Texte intégral
Je vous remercie de votre accueil. Le 20 juin dernier, j'ai pu présenter au Sénat les enjeux de ce Conseil européen et suis ravie de vous retrouver très rapidement pour vous rendre compte des principaux résultats obtenus et de la teneur des discussions.
Comme vous l'avez mentionné, la première partie du Conseil européen a été axée sur la situation en Ukraine et, en particulier, sur les questions de défense et de sécurité. Nous avons d'abord préparé les réunions des 11 et 12 juillet à Vilnius avec le Secrétaire général de l'OTAN. Lors de ces discussions, les Etats membres se sont engagés collectivement à ce que l'Union européenne puisse contribuer à la sécurité future de l'Ukraine en l'aidant à se défendre sur le long terme. L'objectif est évidemment de fournir un soutien et des garanties suffisamment solides pour dissuader toute agression ou tentative de déstabilisation de manière pérenne : le Président de la République avait évoqué ce point dans son discours de Bratislava le 31 mai dernier.
Ensuite, toujours sur l'Ukraine, la discussion a porté sur la livraison de matériels militaires. Comme vous le savez, il s'agit de répondre aux besoins des Ukrainiens sans pénaliser les nôtres : c'est dans ce sens que le Président de la République a souligné la nécessité de passer à une économie de guerre. Les chefs d'Etat ou de gouvernement souhaitent ainsi renforcer les capacités de production de l'industrie de défense européenne, en particulier à travers des achats conjoints prévus par le projet EDIRPA (European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act). Vous avez également mentionné, à juste titre, le projet de soutien à la production de munitions et de missiles (ASAP) qui vise à préserver les compétences nationales et les intérêts de nos industries. Par ailleurs, les chefs d'Etat ou de gouvernement ont demandé à la Commission de présenter des propositions concrètes d'ici la fin de l'année dans le cadre du programme européen d'investissement dans le domaine de la défense (EDIP).
L'examen de ce volet militaire nous a amenés à convenir de façon unanime que la stabilité de notre continent ne sera durablement assurée que lorsque nous aurons une famille européenne unie. Comme vous l'avez mentionné, lors du Conseil européen, des entretiens ont porté sur les progrès de l'Ukraine et de la Moldavie dans leur cheminement vers l'adhésion à l'Union européenne. Il a également été question de la nécessité de transformer l'Union européenne en prévision de l'arrivée de nouveaux Etats membres. Le petit-déjeuner en marge du Conseil européen, qui a retenu votre attention, a effectivement été l'occasion d'une réunion informelle visant à discuter de la meilleure manière de réussir l'adhésion des pays candidats et du soutien dont ils pourraient avoir besoin, notamment pour garantir durablement le respect de l'Etat de droit. Nous avons également évoqué les transformations nécessaires au sein de l'Union européenne en matière de politique, de budget et de gouvernance. D'autres réunions suivront. Tout d'abord, le groupe de travail franco-allemand mis en place avec mon homologue allemande devrait rendre ses conclusions - ou ses options - en septembre. Ensuite, il y aura le discours sur l'état de l'Union ainsi que le Conseil européen informel de Grenade, où le rapport sur l'élargissement sera officiellement présenté ; la décision d'ouvrir ou pas les négociations portant sur l'adhésion doit intervenir en décembre prochain.
J'en viens au très large volet économique traité lors de cette réunion du Conseil européen, dans le prolongement des décisions prises en février et mars sur les enjeux de compétitivité et de sécurité économique. Je propose de vous rendre compte des trois principaux piliers de ces discussions en commençant par la réforme du marché de l'électricité. Cette dernière est essentielle pour favoriser des prix plus bas et plus stables, tout en continuant d'investir dans des sources décarbonées. Le Conseil européen a décidé d'un calendrier ambitieux pour achever les négociations sur cette réforme le plus vite possible, avant la fin de l'année, afin de donner de la visibilité aux ménages ainsi qu'aux entreprises. La France continue d'être très attentive à la neutralité technologique entre les différentes sources d'énergies décarbonées, comme nous y avait invité la résolution du Sénat du 19 juin dernier.
