Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour le plein emploi (nos 1528, 1673).
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. (M. Louis Boyard s'exclame.)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
Je suis très heureux de vous retrouver en ce début de session extraordinaire pour vous présenter le projet de loi pour le plein emploi. Vous le savez, c'est l'objectif majeur que les gouvernements successifs et notre majorité ont visé depuis 2017, sous l'autorité du Président de la République. En effet, nous sommes convaincus que, loin de se réduire à un résultat statistique du marché du travail, cet objectif recouvre en réalité un projet collectif : celui d'une société plus productive, et donc plus riche et plus souveraine, mais aussi celui d'une société qui donne une place à chacun. Car nous l'affirmons : l'accès à l'emploi est le meilleur moyen, l'outil le plus efficace, pour lutter contre la pauvreté et pour donner ou restaurer l'autonomie et la dignité, et donc l'émancipation.
Il y a encore quelques années, parler de plein emploi aurait suscité au mieux des moues dubitatives, au pire des sarcasmes, tant nous nous étions habitués à vivre avec le chômage de masse. L'État, disait-on, avait fait tout ce qu'il pouvait. La puissance publique était dans l'impasse et une forme de fatalisme collectif nous avait saisis, conférant au plein emploi le rang d'une utopie à l'horizon sans cesse repoussé.
Ce fatalisme mortifère explique largement notre décrochage productif après des décennies de résignation : notre taux d'emploi reste de plus de 10 points inférieur à celui de la moyenne européenne ; notre produit intérieur brut par habitant est de 15 à 20 % inférieur à ceux de l'Allemagne et du Danemark. Revenir au niveau de ces pays, rarement considérés comme des îlots ultralibéraux ou des lieux de servitude, permettrait à nos finances publiques de bénéficier de recettes telles que l'idée même de déficit serait rendue obsolète !
C'est pour faire mentir le fatalisme français que nous agissons depuis 2017. Vous le savez, nous avons fait une partie du chemin au cours des six dernières années puisque le taux de chômage est passé de 9,5 % à 7,1 %, atteignant ainsi son niveau le plus bas depuis quarante ans. Le taux d'emploi et le taux d'activité sont au plus haut depuis que l'Insee a commencé à les mesurer en 1975. (M. Maxime Minot s'exclame.) Il reste encore beaucoup à faire, mais nous avons mis fin à des décennies de chômage de masse grâce aux réformes ambitieuses menées depuis 2017.
Pour faciliter l'accès des jeunes à l'emploi, nous avons mené les réformes de l'apprentissage et du contrat d'engagement jeune (CEJ) et engagé celle du lycée professionnel. Pour inciter au retour à l'emploi, nous avons conduit la réforme de l'assurance chômage. Pour poursuivre l'amélioration du taux d'emploi des seniors et l'augmentation du nombre de personnes en emploi, nous avons mené la réforme des retraites. Dans le droit fil de notre engagement en faveur de l'emploi des seniors, nous souhaitons que les partenaires sociaux aboutissent à un accord interprofessionnel sur le sujet. En réalité, nous avons surtout mis un terme au fatalisme ambiant qui a trop longtemps dominé la question de l'emploi en France, au détriment des demandeurs d'emploi de longue durée, souvent les mêmes, toujours les plus fragiles d'entre nous.
Aujourd'hui, nous en sommes convaincus, nous pouvons atteindre le plein emploi. Pour finir de nous donner les moyens d'atteindre cet objectif, nous réformons le service public de l'emploi, nous modernisons l'accompagnement des plus fragiles et nous continuons de lever les freins à l'emploi auxquels se heurtent trop de nos concitoyens, notamment ceux en situation de handicap.
La démarche qui sous-tend le projet de loi s'appuie sur un constat et une conviction. Le constat, tout d'abord, est que les entreprises françaises peinent à recruter alors que le chômage reste important dans notre pays – l'un des plus importants en Europe –, ce qui signifie que nous avons du mal à résoudre l'inadéquation entre la formation des demandeurs d'emploi et les besoins des entreprises. Nous devons donc renforcer l'efficacité de notre service public de l'emploi pour faire se rencontrer l'offre et la demande de travail. Notre conviction, ensuite, est que personne n'est inemployable. Le projet de loi doit permettre au marché du travail d'inclure ceux qui en sont les plus éloignés et de rendre un emploi aux plus fragiles, ceux-là mêmes qui, pendant des décennies, ont été relégués au second rang par la fatalité du chômage de masse, souvent les mêmes, souvent aux mêmes endroits.
Avant de vous présenter les principales dispositions du texte, je souhaite rappeler qu'elles reposent sur une méthode précise de concertation et d'écoute. Ainsi le texte s'inspire-t-il très directement du rapport de la mission de préfiguration France Travail, que j'ai confiée à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, au mois d'octobre dernier. Cette mission a mené une large concertation sur la base d'une dizaine de principes que nous reprenons dans le projet de loi et formulé de nombreuses propositions, dont le texte s'inspire dans un souci d'efficacité. (M. Louis Boyard s'exclame.) Le titre III, dédié aux demandeurs d'emploi handicapés, retranscrit quant à lui les mesures issues de la concertation menée en amont de la Conférence nationale du handicap (CNH), qui s'est tenue le 26 avril dernier sous l'autorité du Président de la République.
Le premier volet du projet de loi concerne l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Sur ce sujet, certains constats sonnent comme des alertes : 60 % des allocataires sont toujours inscrits au RSA plus de cinq ans après leur première inscription, 42 % le sont toujours après sept ans et 16 % le sont même plus de dix ans après. Ce n'est pas ainsi que la République s'acquitte de son devoir de solidarité. Il faut en finir avec le totem de l'aide contre la pauvreté qui serait par essence meilleure que toutes les autres parce qu'elle est sans contrepartie.
Mme Sophia Chikirou
Des contreparties, ce serait pas mal d'en demander aux entreprises !
M. Olivier Dussopt, ministre
En réalité, elle enferme une large partie de ceux qui en bénéficient dans la misère et la précarité. Faire preuve de solidarité, ce n'est pas accepter que se créent des trappes à précarité. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.) Atténuer les symptômes de la précarité n'en fera jamais disparaître les causes.
M. Louis Boyard
C'est vous qui créez la précarité !
M. Bruno Millienne
Monsieur Boyard, vous n'allez pas commencer !
M. Olivier Dussopt, ministre
Les personnes les plus fragiles doivent être accompagnées globalement et s'insérer dans la société grâce au travail. Je l'ai dit et je le répète : la République n'est pas quitte de son devoir de solidarité quand elle a versé à une personne 607 euros par mois ; elle l'est quand elle lui a rendu les moyens de son autonomie et quand elle lui permet d'accéder à l'emploi. Avec ce projet de loi, nous voulons tenir pour de bon, avec une série de mesures concrètes, la promesse de solidarité du RSA.
Mme Sophia Chikirou
Le travail gratuit !
M. Olivier Dussopt, ministre
Ne parlez pas de travail, vous ne connaissez pas le sujet ! (Protestations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Laissez M. le ministre s'exprimer, chers collègues !
