
La particularité c'est que beaucoup de bâtiments publics ne sont pas forcément assurés, les collectivités locales ne sont pas tenues d'assurer leurs bâtiments, elles peuvent décider d'être leur propre assureur, et ce que nous sommes en train de faire c'est de consolider à la fois le niveau des factures et le nombre de collectivités qui se retrouvent dans une situation elles ne sont pas assurées. Le président de la République a été extrêmement clair, nous accélérons les délais pour reconstruire et nous ne laisserons pas les communes seules, face aux dégâts de ces émeutes.
ADRIEN GINDRE
Seules face aux dégâts ça veut dire on aide celles qui n'ont pas les capacités de financer, ou elles n'auront rien à débourser, aucune, et l’Etat prendra tout à sa charge ?
CHRISTOPHE BECHU
Ça veut dire qu'on n'a pas vocation à se substituer à des assurances, ça veut dire qu'on n'a pas vocation à se substituer à des collectivités locales qui décideraient déjà d'aller donner un coup de main, mais que les communes ne doivent pas se retrouver avec une facture à la fin.
ADRIEN GINDRE
Vous disiez tout à l’heure il y a aussi la dimension des politiques qu'on mène dans ces quartiers, sur le logement, sur la rénovation urbaine, le chef de l'Etat hier aussi a montré une forme de prudence, il dit " 40 milliards par an, est-ce que je suis satisfait ? non. Est-ce que je pense que nous allons trouver la solution avec plus d’argent ? non. " Vous nous confirmez ce matin, hormis ces aides aux collectivités pour la reconstruction, il n’y aura pas d'argent en plus pour les quartiers, il n’y aura pas de plan banlieues nouvelle version ?
CHRISTOPHE BECHU
Je ne vous dis pas ça, je vous dis qu'après 2005 tout le monde a dit on vient de vivre des émeutes, on vient de vivre des difficultés qui révèlent un malaise dans nos banlieues et qui a justifié une unanimité politique pour aller lancer, dans le sillage de Jean-Louis BORLOO à l'époque, l'Agence nationale de rénovation urbaine, non seulement ce travail s'est poursuivi, mais avec Emmanuel MACRON il s'est amplifié, on est passé de 5 à 12 milliards d'euros de financement au titre de l'ANRU depuis le début du dernier quinquennat, on a augmenté les crédits politiques de la ville à destination de ces quartiers, de plus de 30% au cours de ces cinq dernières années, on a dédoublé les classes de CP, on a, etc. Ce qu'on a vécu ce n’est pas une crise des banlieues, c'est un drame absolu, abominable, la mort d’un adolescent de 17 ans, et dans la foulée, sous couvert de vengeance, ça a servi de prétexte, à la fois à des dégradations, à des pillages de magasins, qui n'ont absolument rien à voir avec le sujet, à des embrasements et à des manifestations de violences par des adolescents qui n'ont absolument rien à voir avec ce jeune, et y compris dans des villes qui ne sont pas Politique de la ville, dans lesquelles il n'y a pas de quartiers sensibles, donc se dire c'est un problème de politique de la ville, c'est faire un raccourci qui ne correspond pas à la réalité. On a des quartiers Politique de la ville où il ne s'est rien passé, pas une dégradation, pas de voitures brûlées, et on a à côté de ça des villes qui ne sont en géographie prioritaire et qui ont été brûlées, donc si le diagnostic c’est de dire on sort le chéquier, on rajoute de l'argent, on se plante.
ADRIEN GINDRE
C’est pour ça que vous disiez à l'instant que la priorité c'est l’ordre… c’est un sujet sécuritaire avant tout ?
CHRISTOPHE BECHU
Non. D’abord, la priorité à court terme, c'est à la fois ce que réclament tous les maires pour le coup, quelle que soit leur sensibilité politique, c'est de dire il faut amener le calme et il faut le maintenir de manière à ce qu'on n'ait pas une résurgence dans les jours qui viennent. Deux, sur le fond, il y a des sujets d'autorité, parce qu’on ne peut pas se satisfaire quand on a, en moyenne d'âge, des interpellés de 17 ans, des jeunes qui sont arrêtés à 12 ou 13 ans avec des bidons d'essence, avec des mortiers d'artifice, ou avec des cocktails Molotov, de considérer que c'est un phénomène normal et qu'il faut que jeunesse se passe, donc il y a des sujets d'autorité et d'autorité parentale, ce n'est pas un gros mot. Il y a des sujets de moyens, dans un certain nombre d'endroits, ça peut être aussi en creux, le soutien à la parentalité, ça peut être les dispositifs qui sont mis pour faire en sorte de tenir le lien social, mais penser qu'il y a une réponse unique à la totalité de ce qu'on vient de vivre c'est faire des raccourcis auto-réalisateurs qui ne correspondent pas à ce que nous avons vécu.
