Texte intégral
ADRIEN GINDRE
L'invité ce matin c'est Olivier VÉRAN, bonjour.
OLIVIER VÉRAN
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Ministre chargé du Renouveau démocratique et porte-parole du Gouvernement, ça on a davantage l'habitude, on va parler justement de cette démocratie puisque le chef de l'État l'a évoquée hier devant le Conseil constitutionnel, à l'occasion des 65 ans de la Constitution, il veut élargir le champ du référendum, mais pour faire des référendums sur quoi ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord qu'est-ce que ça veut dire élargir le champ du référendum, ça veut dire faire plus de démocratie directe. Il y a deux sortes de démocratie, celle qui est médiée par les élus, qu'on appelle la démocratie représentative, qui est importante, c'est la base de notre Constitution, mais les pères fondateurs de la Constitution, la 5e, la plus longue de l'Histoire désormais, ils avaient pensé aussi à des mécanismes de démocratie directe, c'est-à-dire des moments dans l'Histoire où on peut aller directement vers les Français pour leur poser des questions sur les sujets qui nécessitent leur avis.
ADRIEN GINDRE
Ce qui est déjà possible aujourd'hui et ce qu'Emmanuel MACRON n'a jamais utilisé.
OLIVIER VÉRAN
Ce qui n'a pas été utilisé depuis plus d'une décennie en réalité, qui a été assez peu utilisé au cours de l'Histoire, c'est réservé "aux grandes occasions", pour des traités européens, pour des grandes questions…
ADRIEN GINDRE
Et donc là l'idée c'est de pouvoir en faire sur quoi alors ?
OLIVIER VÉRAN
Et en fait la Constitution elle limite le champ des questions sur lesquelles on peut interroger les Français, c'est-à-dire qu'il y a des questions que vous ne pouvez pas poser par référendum.
ADRIEN GINDRE
Mais qu'est-ce qui vous manque aujourd'hui comme outils à votre avis, qu'est-ce qu'il faudrait pouvoir faire de plus que ce que la Constitution permet ?
OLIVIER VÉRAN
Réviser la Constitution ça ne veut pas dire la changer, ça veut dire la conforter, et ça veut dire élargir le périmètre des questions qu'on peut poser, c'est-à-dire se dire on n'a pas peur de poser, d'interroger les Français, les Français ils sont politiques, ils ont envie de donner leur avis, d'exprimer, et d'ailleurs ils le montrent dans les enquêtes d'opinion…
ADRIEN GINDRE
Par exemple sur l'immigration, vous avez eu des demandes des oppositions…
OLIVIER VÉRAN
Vous savez qu'on est à plus de 80 %, dans les enquêtes d'opinion, de Français qui disent qu'ils souhaitent qu'on puisse les solliciter par référendum.
ADRIEN GINDRE
Oui, mais concrètement, vous avez eu des demandes des oppositions qui disent "nous on aimerait pouvoir faire un référendum sur l'immigration", ce n'est pas possible aujourd'hui…
OLIVIER VÉRAN
Aujourd'hui la Constitution l'empêche.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous souhaitez que ça le soit demain ?
OLIVIER VÉRAN
Ça fait partie des discussions. Le président n'a pas donné le contour précis des questions qu'on pourrait poser, mais il dit élargissons l'article 11, n'ayons pas peur de pouvoir interroger davantage les Français sur des sujets pour lesquels aujourd'hui on est dans l'impossibilité de le faire, donc il y a les sujets d'immigration, et sans doute d'autres sujets, sur lesquels les forces politiques pourront dire "on le souhaite"…
ADRIEN GINDRE
La fin de vie.
OLIVIER VÉRAN
Peut-être que les sujets sociétaux en feront partie, sur la fin de vie il y a une convention citoyenne qui est aussi un mécanisme de démocratie directe. Et puis il dit quoi d'autre ? Hier il dit il y a aussi le RIP, le référendum d'initiative partagée, alors celui-là on n'y a jamais eu recours parce que c'est trop compliqué, il faut réunir 10 % des voix des parlementaires, ça ça va, mais 10 % de la population.
ADRIEN GINDRE
Ça fait plus de 4,5 millions.
OLIVIER VÉRAN
Exactement, plus de 4,5 millions, ça n'a jamais pu être fait, et donc dans le même mouvement, en fait c'est le mouvement du "avec vous" qu'on avait vu pendant la campagne, c'est ce que le président fait quand il fait des conventions citoyennes, le grand débat national, les CNR, où il permet aux Français de dire ce qu'ils attendent de nous et d'être…
ADRIEN GINDRE
Et là il veut abaisser le seuil à combien le chef de l'État ?