M. Olivier Dussopt, ministre
Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à vous exprimer sur les sujets que vous connaissez. Or je n'ai pas le sentiment que le travail et l'emploi soient votre première spécialité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous n'avez pas beaucoup été salarié dans votre vie !
M. Olivier Dussopt, ministre
Tout d'abord, l'ensemble des personnes à la recherche d'un emploi, notamment les allocataires du RSA et les jeunes accompagnés par les missions locales, seront inscrites auprès de l'opérateur France Travail : c'est le meilleur moyen de garantir un accompagnement à chacun et d'éviter les ruptures de parcours. Le projet de loi prévoit également la reconnaissance et la sécurisation du rôle des acteurs, souvent associatifs, chargés de repérer et d'aller vers les personnes les plus isolées, qui ne sont plus suivies par aucune structure, pour leur proposer des solutions d'accompagnement et d'insertion adaptées, grâce au sport et à la culture, mais pas seulement. Ces acteurs reconnus seront intégrés au réseau France Travail afin qu'aucune des solutions qui marchent ne soit perdue.
Ensuite, le parcours d'accompagnement sera formalisé dans le cadre d'un contrat d'engagement rénové et unifié. Pour plus de lisibilité et d'efficacité, ce nouveau contrat sera proposé à tous les demandeurs d'emploi, quelle que soit leur situation.
Mme Sophia Chikirou
Avec un pistolet sur la tempe !
M. Olivier Dussopt, ministre
Il détaillera les engagements réciproques de l'organisme référent et de la personne accompagnée, et intégrera un plan d'action précisant les objectifs d'insertion sociale et professionnelle du demandeur d'emploi. Ce contrat tiendra compte de la situation individuelle de la personne, ce qu'il est important de souligner.
Après un diagnostic complet, si nécessaire, avant le parcours d'insertion professionnelle, la personne sera orientée vers un parcours d'insertion sociale, pour lever les freins rencontrés en matière de logement, de garde d'enfant, de santé ou de mobilité. Il sera ainsi tenu compte des situations particulières des proches aidants et des familles monoparentales qui n'ont pas de solution de garde – le Sénat a enrichi le texte sur ce point, auquel la commission des affaires sociales de l'Assemblée semble également très attachée.
Nous allons, je crois, réussir le pari d'un accompagnement rénové, car nous préparons ces nouvelles formes d'accompagnement dans le cadre d'une expérimentation avec dix-huit départements. Une réunion a encore eu lieu vendredi dernier pour faire le point sur son déroulement et les retours sont positifs, s'agissant notamment de l'entretien de diagnostic, réalisé simultanément par Pôle emploi et un travailleur social du département.
M. Hadrien Clouet
On peut avoir ses conclusions ?
M. Olivier Dussopt, ministre
Je salue le travail partenarial de grande qualité engagé avec l'Assemblée des départements de France (ADF) et son président François Sauvadet. Nous avançons en nous écoutant les uns les autres et en cherchant à atteindre le même objectif d'insertion et de plein emploi. Dans les départements concernés, les expérimentations s'appuient sur des initiatives locales et confortent des outils souvent efficaces.
Mme Danielle Simonnet
Et les évaluations ?
M. Olivier Dussopt, ministre
Nous allons poursuivre ces expérimentations et les élargir en 2024 pour préparer l'entrée en vigueur de la loi début 2025. Il s'agit d'anticiper et d'identifier les pratiques les plus efficaces, qui relèvent de la gestion et non de la loi, pour réussir la généralisation du dispositif en 2025. Un premier bilan d'étape est prévu début 2024 avec les départements concernés.
Le régime de contrôle et de sanction des allocataires du RSA sera par ailleurs rénové pour être rendu plus progressif, mais aussi plus effectif. Un nouveau premier niveau de sanction est introduit, la "suspension-remobilisation", qui permettra de suspendre temporairement l'allocation au premier manquement sans interrompre l'accompagnement. Si la personne respecte ses engagements, elle bénéficiera d'un versement rétroactif des droits.
Mme Sophia Chikirou
Pour bien la soumettre !
M. Olivier Dussopt, ministre
À défaut, le RSA pourra être supprimé, comme c'est le cas depuis 1988.
Mme Sophia Chikirou
Si on faisait pareil avec les grands patrons, ça changerait tout !
M. Olivier Dussopt, ministre
Cette nouvelle sanction sera exercée par le président du conseil départemental dans le respect de ses prérogatives et de ses compétences.
Enfin, dans l'esprit du contrat d'engagement jeune, le nouveau contrat permettra de proposer un accompagnement intensif et personnalisé. Pour les allocataires du RSA les plus éloignés de l'emploi, France Travail proposera, selon leur situation personnelle, jusqu'à 15 à 20 heures hebdomadaires d'activités consacrées à leur parcours : ateliers, formations, accompagnement, appui et solutions locales. Il ne s'agit ni de travail gratuit ni de bénévolat obligatoire, mais bien d'activités d'insertion et de formation pour permettre le retour à l'emploi. Cet accompagnement sera renforcé par la prise en compte des difficultés de nature sociale qui empêchent le retour à l'emploi. (Mme Clémentine Autain et M. Hadrien Clouet s'exclament.) Les freins à l'emploi feront l'objet d'un diagnostic complet, qui permettra d'y répondre précisément. C'est tout l'enjeu de ce partenariat, qui doit permettre d'apporter des solutions concrètes aux demandeurs d'emploi.
Mme Clémentine Autain
On parle de 15 à 20 heures ! On ne laissera pas cette mesure passer.
M. Olivier Dussopt, ministre
Je sais que la question des 15 à 20 heures hebdomadaires d'activités a suscité le débat avant et pendant les travaux de la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Permettez-moi de vous dire ma conviction : plus les allocataires concernés par ces heures d'activités seront nombreux, mieux cela sera ; toutefois, nous devons aussi tenir compte tant des capacités des personnes accompagnées – souvent en grande difficulté après des années de précarité, parfois même en mauvaise santé – que de notre capacité collective à proposer partout et à tous des activités adaptées et personnalisées.
Enfin, pour que cet accompagnement puisse intégrer une offre de formation adaptée, nous renouvelons le principe d'une contractualisation pluriannuelle entre l'État et les régions pour la formation des demandeurs d'emploi, avec un plan d'investissement dans les compétences (PIC) en complément de l'investissement des régions. À cet égard, je viens d'annoncer à l'association Régions de France (ARF) et aux présidents des régions que l'État était prêt à investir à leurs côtés près de 4 milliards d'euros entre 2024 et 2027. Je suis heureux que les régions accompagnent et amplifient cette mobilisation continue en faveur de l'emploi, heureux aussi que notre travail commun conduise sept régions métropolitaines à participer aux protocoles de préfiguration de France Travail.
Avec l'ARF, nous avons expliqué comment nous comptons avancer et préparer la seconde génération du plan d'investissement dans les compétences. Nous le savons tous, former ramène vers l'emploi. Atteindre le plein emploi passera par la formation des demandeurs d'emploi et par l'amélioration de notre capacité à répondre aux besoins de compétences des entreprises. Dans ce cadre, la priorité sera donnée à l'insertion des publics fragiles, aux formations aux métiers en tension, aux formations à distance et aux formations courtes avant embauche, mais aussi à l'élargissement des publics bénéficiaires des formations financées par le PIC. Nous allons supprimer les conditions de diplôme et de formation pour les allocataires du RSA et les demandeurs d'emploi handicapés, et, pour les autres demandeurs d'emploi, passer de formations inférieures au niveau bac à des formations inférieures au niveau bac + 2.