En deuxième point, nos discussions ont porté sur la réforme des règles budgétaires qui sera évidemment importante pour encourager les investissements nécessaires à la transition écologique ou numérique et pour alimenter une croissance durable. Il s'agit également d'assurer la soutenabilité de nos finances publiques et, là aussi, les discussions sont encore en cours. Enfin, le troisième thème évoqué a été celui de l'accélération de la réindustrialisation du continent. L'idée est ici de préserver notre leadership dans l'innovation et, à ce titre, nous avons passé en revue certaines thématiques comme le cadre temporaire relatif aux aides d'Etat, le règlement européen sur les semi-conducteurs, le règlement sur les matières premières critiques et la législation sur l'industrie à zéro émission nette. Nous voulons promouvoir un choc de simplification, une réduction de la bureaucratie européenne ainsi qu'une politique industrielle moderne ciblée sur les secteurs stratégiques créateurs de croissance et d'emploi, tout en renforçant notre souveraineté technologique dans la décarbonation. Enfin, en complément de l'assouplissement des aides d'Etat, nous avons demandé plus de flexibilité ainsi qu'un Fonds de souveraineté européen pour les pays qui ont des marges de manoeuvre budgétaires limitées, de façon à éviter une fragmentation de l'Union européenne. Il nous a fallu beaucoup insister sur ce point pour que la Commission présente une proposition de fonds destinée à financer les investissements stratégiques dans l'ensemble de l'Union européenne.
Dans le domaine de la souveraineté, nos débats ont également concerné le secteur de la santé avec l'impératif d'assurer la production de médicaments essentiels sur le sol européen afin de prévenir les pénuries, ce sujet étant particulièrement sensible en France. En s'inspirant de la stratégie suivie en matière de puces électroniques, l'Union européenne - soucieuse de se montrer attentive à la vie quotidienne des citoyens - va se fixer des objectifs de production de médicaments et se doter des instruments nécessaires pour les réaliser.
S'agissant de la sécurité économique européenne et des problématiques liées, entre autres, à la Chine, il s'agit d'abord de protéger le marché intérieur contre la concurrence déloyale, d'exiger la réciprocité en matière d'ouverture des marchés publics, de nous prémunir contre l'achat d'entreprises stratégiques sur notre sol ou d'investissements qui nuiraient à notre souveraineté. Cela concerne par exemple la protection des données que nous produisons ainsi que la réglementation des transferts de technologies pour consolider l'indépendance de l'Union européenne.
Au-delà de ce volet économique, les chefs d'Etat ou de gouvernement ont consacré une partie importante de leurs échanges à la question des migrations. Pour porter un jugement équilibré, il faut reconnaître que nous avons réalisé beaucoup de progrès en ce qui concerne la dimension interne des migrations, avec l'accord qui a été trouvé sur les deux textes majeurs du Pacte Asile et Migration. Les discussions qui n'ont pratiquement pas progressé pendant dix ans ont finalement été débloquées sous la présidence française de l'Union européenne : traitant d'un sujet difficile, ces deux textes sont importants car ils renforcent les frontières extérieures, accélèrent le traitement des demandes d'asile et assurent notre sécurité. Cependant, comme vous l'avez signalé, les discussions entre les chefs d'Etat ou de gouvernement n'ont pas abouti à des conclusions consensuelles sur la question migratoire. C'est regrettable, car ce thème doit être abordé collectivement par les 27 Etats membres, aucun ne pouvant à lui seul faire face aux enjeux. Nous demeurons résolus à parvenir à conclure le Pacte Asile et Migration sous la présidence espagnole. Je rappelle qu'un nombre restreint de pays souhaitent continuer à débattre d'un accord qui convient à la majorité. Pour notre part, nous estimons qu'il s'agit de textes équilibrés qui prennent en compte la gestion des frontières extérieures, la situation des pays de première entrée et de ceux qui préfèrent, compte tenu de leurs capacités d'accueil limitées, opter pour des contributions financières.
Sur la dimension externe des migrations, les chefs d'Etat ou de gouvernement se sont engagés à poursuivre les travaux en s'efforçant de reproduire les progrès effectués avec la Tunisie à d'autres pays de la région.
J'en termine en abordant les relations extérieures de l'Union européenne. Comme vous le savez, beaucoup de discussions ont porté sur notre relation avec la Chine. Nous souhaitons d'abord qu'elle joue un rôle plus constructif dans le cadre de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine, ensuite que nos échanges économiques soient plus équilibrés sans nuire à nos intérêts stratégiques, en particulier s'agissant de notre sécurité économique. Enfin, nous voulons nous assurer que la Chine continue de jouer son rôle sur les grands enjeux mondiaux comme le climat et la protection contre les pandémies.
Nous avons également échangé sur le règlement de la question chypriote et les tensions entre le Kosovo et la Serbie, essentiellement, pour appeler chaque partie à respecter les accords qu'elles ont approuvés et surtout à les mettre en oeuvre : c'est là que réside le blocage et nous devons réduire les tensions qui menacent de s'installer. Nous avons aussi évoqué la préparation du sommet qui aura lieu en juillet entre les pays d'Amérique latine et des Caraïbes et l'Union européenne.