OLIVIER VÉRAN
On verra l'abaissement du seuil, il n'a pas donné de chiffre encore.
ADRIEN GINDRE
Mais c'est avec vous ou c'est avec flou, parce que ce n'est pas très clair ?
OLIVIER VÉRAN
Ça je m'y attendais, attendez…
ADRIEN GINDRE
Ah bah oui !
OLIVIER VÉRAN
Hier il explique la méthode…
ADRIEN GINDRE
Il fait un discours… mais concrètement…
OLIVIER VÉRAN
Il explique la méthode. Acte 1 il réunit pour la première fois tous les présidents de partis politiques, à Saint-Denis, il y a quelques semaines, les présidents de partis politiques lui disent, pour certains, il faut élargir l'article 11 de la Constitution pour faire plus de référendums, d'autres disent qu'il faut simplifier le recours au RIP, il dit je vais réfléchir à tout ça. Hier il dit j'ai réfléchi à tout ça, je suis Ok pour qu'on y aille, d'accord, donc l'acte 3 c'est qu'il va réécrire aux présidents des forces politiques pour leur dire on va se retrouver, si vous en êtes d'accord, comme la dernière fois, et on va avancer pour savoir maintenant comment est-ce qu'on précise les choses. Parce que pour changer…
ADRIEN GINDRE
Quand est-ce qu'il y aura une nouvelle rencontre ?
OLIVIER VÉRAN
Adrien GINDRE, la Constitution, il faut réunir, non pas une majorité simple, ce qui est déjà compliqué dans la période…
ADRIEN GINDRE
Il faut déjà réunir une majorité simple, dans chacune des deux chambres…
OLIVIER VÉRAN
Et il faut la majorité des 3/5e en congrès, c'est-à-dire qu'il faut que 60 % des députés et des sénateurs réunis, sachant qu'on a la majorité absolue dans aucune des deux chambres, disent on est Ok, donc ça veut dire que chacun doit y retrouver…
ADRIEN GINDRE
Alors juste, je rebondis sur ce que vous venez de dire, parce que vous nous avez dit quelque chose d'important, le chef de l'État va refaire un courrier aux partis politiques ?
OLIVIER VÉRAN
Oui, il devrait faire ça oui.
ADRIEN GINDRE
Pour les réunir à quelle date ?
OLIVIER VÉRAN
Pour leur faire des… d'ailleurs il s'y est engagé dans son premier courrier, il dit "je reviendrai vous vous avec des propositions."
ADRIEN GINDRE
On avait parlé de la date du 30 octobre, c'est toujours d'actualité ?
OLIVIER VÉRAN
Hier il pose le cadre – la date je ne l'ai pas, pardonnez-moi – le troisième cadre aussi de révision constitutionnelle, qu'il propose, c'est la décentralisation.
ADRIEN GINDRE
On va y revenir, juste une question sur la majorité, parce que vous soulevez un point qui me paraît effectivement crucial, avec qui vous pensez pouvoir faire cette majorité des 3/5e, qui aujourd'hui est compatible avec vos positions sur la réforme de la Constitution ?
OLIVIER VÉRAN
J'entends qu'à gauche on plaide depuis longtemps pour un élargissement du RIP, j'entends qu'à droite on plaide depuis longtemps pour un élargissement de l'article 11, vous me voyez venir, c'est-à-dire que dans la logique de la recherche de consensus du président avec les forces politiques, de majorité et d'opposition, il leur dit voilà, on fait un package avec dedans ce que vous souhaitez les uns et les autres, et on le porte devant le congrès, c'est dans ces conditions qu'on peut réussir une réforme constitutionnelle.
ADRIEN GINDRE
Mais est-ce que ça inclut la France insoumise et le Rassemblement national, vous avez pris deux exemples, sur le RIP La France insoumise est demandeuse, sur l'élargissement du champ du référendum le Rassemblement national est demandeur, on a souvent entendu l'exécutif dire l'arc républicain s'arrête juste avant LFI et RN, est-ce que là vous leur tendez la main ?