Le deuxième volet du projet de loi vise à améliorer la gouvernance du service public de l'emploi. C'est là aussi un chantier essentiel, puisque les remontées de terrain témoignent toutes d'une difficile adaptation aux problématiques locales et d'un sentiment de manque de communication entre les acteurs. Bien entendu, beaucoup d'initiatives fonctionnent : il s'agit de les conforter, mais aussi d'aller plus loin.
Pour commencer, le projet de loi définit un patrimoine commun aux membres du réseau, pour le coordonner. Ce patrimoine rassemblera des méthodes, des règles de coordination, des critères d'inscription et d'orientation ou encore des référentiels métiers et formations, qui seront mis en commun et partagés au sein du réseau des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'insertion. Concrètement, cela sera rendu possible par la mise en réseau des données. Le système d'information de Pôle emploi évoluera en plateforme France Travail, de manière à faciliter l'accès à l'information de chacun des acteurs. Les collectivités et leurs élus disposeront ainsi de davantage d'informations : on partagera régulièrement avec eux des données agrégées sur les parcours et les accompagnements, dont ils ne disposent pas aujourd'hui, ce qui leur permettra de faire des comparaisons.
Ensuite, nous allons instaurer une gouvernance territorialisée et simplifiée du réseau France Travail. Elle reposera sur un copilotage entre l'État et les collectivités locales à chaque échelon territorial pertinent, et associera les partenaires sociaux au niveau national et régional. Cette gouvernance partagée est le moyen le plus sûr d'assurer la cohérence du réseau tout en réduisant le nombre d'instances existantes. Nous allons donc créer une instance nationale, qui définira les orientations stratégiques et les modalités de pilotage du réseau France Travail : le comité France Travail. Localement, des comités territoriaux assureront un pilotage au niveau des régions, des départements et des bassins d'emploi, en copilotage avec les collectivités.
J'insiste sur ce point : France Travail ne réduit pas le champ de compétence des collectivités locales. J'ai veillé à ce qu'aucun article ne remette en question la répartition des compétences entre l'État et les collectivités, pas plus qu'entre les collectivités elles-mêmes. Ainsi, les régions gardent leurs prérogatives sur la formation, les départements sur l'insertion, et les communes et les intercommunalités sur le reste de l'action sociale, mais aussi sur les questions liées à la garde d'enfants, la mobilité ou encore le logement.
M. Jocelyn Dessigny
Bonne chance !
M. Olivier Dussopt, ministre
Ainsi, l'État et les collectivités locales auront conjointement la main pour orienter l'action des opérateurs et des partenaires du réseau. Les collectivités n'auront donc pas moins de compétences, mais plus de visibilité, obtenant un pouvoir d'orientation plus fort sur l'ensemble des enjeux d'insertion et d'emploi, et une meilleure appréhension des résultats des politiques publiques menées sur leur territoire.
Nous souhaitons que Pôle emploi prenne en charge de nouvelles missions au service du collectif. Ce n'est pas une recentralisation, bien au contraire : Pôle emploi, devenu France Travail, devra mettre sa capacité de soutien technique et opérationnel au service de tous et produire le patrimoine commun en lien avec tous les acteurs concernés. Comme les autres opérateurs, il inscrira son action dans le cadre des orientations arrêtées par la gouvernance nationale. Pôle emploi sera chargé de mettre en oeuvre les orientations définies dans les différents comités : il en sera l'opérateur principal plus que le coordonnateur, sans lien de subordination. Le changement de nom, de Pôle emploi en France Travail, témoigne de l'importance du changement de positionnement de l'organisme et rend visible sa transformation.
Par ailleurs, les inquiétudes qui avaient pu naître au début de la concertation ont été levées : ainsi, la place des missions locales est renforcée auprès du public jeune. Elles continueront de jouer leur rôle central auprès des jeunes en difficulté, l'État conventionnera toujours directement avec elles et les collectivités locales resteront présentes dans leurs instances de coordination, sans que leur gouvernance soit modifiée. Leur rôle sera même renforcé puisqu'elles participeront aux réseaux, à la définition des orientations et à la gouvernance ; il n'est donc en aucun cas question de fusion.
Le troisième chantier du projet de loi concerne la poursuite de l'engagement pour l'emploi des personnes en situation de handicap. Mes deux collègues, Aurore Bergé et Fadila Khattabi, reviendront sur ce sujet, mais je le souligne s'agissant des politiques d'emploi : les personnes en situation de handicap rencontrent encore trop de difficultés pour accéder ou retourner à l'emploi. Nous voulons donc prolonger les mesures instaurées au cours du précédent quinquennat.
Premièrement, il s'agit d'améliorer l'orientation professionnelle des personnes en situation de handicap, en la confiant au service public de l'emploi. Pour ce faire, nous supprimons l'orientation vers le marché du travail ordinaire par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), cette orientation devenant un droit pour chacun. Le service public de l'emploi proposera un accompagnement à toute personne en situation de handicap et sans emploi. C'est uniquement en cas d'impossibilité d'accès à l'emploi ordinaire que sera préconisée une orientation en milieu adapté, prononcée par les MDPH. Nous souhaitons ainsi mettre fin aux orientations uniquement sur la base d'un dossier.
Par ailleurs, le ministère du travail sera chargé de définir la trajectoire de développement de l'emploi accompagné jusqu'en 2027, pour soutenir les personnes en situation de handicap invisible.
Deuxièmement, nous améliorons l'accès aux droits des personnes en situation de handicap. Les personnes reconnues handicapées, bénéficiaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité, auront les mêmes droits prévus dans le code du travail que les personnes titulaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), sans passer par la MDPH : elles pourront notamment être recrutées en entreprise adaptée, bénéficier de l'emploi accompagné ou toucher une rémunération majorée en formation professionnelle. De la même manière, les conditions de travail des personnes en établissements et services d'aide par le travail (Esat) évolueront et leurs droits sociaux convergeront avec les droits individuels et collectifs des salariés.
Troisièmement, nous favorisons l'engagement des employeurs privés et publics. Certaines mesures relevant du code du travail seront ainsi pérennisées, comme les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) et les CDD tremplins, jusque-là expérimentaux.
Mes deux collègues reviendront sur le quatrième volet du projet de loi, consacré au service public de la petite enfance.
Enfin, le dernier volet du projet de loi prévoit la transposition des mesures du texte aux territoires d'outre-mer. Sur ce sujet, je salue la qualité des échanges que j'ai eus avec les parlementaires ultramarins. Je sais que tous les députés préfèrent débattre et voter au sein de cette assemblée, mais les spécificités de chaque territoire d'outre-mer le rendent matériellement difficile. Les ordonnances que nous proposerons seront écrites en lien avec les parlementaires d'outre-mer, mais aussi avec les présidents des collectivités concernées, comme je l'ai indiqué vendredi dernier au président du conseil départemental de La Réunion, qui participe à l'expérimentation en matière d'accompagnement des allocataires du RSA.
