Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (nos 530, 1675).
Pour commencer cette séance probablement pleine de surprises, la parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Je suis très heureux de vous retrouver pour cette première séance d'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui inaugure sans doute beaucoup d'autres séances similaires, ou pas ! (Mme Catherine Couturier s'exclame.)
Aujourd'hui est un jour important pour nos finances publiques. Avec Thomas Cazenave, nous avons présenté ce matin le projet de loi de finances pour 2024 en Conseil des ministres. Ce soir, vous êtes amenés à vous prononcer sur le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Je l'ai indiqué en commission : ce texte est indispensable à la crédibilité budgétaire de la nation et je tiens à remercier les trois groupes de la majorité – Renaissance, Démocrate, Horizons (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem) –,…
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre
… les seuls à avoir eu le courage de voter pour le rétablissement de nos finances publiques, pour le désendettement de la France et pour la réduction de nos déficits. (M. Boris Vallaud s'exclame.) Ce texte est fondamental pour notre crédibilité par rapport aux marchés.
M. Damien Maudet
Ce sont les Français qui comptent, pas les marchés !
M. Bruno Le Maire, ministre
Quand nous sommes endettés, quand nous devons financer un déficit budgétaire et que les taux d'intérêt dépassent les 3 %, quand la charge des intérêts de la dette atteindra 74 milliards d'euros en 2027, il est responsable de fixer un cap de réduction des déficits et de la dette. C'est également fondamental pour notre crédibilité par rapport aux autres États membres de la zone euro, qui ont tous déjà adopté une trajectoire pluriannuelle de réduction de leur dette et de leurs déficits.
Enfin, certains d'entre vous l'ont dit en commission, de ce texte dépend le décaissement des aides européennes de 10,3 et 7,5 milliards d'euros que nous devrions recevoir avant la fin 2023 et en 2024. Je serai clair avec la représentation nationale : sans loi de programmation des finances publiques (LPFP), il n'y aura pas de décaissement – que chacun prenne ses responsabilités.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Nicolas Sansu
Oh là là !
M. Bruno Le Maire, ministre
Afin de conforter notre crédibilité, cette future loi de programmation fixe des objectifs clairs pour 2027 : retour sous les 3 % de déficit public, à 2,7 % exactement ; accélération du désendettement, pour revenir à 108,1 % de dette publique ; réduction du taux de prélèvements obligatoires, de 45,4 à 44,4 %. Elle repose sur des choix politiques forts : nous ne voulons pas de réduction de la dépense publique ou de désendettement par l'austérité. Nous ne voulons pas tailler à l'aveugle dans la dépense publique. Nous voulons que la réduction de la dette et des déficits soit d'abord le fruit de la croissance et de la prospérité retrouvée de notre pays.
La croissance est là : 1 % en 2023 et 1,4 % prévu en 2024, soit l'un des niveaux les plus élevés de la zone euro. Elle nous permettra de réduire notre dette d'ici à 2027. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, cette croissance est le résultat de la politique économique que vous avez soutenue avec constance depuis plus de six ans. Pour l'accélérer, la renforcer encore dans les années à venir, il faut investir dans l'industrie, les nouvelles technologies, l'intelligence artificielle et la transition écologique. Il faut poursuivre le fléchage de l'épargne privée vers cette transition, qui ne peut être financée uniquement par des fonds publics.
Le renforcement de la croissance passe ensuite par une amélioration de notre productivité. Quelle est la principale difficulté de la zone euro ? C'est son taux de croissance significativement inférieur à ceux des États-Unis et des pays asiatiques car elle a perdu en productivité. (Mme Valérie Rabault s'exclame.) Nous devons investir davantage dans l'éducation, la formation, la qualification de nos salariés. La grande question économique des décennies à venir sera celle de l'éducation.
Un député du groupe RE
Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre
C'est grâce à cette dernière que nous serons plus productifs, et les salaires meilleurs ; c'est elle qui permettra de relever le niveau de vie de chacun de nos compatriotes.
En deuxième lieu, le rétablissement des finances publiques reposera sur des réformes de structure. Je le dis à tous ceux qui nous reprochent de ne pas être assez ambitieux dans ce rétablissement et dans notre trajectoire de réduction de la dette, tout en refusant de voter la réforme de l'assurance chômage ou celle des retraites qui représentent à elles deux près de 25 milliards d'euros d'économies d'ici 2027. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Marianne Maximi
Ça va ?
