Texte intégral
MAYA LAUQUE
C'est l'heure de parler politique, alors qu'Emmanuel MACRON se rendra tout à l'heure dans le Finistère, en Bretagne, pour rencontrer les sinistrés de la tempête Ciaran, on va évoquer notamment la question des transports. Cyril GRAZIANI, vous recevez dans " Les 4V ", le ministre chargé des Transports, Clément BEAUNE. Messieurs, bonjour.
CYRIL GRAZIANI
Bonjour Clément BEAUNE.
CLEMENT BEAUNE
Bonjour.
CYRIL GRAZIANI
On va faire un premier bilan après le passage de la tempête Ciaran. Quel bilan vous faites là, 24 heures après ?
CLEMENT BEAUNE
Il y a eu malheureusement deux morts à déplorer à cause de cette tempête, nous le savons, dont un chauffeur poids lourd qui a été victime d'une chute d'arbre. Ça a été dans l'Aisne la nuit de mercredi à jeudi. Et puis une deuxième victime, qui a été recensée hier au Havre, là aussi à cause du vent très violent qui soufflait. Et puis il y a un certain nombre de blessés. On est en train d'actualiser le bilan, parce qu'il y en avait 16 hier, sans doute quelques blessés légers supplémentaires, puisque la tempête a continué à souffler hier soir, on le sait notamment dans les Hauts-de-France, donc c'est un bilan qui est lourd puisque nous déplorons deux morts. Mais je le dis aussi par l'anticipation, les consignes qui ont été données, la mobilisation exceptionnelle de tous les services de l'Etat, c'est vrai pour le service que je connais le mieux, le ferroviaire, les agents des routes, mais aussi pour nos agents chargés de l'électricité, nos sapeurs-pompiers, ça a permis d'éviter beaucoup de drames, en réduisant notamment les circulations sur la route et dans le train.
CYRIL GRAZIANI
Justement, certains vous ont trouvé un peu trop alarmistes.
CLEMENT BEAUNE
Je ne crois pas. Qu'aurait on dit si on n'avait pas prévenu, dans tous les sens du terme, informé et pris des mesures de précaution ? On a heureusement tiré les leçons, au fur et à mesure, des tempêtes qui ont soufflé en France, notamment celle de 1999 dont on se souvient. Maintenant, les dispositifs de vigilance qu'on connaît bien, de Météo France, des services de l'Etat, fonctionnent. Et oui, c'est par exemple ce qu'on a fait sur les TER, avec…
CYRIL GRAZIANI
Ils vont repartir ?
CLEMENT BEAUNE
Oui, alors…
CYRIL GRAZIANI
Tout va repartir à la normale ?
CLEMENT BEAUNE
Ils sont en train de repartir progressivement, pour les cinq régions qui étaient concernées Bretagne, Pays-de-la-Loire, Centre-Val-de-Loire, Normandie, Hauts-de-France. Il reste une situation difficile dans les Hauts-de-France, aujourd'hui, parce que c'est la région qui a été touchée le plus tard par la tempête. Donc ce matin, il n'y a pas de TV qui circulent dans les Hauts-de-France. Le premier recensement fait état de nombreux dégâts sur les voies, de chutes d'arbres, de chutes de fils électriques. Toutes les équipes de SNCF sont mobilisées, 4 000 agents pour rétablir cela le plus vite possible, et les circulations vont reprendre progressivement, sans doute à partir de la fin de matinée, début d'après-midi. Mais il y aura des perturbations encore, au moins demain, aujourd'hui et demain, dans les Hauts-de-France.
CYRIL GRAZIANI
On est dans un week-end de retours de vacances.
CLEMENT BEAUNE
Oui.
CYRIL GRAZIANI
Vous pouvez garantir aux voyageurs que ce week-end, normalement, ils pourront rentrer chez eux ?
CLEMENT BEAUNE
Il y a beaucoup de réservations, notamment dans les TGV, 1 million, 1,5 million de personnes qui doivent revenir de vacances. Oui, on assurera ce service. Il peut y avoir quelques TGV qui seront retardés, dans des cas j'espère totalement exceptionnels, annulés. On informe les voyageurs. Evidemment, ils sont remboursés intégralement ou peuvent changer de train. Et les retours seront assurés grâce à la mobilisation qu'on a faite dès hier, des 4 000 agents de la SNCF qui reconnaissent les voies, vont faire les réparations le plus rapidement possible. Et à l'heure où on parle, il y a très peu de lignes à grande vitesse qui sont impactées.