Je termine par un mot sur les moyens financiers car, pour être efficace, le projet de loi devra mobiliser des moyens financiers significatifs sur toute la durée de sa mise en œuvre. En effet, pour atteindre le plein emploi, nous devons créer 700 000 emplois d'ici 2027. Cet objectif est atteignable, à condition de sonner la mobilisation générale ; il l'est d'autant plus que 1,7 million d'emplois ont été créés au cours du précédent quinquennat. Nous devons investir plus fortement encore pour accompagner vers l'emploi celles et ceux qui sont restés sur le bord du chemin. Ce retour à l'emploi est rentable pour les finances publiques, au-delà de la question de l'emploi et de l'insertion : accompagner les personnes les plus éloignées de l'emploi est moins coûteux que le chômage de longue durée, cela augmente l'activité et, en retour, les moyens de l'État.
M. Hadrien Clouet
Ah bon ?
M. Olivier Dussopt, ministre
Pour atteindre cet objectif, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 proposera d'augmenter les moyens de Pôle emploi de 300 millions d'euros, avec une montée en charge progressive pour atteindre 1 milliard d'euros par an en 2027. Ces financements proviendront à la fois d'un effort de l'État et de la contribution de l'Unedic, dont la trajectoire excédentaire, fruit des économies réalisées grâce à la réforme de l'assurance chômage, le permet largement.
Comme je l'ai dit aux partenaires sociaux en cette rentrée, notre budget est un budget de plein emploi. Plutôt que d'augmenter l'endettement public, il implique de mobiliser une partie des excédents issus des réformes engagées par le Gouvernement pour les réinvestir dans les politiques de l'emploi et de la formation.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Olivier Dussopt, ministre
Par ailleurs, dans le cadre du partenariat qui l'unit aux conseils départementaux, l'État proposera aux départements une contractualisation spécifique à hauteur de 170 millions d'euros en 2024 pour accompagner la création de France Travail, avec un partenariat dans chaque département. Par ce moyen, nous souhaitons préparer la transition vers un nouveau modèle et conforter nos stratégies d'insertion, mais aussi consolider et élargir les expérimentations avec les départements volontaires.
Mesdames et messieurs les députés, vous allez vous saisir d'un texte qui a évolué de manière positive : le Sénat y a ainsi introduit la prise en compte des proches aidants et des représentants des usagers, et a donné davantage d'importance à la réponse aux besoins de recrutement des entreprises, notamment au lien avec l'éducation nationale. Les sénateurs ont enfin veillé à la pérennisation de l'organisation de l'emploi accompagné sous forme de plateformes départementales.
La semaine dernière, votre commission des affaires sociales a, à son tour, fait évoluer le texte, y apportant des précisions, notamment sur la mise en œuvre des 15 ou 20 heures d'accompagnement. Je ne doute pas que nos débats nous permettront de continuer à avancer et à améliorer ces dispositions.
Le nom de l'opérateur et du réseau a également été clarifié ; afin d'éviter la confusion que pointaient certains sénateurs, nous souhaitons que Pôle emploi se transforme en France Travail et anime le réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi.
Votre commission a également choisi de ne pas revenir sur la suppression de la charte d'engagement, mais de la remplacer par une charte de coopération en abrogeant la conditionnalité, pour les collectivités, en matière d'accès à la coprésidence des instances de coordination : c'est une bonne chose.
Enfin, vous avez enrichi la composition du comité national France Travail et des comités territoriaux, et amélioré les formations réalisées exclusivement à distance au bénéfice des personnes en recherche d'emploi, en sécurisant leur assise juridique.
En conclusion, je crois que nous pouvons être nombreux à nous accorder sur ces objectifs. Il faut ne pas avoir connu la précarité pour penser que le statu quo est une solution, et ne jamais avoir été élu local pour considérer que nous pouvons aller vers le plein emploi sans la mobilisation de tous les acteurs et la prise en compte de la situation de chacun. Je compte sur nos débats pour nous doter collectivement des outils nécessaires à cette marche vers le plein emploi, et pour continuer à enrichir et à améliorer ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des solidarités et des familles.
Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles
Puisque c'est la première fois que j'ai l'honneur de m'exprimer dans cet hémicycle en tant que ministre des solidarités et des familles, permettez-moi de vous dire mon émotion, d'autant plus au regard des sujets que nous allons aborder : il s'agit d'abord de nos tout-petits et du service public de la petite enfance (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE) , mais aussi d'une société plus inclusive pour toutes les personnes en situation de handicap.
Solidarité et famille : ces deux mots rythment ce projet de loi. Solidarité et famille, parce que ce texte parle de ce que nous avons de plus précieux : nos enfants, nos tout-petits,…
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Danielle Simonnet
C'est une casse sociale !
Mme Aurore Bergé, ministre
…la manière dont nous les considérons dans notre société, et la possibilité d'avoir recours, en toute sécurité, à la garde d'enfants.
Le projet de loi nous invite, enfin, à nous interroger sur la prise en compte du handicap dans notre société. La ministre déléguée Fadila Khattabi l'évoquera ; mais j'espère que nous pourrons accepter à l'unanimité qu'enfin, les personnes qui travaillent en Esat ne soient plus considérées comme des usagers mais bien comme des travailleurs et qu'elles se voient appliquer le droit commun.
M. Hadrien Clouet
Un travailleur, c'est un salaire !
Mme Aurore Bergé, ministre
C'est une avancée très importante que consacre ce projet de loi.
Je veux répondre à plusieurs questions que certains ont soulevées au sujet des articles 10 et 10 bis , relatifs au service public de la petite enfance, soit au Sénat, soit au sein de la commission des affaires sociales, où j'étais présente la semaine dernière.
M. Hadrien Clouet
À une heure et demie du matin !
M. Sylvain Maillard
Vous n'aimez pas le travail !
Mme Aurore Bergé, ministre
Les ministres sont à la disposition du Parlement, quelle que soit l'heure à laquelle les parlementaires siègent en commission ou dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Le service public de la petite enfance a été repoussé trop longtemps. La raison, je crois, en est que la société, au sens général, ne s'intéressait pas particulièrement aux enfants âgés de moins de trois ans – par société, j'entends à la fois notre hémicycle, les élus, les politiques publiques…
M. Maxime Minot
Ce sont les maires qui vont être contents !
Mme Aurore Bergé, ministre
Il a fallu Boris Cyrulnik, des chercheurs, des sociologues, des éducateurs, des encadrants, des auxiliaires de puériculture et d'autres professionnels du secteur pour nous alerter :…
Mme Mathilde Panot
Il fallait écouter les organisations !
Mme Aurore Bergé, ministre
…en effet, les mille premiers jours de la vie sont déterminants pour le développement des petits, leur sécurité physique et affective, et leur capacité à devenir des enfants, des adolescents puis des adultes pleinement ancrés dans la société.