Mme Danielle Simonnet
Et les allocataires du RSA, il y en a 100 000 de plus !
M. Bruno Le Maire, ministre
Il n'y a pas de désendettement sans réformes structurelles ; pas de désendettement sans réforme de l'assurance chômage ; pas de désendettement sans réforme des retraites, qui augmente le taux d'emploi de nos compatriotes et qui permet, en conséquence, de financer notre croissance. Je le répète, aucun rétablissement des finances publiques, aucun désendettement n'est possible sans règlement de cette question des retraites, qui représente 14% de la dépense publique totale dans notre pays. Je le dis à cette tribune, comme je l'ai dit en commission : je suis prêt à aller plus loin en matière de réformes structurelles, à analyser avec vous ce qui est faisable en termes de réforme de l'assurance chômage, de périmètre de l'État ou de meilleure efficacité de la dépense sociale, ces réformes permettant de réduire de manière responsable la dette et les déficits. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Parallèlement, une réflexion doit aussi s'opérer sur les dépenses des collectivités locales. (Mme Raquel Garrido s'exclame.) Pour éviter le face-à-face, le ping-pong permanents entre elles et l'État, chacun se renvoyant la balle, avec Thomas Cazenave, nous avons créé le Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL), marqueur fort de notre détermination à avancer d'égal à égal avec elles. Il s'agit d'identifier les gisements d'économies potentielles, les besoins des collectivités locales et leurs possibilités d'investir.
Mme Danielle Simonnet
En supprimant le RSA, par exemple ? Les allocations ne sont pas des gisements !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous avons déjà précisé que les contrats de Cahors ne seraient pas inscrits dans cette nouvelle loi de programmation, qu'il n'y aurait, par conséquent, pas d'obligations imposées aux collectivités locales et que l'effort demandé à celles-ci serait trois fois moins important que celui demandé à l'État, dont la dépense primaire doit reculer en moyenne de 0,9 % par an en volume entre 2023 et 2027, contre 0,3 % par an pour les collectivités. C'est donc l'État qui porte la plus grande partie de l'effort.
Enfin, les réformes de structure doivent s'accompagner de revues des dépenses. Les revues engagées cette année nous ont permis d'identifier 2 milliards d'économies à terme sur le dispositif Pinel, 1 milliard d'euros sur les opérateurs de l'État et 600 millions sur les coûts-contrats des apprentis. Nous sommes déterminés à poursuivre, sur une base annuelle, cette revue des dépenses publiques, à raison de quinze revues par an, afin d'identifier toutes les économies possibles en matière de dépense de l'État et de rendre cette dernière plus efficace pour 2027.
Mme Raquel Garrido
Et les niches fiscales ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous avons aussi engagé, avec l'accord des professions concernées, la conversion de notre fiscalité du brun au vert, selon un principe fondamental : toutes les recettes supplémentaires résultant de l'augmentation de la fiscalité des énergies fossiles iront à la transition écologique de ces professions. Ainsi, quand nous décidons d'augmenter les accises sur le gazole non routier pour les agriculteurs, nous le faisons progressivement – 8 centimes par an –, en les accompagnant et en leur reversant l'intégralité des recettes pour qu'ils transforment leurs exploitations.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Émeric Salmon
Ils sont en train de mourir !
M. Bruno Le Maire, ministre
Je ne crois pas une écologie punitive, une écologie du diktat, je crois à une écologie qui accompagne, qui dialogue, qui permet à chacun de disposer de solutions face aux difficultés qu'il rencontre. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Cyrielle Chatelain
Vous ne croyez pas à l'écologie tout court !
M. le président
Seul le ministre a la parole, s'il vous plaît.
M. Bruno Le Maire, ministre
Ce sera la même chose pour les entrepreneurs de travaux publics. Nous refusons la brutalité. ("Et le 49.3 ?" sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous refusons les diktats en matière de transition écologique.
Mme Julie Laernoes
C'est une blague ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous les accompagnons en augmentant la fiscalité de 5,99 centimes d'euros par an jusqu'en 2030, progressivement, et en reversant toutes les recettes pour qu'ils puissent acheter des engins de chantier électriques,…
M. Grégoire de Fournas
Des engins de chantier électriques ?
M. Bruno Le Maire, ministre
…décarboner leur activité et avoir accès à une filière de biocarburants. Seuls la concertation, le dialogue, l'accompagnement et la prévisibilité permettront de rendre la transition écologique acceptable par tous les secteurs économiques.
