Interview de Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, à France 2 le 27 juillet 2023 sur l'évolution du congé parental, les aides financières aux Ehpad jugées illisibles et inéquitables, la fin de vie et le pacte des solidarités.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG
Bonjour Aurore BERGE, nouvelle ministre.

AURORE BERGE
Bonjour.

JEFF WITTENBERG
Vous avez été nommée il y a une semaine tout juste, c'était le remaniement et vous avez déjà lancé un sujet qui fait réagir, celui du congé parental que vous souhaitez voir évoluer. Ce congé, actuellement, il peut durer jusqu'à trois ans ; vous souhaitez le voir raccourci mais aussi mieux rémunéré. Est-ce que c'est bien ça ?

AURORE BERGE
Déjà, je veux surtout qu'il soit beaucoup plus attractif et qu'on accompagne mieux les familles. Là, je veux dire une première chose, le congé parental, ce n'est pas le congé maternité, ce n'est pas le congé paternité, on les a améliorés. Le congé paternité aujourd'hui, c'est un mois et le congé maternité, grâce à nous, c'est pour toutes. Parce que quand on est arrivé, on a découvert que des femmes (des agricultrices, des professions indépendantes) ne pouvaient pas bénéficier du congé maternité. Donc le congé parental, c'est après et si les parents le souhaitent. Aujourd'hui…

JEFF WITTENBERG
Ça peut durer jusqu'à trois ans.

AURORE BERGE
Exactement. Mais la difficulté aujourd'hui, c'est surtout que très très peu de parents y ont recours ; pourquoi ? Parce que ces 429 euros d'indemnisation par mois. Résultat : il y a moins de 1% des pères qui y ont recours alors que, sans doute, il voudrait pouvoir passer les premiers mois de la vie de leur bébé, avec lui, à ses côtés et en fait, ils n'ont pas les capacités à le faire. Et on a beaucoup de femmes aussi qui nous disent « nous, on a pris un congé parental peut-être plus long que ce qu'on aurait souhaité réellement, parce qu'on n'avait pas de solution de garde pour notre bébé. » Donc c'est perdant – perdant ; ça ne fonctionne pas.

JEFF WITTENBERG
Donc quel est le projet ? Raccourci à combien et rémunérer à combien ?

AURORE BERGE
Moi, ce que je souhaite c'est que ce débat existe. J'ai vu qu'on avait un certain nombre de personnes qui, peut-être un peu par mauvaise foi, avaient critiqué ; mais aussi beaucoup de personnes qui l'ont soutenu. Il y a les sénateurs qui l'ont soutenu, il y a l'Union nationale des associations familiales qui soutient cette réflexion. Et l'idée c'est de se dire « rendons le plus attractif » c'est-à-dire faire en sorte qu'il soit mieux indemnisé. Parce qu'à la fin, on peut se cacher derrière son petit doigt, mais si on reste à 429 euros par mois, il y a beaucoup de familles qui ne pourront pas le prendre parce qu'en fait, elles ne pourront pas faire face financièrement pendant plusieurs mois ou plusieurs années avec cette somme.

JEFF WITTENBERG
Madame BERGE, vous dites « réflexion », est-ce que c'est une simple réflexion ? Est-ce que c'est un projet ? Olivier VERAN - le porte-parole du Gouvernement – disait hier qu'il n'y avait pas de projet à ce stade.

AURORE BERGE
Mais je souhaite justement le construire.

JEFF WITTENBERG
A quelle échéance ? Parce que ça intéresse des milliers de parents.

AURORE BERGE
Mais j'espère même, peut-être demain, des millions si on arrive justement à le rendre beaucoup plus attractif. Ce qui s'est passé, c'est que sous le quinquennat HOLLANDE, il y a une révision du congé parental. Il a été raccourci mais il n'a pas été mieux indemnisé. Résultat : on a deux fois moins de bénéficiaires du congé parental en dix ans, donc c'est un échec. C'est un échec, la politique familiale menée à l'époque par la gauche. Moi, je pense qu'on peut faire bien mieux.

JEFF WITTENBERG
Donc pour l'instant, réflexion et projet.

AURORE BERGE
Je veux qu'on lance cette réflexion, avec l'ensemble des professionnels de la petite enfance, avec les pédopsychiatres, avec les associations familiales pour faire en sorte qu'on ait quelque chose de plus attractif qui, à la fin, permet à plus de parents qui le souhaitent d'avoir plus de temps avec leurs bébés.

JEFF WITTENBERG
Alors, ministre des Familles, vous êtes aux deux bouts de la vie, on parlait de la petite enfance. Puisque vous chapeautez aussi le secteur des EHPAD, toujours secoué par le scandale ORPEA. Un rapport a été remis hier à la Première ministre qui dénonce les aides financières aux EHPAD qui sont jugés illisibles et surtout inéquitables. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce rapport remis par une députée socialiste ? Et qu'est-ce que vous voulez faire pour changer les choses là-dessus ?