Certains se sont étonnés que le service public de la petite enfance figure dans un projet de loi consacré au plein emploi. Pourtant, les deux sujets sont intimement liés, dès lors que l'on croit à l'égalité entre les femmes et les hommes. En effet, 160 000 personnes – 160 000 femmes, disons-le ! – renoncent à l'insertion professionnelle ou à la reprise d'activité professionnelle parce qu'elles ne trouvent pas de solution de garde d'enfants. Aussi, si nous souhaitons rompre avec ce cercle vicieux et garantir l'égalité entre les femmes et les hommes,…
Mme Farida Amrani
Avec vous, c'est impossible !
Mme Aurore Bergé, ministre
…devons-nous offrir une telle solution à toutes les familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Aurore Bergé, ministre
Le contexte dans lequel nous débattons est marqué par une pénurie de professionnelles.
Mme Farida Amrani
Augmentez les salaires !
Mme Aurore Bergé, ministre
J'accorde le mot au féminin, car il s'agit majoritairement de femmes. Elles vivent une situation professionnelle alarmante caractérisée par la perte de sens au travail et parfois par le burn-out. En conséquence, elles ont grand besoin de reconnaissance, d'une revalorisation et de nouvelles manières d'appréhender leur métier.
M. William Martinet
Qu'est-ce que vous attendez ?
Mme Aurore Bergé, ministre
Pendant trop longtemps, on a considéré que travailler dans le secteur de la petite enfance ne constituait pas une profession à part entière ; pourtant, il s'agit d'un réel métier nécessitant une formation, car c'est aux professionnelles de la petite enfance que nous confions chaque matin ce que nous avons de plus précieux, à savoir nos enfants. Or la pénurie, déjà conséquente – 10 000 professionnelles manquent à l'appel – risque de s'aggraver si nous ne prenons pas dès maintenant les décisions qui s'imposent. En effet, 120 000 assistantes maternelles, pour ne citer qu'elles, partiront à la retraite d'ici à 2030. C'est dire l'énormité de la marche qu'il nous faut impérativement gravir !
La première urgence consiste donc à revaloriser les professionnelles, ce à quoi l'État dédie des moyens sans précédent, actés par la signature de la convention d'objectifs et de gestion (COG) entre notre ministère et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Dans ce cadre, 6 milliards d'euros seront déployés entre 2023 et 2027 pour construire le service public de la petite enfance.
M. Maxime Minot
C'est historique, dites donc !
Mme Aurore Bergé, ministre
En effet, c'est historique. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la présidente de la Cnaf, qui attendait depuis des années une telle revalorisation.
M. Maxime Minot
C'est génial, on est ravi !
Mme Aurore Bergé, ministre
Je me réjouis que nous ayons eu le courage d'y procéder. De plus, dès le 1er janvier 2024, 200 millions d'euros seront consacrés chaque année à la revalorisation des plus bas salaires. Je pense notamment aux auxiliaires de puériculture, qui bénéficieront enfin d'un treizième mois et d'un salaire décent. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Nous ne pouvons pas non plus faire abstraction du contexte décrit dans le rapport de l'Igas, l'Inspection générale des affaires sociales, diligenté par le ministère à la suite du drame absolu du décès d'une petite fille dans une structure privée le 22 juin 2022. Après le rapport de l'Igas, deux livres, Babyzness et Le prix du berceau , traitant du même thème, sont récemment parus. Aussi tiens-je à répéter que, sur ces 200 millions, pas un seul euro ne sera accordé à un groupe privé avant que les conventions collectives ne soient révisées pour garantir une meilleure organisation du temps professionnel, la revalorisation des salaires, la mobilité professionnelle ou encore la reprise d'ancienneté lors du passage d'une structure à une autre. Tel est le rôle de l'État : en fléchant l'argent public et en s'assurant de sa bonne utilisation, il garantira que les subventions soutiendront efficacement l'ensemble des politiques publiques menées en faveur de la petite enfance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Louis Boyard
Vous applaudissez l'idée d'un service public ? Voilà qui est nouveau !
Mme Aurore Bergé, ministre
Si vous décidez de voter le projet de loi, que changera-t-il ? Il contient deux articles, 10 et 10 bis , relatifs au service public de la petite enfance. L'article 10 en confie le pilotage aux communes, désignées comme autorités organisatrices de ce service public, et garantit aux maires la liberté et les moyens d'agir dans ce domaine. En cela, le texte tient de la loi de décentralisation. Nous avons tenu compte des apports du Sénat et travaillé de concert avec les associations représentatives d'élus, en particulier avec l'AMF – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – et l'association France urbaine. Nous sommes parvenus à un compromis nécessaire à l'entrée en vigueur du projet de loi dans les meilleures conditions possibles. Il consiste à revenir à un seuil de 3 500 habitants pour constituer un véritable maillage territorial dans l'ensemble du pays, tout en assouplissant les obligations des communes de moins de 10 000 habitants, qui disposent d'une ingénierie moindre.
Afin d'éviter, conformément à la demande des élus locaux, que ces dispositions n'entrent en vigueur en période d'élections municipales, la date du 1er janvier 2025 a été retenue. Là encore, nous en avons adapté les modalités à la taille des communes : les communes de plus de 10 000 habitants qui doivent créer un relais petite enfance (RPE) auront jusqu'au 1er janvier 2026 pour ce faire.
Pour favoriser la décentralisation et donner aux communes les moyens d'agir, l'État leur apportera un soutien massif, tant financier – les 6 milliards d'euros dont dispose la Cnaf dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion seront déployés en lien étroit avec les collectivités – que technique, car il importe de compenser l'écart d'ingénierie entre les communes.
Quant à l'article 10 bis , ajouté en commission des affaires sociales – dans la nuit, certes –, je le crois déterminant, car il traite de la capacité de contrôle de l'État. Les départements, compétents en matière de protection maternelle et infantile (PMI), peuvent déjà effectuer des contrôles inopinés au sein des établissements. Toutefois, il existe un trou dans la raquette, car l'État n'est pas en mesure d'envoyer l'Inspection générale des finances (IGF), l'Igas ou encore l'Agence régionale de santé (ARS) contrôler le siège d'un grand groupe privé. L'article lui en donnera la possibilité : en inspectant les livres de compte ou encore les contrats de travail afin de comprendre l'organisation du groupe, l'État pourra désormais assurer un contrôle efficace.
Dès la parution des deux ouvrages révélant les pratiques de certaines crèches privées, j'ai convoqué les quatre grands groupes concernés. Je les reverrai dans deux mois afin d'examiner très précisément les mesures qu'ils auront instaurées. Nous aurons besoin de tous les acteurs pour assurer le bon fonctionnement du service public de la petite enfance. Il ne s'agit pas de substituer un modèle économique à un autre. Toutefois, il revient à l'État de garantir la qualité d'accueil et la sécurité des enfants dans l'ensemble des établissements et de surveiller le montant du reste à charge pour les familles.
J'ai rencontré également tous les préfets et les directeurs départementaux de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) pour leur demander que l'ensemble des informations dont disposent les services de l'État soient coordonnées sous l'autorité du préfet, afin que des contrôles plus efficaces puissent être immédiatement diligentés.
En somme, l'objectif de ces deux articles consiste à réarmer le secteur de la petite enfance, en lui accordant des moyens inédits – 6 milliards d'euros en cinq ans –, en remettant les professionnels de la petite enfance au cœur du service public dédié, en faisant de la qualité d'accueil et de la sécurité des enfants une priorité et en ménageant la possibilité de contrôler tant les établissements que les sièges des grands groupes privés.