ADRIEN GINDRE
Alors, on va parler des parents dans un instant, parce que ça interpelle aussi, mais juste sur la question de la politique de la ville pour terminer. Le président a quand même reconnu hier, au détour d'une phrase, qu'il avait, je cite, " sans doute été maladroit " à l'époque du plan Borloo qui avait été présenté, qu’est-ce qui a été raté en fait quand il dit " j'ai été maladroit ", qu'est-ce qui n'a pas été bien fait ?
CHRISTOPHE BECHU
On a eu une remise de rapport et ensuite le consensus ça a été de dire le président de la République a écarté le rapport qui lui a été remis, la vérité c'est que depuis nous avons suivi, les gouvernements successifs ont mis en œuvre beaucoup des mesures de ce plan Borloo. Une des mesures très fortes proposées par Jean-Louis BORLOO c’était de dire il faut renforcer ce que nous faisons en matière d'éducation, c'est sans doute encore vrai, mais ça a donné les cités éducatives, il y en a 200 en France qui ont été démultipliées…
ADRIEN GINDRE
Vous voulez dire on l’a fait sans le dire en fait, si je comprends…
CHRISTOPHE BECHU
Plus exactement, on a suivi plusieurs des recommandations du rapport, sauf qu'au lieu de le faire en bloc on l'a fait au fur et à mesure, on a augmenté les moyens budgétaires, on a plus que doublé les moyens de l'ANRU, on a multiplié les cités éducatives, on a mis en place des dispositifs spécifiques d'accompagnement, mais peut-être sans donner à tout ça, comment dirais-je, le caractère global qui aurait pu montrer qu’on reprenait le rapport dans son entier. Très clairement, il y aura la rentrée un comité interministériel des villes, parce que de toute façon il était calé dans l'agenda qu'au milieu de cette année 2023 nous aurions à nous pencher sur le futur de la politique de la ville, avant même ces émeutes.
ADRIEN GINDRE
Il a eu lieu, mais… consacré uniquement à la situation…
CHRISTOPHE BECHU
Exactement.
ADRIEN GINDRE
Vous faisiez allusion, à l’instant, à votre collègue du gouvernement, mais comme l'a dit également la Première ministre hier, Bruno LE MAIRE, là ce matin, dit " il faut engager la responsabilité des parents ", vous y faisiez allusion aussi à l'instant, la question de l'autorité parentale, concrètement ça veut dire quoi, est-ce que c'est une question d'appel au bon sens que vous faites aux parents ou est-ce que c'est une question également de sanctions ? la question s’est posée à votre place en début de semaine sur ce plateau, Eric CIOTTI renouvelait sa proposition de dire revenons à la suppression des allocations familiales quand les parents sont défaillants.
CHRISTOPHE BECHU
Plusieurs choses. D’abord, on ne peut pas ne pas regarder cette question de l'autorité parentale, et je le dis en particulier pour tous les parents, y compris qui habitent dans ces quartiers difficiles, pour toutes les mamans solos et pour toutes les mamans courage qui n'ont pas laissé leurs gamins de 13 ou de 14 ans sortir pour aller participer aux émeutes. La Première justice qu'on doit leur rendre c’est de ne pas mettre tout le monde dans le même sac, et donc c'est de ne pas dire que c'est parce qu'on habite dans ces quartiers qu'on n'est pas capable de poser des règles ou de faire en sorte qu'il y ait des éléments d’éducation. Je suis désolé, à un moment, laisser un adolescent sortir dans un climat d'émeutes de ce type c'est lui faire prendre des risques, à lui, avant les risques pour les autres, et donc ce n’est pas assurer le développement de l'enfant dans sa moralité, etc., sauf que ce bon sens…
ADRIEN GINDRE
Mais ça c’est presque une question de bon sens, c'est pour ça que je vous disais est-ce que vous faites un appel au bon sens ou à la sanction ?
CHRISTOPHE BECHU
Mais, je considère que les deux sont liés, le problème c'est qu'on en soit venu à se dire qu’une sanction ne serait pas du bon sens. Il y a un article dans le code pénal qui dit clairement que des parents, leur responsabilité financière peut être engagée pour aller payer une partie des dégâts, voire qui peuvent avoir une amende, qui peut monter jusqu'à 30.000 euros et jusqu'à 2 ans de prison s'ils délaissent leur enfant.
ADRIEN GINDRE
Donc cette règle-là suffit, même si elle n’est que très peu appliquée, pour ne pas dire pas appliquées ?