OLIVIER VÉRAN
On ne tend pas la main, on dit vous vous êtes représentants d'une partie des Français, le président de la République le dit, il est au-dessus des partis, d'ailleurs c'est ce que dit la Constitution, et donc le président dit moi j'ai vocation à ce que l'ensemble des représentants de la nation puissent travailler de concert pour obtenir un consensus pour conforter et moderniser notre Constitution, c'est ça qu'il dit, on n'est pas dans la logique partisane pour le coup, par contre on a conscience du fait que pour obtenir une majorité il faut, encore une fois, répondre aux demandes exprimées par l'ensemble des forces politiques, dans la mesure où elles vont dans le bon sens, et nous on considère, et le président de la République l'a montré depuis des années, qu'en allant vers les Français pour les interroger, en leur disant vous être utiles, en revenant vers eux pour leur dire vous avez proposé ça, vous être utiles, ce que j'ai lancé avec l'application Agora d'ailleurs, c'est-à-dire qu'on interroge les Français, ils sont des dizaines de milliers à s'inscrire, ils sont des milliers et des milliers à répondre à des consultations, là on lance aujourd'hui une thématique sur les violences contre les enfants, faite avec Charlotte CAUBEL, où on pose des questions aux Français, et leurs réponses elles sont utiles.
ADRIEN GINDRE
Mais qu'est-ce que vous en attendez ?
OLIVIER VÉRAN
Charlotte CAUBEL est en train de faire un plan de prévention et d'accompagnement des enfants victimes de violences, donc il y a des questions qui relèvent, certes du politique, mais pour lesquelles on a besoin de l'opinion publique, qu'est-ce qui vous semble plus efficace, où est-ce qu'on doit mettre les efforts, comment est-ce qu'on doit former, est-ce que vous-même vous vous sentez en mesure d'intervenir dans le champ de la lutte contre les violences faites aux enfants, c'est cette façon-là de faire de la politique. Alors, j'admets, Adrien GINDRE, que ça peut surprendre parce que c'est finalement assez nouveau dans un paysage politique où habituellement vous avez des lois qui partent d'en-haut, mais c'est la volonté exprimée par le président et c'est la ligne politique que nous suivons.
ADRIEN GINDRE
Alors pour le coup je vais vous donner raison sur un point, je pense qu'on ne peut pas vous faire le reproche de ne pas écouter, il y a eu le grand débat, il y a eu les conventions citoyennes, en revanche la question c'est qu'est-ce que vous en faites ensuite ? En ce moment il y a des négociations entre les partenaires sociaux sur le sort de leur caisse, le Gouvernement dit on va prendre de l'argent dans les caisses, pourquoi est-ce que vous ne dites pas on va écouter les partenaires sociaux ? Vous vous targuez de vouloir écouter, écoutez donc les partenaires sociaux.
OLIVIER VÉRAN
Adrien, d'abord écouter ça ne veut pas forcément dire toujours tomber d'accord.
ADRIEN GINDRE
Ça veut dire faire comme vous vous voulez.
OLIVIER VÉRAN
Non, sinon ça s'appelle du populisme, si quand la majorité vous dit c'est ça qu'il faut et que vous estimez qu'en fait ce n'est pas tenable pour l'avenir du pays, mais que vous le suivez pour faire plaisir aux gens, ça ça s'appelle…
ADRIEN GINDRE
C'est du populisme ou de la démocratie ?
OLIVIER VÉRAN
Et ce n'est pas ce qu'on fait.
ADRIEN GINDRE
La démocratie c'est écouter la majorité.
OLIVIER VÉRAN
Mais on a une démocratie aujourd'hui qui est une démocratie représentative, c'est-à-dire que les gens votent pour des élus pour qu'ils puissent prendre des décisions, donc on n'est pas dans la politique du sondage, c'est deux choses qui sont différentes, écoutez ce que les gens ont à nous dire sur le fond, faire progresser nos lignes politiques et être capables de se parler davantage, ça c'est une bonne politique.
ADRIEN GINDRE
Vous ne reconnaissez pas que la démocratie sociale ça existe, écouter les partenaires sociaux, les laisser gérer ?
OLIVIER VÉRAN
Mais la démocratie sociale, vous me parlez de cela, dans une semaine il y a une conférence sociale, qui va quoi ? Qui va dire on va supprimer les bas salaires, en dessous du SMIC, dans 80 branches professionnelles.
ADRIEN GINDRE
Mais si les conclusions ne vous conviennent pas vous pourrez dire pareil, vous pourrez dire ce n'est pas raisonnable, donc on n'écoute pas les partenaires sociaux.