Nous comptons poursuivre la méthode de concertation que nous avons employée jusqu'ici au Parlement. En effet, j'ai dialogué avec l'ensemble des groupes qui ont soumis des propositions et j'ai accepté des amendements venant de chaque groupe qui s'est montré constructif. Telle sera également notre méthode en séance publique et lors des échanges avec le Sénat.
Par ailleurs, nous maintenons aussi le dialogue avec les associations représentatives d'élus comme l'AMF – je remercie d'ailleurs le président de l'AMF de s'être montré si disponible, ce qui a facilité l'atteinte d'un compromis –, France urbaine ou encore l'ADF, avec laquelle nous avons abordé le sujet des contrôles. Les défis auxquels nous faisons face sont trop importants et trop structurants pour agir autrement.
Je conclurai en citant une phrase très belle et très éclairante de Rebecca Lighieri : "La seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance quand elle s'est mal passée : on y reste coincé à vie." Faisons en sorte que nos enfants vivent la meilleure enfance possible, en toute sécurité. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées
Je suis très heureuse de vous retrouver, après une pause estivale dont j'espère qu'elle a été agréable (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , pour parler d'un défi dont je sais qu'il tient à cœur à chacun d'entre nous : l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, une de nos grandes priorités.
Mes collègues l'ont expliqué, l'objectif du texte est ambitieux : il vise à atteindre le plein emploi pour tous les Français.
Un député du groupe LFI-NUPES
Pas pour les riches !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
Pour cela, nous devons continuer à lever les obstacles encore trop nombreux auxquels se heurtent nos concitoyens en situation de handicap. Le taux de chômage des personnes handicapées, qui se situait à 19 % en 2017, est descendu à 12 % en 2023 grâce à l'action gouvernementale et à l'implication de la majorité.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
Je veux saluer à cet égard l'engagement sans faille de mon collègue Olivier Dussopt, qui a su, lors de la Conférence nationale du handicap, se saisir pleinement de ce sujet. Cette méthode de travail, rappelée par la Première ministre mercredi dernier à l'occasion du comité interministériel du handicap (CIH), doit nous permettre de rendre nos politiques publiques plus efficientes et de faire respecter les droits des personnes en situation de handicap. Elle a déjà permis de faire émerger des mesures ambitieuses pour l'emploi, saluées par les personnes concernées, par les acteurs associatifs et par les entreprises, qui doivent désormais être déployées et déclinées au niveau législatif. Tel est précisément l'objet du projet de loi.
Concrètement, la première étape consiste à mieux orienter les demandeurs d'emploi et à mieux prendre en considération leurs compétences et aspirations,…
M. Jocelyn Dessigny
Ben voyons !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
…pour mieux sécuriser leur parcours professionnel. Demain, grâce à France Travail, ce nouveau service public de l'emploi sera la porte d'entrée unique pour tous les Français, qu'ils soient ou non en situation de handicap. Chaque demandeur d'emploi pourra être informé, orienté et accompagné dans son projet professionnel par un conseiller.
Olivier Dussopt, Aurore Bergé et moi souhaitons répondre aux aspirations des demandeurs d'emploi en situation de handicap en fluidifiant et en sécurisant leur parcours. Les Esat resteront des acteurs majeurs, mais nous ne devons pas pour autant assigner à résidence des personnes désireuses et capables de travailler en milieu ordinaire. En d'autres termes, l'orientation en milieu ordinaire sera de droit et exercer son métier dans un Esat sera un choix.
Je me réjouis, monsieur le ministre, des belles avancées en matière de droits que contient le texte : l'alignement des droits des travailleurs en Esat sur ceux des autres salariés constitue un véritable progrès social.
M. Hadrien Clouet
Et le droit au salaire ?
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
Vous devriez vous en féliciter, messieurs et mesdames les députés. En effet, comment justifier que ces 120 000 personnes qui travaillent ne jouissent pas du droit de grève ni du droit de se syndiquer ?
Mme Sarah Legrain
C'est bien la première fois que vous vous souciez du droit de se syndiquer !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
Comment expliquer qu'ils n'aient le droit ni à une complémentaire santé, ni à la prime transport, ni au ticket restaurant ? En votant ces avancées essentielles, nous améliorerons leur pouvoir d'achat.
M. Hadrien Clouet
C'est le droit à un salaire qui améliore le pouvoir d'achat !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
Les mesures que nous défendons sont historiques, ne vous en déplaise.
Enfin, plus largement, le projet de loi contribuera à changer le regard que notre société porte sur les personnes handicapées, qui, trop souvent encore, restent exclues. Il est certes question de prise de conscience, mais surtout d'égalité des chances et des droits.
Un député du groupe LFI-NUPES
Elle est bonne, celle-là !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée
En tant que ministre déléguée chargée des personnes handicapées, je revendique une société véritablement inclusive qui considère ses citoyens pour ce qu'ils sont réellement, en tenant compte de leurs compétences et de leurs aspirations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
(…)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre
Permettez-moi de revenir sur quelques points évoqués au cours des différentes interventions dans la discussion générale. Nous partageons un même constat : le chômage a certes baissé, chacun peut s'en féliciter, mais il reste très élevé – parmi les plus élevés de l'Union européenne. Toutefois, malgré ce taux de chômage important, des entreprises peinent à recruter et font face à des tensions. Au premier semestre de l'année 2023, deux tiers des PME du secteur industriel affirmaient même renoncer à des possibilités de croissance en raison de problèmes de recrutement et de difficultés à répondre à ces opportunités.
Parallèlement, nous rencontrons une autre difficulté, évoquée par MM. Saint-Huile et Juvin. Comment faire en sorte que le retour à l'emploi soit une opération gagnante pour tous et qu'elle soit systématiquement positive, y compris pour l'allocataire d'un minima social, ayant un ou deux enfants, qui retrouve un emploi à temps plein et au Smic ? La difficulté, c'est qu'elle ne devient parfois positive qu'après trois, quatre ou cinq mois, car les coûts liés à la reprise d'emploi – tels que la garde d'un enfant –, et les pertes de droits dues à cette reprise et à la sortie du système de minima sociaux s'appliquent plus rapidement que l'instauration des nouveaux droits liés à une situation de salarié rémunéré au Smic, affectant le quotidien des foyers concernés. C'est sur cette période intermédiaire que nous devons travailler, pour que le retour à l'emploi soit véritablement et immédiatement positif, quitte à ce que certains droits restent acquis le temps que les nouveaux droits s'installent.
C'est l'une des raisons qui m'ont conduit, dans le cadre de la rédaction de la lettre de cadrage relative à la négociation sur l'assurance chômage, à inviter les partenaires sociaux à réfléchir à des dispositifs de maintien de certaines aides, soit sous forme de primes, soit sous forme d'allocations différentielles, notamment pour les demandeurs d'emploi seniors qui reprennent un emploi et qu'il est nécessaire d'accompagner.
Notre objectif est donc de simplifier et de garantir un retour à l'emploi qui soit systématiquement gagnant.