CHRISTOPHE BECHU
Vous avez raison, elle a jusqu'à maintenant était très peu appliquée, sauf que la nouveauté c'est que la circulaire du Garde des Sceaux, qui a été envoyée au début de ces événements, est bien de dire aux procureurs " je vous demande de multiplier les enquêtes sociales pour savoir si nous pouvons activer cette clause. " En clair, la mère qui travaille la nuit et qui élève seule son enfant, on ne peut pas aller lui expliquer que c'est scandaleux qu’elle ait laissé sortir son adolescent à minuit puisqu'elle n’est pas sur place, et l'enquête sociale elle permet de trouver à ce moment-là des circonstances qui n'engagent pas sa responsabilité. A l'inverse, on a des situations avec des parents qui n'ont absolument pas ce type d'excuses, qui ont laissé faire, voire qui ont été complices, et tout le monde a en mémoire les images parfois, de mères, ou de pères, laissant les adolescents aller piller des magasins et allant ensuite se servir une fois que la brèche est ouverte.
ADRIEN GINDRE
Je vous posais la question de la suppression des allocations familiales, c'est un thème qui a beaucoup été porté par votre ancienne famille politique, les Républicains, qu'il l'est encore aujourd'hui, je repose la question, est-ce que c’est une piste qu'il faut creuser ?
CHRISTOPHE BECHU
Monsieur GINDRE, moi ce qui m’a frappé hier à l'Elysée c'est qu’il y a un constat unanime, retour à l'ordre, et ensuite on a des maires qui ne partagent pas forcément de constat, des maires de gauche qui disent il faut faire plus de social, des maires de droite qui disent il faut faire plus de répression, plus d'autorité. Je plaide pour qu'on se laisse les quelques jours qui permettent d'être sûr qu'on a bien compris et qu'on ne se dise pas que les recettes qu'on a proposées il y a un an, on avait raison de les proposer et que la crise nous a donné raison, parce que vous entendez aujourd'hui des gens, des deux côtés de l'échiquier, qui vous disent ça, donc on ne pourra pas faire l'économie d’une réflexion sur l'autorité, on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur le social, on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur la responsabilité parentale, mais encore une fois, retour à l'ordre, soutien aujourd'hui aux collectivités qui sont touchées, et les réponses, ne tombons pas dans un concours Lépine de " j’ai la solution depuis toujours, je vous l'avais bien dit. "
ADRIEN GINDRE
Alors, il y a quand même des propositions, c'était l'objet de la réunion aussi, entendre les maires, il y a certains maires qui sont très attachés aussi à l'efficacité de leur police municipale et qui disent on a besoin que les règles évoluent sur la police municipale. Robert MENARD par exemple à Bézier qui dit « la police municipale elle ne peut pas faire de contrôles d'identité, la police municipale elle ne peut pas ouvrir les coffres des voitures, tout cela au quotidien ce sont des problèmes. » Est-ce que c'est un sujet pour le coup, sur lequel il faut bouger ? vous connaissez bien le sujet, vous avez été maire et vous avez une police municipale dans votre ville d'Angers.
CHRISTOPHE BECHU
Je vous confirme, et je vous confirme que c'est un sujet. Il y a ce qu'on appelle, avec des grands mots, le continuum de sécurité, c'est-à-dire cette idée que les forces de l'ordre elles n’ont pas forcément le même employeur, mais elles ont toutes la même finalité qui est la sécurité et l'ordre public. Le Conseil constitutionnel a censuré quelques-unes des dispositions de la loi d'orientation du ministre de l'Intérieur, portée par Gérald DARMANIN, en disant attention, on ne peut pas confier certains pouvoirs à la police municipale parce que le chef de la police c’est le maire, ce n’est pas le procureur, et donc, par rapport aux libertés, par rapport aux fichiers, par rapport à un certain nombre de sujets, on n'est pas dans la même finalité, il ne s'agit pas d'aller chercher des éléments pour rendre la justice, il s'agit des éléments pour ramener la tranquillité, donc il y a des actes qui ne peuvent pas être accomplis par la police municipale.
ADRIEN GINDRE
Et ça ne pourra pas être contourné ?
CHRISTOPHE BECHU
Je crois qu’on doit tout réinterroger, on doit réinterroger aussi bien sur le plan technique, ce que sont les moyens qui sont mis à disposition, on voit par exemple de manière très claire que l'interdiction pour les polices municipales d'avoir des drones, qui n'est pas le fait du gouvernement, mais qui est fait du juge, elle a posé des difficultés parce que le drone c'est ce qui vous permet au moins de savoir à quel endroit il se passe quelque chose dans votre commune et c'est une sorte de super caméra qui vous permet de regarder comment ça se passe, il faut qu'on interroge le pouvoir de ces polices municipales, y compris sous l'autorité temporaire du préfet ou du procureur, parce que là le sujet ce n’est pas la tranquillité municipale, c'est la tranquillité tout court, et que vis-à-vis des habitants qui sont en attente de sécurité dans ces quartiers peu importe si le badge il dit nationale ou municipale, ce qui compte c’est, est-ce que oui ou non, il y a une réponse de prévention et de répression par rapport aux événements qu'on connaît.
