Texte intégral
Monsieur le député Philippe Latombe,
Je vous prie d'abord de bien vouloir excuse l'absence de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui est sur le chemin du retour du Conseil de sécurité des Nations unies à New York.
Sans se prononcer sur les qualités professionnelles de Mme Fiona Scott Morton, qui est de nationalité américaine, cette nomination au poste d'économiste en chef de la direction générale de la concurrence à la Commission européenne suscite de nombreuses interrogations légitimes. Par la voie de la ministre Colonna, de Laurence Boone, et de Jean-Noël Barreau, ce gouvernement a rapidement réagi, et nous l'avons fait de manière publique, car ce sujet est d'intérêt collectif. C'est également votre cas, d'ailleurs, Monsieur le député. Comme le montre votre question, il faut aussi relever de nombreuses voix qui se sont élevées au Parlement européen, notamment les présidents de groupes, qui ont écrit à la Commission européenne dès la semaine dernière.
En substance, cette nomination fait peser un risque sérieux de conflit d'intérêt, alors que la régulation numérique fait figure de priorité pour l'Union européenne. Il est difficilement justifiable de nommer quelqu'un dont les activités professionnelles antérieures consistaient à promouvoir précisément les intérêts des grandes entreprises directement concernées. Et si un système de déport était mis en place, cela consisterait en fait à vider le poste de l'essentiel de sa substance, vous avez parfaitement raison.
De plus, cette nomination soulève une question politique : en réalité aucun pays ne confierait de telles responsabilités à un ressortissant étranger. C'est une question évidente de souveraineté européenne. Nous attendons donc de la Commission qu'elle réexamine cette nomination, et nous le lui avons dit très précisément. L'objectif n'est nullement de s'immiscer dans le pouvoir de nomination de la Commission, qui lui appartient, mais nous attendons de cette dernière qu'elle fasse preuve de tout le discernement et de toute la rigueur nécessaire, dont la nomination à des postes aussi stratégiques. Et la ministre Catherine Colonna abordera ce sujet lors du conseil des ministres affaires étrangères de jeudi cette semaine.
Merci.
Monsieur le député Thibault François,
Je voudrais associer à ma réponse le ministre délégué Jean-Noël Barreau, et vous dire que j'ai déjà répondu au député Latombe sur ce sujet. Néanmoins, je voudrais redire la position du gouvernement.
Oui, ce profil pose question, tant sur la question des conflits d'intérêt que sur celle de la souveraineté européenne. Vous avez raison, sur la souveraineté européenne. Et je veux redire, concernant cette nomination, qu'il s'agit d'un processus certes interne à la Commission européenne, mais dont nous redemandons le réexamen de la décision. Nous l'avons expressément invité à le faire.
Je note aussi, c'est très clair, que le Parlement européen se saisit de la question et auditionne aujourd'hui même la commissaire Vestager. Et pourquoi ? Pourquoi le Parlement européen fait cela ? Parce que l'idée de souveraineté européenne, portée par le Président de la République et poussée par la France depuis six ans, est désormais majoritaire en Europe. La défense des intérêts stratégiques de l'Union européenne, de nos entreprises et de nos emplois est désormais une boussole de l'attraction au niveau européen, partagé à la fois par les Etats membres et les institutions européennes ; et ce succès, c'est aussi au Président et à cette majorité que nous le devons. Nous attendons aujourd'hui que la Commission européenne suive cette voie et réexamine la décision de nomination de madame Fiona Scott Morton.
Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2023