Je souhaite revenir sur trois points en particulier. Le premier concerne la répartition des compétences et le débat sur la décentralisation, la déconcentration ou la recentralisation des politiques de l'emploi. Comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire, j'ai veillé, avec beaucoup d'attention, à ce qu'aucune disposition du texte ne remette en cause la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales. Pas un seul alinéa ne le prévoit. Il en va de même de la répartition des compétences entre les collectivités locales elles-mêmes. Je considère en effet qu'en matière d'organisation territoriale, comme en matière de répartition des compétences, il faut laisser les choses s'installer sans vouloir les modifier de manière systématique.
Le texte ne prévoit donc pas de recentralisation ; au contraire, nous proposons aux collectivités locales, par l'intermédiaire d'un copilotage aux niveaux départemental, régional et national, d'être associées à la définition des orientations du service public de l'emploi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je pense utile, juste et efficace que les collectivités aient leur mot à dire sur la définition de ces orientations, que déploient l'ensemble des opérateurs : Pôle emploi – demain France Travail – au premier chef, mais aussi les missions locales ou encore Cap emploi. En effet, nous ne parviendrons pas à passer de 7 % à 5 % de chômage si nous n'agissons pas en partenariat avec les collectivités sur les questions de mobilité, de garde d'enfant, de logement ou d'accès à la santé. Travailler ensemble, sans recentralisation mais en donnant du poids aux uns et aux autres, est le prix de l'efficacité.
Le deuxième point que je voulais souligner concerne les quinze à vingt heures d'activité. L'expérience a montré, notamment s'agissant du contrat d'engagement jeune, qu'avec ce niveau d'accompagnement et d'investissement social, les possibilités de retour à l'emploi par l'accès à la formation qualifiante ou à l'emploi direct sont renforcées. La condition d'efficacité s'appuie, selon nous, sur une durée d'engagement comprise entre quinze et vingt heures.
Vous avez tous souligné que ces activités d'insertion ou de formation devaient aussi tenir compte des difficultés rencontrées. Mme la députée Garin a évoqué le témoignage d'une femme, mère célibataire d'un enfant souffrant de phobie scolaire, obligée d'assumer un rôle d'aidant et, de ce fait, ayant fait le choix de devenir autoentrepreneuse : elle fait typiquement partie des publics qui doivent faire l'objet d'une attention particulière, voire d'une exemption de cette obligation d'engagement car, à moins de lui proposer une activité adaptée à sa situation, il est impensable d'exiger de sa part quinze à vingt heures d'activité supplémentaires.
J'ai en tête le cas de deux allocataires du RSA que j'ai rencontrées à Genlis, en Côte d'Or, pour le lancement des expérimentations. La première, qui souffrait de douleurs handicapantes au dos et à la jambe à la suite d'un accident, m'a dit vouloir travailler ; elle m'a expliqué qu'en accord avec ses conseillers en insertion sociale et professionnelle, elle prenait auparavant le temps d'effectuer les examens médicaux permettant de déterminer quel type d'activité professionnelle elle serait en mesure d'exercer, sans prendre de risque pour sa santé ni aboutir à un échec professionnel. Cela fait partie des parcours dont nous devons tenir compte.
Elle était accompagnée d'une jeune femme, mère célibataire avec des enfants, qui était depuis dix ans au RSA et a retrouvé une activité de vingt heures par semaine dans le service de cantine d'une collectivité locale. Cette dernière se demandait si elle serait obligée de réaliser quinze à vingt heures d'activité d'insertion ou de formation en plus de ses vingt heures de travail. La réponse est évidemment non. Mais cette même jeune femme me disait souhaiter accéder à un temps plein. Si nous pouvons l'accompagner et lui permettre d'accéder au temps plein, en ne la mobilisant que pour les trois, quatre ou cinq heures d'activité lui permettant d'atteindre le temps plein, nous serons sur le bon chemin.
Ces exemples démontrent qu'il faudra savoir adapter le dispositif. Toutefois, j'ai la conviction que, plus nous aurons d'allocataires accompagnés, grâce à cet investissement social et à cet objectif de quinze à vingt heures pour une meilleure efficacité, mieux ce sera. Cela n'empêche pas de tenir compte des capacités et des difficultés de chacun.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, pardon de le dire ainsi, concernant les personnes en situation de handicap, notamment les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Certains ont évoqué une obligation d'inscription à Pôle emploi : ce n'est pas le cas ! Nous voulons l'inscription automatique pour les allocataires du RSA et les jeunes accompagnés par les missions locales dans un parcours d'insertion vers l'emploi. Pour les autres, qui bénéficient d'un accompagnement global – je pense notamment aux mineurs –, il est évidemment hors de question de prévoir l'automaticité. (Mme Danielle Simonnet s'exclame.)
M. Arthur Delaporte
C'est qu'on a réussi à les protéger !
M. Olivier Dussopt, ministre
S'agissant des personnes en situation de handicap bénéficiaires de l'AAH, j'ai, comme mes collègues du Gouvernement, dit et répété que les mesures que nous prenons visent à favoriser l'accès ou le retour à l'emploi de ceux qui le souhaitent, en tenant compte de leurs particularités ; le texte ne prévoit donc pas, pour ces bénéficiaires, d'inscription automatique. Elle se fera sur la base du volontariat. Chaque fois qu'une personne en situation de handicap souhaite être accompagnée sur le chemin de l'emploi, le service public de l'emploi doit l'accompagner, comme n'importe quel demandeur d'emploi, en veillant aux aménagements nécessaires, sans la renvoyer systématiquement à son statut de personne en situation de handicap.
Enfin, le troisième point concerne les questions de financement. En définitive, les décisions sont dans les mains du Parlement. Le budget pour 2024 consacrera 170 millions d'euros à la contractualisation avec les départements de France. Qu'est-ce que cela signifie ? D'abord, la transition, pour tous les départements, vers France Travail – ce n'est pas le plus coûteux –, afin que les modèles informatiques et les systèmes d'information soient partagés. Cela inclura aussi le financement d'activités, telles que la garantie d'activité départementale, qui doivent évoluer vers le modèle France Travail – cela représente quelques dizaines de millions d'euros. Enfin, cet argent permettra de financer l'expérimentation que mènent actuellement dix-huit départements, et que d'autres veulent rejoindre.
Pourquoi présentons-nous ce projet de loi avant la fin de l'expérimentation ?
M. Arthur Delaporte
Bonne question !
M. Olivier Dussopt, ministre
Parce que nous souhaitons que le projet de loi soit pleinement en vigueur à partir de 2025 et que la meilleure façon de généraliser un accompagnement d'ici à cette date, c'est de l'expérimenter. Nous n'inscrirons pas dans la loi ni dans les décrets les modalités pratiques d'accompagnement, qui relèvent des politiques départementales et sociales. En revanche, expérimenter et essayer permet aussi de partager les bonnes pratiques…
M. Pierre Dharréville
C'est précisément le but de l'expérimentation !
M. Olivier Dussopt, ministre
…afin d'être efficace partout dans le territoire, d'ici à 2025.