Au-delà de ces réformes de structure, de l'accompagnement des secteurs concernés, de la croissance que nous avons retrouvée, le taux d'emploi doit faire la fierté de notre majorité. Depuis que nous le calculons, il n'a jamais été aussi élevé en France : 74% des 25-65 ans ont un emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) C'est votre résultat, lié à votre détermination à appliquer une politique de l'offre qui soutient les entrepreneurs, baisse les impôts et récompense le travail. C'est votre succès, celui de votre politique !
M. Émeric Salmon
Et les travailleurs pauvres, quel succès !
M. Bruno Le Maire, ministre
Le travail restera le cœur de notre politique ; nous parviendrons au désendettement et au rétablissement des finances publiques grâce à des éléments de soutien concret au travail, comme la baisse des impôts engagée depuis 2017 et que nous poursuivrons en 2025.
C'est également l'objectif de l'indemnité carburant (Huées sur quelques bancs du groupe RN) qui vise à accompagner les travailleurs les plus modestes. Ce sera aussi l'objet de la grande conférence sociale qu'a voulue le Président de la République, qui devra aboutir à des avancées concrètes en matière de rémunération. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Raquel Garrido
La démocratie sociale, c'est bien, pas le 49.3 !
M. Bruno Le Maire, ministre
J'entends vos cris, mais je rappelle que vous aviez proposé de supprimer tous les allégements de charges sur les heures supplémentaires !
Une députée du groupe LFI-NUPES
Cotisations ! Cotisations !
Mme Raquel Garrido
Ils n'aiment pas les travailleurs !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous n'avons pas de leçon à recevoir de votre part en matière de rémunération des travailleurs, alors que nous avons développé l'intéressement et la participation, et mis en place la prime défiscalisée. Nous, au moins, laissons aux salariés et aux personnes qui travaillent le fruit de leur travail et de leur engagement. (Mêmes mouvements.)
Mme Sarah Legrain
Ça s'appelle un salaire ! Il n'aime pas les salaires, Bruno Le Maire !
M. Bruno Le Maire, ministre
Notre politique récompense le travail ; votre politique vole les travailleurs. C'est toute la différence ! (Mme Danièle Obono s'exclame.)
M. le président
Chers collègues, arrêtez de hurler : seul le ministre à la parole.
M. Bruno Le Maire, ministre
Nos compatriotes constatent – il suffit d'écouter vos cris – la grande confusion actuelle,…
M. William Martinet
C'est vous la confusion !
M. Bruno Le Maire, ministre
…liée principalement à la période d'inflation la plus élevée que nous connaissions depuis les années 1970.
M. William Martinet
C'est la politique du Gouvernement qui est confuse !
M. Bruno Le Maire, ministre
Cette confusion a des causes profondes, liées aux inquiétudes économiques, climatiques et géopolitiques. Dans le domaine des finances publiques, mesdames et messieurs les députés, vous avez l'occasion unique de faire un peu de lumière, de fixer un cap clair, une méthode pour y parvenir et des engagements chiffrés.
M. William Martinet
Vente à perte ou pas ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Cette future loi de programmation des finances publiques est indispensable à la France.
M. Benjamin Lucas
Vous avez tellement de convictions !
M. Bruno Le Maire, ministre
C'est une nécessité pour nos compatriotes, un garde-fou contre l'explosion de l'endettement que voudraient certains et qui nous amènerait à dépenser des sommes totalement excessives pour la charge de la dette. Elle est un garde-fou contre cette supposée fatalité qui nous empêche depuis trente ans de rétablir les finances publiques, y compris quand la situation s'améliore. Elle est un garde-fou contre cette propension nationale irrésistible à la dépense publique, sans considération de son utilité ou de son efficacité.
Mme Julie Laernoes
Et le taux de précarité en France ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Mesdames et messieurs les parlementaires de la majorité, vous pouvez être fiers d'être les seuls dans cet hémicycle à avoir pris vos responsabilités, à avoir voté pour le désendettement de la France, pour la réduction de la dépense publique et pour le renforcement de l'efficacité de l'action de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Nicolas Sansu
Dommage que les Français soient aussi ingrats !
