Texte intégral
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (nos 1533, 1537).
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Patrick Hetzel
On ne sait pas pour combien de temps ! Avec le remaniement, il va peut-être devoir interrompre son intervention ! (Sourires.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Du 27 juin au 5 juillet, chacun s’en souvient, notre pays a été marqué par huit nuits de violences et de pillages inqualifiables, dont l’étendue des destructions surpasse de très loin le triste précédent des émeutes de 2005. Nous avons tous en mémoire la mort de Nahel, ce jeune homme de 17 ans dont le décès a constitué le fait déclencheur apparent des émeutes. La diversité des violences, des dégradations et des déprédations commises témoigne cependant d’un lien complexe avec cet événement initial – lien qui reste à établir. De toute évidence, il a servi de prétexte à tout autre chose.
Dans la continuité immédiate de ces événements, après que près de 500 communes ont été touchées à un titre ou à un autre, le Président de la République a reçu à l’Élysée les maires concernés et il a pris l’engagement que des mesures législatives permettent d’accélérer la reconstruction. Le présent projet de loi est l’occasion de tenir parole et de faire un geste de soutien unanime en faveur de nos élus, de nos services publics et des habitants frappés par les nuits d’émeutes et de violences urbaines. Les mesures de ce texte faciliteront la reconstruction matérielle des bâtiments dégradés ou détruits.
Le projet de loi a été adopté à l’unanimité avant-hier, mardi 18 juillet, au Sénat. Je ne doute pas que le sens de l’intérêt général que nous avons en partage, ainsi que la volonté de ne pas laisser le dernier mot aux émeutiers, conduiront votre assemblée à l’adopter également à l’unanimité – du moins, je l’espère. Ce projet de loi répond de manière concrète et limitée, non pas aux causes, mais aux conséquences des émeutes.
Au total, dans l’ensemble du territoire, ont été attaqués : 274 commissariats, brigades de gendarmerie et postes de police municipale, 105 mairies, 243 établissements scolaires, 47 établissements relevant du ministère de la justice, 3 centres hospitaliers, mais aussi des bus, des trams, des médiathèques, des maisons de quartier, une crèche, des gymnases, des maisons de la culture et même des locaux associatifs – autant d’équipements et de services essentiels, au service de nos concitoyens, pour lesquels nos collectivités et la collectivité nationale que nous formons ont beaucoup investi dans la durée, pour l’avenir de tous.
Et, bien sûr, il y a eu les attaques ignobles, inqualifiables, contre les forces de l’ordre, contre les pompiers appelés pour secourir et contenir les destructions, contre les élus et leurs familles. Ils sont tous l’incarnation de notre République et ont été ciblés comme tels.
Je n’oublie pas les 1 000 commerces vandalisés et pillés, les gérants de café, les employés et les propriétaires de commerces de proximité, les pharmaciens, bref toutes celles et ceux qui mènent une vie droite et honnête et qui pourtant, durant ces nuits, ont perdu le fruit de leur labeur : un emploi, un outil de travail, un véhicule, quand ce n’était pas les économies d’une vie.
Le projet de loi me donne l’occasion de dire que nous ne lâchons rien face à ceux que le spectacle de la destruction facile réjouit et que nous sommes aux côtés de tous ceux qui doivent rebâtir. Ce texte est une brique essentielle pour effacer les stigmates des émeutes et permettre à chacun de repartir rapidement de l’avant, mais, je le concède bien volontiers, il n’est qu’une partie de la réponse. S’agissant des causes des violences et des décisions nécessaires pour éviter que de tels événements ne se reproduisent à l’avenir, il nous faut évidemment en débattre, mais ce débat est renvoyé à la rentrée. (M. Maxime Minot s’exclame.)
Le droit actuel fournit déjà une partie de l’arsenal dont nous avons besoin pour reconstruire…
M. Maxime Minot
C’est sûr, tout va bien !
M. Christophe Béchu, ministre
…comme le montre la circulaire prise il y a deux semaines par la Première ministre, qui mobilise pleinement les outils existants pour la réalisation des opérations de reconstruction et de réfection des immeubles détruits ou endommagés. Il est cependant impératif d’aller plus loin pour faciliter la reconstruction. Tel est l’objet des trois articles du projet de loi, qui autorisent le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, les mesures nécessaires.
En ce qui concerne, tout d’abord, la reconstruction à l’identique, elle est juridiquement possible aujourd’hui à condition qu’aucune adaptation du bâtiment ne soit envisagée pour des raisons de sécurité ou d’exigence environnementale. Nous devons donc faire en sorte que les nouveaux impératifs de sécurité et les nouvelles normes environnementales soient pris en compte dans la loi pour toute reconstruction à l’identique.
De même, nous proposons d’autoriser le commencement des travaux préparatoires, tels que les démolitions, le terrassement ou l’installation du chantier, alors même que la délivrance d’autorisation est en cours d’instruction. Cela permettra de gagner un temps précieux. Il faut également accélérer les procédures d’autorisation administrative, ce qui ne revient pas à supprimer les instructions, mais à les donner dans un temps restreint – en somme, il faut préserver les équilibres tout en favorisant la reconstruction. L’objectif est par ailleurs de faciliter la reconstruction du bâti public, ce qui passe par la facilitation des marchés publics de travaux en dérogeant aux obligations de publicité préalable et en permettant un usage plus étendu des marchés de conception-réalisation.
En ce qui concerne le financement des travaux, nous proposons de rendre possible la mobilisation du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour les collectivités et leurs groupements dès l’année de son versement, mais aussi de déroger à la règle d’une participation minimum de 20 % des collectivités maîtres d’œuvre et de supprimer le plafond des fonds de concours versés par les intercommunalités afin de leur permettre d’accompagner les collectivités concernées.
Certains, sans doute, s’interrogeront sur l’étendue de ces dérogations.
M. Pierre Cordier
Personne !
M. Christophe Béchu, ministre
Elles sont extrêmement limitées, puisqu’elles concernent uniquement les bâtiments et les équipements publics touchés entre le 27 juin et le 5 juillet. Pour ces derniers, le projet de loi a pour objectif de limiter les difficultés éventuelles dans le processus de reconstruction. Si, en outre, l’ambition du Gouvernement est que les mesures du projet de loi entrent en vigueur dès que possible, le Conseil d’État devra tout d’abord être saisi et les quelques trous qui subsistent dans la raquette devront être comblés en concertation avec les associations d’élus.
Quant à la question budgétaire, enfin, l’examen de ce texte ne doit pas préempter le futur débat sur le partage de l’effort de reconstruction,…
M. Jean-Paul Lecoq
C’est dommage, il y a urgence !
M. Christophe Béchu, ministre
…et ce, pour deux raisons. D’une part, nous ne connaissons pas le montant consolidé des dégâts. Les collectivités ont jusqu’au 30 septembre pour transmettre la liste des dommages qu’elles ont subis. D’ici là, les préfets assumeront l’évaluation de leur montant. D’autre part, lorsque nous aurons connaissance du montant des dégâts, nous devrons commencer par défalquer les sommes dues par les assurances. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons aborder la question de la participation des émeutiers ou de leurs parents au remboursement des dégâts. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 21 juillet 2023