OLIVIER VÉRAN
La conférence sociale a le mérite de réunir les partenaires sociaux, les employeurs, en responsabilité, qui disent voilà, là on a un équilibre budgétaire à obtenir, mais il faut qu'on fasse des efforts, donc c'est un bon modèle. Et prenez, regardez, je vais vous taquiner là-dessus, mais prenez la Convention citoyenne sur le climat, moi j'ai entendu ça pendant deux ans, "ce truc n'a servi à rien", etc. Qu'est-ce qui se passe depuis un mois ? Les ZFE, zones à faibles émissions, les gens disent, des maires disent on n'en veut pas c'est trop contraignant, le ZAN, c'est-à-dire la zéro artificialisation nette des sols, vous avez un président de région, Laurent WAUQUIEZ, qui dit c'est trop contraignant, on n'en veut pas, la suppression de l'allocation des passoires thermiques, vous voyez que ça fait débat parfois même au sein de la majorité. Ces trois mesures, qui sont fondamentales pour le climat et que je soutiens très fortement, elles sont issues de quoi ? De la Convention citoyenne pour le climat, c'est-à-dire c'est l'exemple même qui contredit tout le discours ambiant sur vous outils, etc.
ADRIEN GINDRE
Le reproche qui vous est fait sur ces sujets c'est plutôt la question de l'accompagnement, quel accompagnement de l'État, comment est-ce qu'on atteint ces objectifs en réalité.
OLIVIER VÉRAN
Non, non, pardon, le reproche qui a été fait, que j'ai entendu pendant des années, des mois et des années, c'était de dire vous n'avez pas écouté les gens, cette convention n'a servi à rien. Regardez, chaque semaine en ce moment, au moment où on applique les mesures décidées, proposées par les citoyens dans le cadre de la Convention citoyenne, on nous dit hou là là, ça va trop vite, ça va trop loin, c'est trop fort, eh bien non ! Donc voyez que ce changement de méthode, encore une fois, il est profond dans notre façon de faire de la politique, et aller proposer des révisions constitutionnelles, le président en a proposé d'autres, sur l'IVG, qui sont fondamentales, sur le statut de la Corse, de la Nouvelle-Calédonie…
ADRIEN GINDRE
Très bien, revenons-y, parce que vous avez raison, c'est majeur, sur l'IVG par exemple, c'est un bon exemple, est-ce que le souhait du Gouvernement c'est qu'on inscrive dans la Constitution la liberté d'avoir recours à l'IVG ou le droit d'avoir recours à l'IVG ? Il se trouve que là, vous rappeliez tout à l'heure, il faut un accord des deux chambres, Assemblée-Sénat n'ont pas voté même texte, pas dans les mêmes termes, qu'est-ce que vous vous allez proposer, Gouvernement ?
OLIVIER VÉRAN
Ce que le président a dit c'est qu'il souhaite qu'il puisse y avoir un accord trouvé entre les deux chambres, donc ça veut dire que c'est aux deux chambres de travailler ensemble pour trouver la formulation…
ADRIEN GINDRE
Le Gouvernement ne va pas proposer de projet de loi ?
OLIVIER VÉRAN
Mais il y a un projet de loi qui a été déjà adopté à l'Assemblée nationale…
ADRIEN GINDRE
Des propositions de loi donc.
OLIVIER VÉRAN
Une autre qui a été fait au Sénat, donc ensuite on met tout le monde d'accord, ensemble, pour leur dire on est tous… déjà c'est fort, c'est-à-dire que vous avez toutes les forces politiques, de droite et de gauche de notre pays, je parle des forces démocratiques, qui considèrent – de l'arc républicain – qui considèrent qu'il est fondamental d'inscrire le droit à l'IVG…
ADRIEN GINDRE
Mais vous vous n'allez pas vous mouiller, le Gouvernement ne va pas déposer son propre projet de loi, sa propre formulation, parce que ce sont des initiatives parlementaires jusqu'ici… ?
OLIVIER VÉRAN
Aujourd'hui ce sont des initiatives parlementaires, et c'est très bien qu'il y ait des initiatives parlementaires, est-ce que pour autant ça veut dire que le Gouvernement… on va voir ce qui se ressort de la discussion entre les deux chambres – pardon, on est vraiment dans la technique là, on n'est pas dans le fond – c'est-à-dire que si on voit qu'il faut…
ADRIEN GINDRE
En fait on réforme la Constitution, c'est de la technique pour le coup.