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics
Le texte que nous examinons aujourd'hui est celui qui a été établi lundi soir par la commission des finances, après plusieurs heures d'échanges très riches qui ont permis de discuter en détail non seulement chaque article, mais aussi la portée et le sens de l'ensemble du projet de loi. Le texte issu de ces travaux est de grande qualité ; il vise à donner un cap financier à notre nation.
Vous le savez, ce projet de loi traduit le cap que nous avons fixé : ramener le déficit public sous la barre des 3 % d'ici à la fin du quinquennat. Il est pleinement cohérent avec le programme de stabilité présenté en avril dernier. Je tiens à insister sur ce point : la France a besoin d'une trajectoire, d'un cap pour ses finances publiques. La nouvelle trajectoire doit nous permettre de tenir nos comptes, aujourd'hui comme demain. Y parvenir suppose de partager un sentiment de responsabilité (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) vis-à-vis de notre pays, de sa crédibilité, de sa capacité d'action et de son indépendance. Y parvenir suppose aussi de répartir l'effort entre les administrations publiques : l'État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Mon premier message est clair : ce projet de loi de programmation des finances publiques est un élément central de notre crédibilité.
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est mal barré !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Non pas celle du Gouvernement, mais celle de notre nation. Notre crédibilité, tout d'abord, vis-à-vis des Français, qui ont besoin de connaître notre chemin, celui d'un retour à la normale après des années de crises.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ils savent ce que ça veut dire !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Ils ont besoin de savoir comment nous allons financer les services publics et les investissements dont nous avons tant besoin à l'avenir. Notre crédibilité, ensuite, vis-à-vis de nos partenaires européens, puisque nous transposons dans ce texte les objectifs fixés dans le programme de stabilité. Deux versements du plan de relance européen sont en jeu, conditionnés par l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle : un de 10 milliards d'euros, qui doit intervenir cette année, et un de 8 milliards, qui interviendra l'année prochaine. Nous en avons parlé en détail en commission des finances, car certains d'entre vous avaient des doutes. Nous avons apporté, par écrit et oralement, les précisions demandées, permettant d'affirmer que sans loi de programmation, ces fonds ne nous seront pas versés…
Mme Raquel Garrido
Un chantage inacceptable !
M. Charles Sitzenstuhl
Ça s'appelle le respect de l'État de droit.
Un député du groupe LFI-NUPES
C'est notre argent, l'argent des Français !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…alors même que nous comptons dessus et qu'ils sont intégrés à notre trajectoire. Ne nous laissons pas à aller à de faux débats : il ne s'agit pas d'une condition imposée à la France par l'Union européenne, mais d'engagements que nous avons pris volontairement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Notre crédibilité, enfin, vis-à-vis des investisseurs qui achètent notre dette dans un contexte de remontée des taux d'intérêt. En quelques mois, nos emprunts sont passés de taux quasi nuls à des taux supérieurs à 3 % sur nos obligations. En 2027, la charge de la dette devrait atteindre 74 milliards d'euros, soit davantage que le budget consacré à l'éducation nationale. Quel signal enverrions-nous si nous n'avions pas de loi de programmation ?
Mme Sarah Legrain
On n'en veut pas, de votre programmation !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
En matière de crédibilité, j'ai bien conscience que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a formulé plusieurs réserves. Je ferai une remarque sur l'hypothèse d'une croissance potentielle de 1,35 % par an jusqu'en 2027. Cette estimation est proche des prévisions des instituts qui tiennent compte de nos réformes, comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Car notre prévision de croissance potentielle s'appuie sur les réformes structurelles que nous conduisons : la réforme des retraites, celle de l'assurance chômage et de France Travail, la réforme du lycée professionnel, celle de l'apprentissage, la création du service public de la petite enfance, le lancement des plans d'investissement et la baisse des impôts de production.
Mon deuxième message porte sur le rythme du rétablissement des finances publiques. Nous le savons, la consolidation trop rapide casse la croissance et entraîne plus de dépenses qu'elle ne permet d'économies. C'est pour cela que nous assumons dans cette trajectoire une stratégie de réduction progressive du déficit, qui permet de poursuivre les investissements dans les services publics et la transition écologique, ainsi que les baisses d'impôt. Voilà ma réponse à ceux qui dénoncent une stratégie d'austérité qui n'a jamais été la nôtre.