AURORE BERGE
J'étais aux côtés de la Première ministre pour recevoir justement ce rapport. Il dit deux choses : la première c'est qu'il y a un fonds d'urgence qu'on va déployer pour les EHPAD et pour les services d'aide à domicile aussi ; 100 millions d'euros qu'on met sur la table. C'est l'Etat qui vient soutenir directement les familles, du coup, qui bénéficient évidemment des EHPAD et de l'aide à domicile.

JEFF WITTENBERG
Donc pour les résidents, pas pour les établissements ? 

AURORE BERGE
Pour les établissements, pour faire face parce qu'on a des établissements qui aujourd'hui sont dans le rouge et donc avec le risque, demain, de ne pas pouvoir faire face, et de risque de fermeture des lits. Mais ce qu'on dit aussi, c'est qu'on veut mettre en place département par département une analyse de ce qui se passe. On a, vous l'avez dit, un maquis. C'est quasiment impossible, en fait, pour les familles aujourd'hui de s'y retrouver entre les différents modèles des EHPAD (qu'ils soient privés, publics, associatifs), entre les différents types d'aide, la manière avec laquelle ça fonctionne ; personne ne s'y retrouve. Donc il faut qu'on réfléchisse sur le modèle économique de nos EHPAD pour qu'il soit beaucoup plus solide, il faut qu'on aille au bout aussi de la proposition de loi des parlementaires sur la question du bien vieillir parce qu'il y a notamment la question de la lutte contre la maltraitance. Et oui, il y a eu un fait extrêmement grave que vous avez rappelé avec le scandale ORPEA qui était d'abord de la malversation financière. Mais je veux à nouveau rendre hommage à toutes celles (parce que ce sont très souvent des femmes) qui travaillent auprès des personnes âgées parce que je crois que c'est très important aussi d'envoyer un message de confiance vis-à-vis des professionnels.

JEFF WITTENBERG
Aurore BERGE, vous parlez de la question du bien vieillir, il y a aussi la question de la fin de vie qui touche un jour toutes les familles, c'est un sujet évidemment extrêmement délicat. Le journal Le Monde croit savoir que le président MACRON va donner sa position d'ici à la fin de l'été. Les parlementaires et les soignants vont en parler début septembre. Quelle est votre position ? Vous êtes ministre des Familles et des Solidarités, sur cette question de la fin de vie, de l'aide active à mourir qui serait peut-être dans les projets du Gouvernement, disent encore nos confrères du Monde.

AURORE BERGE
Vous savez qu'il y a une convention citoyenne sur ce sujet qui a rendu un certain nombre de propositions avec le président de la République s'est engagé à apporter une réponse pour à la fois garantir la dignité évidemment de la fin de vie, garantir aussi plus de moyens pour les soins palliatifs parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas suffisamment de moyens, il y a beaucoup d'iniquité en fonction des territoires sur l'accès aux soins palliatifs. Et après on verra…

JEFF WITTENBERG
Est-ce qu'il faut aller vers l'aide effective à mourir qui existe dans de nombreux pays comme par exemple la Belgique ou la Suisse ?

AURORE BERGE
Moi, ce que je souhaite, en tant que ministre des Familles et des Solidarités, moi j'ai aussi la question des plus vulnérables, la question des personnes en situation de handicap. Moi, ce que je demande, c'est déjà beaucoup de respect, beaucoup d'humilité dans le cadre de ce débat et que ce débat ne devienne pas le procès de ceux qui sont les plus fragiles et les plus vulnérables dans notre société. Et après, il y aura un temps de débat, un temps de débat.

JEFF WITTENBERG
Mais vous avez une position personnelle ?

AURORE BERGE
Moi, cette position, en vérité, elle sera forgée au cours du débat à l'écoute des familles qui demandent peut-être un accompagnement plus actif, comme vous l'avez dit, à l'écoute des soignants qui sont en première ligne et qui doivent être, devront pouvoir y répondre.

JEFF WITTENBERG
Alors, dans votre portefeuille il y a les solidarités, bien sûr et le Pacte des Solidarités qui devait être présenté cet été. Ce sera dans quelques semaines et dans ce pacte il y a un volet qui intéresse beaucoup encore une fois les familles et pour des raisons heureuses cette fois-ci : ce sont les départs en vacances. Il y a beaucoup de familles, plus que beaucoup puisqu'il y a plus d'une famille française sur deux qui n'a pas pu envoyer ses enfants en vacances au cours des cinq dernières années. Est-ce qu'il y a dans vos cartons une réponse à cette inégalité très forte ?