OLIVIER VÉRAN
Non, non, attendez, d'abord le grand principe, on va introduire l'accès à l'IVG dans la Constitution, savoir quel est le mot précis qu'on va mettre devant, on introduit l'IVG dans la Constitution, c'est-à-dire qu'en 50 ans on a fait du chemin.
ADRIEN GINDRE
Donc ça sera fait avant la fin du quinquennat, vous en êtes convaincu ?
OLIVIER VÉRAN
Je le souhaite.
ADRIEN GINDRE
Parce qu'en fait tout ce qu'on vient de lister, et vous avez raison de rappeler, il y a la Corse, il y a la Nouvelle-Calédonie, il y a la protection du climat, le président a listé beaucoup de sujets, c'est titanesque comme chantier, réussir à avoir des accords, vous l'avez rappelé, à l'Assemblée, au Sénat, les 3/5e du Congrès. Comment vous voulez procéder en termes de calendrier, est-ce qu'il va y avoir les sujets traités les uns après les autres, est-ce que vous allez tout traiter d'un bloc dans une grande réforme de la Constitution, quelle est votre idée ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord je vous redis que le président, dans la méthode, là pour le coup il dit à tout le monde "travaillons ensemble et allons-y", donc on va voir comment les uns et les autres réagissent. Si vous avez des groupes d'opposition qui s'arc-boutent en disant "non plus jamais, jamais on ne révisera etc", ils le diront aux Français. Si, au contraire, ils disent "nous, on a envie d'avancer et nous, on est prêt à ce que ça avance assez vite", on sera capable de le faire. La Ve Constitution a été construite en un état. En un été, vous voyez. C'était sous René COTY avec le général de GAULLE qui présidait le Conseil. Donc ça peut aller vite et on peut faire des choses solides, durables, efficaces dans un temps court.
ADRIEN GINDRE
Je fais une toute petite incise, ce n'est pas la Constitution mais sur sont les institutions. La proportionnelle, pour le coup, on n'en parle plus ; ç'avait été un engagement du président de la République. Ça, c'est oublié ?
OLIVIER VÉRAN
Non, justement. Vous avez fait la différence à raison entre institutions et Constitution. Hier, c'était un discours qui portait sur la Constitution, le président s'est déjà exprimé sur la question de la proportionnelle, il est ouvert à cette idée. Il ne l'a pas rappelé hier ce qui ne veut pas dire qu'il l'exclut nécessairement du champ du dialogue.
ADRIEN GINDRE
D'accord. Et la limitation à deux mandats consécutifs du mandat présidentiel, il avait eu l'occasion de dire que c'était une funeste connerie.
OLIVIER VÉRAN
Il n'a pas été abordé.
ADRIEN GINDRE
Donc on laisse la connerie en l'état.
OLIVIER VÉRAN
Il n'a pas été abordé.
ADRIEN GINDRE
Sur la décentralisation, vous en parliez à l'instant, même chose, le chantier est ouvert. Comment est-ce que vous, vous voulez qu'il aboutisse ? Est-ce que par exemple le redécoupage des régions est une option qui vous paraîtrait être une bonne option ?
OLIVIER VÉRAN
Moi à titre personnel, je suis moins attaché, même si c'est un sujet important et même si j'ai voté d'ailleurs la loi sur les grandes régions à l'époque et je constate que c'est parfois compliqué de mettre le crédit là, je comprends l'esprit qui consiste à dire "on met deux régions ensemble, une qui peut être parfois une locomotive, l'autre qui va pouvoir davantage coopérer avec la voisine et les deux vont être gagnants". C'est vrai que c'est des très grands territoires. Je prends ma région Auvergne Rhône-Alpes, on va du fin fond du Cantal à la frontière suisse donc c'est immense.
ADRIEN GINDRE
Et ça donne une très grande surface à Laurent WAUQUIEZ dont vous parliez tout à l'heure.
OLIVIER VÉRAN
Ce n'est même pas ça. Parlez-moi de la politique culturelle de Laurent WAUQUIEZ, on n'a pas le temps là. Ce n'est même pas ça le sujet pour moi. Pendant le Covid, on a vu des élus qui disaient "si on avait plus de marge de manœuvre, si on était capable, on pourrait faire différemment". À chaque fois, quand on parle de logement par exemple, avec la politique du logement avec la crise du logement, avec la difficulté pour construire des logements sociaux pour répondre aux besoins des familles etc, on voit des élus qui disent "si on était davantage en responsabilité, si on avait plus de marge manœuvre" puis d'autres vous dis "si on avait de la différenciation territoriale", ça veut dire si on n'était pas tous traités de manière uniforme dans tous les domaines sur tout le territoire, peut-être qu'on pourrait fonctionner de manière plus efficace.