Enfin, en réponse à votre remarque, j'ai rencontré en Allemagne le président Frank-Walter Steinmeier qui a parfaitement compris les raisons du report de la visite d'Etat et se réjouit de sa toute prochaine reprogrammation.
(...)
R - Merci pour ces très intéressantes questions qui appellent les précisions suivantes.
Tout d'abord, s'agissant des migrations, il est paradoxal que les pays comme la Pologne et la Hongrie ne parviennent pas à un accord sur le pacte européen alors que ce sujet devrait être au fondement de leur convergence. Nous allons donc poursuivre les discussions, au cours des trilogues, et je confirme que l'intérêt des 27 est vraiment de parvenir à un accord sur ce Pacte asile et migration pour lequel une avancée décisive a été obtenue, dix ans après le blocage initial. Bien entendu, le Conseil européen n'est pas le lieu approprié pour mener à bien les négociations lorsqu'elles s'enlisent et il faut les reprendre à d'autres niveaux. Je me tiendrai à votre disposition pour vous informer des avancées de ces discussions.
En ce qui concerne la dimension externe des migrations, l'idée est bien d'aboutir à des résultats positifs avec la Tunisie comme avec d'autres Etats tiers : vous savez que les discussions en cours visent à parvenir à un équilibre, avec une aide au développement proposée par l'Union européenne sous conditions, comme c'est toujours le cas. Le même schéma s'appliquera aux autres pays avec lesquels nous sommes en train de travailler et je peux vous assurer qu'il y a une étroite coopération entre l'Union européenne et tous les Etats membres dans ce domaine. Je rappelle que la Présidente de la Commission européenne s'est rendue en Tunisie avec le Premier ministre hollandais et la Présidente du conseil italien. De plus, notre ministre de l'Intérieur et son homologue allemand ont également l'intention de mener des actions conjointes. Par conséquent, nos actions sont coordonnées et concertées et il est évidemment dans notre intérêt qu'il en soit ainsi, pour éviter de tomber dans un piège où certains pays pourraient nous instrumentaliser.
J'en viens aux quatre questions soulevées par le sénateur Didier Marie. La première concerne les décisions prises à l'unanimité. Je rappelle que nous plaidons en faveur d'ajustements dans la gouvernance européenne permettant d'étendre le périmètre des décisions prises à la majorité qualifiée. Pour l'instant, nous ciblons le domaine humanitaire et celui des missions civiles, tout en préservant le caractère national des prérogatives relevant des affaires étrangères. Ces problématiques devront faire l'objet de discussions dans le cadre d'une réforme de l'Union européenne et d'une transformation de sa gouvernance, en prévision de l'élargissement et aussi pour garantir un fonctionnement plus fluide.
S'agissant de la pause réglementaire dans le domaine environnemental, la position de la France est très claire : nous voulons pleinement appliquer les règlements prévus dans le cadre du Pacte Vert. Notre objectif est bien de réduire les émissions de 55% d'ici 2030 et d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, comme l'a confirmé le Président de la République. Je rappelle ici que l'Europe est la région du monde la plus avancée en matière de transition énergétique et écologique. Dans ce contexte, notre volonté est d'évaluer l'impact des normes qui ont été adoptées, d'accompagner ceux qui en ont besoin et faciliter les soutiens financiers nécessaires à la transition. Il ne s'agit pas de céder à la surenchère réglementaire, mais plutôt de mettre en oeuvre les normes existantes en les assortissant de financements appropriés. Le fonds de souveraineté, sur lequel je reviendrai, se présente comme un commencement pour abonder les financements utiles à la transition et je mentionne également les fonds sociaux dont le total avoisine 80 milliards d'euros.
Je précise que la réponse à l'IRA ne se limite pas au fonds de souveraineté puisqu'elle se compose de trois éléments. Le premier est la simplification des règles et des procédures relatives aux aides d'Etat avec un abaissement des seuils pour accélérer le traitement des projets. Ensuite, l'IRA se caractérise par sa simplicité et nous devons, pour y répondre au niveau européen, réduire la bureaucratie de manière significative : il s'agit de réduire de deux ans à six mois les processus d'autorisation. Enfin, le fonds de souveraineté vise à éviter que certains pays ne commettent des erreurs en accordant des aides d'Etat massives au détriment des autres pays européens car ce n'est pas le moment de se livrer à une concurrence destructrice. Lors du Conseil européen de février, le Président de la République a présenté l'ensemble des financements potentiels comme une réponse d'un montant équivalent à 400 milliards d'euros, ce qui correspond aux fonds mis à disposition aux Etats-Unis. Cela se traduit concrètement, par exemple, dans les annonces du ministre Bruno Le Maire à propos des usines de fabrication de batteries à hydrogène qui nécessitent des investissements de plusieurs milliards d'euros, des projets similaires étant prévus en Allemagne.