Toutefois, par rapport au texte qui vous a été présenté il y a un an, la trajectoire de retour sous les 3 % de déficit public est légèrement plus rapide : nous visons 2,7 % en 2027, au lieu de 2,9 % il y a un an. La France ne peut se démarquer de ses partenaires européens. Nous pourrions être le dernier pays européen dont le déficit repasse sous la barre des 3 %. Pour parvenir à cet objectif, nous faisons fortement baisser la part des dépenses publiques dans le PIB, même si elles continueront à croître en euros, et nous stabilisons à 44,4% la part des prélèvements obligatoires.
Cela implique de réaliser à partir de 2025 12 milliards d'euros d'économies, réparties à parts égales entre l'État, ses opérateurs et la sécurité sociale. C'est un effort très important. Nous assumons que ces économies doivent être documentées : cela implique que les collectivités territoriales, tout en continuant d'investir, maîtrisent leurs dépenses. Mais nous ne reviendrons pas à un mécanisme d'incitation tel qu'il figurait dans la première mouture du texte : il n'y aura pas de contrats de Cahors bis . Nous parviendrons à réaliser ces économies par une démarche renouvelée de revue de dépenses, une démarche ouverte associant les parties prenantes. Nous avons voulu que ces nouvelles revues de dépenses soient promues au plus haut niveau et par tous, car la dette publique est l'affaire de tous : État, opérateurs, collectivités territoriales, sécurité sociale.
Dans le cadre du HCFPL, nous sommes convenus de lancer de nouvelles revues de dépenses. Je pense notamment à celle concernant l'évaluation du coût de l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités sur le territoire, entre l'État, les agences et les collectivités locales.
M. Charles Sitzenstuhl
Très bien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Le Gouvernement déposera un amendement pour rétablir l'article 16 du projet de loi,…
M. Nicolas Sansu
Ah !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…qui définit un objectif d'évolution de la dépense locale (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ; nous le déposerons dans sa version enrichie par l'amendement de Véronique Louwagie, du groupe LR, qui rejoint les travaux des groupes LIOT, Écologiste et Socialistes. Certaines dépenses seront exclues du périmètre : les dépenses d'allocations individuelles de solidarité (AIS) mais aussi, compte tenu des débats parlementaires, les dépenses relatives à l'aide sociale à l'enfance (ASE).
M. Boris Vallaud
Ce n'est pas vrai !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous intégrons davantage d'économies à notre trajectoire, mais nous ne conservons pas la trajectoire issue des travaux du Sénat, que nous ne jugeons ni réaliste ni souhaitable. Encore une fois, parce que la consolidation trop rapide casse la croissance, nous assumons une stratégie de réduction progressive du déficit public.
Au-delà de ce nouvel équilibre qui vous est proposé, les amendements adoptés en commission des finances lundi ont permis d'actualiser notre trajectoire, un an après le premier examen du texte. Les prévisions d'inflation ont été mises à jour. Par ailleurs, après un an de travail supplémentaire, les trajectoires financières des différentes politiques publiques et les enveloppes des caisses de sécurité sociale ont également été actualisées. Le Gouvernement a donc déposé une série d'amendements visant à mettre le texte et le rapport de la future loi de programmation en cohérence avec la vision que nous avons à ce stade de notre trajectoire économique et financière ; ils sont intégrés au texte que nous examinons aujourd'hui.
Enfin, ce nouvel examen du projet de loi, qui intervient un an après le premier, tire les conclusions d'une année de travaux du secrétariat général pour la planification écologique. Nous devons partager le double défi qui est devant nous. Nous avons deux dettes : une dette publique et une dette écologique.
Mme Raquel Garrido
Et une dette démocratique !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
La mise à jour de la LPFP que nous proposons aujourd'hui donne une vision actualisée des crédits de l'État consacrés à la transition écologique, en cohérence avec l'investissement supplémentaire de 10 milliards annoncé par le Président de la République et la Première ministre. Celui-ci se traduit par une hausse historique des crédits de paiement de 7 milliards en 2024, qui consacre l'obligation de faire baisser le poids des dépenses néfastes à l'environnement. Vous avez par ailleurs adopté en commission un amendement déposé à l'initiative, notamment, de David Amiel et de Pierre Cazeneuve (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE) , et prévoyant une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Cet amendement de la majorité en rejoignait plusieurs autres, issus de l'opposition.
Mme Julie Laernoes
Dont un très bon amendement, déposé l'an dernier par les Écologistes, que vous aviez rejeté !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Le voilà désormais satisfait.