ADRIEN GINDRE
Ils vous demandent aussi de l'autonomie financière.
OLIVIER VÉRAN
Mais ils en ont en l'occurrence de l'autonomie.
ADRIEN GINDRE
Davantage.
OLIVIER VÉRAN
Peut-être davantage. Vous, je suis sûr que si je vous pose la question, vous aimeriez avoir plus d'autonomie financière à titre personnel.
ADRIEN GINDRE
Alors moi, je ne gère pas de région donc je n'en ferais pas grand-chose.
OLIVIER VÉRAN
Non mais à titre personnel aussi. Donc je ne sais pas ce que ça veut dire au fond. Donc là, on est en train de discuter de est-ce qu'il y a des nouvelles missions aujourd'hui qui relèvent de l'État qui peuvent être confiées aux territoires : départements, régions, communes, intercommunalités etc Et le souhait du président, c'est qu'on aille vers davantage de décentralisation.
ADRIEN GINDRE
Mais vous ne craignez pas l'effet, pardon Olivier VÉRAN, déceptif ? Parce qu'on a depuis le début de cet entretien évoqué beaucoup de sujets tous très importants, tous majeurs, qui peuvent tous effectivement changer beaucoup de choses. Mais alors vraiment, la probabilité que tout ça puisse aboutir rapidement en un été, comme vous disiez, en clin d'œil à la création de la Constitution, ça paraît quand même très faible, non ?
OLIVIER VÉRAN
Vous me faites penser un peu cette pub RENAULT, vous vous souvenez, il y a quelques années…
ADRIEN GINDRE
Je prends le comparatif !
OLIVIER VÉRAN
Et dès que Renault sortait une voiture il disait "ça ne marchera jamais, ça ne marchera jamais". Mais écoutez, on se donne rendez-vous dans quelques temps. Nous, on a envie que ça marche et on estime que le président de la République a mis sur la table de quoi normalement obtenir les conditions d'un accord. Après, on n'est jamais à l'abri de mauvaises surprises. On l'a vu depuis quelques mois avec parfois des partis politiques qui ont perdu leur boussole. Mais là, vous avez dans le projet de construction d'une révision de la Constitution normalement tout ce que les uns et les autres souhaitent qui vont dans le bon sens. Maintenant, le diable est effectivement dans les détails, vous l'avez dit, et c'est l'objet des discussions que va organiser le président de la République.
ADRIEN GINDRE
Aujourd'hui a lieu à Matignon un CNR, Conseil national de la refondation, post-émeutes. Ça veut dire qu'on aura aujourd'hui les décisions du Gouvernement sur ce qu'il faut faire après ces émeutes ?
OLIVIER VÉRAN
Ça veut dire que les… Vous me parliez tout à l'heure d'ailleurs des corps intermédiaires, du dialogue, de l'écoute etc. Eh bien, vous avez les représentants des élus locaux, les représentants des syndicats, les représentants du monde associatif qui nous ont dit "on souhaite, nous, pouvoir participer à votre réflexion, vous Gouvernement, sur comment faire en sorte que les émeutes ne se reproduisent pas". On leur dit OK et donc on les réunit cet après-midi à Matignon, sous l'égide de la Première ministre, pour avoir des heures d'échanges avec toutes ces forces, tous ces corps intermédiaires pour leur dire "nous on pense plutôt ça, et vous qu'est-ce que vous en pensez ?", et donc on dialogue.
ADRIEN GINDRE
Et donc trois après les émeutes, on commence le travail de réflexion.
OLIVIER VÉRAN
Mais non, Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Je vous pose la question.
OLIVIER VÉRAN
Mais non. On est plutôt dans la restitution, nous, de ce qu'on appelle le retour d'expérience sur les émeutes, de ce qu'on a compris, de ce qu'on a saisi d'un territoire sur l'autre, et on propose un certain nombre de pistes qu'on met en discussion et on écoute aussi ce que les uns et les autres ont à nous dire. C'est eux qui en ont fait la demande. Si on avait dit non, si on avait dit "non, c'est bon, on a notre plan, c'est bon, il n'y a pas de problèmes, on va faire les annonces, merci d'avoir proposé", là vous me diriez "écoutez, vous n'écoutez pas les gens". Alors quand on dit qu'on va prendre le temps de les écouter et de dialoguer, vous dites "mais en fait, ça veut dire que vous n'avez pas bossé".
