Texte intégral
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Et nous sommes donc avec Sarah EL HAÏRY, nouvelle secrétaire d'Etat à la Biodiversité. Bonjour.
SARAH EL HAÏRY
Bonjour.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
La biodiversité française qui souffre notamment l'été quand les incendies se multiplient. Plusieurs feux ce week-end à la frontière avec la Catalogne espagnole, à Rognac près de Marseille, les Bouches-du-Rhône qui - on le rappelle - étaient placés en alerte rouge. Est-ce que, selon vous, cette météo des feux de forêt qui est une nouveauté cette année, est-ce que ça marche ?
SARAH EL HAÏRY
Effectivement, la forêt est notre meilleur allié contre le changement climatique. Parce que d'abord, ça capte le carbone et ça le stocke. C'est un réservoir extrêmement précieux de biodiversité, mais la forêt qui met cent ans à pousser peut brûler en quelques heures. Et notre responsabilité collective est d'autant plus grande. D'abord les météos des forêts qui ont été mis par le Gouvernement, accessibles. Et d'ailleurs, j'invite tout le monde à regarder quel est le risque, le degré de risque autour de soi : faible, modéré, élevé ou très élevé, département par département. Mais on ne peut pas parler d'incendie sans saluer évidemment les soldats du feu puisque ce sont plus de 500 pompiers professionnels supplémentaires qui ont été impliqués face aux sept nouvelles colonnes de renforts, neuf avions et des hélicoptères supplémentaires. Bien sûr, ce sont d'abord des actions de mobilisation mais chacun a une capacité d'agir. Et j'invite, évidemment, chaque citoyen à adopter les comportements les plus responsables et que la grande majorité des départs de feux sont dus à des actions humaines. Donc ne pas fumer en forêt, bien sûr, toujours. Quand on est proche d'une forêt, on fait attention, on ne jette pas ses mégots. Et tout ça, bien sûr, ça permet de protéger nos forêts mais en réalité de protéger plus largement des vies. Puisqu'on sait, malheureusement, combien ça peut coûter à nos pompiers. Et l'expression " soldat du feu " n'a jamais été aussi longtemps.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Est-ce qu'il faut aller plus loin dans la répression, Sarah EL HAÏRY ? Est-ce que, je ne sais pas moi... Un jet de mégot, c'est 135 euros d'amende. Est-ce que c'est suffisant ou est-ce qu'il faut augmenter les amendes ?
SARAH EL HAÏRY
Vous savez, aujourd'hui un départ de feu par négligence, c'est d'abord un délit. Ça veut dire que c'est un an de prison et 15 000 euros d'amende en cas de violation involontaire. Parce qu'il y a eu un comportement qui n'a pas respecté les règles. Deux ans de prison, 30 000 euros d'amende si c'est une violation manifeste, c'est-à-dire que si vous savez pour le fait, vous jetez volontairement votre mégot. Trois ans de prison et 45 000 euros d'amende en cas d'incendie de bois, de forêt ou encore de maquis. En réalité, c'est ce qui enclenche des feux. Dix ans de prison et 150 000 euros d'amende en cas de la mort d'une personne dans cet incendie. Je vous assure que la question de punition est lourde.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Il faut le répéter, il faut le marteler tout ça ? Pour continuer dans la prévention, il faut multiplier les messages ?
SARAH EL HAÏRY
1 000 fois oui. Mais plus que jamais, j'en appelle évidemment au civisme. Je veux dire que quand une forêt brûle, c'est au-delà de la biodiversité qu'il y a autour qui brûle, au-delà de la vie des pompiers qui est en danger, c'est une mise en danger de villages entiers, de notre patrimoine naturel, le culturel. C'est notre pays en fait qui prend... qui a des conséquences dramatiques. Et tout le monde a une possibilité d'agir. Et c'est pour ça que plus que jamais, au-delà de la mobilisation du Gouvernement pour faire reculer les incendies ; aujourd'hui, nous avons besoin… parce qu'il y a un risque élevé, parce que c'est aussi le changement climatique. Il y a trois origines qui peuvent être... qui mettent en risque supplémentaire ; ça s'appelle la règle des trois 30 : un taux d'humidité qui est inférieur à 30 degrés, une température supérieure à 30 degrés et des vents qui dépassent les 30 kilomètres/heure. Eh bien, tout ça, avec le réchauffement climatique plus, malheureusement, le comportement d'incivilité provoque des drames. Et pour le coup, on le voit tout autour de nous ; en Grèce, vous l'avez rappelé, en Corse, en Algérie, en Sicile, partout, il y a ce dôme de chaleur qui provoque des incendies monstres.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
On a compris le message sur les incendies. Sarah EL HAÏRY, le Gouvernement a dévoilé sa Stratégie nationale biodiversité récemment. L'objectif, c'est d'enrayer l'effondrement du vivant. On le rappelle, 2 700 espèces sont menacées en France. Ça passe par quoi concrètement ? J'insiste sur le concrètement.
SARAH EL HAÏRY
Très concrètement, je vous l'accorde, la Stratégie nationale biodiversité, c'est une politique d'ampleur qui va avoir un financement d'ampleur d'abord ; c'est un milliard d'euros pour 2024. Pourquoi ? Parce que c'est 39 actions. Donc des moyens inédits pour des réponses inédites. Et pourquoi on le fait ? Parce que la planète va mal et l'homme en est responsable en grande partie. Et ça, c'est un fait scientifiquement établi. Des conséquences quotidiennes pour nous d'abord, être humain, et à côté de ça, un effondrement de notre biodiversité. Quand on dit biodiversité, parfois on ne sait pas exactement de quoi on parle. On parle évidemment des animaux, des insectes, des plantes, de tout ce qu'il y a autour de nous. Et sur certains territoires, ça donne une sécheresse très forte, des tempêtes régulières. Et donc l'effondrement de cette biodiversité c'est aussi (et parfois on l'oublie), vous savez des services rendus gratuitement à notre société. Je pense évidemment aux abeilles qui vont polliniser et faire qu'il y ait des fruits et des légumes sur nos tables. Eh bien, leur disparition fait que ça ne marche pas.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Donc, quelles actions pour justement sauvegarder cette biodiversité ?