Mme Julie Laernoes
Il n'est pas satisfait du tout !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Ce n'est pas une surprise, car cette demande de visibilité pluriannuelle a été exprimée par tous les groupes lors des dialogues de Bercy. Nous y sommes très favorables, parce que nous devons à nos concitoyens la visibilité des moyens consacrés à la résorption de la dette écologique. Vous avez également adopté un amendement déposé par Lisa Belluco, du groupe Écologistes, qui renforce l'exigence que nous nous fixons en matière de réduction du poids des dépenses publiques néfastes à l'environnement. J'étais favorable à cet amendement et je remercie Mme Belluco pour cet enrichissement du texte.
Enfin, je souhaite vous dire que cette future loi de programmation est aussi un engagement avant tout envers le Parlement, construite avec lui (Sourires sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES) …
M. Nicolas Sansu
On va au bout de son examen alors ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…pour partager un cap, pour mieux piloter les finances publiques, pour s'assurer que les lois de finances annuelles sont cohérentes avec la trajectoire proposée par le Gouvernement. C'est pour cela que j'ai donné un avis favorable à quinze amendements parlementaires : douze de la majorité et trois des oppositions. Ils permettent de mieux encadrer les pratiques financières telles que les niches fiscales et sociales, mais aussi de mieux informer le Parlement.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES
Tout ça pour ça !
M. le président
Chers collègues, seul le ministre délégué a la parole.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Ces amendements émanent de la majorité : ils ont été défendus notamment par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, par Mathieu Lefèvre et par Daniel Labaronne. Ils émanent aussi de l'opposition, comme celui, défendu par Philippe Brun pour le groupe Socialistes, qui établit le principe consistant à borner dans le temps toutes les nouvelles niches fiscales. Je crois au dialogue, je hais le sectarisme : une bonne idée est une bonne idée, quel que soit le banc dont elle provient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Depuis la révision de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la portée de la loi de programmation pluriannuelle a été renforcée. L'obligation pour le Gouvernement de justifier devant le HCFP ses éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle, en amont du dépôt du projet de loi de finances, en est une traduction concrète. Pour dire les choses simplement, il serait un peu déroutant que le Parlement, après avoir à juste titre œuvré à renforcer son pouvoir de contrôle, se prive d'un important instrument de ce contrôle.
Un député du groupe LFI-NUPES
Très déroutant !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
En résumé, ce projet de loi, enrichi par le travail parlementaire en commission (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , présente une trajectoire qui ramène le déficit public sous la barre des 3 % en 2027, réduit le niveau des dépenses publiques, stabilise le taux de prélèvements obligatoires de 2023 à 2027, et finance les priorités des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
(…)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre
Je tiens avant tout à remercier tous les députés qui ont rejeté la motion. Je vais répondre, pour la clarté du débat, à Mme Rabault – dont les arguments, c'est le moins qu'on puisse dire, n'ont convaincu ni l'Assemblée ni le Gouvernement.
M. Bruno Le Maire, ministre
D'abord, madame Rabault, vous accusez les résultats économiques du Gouvernement et vous accablez sa politique économique. Voici le fond de mon sentiment : je trouve vraiment dommage qu'une parlementaire, vice-présidente de l'Assemblée nationale et ancienne rapporteure générale du budget (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) ne soit pas capable de reconnaître les succès économiques des entreprises et des salariés français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Je trouve désolant qu'il faille aller à Berlin, en Allemagne, à Londres, au Royaume-Uni, ou à Madrid, en Espagne, pour que soient reconnus les effets positifs de la politique économique d'Emmanuel Macron. Je le répète, je trouve cela désolant. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)
M. Émeric Salmon
Demandez aux Français !
M. Bruno Le Maire, ministre
Je ne le dis pas pour nous, membres du Gouvernement, ni même pour la majorité, mais pour les salariés qui travaillent, pour les ouvriers qui font tourner les usines, (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES) …
M. le président
S'il vous plaît.
M. Bruno Le Maire, ministre
…pour les entrepreneurs qui investissent, pour les jeunes qui prennent des risques, pour les entrepreneurs indépendants engagés dans leur travail, pour les agriculteurs et les patrons d'exploitation, pour tous ceux qui font réussir la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Tous ici, collectivement, nous devrions leur dire merci. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Merci pour les 2 millions d'emplois qui ont été créés. Merci pour le 1% de croissance. Merci pour l'attractivité retrouvée de la France, qui accueille désormais plus d'investissements sur son territoire que n'importe quel autre pays européen.