AURORE BERGE
On a à peu près un enfant sur quatre aujourd'hui qui ne part pas en vacances et vous savez, quand on arrive le premier jour de la rentrée scolaire, la première question que les enfants se posent c'est : « Qu'est-ce que tu as fait pour les vacances ? », et quand on n'a rien à dire, c'est très difficile, c'est même douloureux pour beaucoup de nos enfants. Donc il y a déjà ce qu'on fait, c'est à peu près 200 000 enfants, que chaque année, on a des aides individuelles de la CAF qui sont faciles à obtenir, je le dis aux familles. Donc, on les accompagne, il y a les vacances apprenantes, moi, je souhaite qu'on aille plus loin sur la question des colos. La colo aujourd'hui, malheureusement, les Français…

JEFF WITTENBERG
Les colonies de vacances connaissent un déclin depuis de nombreuses années…

AURORE BERGE
Les Français y ont de moins en moins recours alors que c'est formidable. Alors, on a tous des souvenirs de nos colos parce que ça crée des souvenirs collectifs, parce que c'est de la mixité sociale, parce que c'est l'accès aussi à la nature, au sport, à la culture et puis surtout parce qu'on rencontre des gens qui sont différents de nous. Donc, ce qu'on souhaite mettre en place, dès 2024, c'est que pour 80% des enfants à peu près parce que ce sera pour les familles jusqu'à 4 000 euros de revenus, ça veut dire non seulement des familles avec des revenus modestes et aussi beaucoup de familles de classe moyenne qui bossent mais qui n'arrivent pas malgré tout à envoyer leurs enfants en vacances, il y a un Pass Colo qu'on va créer, très simple d'utilisation.

JEFF WITTENBERG
Un Pass Colo ?

AURORE BERGE
Un Pass Colo ? Qui dit bien son nom et qui sera doté de 200 à 350 euros par enfant et qui vous permettra d'envoyer votre enfant en colo grâce à nos CAF qui sont très identifiées dans chacun de nos départements. Et en gros, l'idée, c'est de toucher…

JEFF WITTENBERG
Mais c'est quelque chose que vous ne pouvez pas mettre en place maintenant ? Ce sera pour l'été prochain ?

AURORE BERGE
Il y a déjà tout ce qui existe aujourd'hui. Et encore une fois, c'est de le renforcer, ça fait partie parce tout ce qu'on va annoncer avec la Première ministre début septembre sur le pacte des Solidarités mais ce Pass colo, encore une fois, c'est de se dire : « On va créer des souvenirs collectifs, on va permettre aussi à beaucoup plus de nos enfants de partir en vacances parce que quand vous prenez les revenus jusqu'à 4 000 euros au sein d'un foyer, ça fait 80 % de nos enfants qui pourraient y avoir accès.

JEFF WITTENBERG
Et c'est ce que vous annoncez ce matin. Comment, sur le plan politique, vous interprétez votre nomination ? Votre prédécesseur, Jean-Christophe COMBES, avait été président de la Croix-Rouge. Il était très compétent et très au fait de ces questions de Solidarité. Vous l'avez remplacé parce que vous êtes plus visible politiquement. On dit que c'est un peu la fin de la société civile dans ce Gouvernement remanié ? Vous souscrivez à cette analyse ? 

AURORE BERGE
J'ai eu la chance d'être parlementaire pendant six ans, de porter ces sujets sur la lutte contre le non-recours aux droits, sur la question des droits des femmes et des droits des familles. Et l'idée c'est évidemment de continuer à le porter ici parce que le ministère des Solidarités et des Familles, vous l'avez dit, regardait tous les champs qui existent…

JEFF WITTENBERG
Et globalement. 

AURORE BERGE
Et qui sont au coeur du quotidien des Français, de la petite enfance aux personnes âgées, les personnes en situation de handicap.

JEFF WITTENBERG
Ce sont les sujets dont on a parlé ce matin. 

AURORE BERGE
La lutte contre la pauvreté, l'automne. Ce sont des champs qui sont absolument essentiels. Donc moi, mon objectif, c'est de faire connaître ce qu'on fait et surtout de faire mieux pour nos familles.

JEFF WITTENBERG
Mais d'aller aussi ferrailler au Gouvernement ; vous présidiez il y a encore quelques jours. C'est Sylvain MAILLARD qui vous a remplacé hier à la tête du groupe Renaissance. Ce groupe avec toutes les péripéties parlementaires qu'on a connues, les 49.3 ; il s'en prépare sans doute pour la rentrée. On vous a demandé d'être plus combative, plus politique ? Le porte-parole, encore une fois, du Gouvernement le reconnaissait ici même, la semaine dernière. 

AURORE BERGE
En tout cas, je crois être combative et j'espère surtout mettre cette force de combat, encore une fois, au service des Solidarités et au service des familles de notre pays. Le ministère a d'ailleurs été renommé « ministère des Solidarités et des Familles », et je crois que c'est extrêmement important pour l'ancrer vraiment dans le quotidien des Français.

JEFF WITTENBERG
Une toute dernière question, réponse rapide : la Première ministre - Elisabeth BORNE - a dit hier que c'étaient des fables, les bisbilles supposées entre le Président et elle. Vous confirmez ? Il n'y a pas de friture sur la ligne entre les deux. 

AURORE BERGE
Ce que je sais c'est, vous avez, le Président de la République est libre de ses choix et qu'il a fait le choix justement de reconduire Elisabeth BORNE, Première ministre, et que je suis très fière d'être là la ministre du Président de la République et de la Première ministre.

JEFF WITTENBERG 
On vous a entendu ce matin. Merci beaucoup Aurore BERGE. 

AURORE BERGE 
Merci à vous.

JEFF WITTENBERG
Ministre des Solidarités et des Familles.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2023