SARAH EL HAÏRY
Le cap, il est d'abord très clair, d'abord on stoppe puis on inverse l'effondrement du vivant. Les actions, elles sont diverses, mobilisation des citoyens, des associations, des entreprises, on réduit les cinq pressions sur la biodiversité, c'est-à-dire qu'on arrête, on diminue l'artificialisation des stocks parce que ça fait de la perte des espaces naturels. On réduit les pollutions, on lutte contre les espèces exotiques envahissantes, on lutte contre changement climatique…
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Vous dites, on lutte contre l'artificialisation des sols, est-ce que ça veut dire par exemple, vous allez renoncer à certains projets d'infrastructures ? Je ne sais pas moi, je pense à l'autoroute entre Castres et Toulouse ou à la ligne de train entre Lyon et Turin ?
SARAH EL HAÏRY
Vous savez l'artificialisation des sols, c'est une discussion qui se fait avec les élus locaux dans les territoires au plus proche. Ça, c'est notre méthode, parce que protéger la planète, protéger notre patrimoine naturel et la nature autour de nous ne se fait pas par l'injonction. Par contre, ce qui est certain, c'est qu'il faut arrêter de surexploiter les ressources et pour ça, on accompagne mais secteur par secteur, on divise par… On réduit de 10% la consommation d'eau des secteurs qu'on consomme le plus, on restaure de la nature là où elle était abîmée. Et je vous donne un exemple très concret qui va toucher des millions d'enfants dès la rentrée : on va par exemple porter la renaturation dans les cours, dans les cours d'école je parle, c'est-à-dire ramener en réalité de la biodiversité, je le disais, des arbres. Quand on met des arbres dans les villes, ça donne quoi ? Ça donne des îlots de fraîcheur pour lutter contre les grandes canicules. Et donc, pour des exemples aussi concrets, nous avons besoin évidemment du soutien des collectivités mais aussi d'ambition extrêmement forte et c'est ce que pose la stratégie nationale biodiversité parce que si on ne se donne pas ces moyens-là aujourd'hui, c'est simple, on va voir continuer, se dégrader notre nature, notre planète, alors même, que c'est ce qu'on a de plus précieux. Mais il n'y a pas que ça, objectif 30% d'aires protégées qui ont déjà été atteint, 10% sous protection forte avec 5% des mers, je pense à l'objectif de 100% des communes littorales engagées dans une démarche, un exemple très concret, plages sans plastique d'ici 2030 ou encore parce que si on protège cette planète, c'est pour nos enfants, passer de 1 000 à 18 000 aires éducatif d'ici 2030, puisque c'est pour eux, alors il faut accompagner aussi la plus jeune génération à prendre soin de cette planète.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Il faut qu'on avance, Sarah El HAÏRY, vous comptez donc défendre la biodiversité, vous venez de le dire mais dans le même temps, quand vous avez salué la mise en place d'une brigade loup dans l'Aveyron, c'est deuxième du genre. Elle vise à autoriser les tirs de défense contre les loups, autrement dit les abattre. Vos propos ont été dénoncés par les associations de défense de l'environnement. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
SARAH EL HAÏRY
Il n'y a pas de mais à avoir. J'entends, j'entends très bien la détresse des éleveurs et ils ont, il y a un enjeu évidemment économique, aussi très psychologique. Notre objectif, c'est la conciliation des activités humaines qui est l'activité d'élevage en particulier et la préservation d'une espèce qui est protégée. L'action de l'Etat, elle est extrêmement volontariste et c'est l'ensemble des acteurs dans le cadre évidemment des règles très précises et pour précise… Et pour accompagner les acteurs quand il y a une arrivée du loup, je pense, je pense évidemment aux agriculteurs et aux éleveurs, c'est des moyens financiers, pour d'abord réduire les dégâts, améliorer la capacité d'intervention de nos, évidemment, des brigades loup, celle qui a été a d'ailleurs instauré la nouvelle suite à la demande et à l'engagement… Confirmant l'engagement du président de la République à Rodez, mieux comprendre aussi le comportement du loup et son impact sur son écosystème, c'est des programmes de recherche mais soyons très clair notre objectif, c'est la conciliation des activités humaines, d'élevage en particulier, bien sûr et la préservation d'une espèce qui protégée. Et donc, plus on suit cette population, plus on suit ces mouvements, plus on a la stabilité, plus on accompagne des situations qui sont pour le coup pour les éleveurs dramatiques, quand il y a des attaques et des attaques en particulier. Et c'est pour ça que très sincèrement, je salue au quotidien le travail de l'Office français de la biodiversité qui soutient les acteurs, mais on va dans quelques semaines avoir un grand rendez-vous qui sera un grand rendez-vous autour de la préfète en charge du loup, qui réunira à nouveau l'ensemble des personnes qui sont touchés par ce sujet pour trouver des solutions ensembles.
ANTOINE CAVAILLE-ROUX
Merci, Sarah El HAÏRY, merci beaucoup, merci d'avoir répondu aux questions de RTL ce matin. Je le rappelle, vous êtes la nouvelle secrétaire d'Etat à la biodiversité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 août 2023