Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le projet de loi de finances pour 2024 à Paris le 27 septembre 2023.

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Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Présentation du projet de loi de finances 2024

Texte intégral

Je suis ravi de vous retrouver avec Thomas Cazenave pour vous présenter ce projet de loi de finances pour 2024.

Nous le présentons dans un contexte inflationniste qui brouille tous les repères et impose de faire preuve de clarté.

Nous avons trois défis à relever.

Premier défi : répondre à la crise inflationniste la plus grave depuis les années 1970. Elle entame la confiance de nos compatriotes et plonge les plus modestes dans une véritable anxiété.

Nous marquons des points depuis plusieurs semaines. Nous devons continuer les efforts.

Deuxième défi : désendetter le pays et réduire le déficit. Cette ligne politique est un impératif catégorique, comme l'a dit le premier président de la Cour des comptes.

J'appelle notre majorité à revenir à l'esprit de 2017 et à notre ADN politique.

D'autant plus quand les oppositions dites "de gouvernement" sont incapables de proposer des économies supplémentaires. Quand l'esprit de responsabilité manque aux oppositions de gouvernement, la majorité doit en faire preuve pour dix.

D'autant plus quand les taux d'intérêt ont pris 300 points de base. Ils atteignent plus de 3 % sur dix ans et alourdissent la charge de la dette, qui s'élèvera à 74 Md€ en 2027.

Troisième défi : dégager des marges de manœuvre pour investir dans le régalien, dans l'éducation et dans la transition écologique.

Nous devons piloter nos finances publiques en relevant ces trois défis qui n'obéissent pas au même calendrier.

1) Premier défi : mettre fin à la flambée des prix

C'est notre objectif de court terme.

Cela demande une cohérence étroite entre la politique monétaire de la Banque centrale européenne, qui a réduit les liquidités et augmenté les taux, et la politique budgétaire des capitales de la zone euro, qui doit être adaptée en conséquence.

Soyons clairs : si la BCE appuie sur le frein monétaire et que nous appuyons sur l'accélérateur budgétaire, nous irons tous dans le décor.

Cela demande aussi que le fardeau de l'inflation soit équitablement réparti entre les pouvoirs publics, les entreprises et les ménages. L'État ne peut pas tout porter à lui seul.

C'est pourquoi nous avons réuni les industriels et les distributeurs, avec des résultats tangibles.

Nous avons obtenu des efforts de leur part : trimestre anti-inflation, maintien ou baisse des prix sur près de 5000 produits, avancée de la conclusion des négociations commerciales au 15 janvier 2024.

Nous avons aussi obtenu, de la part de plusieurs distributeurs, des prix coûtants à la pompe jusqu’à la fin de l'année.

Je salue enfin les efforts de Total, qui maintiendra les prix à 1,99/L dans ses 3000 stations partout en France.

Vous voyez, nous ne demandons pas, nous obtenons.

Nous accompagnons aussi nos compatriotes qui sont obligés de prendre leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. Aucun salarié ne doit renoncer à travailler à cause du prix à la pompe.

Nous mettrons en place l'indemnité carburant travailleur à partir de janvier 2024.

Elle sera ciblée sur les 50 % de travailleurs les plus modestes.

Elle concernera près de 4,3 millions de personnes.

Elle représentera une indemnité de 100 € par véhicule, soit une aide d'environ 20 centimes/L pendant six mois pour un automobiliste moyen.

Elle coûtera 430 M€.

Ce ciblage est d'autant plus justifié que nous maintiendrons, pour tous nos compatriotes, l'indexation des aides sur l'inflation.

Cette indexation représente 25 Md€ de dépenses en 2024 :

• 4,5 Md€ pour l'indexation des prestations sociales et des minimas sociaux ;
• 14 Md€ pour les retraites ;
• 6 Md€ pour l'impôt sur le revenu.

À tous ceux qui me disent que l'État s'en met plein les poches en période inflationniste, je dis : c'est faux et à courte vue.

Les recettes de TVA vont augmenter entre 2023 et 2024 de 209 Md€ à 219 Md€, soit 10 Md€ de plus. De l'autre côté de la balance, l'État va dépenser 25 Md€ supplémentaires dans les mesures d'indexation que je viens d'évoquer.

L'inflation coûte cher à l'État.

2) Deuxième défi : accélérer notre désendettement

C'est notre objectif de moyen terme.

Pour 2027, notre objectif est de revenir sous les 3 % de déficit - 2,7 % exactement -, de ramener la dette à 108,1 % et de baisser le taux de prélèvements obligatoires de 45,4 à 44,4 %.

Cela nécessite des actions fortes dès ce projet de loi de finances pour 2024.

Il comporte 16 Md€ d'économies :

• 10 Md€ de fin du bouclier tarifaire ;
• 4,4 Md€ de recentrage des dispositifs d'aides exceptionnel aux entreprises ;
• 1 Md€ sur les politiques de l'emploi, dont 600 M€ sur les coûts contrats des apprentis ;
• 700 M€ sur l'assurance chômage.