Concernant le Mercosur, je peux vous assurer en premier lieu que le sommet UE/CELAC (Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes) ne débattra pas uniquement de ce sujet et ensuite que la position de la France reste claire et inchangée : il ne peut pas y avoir d'accord commercial qui ne soit d'abord stratégique, avec de la réciprocité et le respect des accords de Paris ainsi que des normes environnementales et sociales européennes, y compris en matière de déforestation. De plus, nous sommes opposés à la division des accords commerciaux : c'est une ligne rouge à ne pas franchir pour la France car le Parlement français doit avoir son mot à dire, surtout après la résolution qui a été adoptée le 13 juin par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les ressources propres de l'Union européenne, vous avez raison de souligner que beaucoup reste à faire et le marché carbone ne suffira pas à couvrir les dépenses. Nous l'avons dit à la Commission européenne et attendons des propositions dans les mois à venir. La France souhaite également mieux comprendre l'initiative prise au niveau européen sur une éventuelle taxe sur les entreprises.
S'agissant du règlement portant sur l'action de soutien à la production de munitions (ASAP), et en particulier son article 13 sur lequel vous vous interrogez, je peux vous assurer que nous ne fournirons jamais à la Commission européenne des informations auxquelles le Parlement français n'aurait pas accès. Je précise qu'ont été écartées les dispositions que vous avez mentionnées, à savoir, tout d'abord, le dispositif de cartographie des vulnérabilités dans les chaînes d'approvisionnement, ensuite la possibilité pour la Commission de prioriser des commandes provenant de pays tiers et enfin les dispositions allégeant le contrôle des exportations. Nous allons à présent pouvoir procéder au trilogue sur ce texte ainsi amendé.
Je vous indique également que la France continuera résolument à défendre les intérêts de sa base industrielle de défense et à privilégier le développement de l'industrie de défense européenne à partir de nos capacités existantes. Les financements européens doivent soutenir les structures de production européennes ainsi que les achats européens.
(...)
R - Je répondrai tout d'abord en trois points à la question de la vice-Présidente Pascale Gruny sur les élections européennes et l'élargissement. Premièrement, je rappelle les étapes et le calendrier pour prendre des décisions d'ouverture -et non pas de fermeture - des négociations : un rapport sera rendu en octobre prochain par la Commission européenne sur les progrès réalisés pour remplir les conditions nécessaires à l'ouverture de ces négociations, suivi d'une décision qui devrait être prise en décembre. L'objectif est de renforcer les procédures destinées aux Etats candidats pour les rendre plus rapides et surtout plus fiables. Simultanément, il s'agit aussi de renforcer les procédures de transformation de l'Union européenne pour garantir la solidité de ses institutions. Enfin, je rappelle qu'aucune décision de ce type n'est prise sans consultation des parlements et éventuellement des populations.
En ce qui concerne le paquet pharmaceutique, les médicaments et les données de santé, je souligne avant tout que nous avons suivi attentivement les débats sur la proposition de résolution que votre commission a adoptée hier : je reste à votre disposition pour discuter des propositions que vous avez formulées puisque, comme vous le savez, nous élaborons la position française vis-à-vis de l'Union européenne à partir des positions des parlementaires et des discussions en interministériel. Votre contribution est donc essentielle.
Par ailleurs, la décision de relocaliser les entreprises relève de chaque Etat, et nous sommes en train de relocaliser au moins deux usines de production de médicaments sur notre territoire. En parallèle, le Conseil européen a invité la Commission à proposer une initiative sur des mesures urgentes permettant d'assurer une production et une disponibilité suffisantes en Europe des médicaments les plus critiques. Nous allons étudier ce sujet et je reste à votre disposition pour en discuter.
En ce qui concerne les travailleurs des plateformes, le dossier avance et les trilogues sont ouverts dans le prolongement de l'accord trouvé au Conseil le 12 juin 2023. Il s'agit d'améliorer les conditions de travail et les droits sociaux des personnes qui travaillent via une plateforme en instituant un cadre commun au niveau de l'Union. Je précise que nous visons à mieux protéger les travailleurs des plateformes tout en préservant la liberté des indépendants, qui sont nombreux en France. Dans les trilogues, nous veillerons à maintenir cet équilibre ainsi que le principe de présomption de salariat dont j'imagine qu'il vous préoccupe particulièrement.