M. Sébastien Peytavie
Merci la démagogie !
M. le président
S'il vous plaît, chers collègues.
M. Bruno Le Maire, ministre
J'y reviens : je trouve désolant que vous ne soyez pas capable de reconnaître honnêtement et sincèrement ces résultats de notre politique économique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Sébastien Peytavie
Vous êtes meilleur en littérature !
M. Bruno Le Maire, ministre
Par ailleurs, vous avez dit, madame Rabault, que la loi de programmation des finances publiques constitue un jalon négatif. Je rappelle, mais vous le savez car vous connaissez les textes par cœur, que nous avons au total transmis 181 cibles et jalons à la Commission européenne. Vous avez décidé d'extraire celui-ci – j'y reviendrai –, ce qui est bien naturel dans la mesure où c'est l'objet de notre débat de ce soir. Cependant, vous auriez pu, par honnêteté intellectuelle, citer aussi certains jalons positifs qui figurent dans le texte que nous avons adressé à la Commission européenne…
Mme Sophie Errante
C'est clair !
M. Bruno Le Maire, ministre
…je pense à notre engagement à rénover les logements sociaux, à décarboner l'industrie, à instaurer un crédit d'impôt pour l'industrie verte, à développer l'hydrogène décarboné, ou encore à nous doter de nos propres usines de batteries électriques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Par honnêteté intellectuelle, je le répète, vous auriez pu citer tous ces jalons positifs.
Le jalon de la loi de programmation des finances publiques est-il d'ailleurs si inutile ? Non, il est même nécessaire. Il l'est non pour la Commission européenne – la question ne se résume pas au versement de fonds européens –, mais pour nous-mêmes : ce texte est nécessaire pour la France.
Mme Danielle Simonnet
Un débat sans vote !
M. Bruno Le Maire, ministre
Quand on a une dette aussi élevée, que nous traînons d'ailleurs depuis trente ans,…
M. Antoine Léaument
La faute à qui ?
M. Bruno Le Maire, ministre
…quand on a des taux d'intérêt remontés à près de 4 %, il est nécessaire de disposer d'une trajectoire de finances publiques visant à désendetter le pays et à revenir sous le seuil des 3 % de déficit en arrêtant les dépenses inutiles. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Sandrine Rousseau
Celles des entreprises ?
Mme Julie Laernoes
L'éducation et les hôpitaux ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Et ce texte est aussi nécessaire car, dans les courriers des 6 et 21 septembre, il a été clairement indiqué que l'adoption de la loi de programmation des finances publiques est indispensable au décaissement de la deuxième tranche des crédits européens.
Enfin, pour une autre raison encore, nous ne pouvons pas nous passer d'une loi de programmation des finances publiques. Madame Rabault, vous qui êtes une Européenne convaincue,…
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Étiez une Européenne convaincue !
M. Bruno Le Maire, ministre
…vous savez que les dix-huit autres États membres de la zone euro disposent déjà d'une trajectoire pluriannuelle des finances publiques. À cet égard, je n'ai aucune envie que la France reste le petit mouton noir qui, seule sur le bord du chemin, résistant à l'ensemble de ses partenaires européens, ne se dote pas d'une loi de programmation des finances publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, LR et Écolo-NUPES.) Et si vous n'êtes pas convaincue, madame Rabault, je vous rappelle que tous les gouvernements socialistes en Europe, sans exception, ont été capables d'établir pour leur pays une trajectoire de retour sous la barre des 3 % de déficit public, et qu'ils atteindront tous ce résultat avant nous.
M. Antoine Léaument
Pourquoi dites-vous sans arrêt du mal de la France ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Le Portugal socialiste a fixé l'âge légal de départ à la retraite à 67 ans et ses comptes publics sont déjà à l'équilibre. L'Espagne de M. Sánchez reviendra sous les 3% de déficit public en 2025.
M. Antoine Léaument
Ils ont bloqué les prix, faites la même chose !
M. Bruno Le Maire, ministre
L'Allemagne de M. Scholz, également socialiste, reviendra également sous ce seuil en 2024. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
Monsieur Léaument, s'il vous plaît.
M. Bruno Le Maire, ministre
Pourquoi ce que des socialistes européens sont capables de faire, madame Rabault, vous ne seriez pas en mesure de le faire également ? Votez donc notre loi de programmation des finances publiques et vous serez cohérente avec les autres gouvernements socialistes européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 septembre 2023