Enfin, je l'ai déjà évoqué, l'Unedic affiche une trajectoire très importante d'excédents et nous prévoyons, effectivement, qu'une partie de ceux-ci financent des politiques de formation, d'insertion ou de développement de l'apprentissage – ce sont ce que l'on appelle des dépenses actives : chaque fois qu'un demandeur d'emploi retourne vers l'emploi, cela se traduit par moins d'allocations versées et davantage de cotisations perçues.
Pour répondre à M. Juvin, ce que nous prévoyons n'empêchera pas l'Unedic de se désendetter à hauteur de 50 % de sa dette d'ici à la fin du quinquennat. C'est la démonstration que nous pouvons à la fois mettre à contribution, d'une certaine manière, l'Unedic pour financer des dépenses actives en faveur du retour à l'emploi, sans contrarier une trajectoire de désendettement de plus de 50 % à l'échelle du quinquennat,…
M. Pierre Dharréville
Les partenaires sociaux sont contrariés, quand même !
M. Olivier Dussopt, ministre
…ce qui, vous en conviendrez, est positif et doit être soutenu. Voilà ce que je souhaitais évoquer, avant que mes collègues reviennent sur les questions liées au handicap et à la petite enfance.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des solidarités et des familles.
Mme Aurore Bergé, ministre
Je souhaite répondre à quelques interrogations. S'agissant du non-recours aux droits, l'objectif est d'aller au bout d'un chantier absolument déterminant, dont vous savez qu'il changera profondément nos politiques publiques si nous parvenons à l'appliquer – et nous devons y arriver –, je veux parler de la solidarité à la source. Il ne s'agit pas seulement du préremplissage des déclarations – ce qui serait déjà une avancée par rapport à la situation décrite par le député Delaporte –, mais il s'agit d'assurer un accompagnement plus digne des personnes, notamment celles qui sont les plus éloignées de l'emploi. C'est tout l'enjeu de ce dispositif et des arbitrages qui sont en cours de manière à en définir le périmètre et à le rendre effectif avant la fin du quinquennat. La meilleure réponse à la lutte contre le non-recours, c'est la solidarité à la source et l'expérimentation en cours dans trente-neuf territoires zéro non-recours. Je me tiens à la disposition de chacun, si vous souhaitez qu'on aille plus loin dans cette démarche.
M. Louis Boyard
On attend la fin des expérimentations !
Mme Aurore Bergé, ministre
Expérimenter, c'est justement faire confiance aux départements et poursuivre la logique de partenariat, pour ne pas tout imposer d'en haut, mais plutôt faire ensemble.
Mme Danielle Simonnet
Tout vient d'en haut !
Mme Aurore Bergé, ministre
C'est ainsi que nous réussirons à fonctionner.
Le ministre du travail a répondu s'agissant de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi. De nombreux cas ont été cités, notamment ceux des proches aidants : nous aurons l'occasion de revenir, début octobre, sur les solutions que nous devons aux aidants, qui s'oublient trop souvent et négligent leurs propres conditions de santé pour accompagner les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables dont ils ont la responsabilité. Encore une fois, l'idée n'est pas de considérer tout le monde de la même manière, mais bien de prendre en compte les spécificités de chacun, dont la situation très particulière des aidants.
En ce qui concerne le handicap, nous considérons, avec la ministre déléguée Fadila Khattabi, – je ne comprends même pas que cela puisse faire l'objet d'une polémique – que, par principe, toutes les personnes en situation de handicap sont employables.
Par principe, ces personnes ne doivent pas être considérées comme différentes, mais comme faisant partie intégrante de la société : nous devons faire en sorte que la société s'adapte à elles, plutôt que de leur demander de s'adapter aux contraintes trop souvent imposées par l'État – à charge ensuite pour les entreprises de s'organiser pour permettre cette adaptation. Si deux articles seulement devaient nous réunir, ce seraient donc vraiment, selon moi, ceux consacrés aux personnes en situation de handicap.
Un mot concernant la fraude – puisque plusieurs d'entre vous y ont fait référence, même si ce n'est pas l'objet du présent texte –, pour vous donner deux chiffres intéressants : en 2022, la caisse d'allocations familiales a réalisé plus de 32 millions de contrôles, qui ont conduit à recouvrer 260 millions d'euros perçus par des personnes qui avaient délibérément fraudé. Une vidéo promouvant ce type de comportements a malheureusement été largement partagée et commentée ces derniers jours. Sachez que j'ai saisi toutes les instances nécessaires pour que des contrôles spécifiques soient effectués sur cette personne.
Je crois en effet que nous pouvons tous nous accorder sur le fait que si nous devons nous réjouir d'avoir un modèle social très généreux, il est hors de question que certains l'utilisent à mauvais escient en fraudant. Nous irons même plus loin, en créant un délit de promotion de la fraude sociale, comme cela a été fait pour la fraude fiscale. (Mme Danielle Simonnet s'exclame.) Si nous voulons garder un modèle social généreux et solide, nous devons être impitoyables avec ceux qui entendent frauder délibérément et tricher – c'est d'autant plus vrai quand ils osent le faire pour percevoir l'allocation aux adultes handicapés. Ce cas a été suffisamment commenté, mais il me semblait nécessaire de rappeler quelques principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Pierre Dharréville
La droite parle à la droite !
Mme Aurore Bergé, ministre
Enfin, j'imagine que nous aurons l'occasion, au cours de nos débats, de revenir sur l'article 10, qui crée le service public de la petite enfance. Tout l'objectif de la façon dont nous avons cheminé en réécrivant le texte transmis par le Sénat – que nous n'avons pas écrasé, conservant au contraire de nombreuses évolutions apportées par la chambre haute – est d'engager une démarche partenariale avec les collectivités. Nous ne réussirons pas le service public de la petite enfance contre les maires et les collectivités, mais seulement grâce à eux.
C'est la raison pour laquelle nous entendons renforcer leurs prérogatives : non seulement nous assumons le fait que les collectivités soient, de facto , les pilotes de cette politique, car ce sont généralement elles qui ont réussi à déployer un service public de la petite enfance, qu'il prenne la forme d'une délégation de service public (DSP) ou fonctionne selon d'autres modalités – là aussi, il faut accepter que plusieurs modèles puissent coexister ; mais nous renforçons aussi le pouvoir des maires en prévoyant qu'ils émettent un avis préalable avant toute nouvelle installation, ce qui n'est pas le cas actuellement. Aujourd'hui, n'importe qui peut en effet, s'il le souhaite, s'installer dans une collectivité, par exemple en créant une micro-crèche.
Surtout, nous voulons accompagner les maires. Nombre d'entre eux expliquent ne pas avoir les moyens de leurs ambitions en matière d'accueil du jeune enfant, parce qu'ils n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour l'organiser ni les moyens pour le financer. C'est pourquoi 6 milliards d'euros seront mis sur la table, entre 2023 et 2027, pour garantir aux CAF les moyens budgétaires, financiers et humains requis pour accompagner les collectivités. Je tiens à la disposition de tous les parlementaires le courrier du président de l'AMF, qui fait état du dialogue très fructueux et utile que nous avons mené en la matière et du compromis que nous avons trouvé pour garantir à nos enfants les meilleures conditions d'accueil possible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 27 septembre 2023