Par ailleurs, ce n'est pas un mystère que l'Espagne attache beaucoup d'importance au Mercosur en raison d'enjeux stratégiques comme les importantes réserves de lithium dont disposent les pays concernés et tout particulièrement le Chili. Cependant, il est également important pour nous d'avoir des mesures "miroir" de réciprocité. Lorsque nous demandons à nos agriculteurs de respecter des normes, nous devons également garantir que nos partenaires les respectent. Le traité que nous avons signé avec la Nouvelle-Zélande me paraît un modèle exemplaire et constitue notre nouveau référentiel en matière d'accords commerciaux.
En réponse à la question du vice-Président Pierre Laurent sur les garanties de sécurité, trois points méritent d'être soulignés. La première composante de cette garantie renvoie à la question de la pérennisation de la facilité européenne pour la paix (FEP) qui permet de fournir des équipements et des munitions : cela représente environ 5 milliards par an pour l'Union européenne et le dispositif est complété par un engagement des Américains. De plus, l'objectif de former 30.000 soldats ukrainiens sur le sol européen d'ici la fin de l'année avait été fixé et il faut poursuivre cette forme d'aide. Enfin, il y a le renforcement des capacités de production d'armements que nous avons évoqué précédemment. Vous avez sans doute noté que l'Estonie a fait une proposition en la matière et nous l'avons examinée favorablement. Il s'agit de créer une économie de guerre durable avec un impact dissuasif important pour les puissances hostiles.
En ce qui concerne les médicaments, la réindustrialisation, la souveraineté et les mesures de financement, je rejoins vos propos. Sachez que la France a beaucoup insisté pour que la Commission aille plus loin, à la fois sur les aides d'Etat, la flexibilité dans l'utilisation des financements et le fonds de souveraineté. Votre question s'inscrit néanmoins dans une perspective plus longue, qui doit prendre en compte les investissements dans la défense, la transition énergétique et numérique ainsi que la reconstruction de l'Ukraine. Pour couvrir les financements importants que cela implique, nous comptons sur l'augmentation des ressources propres de l'UE et éventuellement sur un nouvel emprunt commun pour faire face à ces transitions.
Comme vous l'avez suggéré, Chypre demande que l'Union européenne s'implique davantage et l'a mentionné lors du Conseil européen alors que nous entrons dans une nouvelle période ouverte par les élections qui ont eu lieu à la fois à Chypre et en Turquie. Le vice-Président de la Commission européenne Josep Borrell s'est dit prêt à faciliter les échanges - avec toute la prudence requise - mais il est dans notre intérêt que ce sujet soit traité au niveau européen.
S'agissant de la réforme de l'électricité, je rejoins vos propos sur plusieurs points. Tout d'abord, la neutralité technologique est extrêmement importante : nous le soulignons à chaque texte ou discussion portant sur l'énergie, qu'il s'agisse de la réforme du marché de l'électricité, de la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) ou encore du Net-Zero Industry Act. Nous respecterons les choix énergétiques de nos partenaires européens et nous attendons qu'ils respectent les nôtres. Comme vous l'avez mentionné, l'enjeu concerne à la fois les prix et la visibilité, qui sont des piliers de la compétitivité européenne. Le mécanisme ibérique prendra fin à la fin de l'année, et l'ARENH en 2025. Les discussions techniques portent désormais sur les contrats pour la différence (CfD). J'y vois des marges de négociation qui nous permettront de fixer des prix stables reflétant les investissements que nous avons réalisés dans le passé, pour lesquels nous ne devons pas payer deux fois. En même temps, ces prix doivent prendre en compte la nécessité d'investir davantage.
(...)
R - Monsieur le président, merci de m'avoir indiqué ce communiqué qui s'ajoute aux déclarations du Commissaire européen chargé de la Justice. Je vais être très claire à ce sujet : j'ai commenté ce matin à la radio les propos de M. Didier Reynders en soulignant qu'il n'est pas de son ressort ni de celui de la Commission européenne de s'intéresser à la façon dont la France gère ses forces de l'ordre. Le rapport sur l'Etat de droit publié hier par la Commission européenne n'évoque pas la question des forces de l'ordre et il n'y a pas de racisme systémique dans la police, comme l'a souligné le ministre Gérald Darmanin ainsi que plusieurs autres membres du Gouvernement. On ne doit pas tirer une généralité des actions d'une personne ou d'un acte qui sont soumis aux lois de la République. Personne n'échappe à la justice en France, que ce soient les citoyens ou les agents de police. Quant à l'Agence européenne des droits fondamentaux, je vais examiner de près les propos rapportés et réagir si besoin.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2023