ADRIEN GINDRE
Non, je pose la question.
OLIVIER VÉRAN
C'est formidable !
ADRIEN GINDRE
Et le comité interministériel des villes, il était prévu la semaine prochaine, il est décalé. Il aura lieu quand ?
OLIVIER VÉRAN
On se donne un tout petit peu, justement, de délai pour pouvoir faire des annonces après avoir concerté les forces intermédiaires.
ADRIEN GINDRE
C'est à ce moment-là qu'on aura les annonces.
OLIVIER VÉRAN
Oui. Imaginons que je vous dise, en fait, le jeudi on consulte mais le lundi on annonce tout, vous me diriez "OK, c'est une consultation de façade". Voilà, ce n'en est pas, une c'est une vraie consultation, un vrai champ. Mais je reconnais que ça peut ça peut perturber parce que ça ne fonctionnait pas comme ça dans les années, les décennies précédentes. On avançait, on avait notre plan, on l'annonçait et puis et les gens réagissaient, ils étaient contents, pas contents. Là on leur dit "écoutez, voilà, avant de l'annoncer on va en discuter avec vous".
ADRIEN GINDRE
Il y avait même une majorité absolue dans le quinquennat précédent qui vous permettait vous aussi d'avancer différemment.
OLIVIER VÉRAN
Ce n'est pas faux.
ADRIEN GINDRE
Dans l'actualité, je le disais également, la faculté Colbert à Marseille. Vous avez vu, cette faculté d'économie et de gestion dont le doyen a émis l'idée de passer les cours en distanciel pour protester contre l'installation de trafics de drogue à proximité de l'établissement. On a appris hier que des policiers allaient être placés en stationnaire devant cette fac. Est-ce que l'État se sent responsable de cette situation ?
OLIVIER VÉRAN
Eh bien l'État, il se sent responsable du fait de restaurer la sécurité à Marseille et de lutter contre les trafics, et de gêner, de perturber les trafics. On casse des points de deal quasiment chaque semaine. Quand je dis qu'on casse, ça veut dire que là où il y avait des dealers dans des quartiers, qui étaient chez eux depuis des années, ils ne le sont plus et ils ne le seront plus. Et donc ça perturbe, ça crée, on l'a vu avec des règlements de comptes etc. Ce qui se passe devant l'université est proprement scandaleux. Je crois qu'il y a eu près de 40 interpellations déjà en quelques semaines, ce qui veut dire que les forces de police sont très mobilisées. Si vous interpellez 40 personnes en quelques semaines, ça veut dire que vous êtes présent. Là, l'université a fait savoir que les conditions de sécurité n'étaient pas suffisamment garanties pour rester ouverte dans des bonnes conditions. Action-réaction, des policiers sont placés en lien avec le président de l'université à l'université, et le doyen a annoncé qu'ils allaient pouvoir sans doute rouvrir l'amphi dans de meilleures conditions.
ADRIEN GINDRE
Dans ce qui relève potentiellement aussi de votre action, il y a l'action sociale des Restos du cœur pour lesquels le Gouvernement s'était mobilisé il y a quelques semaines. Ils ont annoncé cette semaine qu'ils seraient bien contraints de refuser des bénéficiaires à partir de novembre, c'est ce que dit en tout cas le délégué général qui était auditionné à l'Assemblée. Il dit "c'est de l'abattage, on n'est pas taillé pour ça". Ça veut dire que la mobilisation du Gouvernement n'a pas été suffisante, n'a pas permis de sauver les Restos tel qu'on l'aurait souhaité dans l'idéal ? C'est-à-dire qu'ils puissent assurer toutes leurs missions ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord ne parlez pas de la mobilisation au passé puisqu'on ne laissera pas les Restos du cœur sans solution, et donc s'il y a besoin de revoir le plafond de subventions, il sera revu. Je m'en suis assuré auprès de la ministre en charge Aurore BERGE.
ADRIEN GINDRE
Donc vous nous dites ce matin "non, nous ne laisserons pas des bénéficiaires sans solution en novembre pour les Restos".