Avec ces économies, l'État dépensera 491 Md€ en 2024, contre 496 Md€ en 2023. C'est 5 Md€ de moins.

Il s'agit d'un effort notable en cette période d'inflation.

Ce budget 2024 est donc bien la première marche d'une trajectoire pluriannuelle des finances publiques ambitieuse.

Elle est basée sur trois principes.

Le premier, c'est la croissance, qui est indispensable pour se désendetter.

Le deuxième, ce sont les réformes de structure :

• La réforme des retraites rapportera 12,5 Md€ de rendement en 2027 ;
• La réforme de l'assurance chômage rapportera 12,5 Md€ d'économies en cumulé d'ici 2027.

Enfin, le troisième levier, ce sont les revues des dépenses publiques.

Ces revues des dépenses publiques nous ont déjà permis d'identifier 2 Md€ d'économies à terme sur le PINEL et plusieurs centaines de millions d'euros sur les opérateurs de l'État.

Elles seront poursuivies chaque année en ciblant une dizaine de secteurs. Elles seront menées avec fermeté.

Mais je vais être clair : ces revues des dépenses publiques sont nécessaires mais pas suffisantes.

Pour être efficaces et durables, elles doivent s'inscrire dans une réflexion globale sur les missions de l'État, sur le périmètre de l'action publique et sur nos choix fondamentaux de politique sociale.

3) Troisième défi : investir pour préparer l'avenir

C'est notre objectif de long terme.

Il ne peut pas y avoir de désendettement et de réduction du déficit sans croissance. Sinon cela s'appelle l'austérité, et nous catégoriquement toute austérité.

Et pour créer de la croissance, il faut de l'investissement.

Nous faisons le choix de la prospérité et de la puissance contre toute politique de décroissance.

Ce choix nous a conduit à baisser massivement les impôts des entreprises et des ménages depuis 2017 : baisse de l'impôt sur les sociétés, suppression de la taxe d'habitation, suppression de la contribution à l'audiovisuel public…

Nous devons rester fidèle à cette promesse dans un pays qui conserve l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés des pays développés.

Cette promesse nous a permis de créer 2 millions d'emplois, d'engager la réindustrialisation de la France et de conserver une croissance positive à 1 % en 2023.

Ce cap sera réaffirmé concrètement dans le budget 2024 par la baisse d'1 Md€ de la CVAE dès 2024, et sa suppression totale au plus tard en 2027.

Les entreprises bénéficieront également de conditions de concurrence fiscale équitables  à l'échelle internationale grâce à l'instauration de l'imposition minimale à l'impôt sur les sociétés – dite "Pilier II". Il sera mis en place dès ce PLF 2024 et nous rapportera 1,5 Md€ par an à partir de 2026.

Sur les ménages, je confirme que nous baisserons les impôts de 2 Md€ dans le PLF 2025.

Sur ces bases solides, nous devons désormais préparer l'avenir.

Ce PLF 2024 confirme nos choix pour la sécurité, le régalien et l'éducation. Mais il affirme surtout un choix politique majeur en faveur de la décarbonation et de la transition écologique. Cela a été rappelé par le président de la République lundi et la Première ministre hier.

Nous augmenterons le budget consacré à Ma prime renov' de 1,6 Md€, pour le porter à 5 Md€ par an.

Nous amplifierons nos efforts sur les véhicules électriques :

• Nous augmenterons le bonus automobile pour les classes moyennes et les personnes les plus modestes. Ce bonus ne concernera plus que les véhicules qui ont une faible empreinte carbone de production ;
• Nous ouvrirons en novembre les pré-réservations pour un leasing à 100 euros par mois pour les 50 % des ménages les plus modestes, avec un premier loyer intégralement pris en charge par l'État.

Nous favoriserons la production d'énergie nucléaire. Nous travaillerons avec EDF pour trouver le juste équilibre entre les investissements que l'entreprise doit mener et la nécessité de garantir des prix de l'électricité compétitifs pour les industriels et les ménages, en les préservant de la volatilité du marché.

Enfin, les investissements dans la décarbonation supposent d'engager la conversion de notre fiscalité du brun au vert. Elle se fera sur une base progressive, dans le dialogue.

Nous sommes parvenus à un accord sans heurts, sans crises, sans incompréhensions.

Concrètement, les agriculteurs verront la fiscalité du GNR augmenter de 2,85 centimes par litre de carburant en 2024 et les entrepreneurs des travaux publics de 5,99 centimes. Ce sera la même somme chaque année pour donner de la visibilité.

Les recettes fiscales supplémentaires iront à l'accompagnement des petites entreprises de ces secteurs et à la consolidation de la filière des biocarburants.

Au total, nous consacrerons plus de 40 Md€ aux dépenses vertes dans ce PLF soit une hausse de 7 Md€ en crédits de paiements et une hausse de 10 Md€ en engagements par rapport à 2023.

Je crois que nous ne pouvons pas marquer plus clairement cette priorité du président de la République.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 28 septembre 2023