ADRIEN GINDRE
Le chef de l'Etat a fait ce constat, cette prédiction, " le pic que nous avons connu ces derniers jours est passé, bon, les faits lui donnent raison pour le moment, la nuit dernière a été très calme, il n’y a eu que 16 interpellations au niveau national, des chiffres communiqués ce matin par Beauvau. A quoi vous attribuez ce retour au calme, il y a l'action des forces de l'ordre bien sûr, mais il y a certains élus qui disent soyons réalistes, il y a aussi l'action des trafiquants de drogue qui ont besoin de reprendre leur trafic et qui ont contribué à ramener les jeunes à la maison ?
CHRISTOPHE BECHU
On entend plein de choses. Je pense d'abord que, je vais être très concret, une partie de ces émeutiers n’ont plus de munitions, c'est-à-dire que les mortiers qui ont été tirés ne sont pas renouvelés, y compris parce que le président de la République a demandé à ce que les douaniers et les policiers fassent en sorte de faire des contrôles fréquents aux frontières, pas plus tard qu'hier il y a d'ailleurs un camion qui a été interpellé avec 300 kilos d'artifice à l'intérieur, donc il y a une raison que je qualifierais de technique. Ensuite, vous avez eu près de 4000 interpellés, de façon là aussi très concrète, l'action résolue des forces de l'ordre elle a permis de retirer du terrain des émeutiers qui sont aujourd'hui, ou derrière les barreaux, ou en attente de convocation avec des débuts de déferrement et de comparution immédiate…
ADRIEN GINDRE
Et l’action des trafiquants de drogue, vous y accordez un crédit ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce que je veux dire c'est que si l'action des trafiquants de drogue avait été si efficace que cela, il y a des villes dont nous savons l'intensité du trafic de drogue qui ne se seraient pas embrasées, et la carte des émeutes ne permet pas de corroborer ce que vous êtes en train de dire. Des villes qui sont connues pour un trafic de drogue intense ont été des lieux dans lesquels il y a eu des émeutes de façon extrêmement sensible, donc c'est vraiment pour ça qu’il faut un peu d’humilité pour regarder.
ADRIEN GINDRE
C’est faux ou ce n’est pas possible de le dire publiquement parce que ce serait avouer l'impuissance et l'échec de l'Etat ?
CHRISTOPHE BECHU
Moi, vous savez, quand je ne sais pas je ne dis pas, donc je ne peux pas devant vous vous dire je pense que vous avez raison, je vous donne les raisons qui, à ma connaissance, participent à ce calme, 4000 interpellés, une diminution objective de ce qui a été tiré sur les forces de l'ordre et sur les bâtiments, ensuite il y a des questions, dans quelle mesure les appels au calme ont joué, je pense que ça a été le cas, dans quelle mesure certains trafiquants ont participé à la reprise en main, je pense que ça a été une partie de l'explication, dans quelle mesure la résolution de l'Etat a fini par avoir des… je pense que c'est le cas, et dans quelle mesure l'appel à la responsabilité parentale a aussi conduit un certain nombre de parents à ouvrir les yeux sur ce qui c’était passé, je pense que ça a participé au retour au calme.
ADRIEN GINDRE
Un dernier mot Christophe BECHU, je disais en introduction vous êtes en charge de la Cohésion des territoires, on en a beaucoup parlé, mais aussi de la Transition écologique, on devait avoir la prestation de la planification écologique, le président l'avait annoncé, il avait demandé à la Première ministre de le faire dans les 15 premiers jours de juillet, on est d’accord que c'est reporté ?
CHRISTOPHE BECHU
Nous sommes toujours dans les 15 premiers jours de juillet et à la fin de cette matinée nous aurons un conseil qui permettra de finaliser la présentation avant sa communication, nous ne sommes pas en retard sur le sujet. Communiquer aujourd'hui sur les ambitions écologiques pourrait sembler décalé compte tenu des plaies qui ne sont pas refermées dans de nombreuses villes et de la priorité que nous devons donner à ce retour absolu au calme, mais ça n'enlève rien à la détermination et rien au calendrier des 15 premiers jours de juillet.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Christophe BECHU d’avoir été sur LCI ce matin.
CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous Monsieur GINDRE.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 12 juillet 2023