OLIVIER VÉRAN
Et deuxièmement, le gros enjeu c'est d'éviter qu'il y ait des gens qui aient besoin d'aller à l'aide alimentaire. C'est quand même ça l'enjeu donc c'est pour ça qu'on augmente les minima sociaux à hauteur de l'inflation. C'est pour ça que pour ceux qui ont besoin de leur véhicule pour rouler, le président a annoncé une indemnité carburant etc Donc on fait ce travail-là, on mène ce travail-là, on a conscience qu'il y a une file active qui augmente auprès des Restos du cœur. On travaille aussi, me disait la ministre, avec les Restos du cœur pour regarder les conditions d'acceptation des gens etc Bref, ce tissu de solidarité on en a besoin, c'est la fierté de notre pays, ça fait partie de notre histoire sociale, on a toujours été au rendez-vous.
ADRIEN GINDRE
Pour être sûr d'avoir bien compris, est-ce que vous nous dites ce matin que les Restos du cœur pourront servir tous les repas qu'ils souhaitent en novembre parce que le Gouvernement les aidera ?
OLIVIER VÉRAN
Je vous dis que je m'en suis, pour avoir discuté de cela ce matin même avant de venir vous retrouver avec la ministre – j'ai été ministre des Solidarités donc c'est un sujet qui me tient à cœur – j'en ai parlé avec Aurore BERGÉ qui m'a dit qu'elle était en lien avec eux pour discuter à la fois des subventions, des modalités de fonctionnement, de manière à ce que les Restos puissent rester ouverts et accueillir le maximum de personnes, y compris en novembre et en décembre.
ADRIEN GINDRE
Demain, tout autre sujet, décidément il faut faire le grand écart quand on est au Gouvernement en ce moment, réunion interministérielle sur les punaises de lit.
OLIVIER VÉRAN
Surtout quand vous êtes porte-parole, vous l'aurez noté.
ADRIEN GINDRE
Oui, en l'occurrence. Pour décider de quoi ? C'est pour concerter ou c'est pour décider, la réunion punaises de lit ?
OLIVIER VÉRAN
Non, mais déjà c'est pour comprendre, Adrien GINDRE. Ni vous, ni moi aujourd'hui ne sommes capables de dire qu'il n'y a pas plus de problèmes qu'il y a un an ou il y a un vrai problème supplémentaire par rapport à il y a un an. Ce que disent les scientifiques, c'est que de manière générale à cause du réchauffement climatique, ça augmente dans tous les pays à forte fréquentation touristique. C'est le tourisme qui peut…
ADRIEN GINDRE
Qui permet la circulation des insectes.
OLIVIER VÉRAN
Bien sûr. On se souvient, New York était une ville qui était très infestée de punaises de lit etc Donc quelle est l'ampleur du phénomène s'il y a un phénomène qui prend de l'ampleur ? Donc ça, on est en train de voir avec les professionnels qui interviennent chez les gens pour leur dire est-ce que vous avez plus de demande ? Est-ce que vous avez des délais etc ?
ADRIEN GINDRE
Et si c'est le cas, quelle sera la solution ? Il faudra payer ?
OLIVIER VÉRAN
Que ce soit le cas ou non, de toute façon les Français nous disent "on a un sujet avec les punaises de lit".
ADRIEN GINDRE
Mais c'est encore un sujet sur lequel vous devrez payer, dépenser pour trouver la solution ? On demande beaucoup de choses à l'État, il faut le reconnaître.
OLIVIER VÉRAN
Non, il y a des vraies questions. Est-ce que c'est l'assurance qui doit prendre en charge ? Est-ce que c'est le propriétaire ? Est-ce que c'est le locataire ? Il y a des choses qui ont déjà été traitées dans la loi.
ADRIEN GINDRE
Ce n'est pas l'État qui réglerait tout alors.
OLIVIER VÉRAN
En tout cas, c'est à nous d'apporter des réponses aux Français parce qu'on a été élus pour ça et ça fait partie de notre travail. Donc pour apporter des bonnes réponses, il faut déjà qu'on les ait nous-mêmes. Et à l'heure à laquelle je vous parle, je vous le dis en toute humilité, je n'ai pas toutes les réponses. Donc c'est très bien qu'il y ait une réunion interministérielle demain à Matignon parce que tout le monde est autour de la table, et s'il y a des questions qui n'ont pas encore trouvé de réponse, chacun sera chargé de les identifier et ensuite de les donner aux Français.
ADRIEN GINDRE
Merci Olivier VÉRAN.
OLIVIER VÉRAN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 octobre 2023