CYRIL GRAZIANI
Je voulais profiter de votre présence aussi pour évoquer le Pass Rail.
CLEMENT BEAUNE
Oui.
CYRIL GRAZIANI
Vous savez, le Pass Rail, c'est la possibilité de voyager de manière illimitée, pour moins de 50 €, dans les TER et Intercités. Il en est où ? Ça avance à petite vitesse ?
CLEMENT BEAUNE
Non, ça avance rapidement. Mais, c'est une idée qui a été évoquée cet été, que le président de la République a reprise et a endossée à la rentrée. C'est très récent, et dès que le président de la République l'a évoquée au mois de septembre, j'ai commencé une discussion avec les régions. Parce que c'est une compétence partagée entre l'Etat et les Intercités, les régions, les TER notamment. Donc, cette discussion, elle commence. Il faut qu'on soit d'accord d'ici le début de l'année prochaine. Et je maintiens l'objectif que j'avais fixé, c'est-à-dire un Pass Rail qui commence l'été prochain, l'été 2024. Il faut qu'il concerne au moins les TER et les Intercités, de manière illimitée, parce que je pense que c'est une transformation de nos transports écologiques.
CYRIL GRAZIANI
« Au moins » ?
CLEMENT BEAUNE
Oui, au moins, parce que…
CYRIL GRAZIANI
Ça pourrait aller plus loin ?
CLEMENT BEAUNE
Vous savez qu'en Allemagne, on regarde ce qui se passe à l'étranger, c'est tous les transports publics qui ont été intégrés, y compris ce qui serait en France…
CYRIL GRAZIANI
Les TGV.
CLEMENT BEAUNE
Alors, pas les TGV. En Allemagne, il n'y a pas la grande vitesse, mais les bus, les trams, les métros etc. En France, il faut commencer, je crois, compte tenu de l'organisation de nos compétences, par les TER et les Intercités. Il y a beaucoup d'offres qui sont faites par les régions, et par l'Etat, je l'avais fait l'été dernier, et on ne met pas tout ça ensemble. Donc mettons tout ça ensemble. J'entends une petite polémique sur le fait qu'il n'y aurait pas une ligne budgétaire explicite dans le budget de l'Etat pour 2024, c'est normal, le produit Pass Rail n'existe pas encore, mais évidemment, il y a des crédits pour le ferroviaire, qui sont dans mon budget. 85 % de mon budget, c'est le rail. Donc évidemment l'Etat financera sa part de ce Pass Rail.
CYRIL GRAZIANI
Alors, avis de tempête pour le gouvernement avec le texte immigration qui arrive lundi au Sénat, hier dans une tribune publiée dans " Le Monde " 3 000 soignants ont signé une pétition pour le maintien de ce que l'on appelle l'AME, l'Aide Médicale d'Etat, est-ce que vous vous pensez qu'il faut la maintenir, parce que le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, lui, aimerait la changer en AMU, Aide Médicale d'Urgence ?
CLEMENT BEAUNE
Oui, il y a eu des débats, parfois sémantiques, mais sur le fond, qu'est-ce que c'est l'AME d'abord ? c'est une aide effectivement déjà d'urgence pour un certain nombre de personnes, y compris en situation, parfois irrégulière, ou difficile, qui ont besoin de soins. Ce n'est pas seulement un dispositif d'humanité et de générosité, j'insiste, c'est aussi un dispositif de santé publique, pour que les personnes qui sont sur le territoire n'aient pas telle ou telle maladie, qu'on pourrait soigner, qu'on pourrait prendre en charge, et les soignants sont dans leur rôle quand ils rappellent, ce qui est d'ailleurs leur serment, de toujours soigner. Ce que la Première ministre a indiqué c'est qu'on pouvait regarder les évolutions de ce dispositif, pourquoi pas…
CYRIL GRAZIANI
Le panier de soins.
CLEMENT BEAUNE
Le panier de soins, les programmations des soins, et elle a confié une mission, d'ailleurs, à deux personnalités, monsieur STEFANINI et monsieur EVIN, ancien ministre de la Santé…
CYRIL GRAZIANI
Qui ont rendu leur rapport hier.
CLEMENT BEAUNE
Oui, qui semble dire d'ailleurs que ce dispositif est important et protecteur, donc les évolutions, pourquoi pas, mais, je crois, garder un dispositif de protection, qui est un dispositif de protection de tous les Français, j'insiste, c'est important.
CYRIL GRAZIANI
Et est-ce qu'il faut faire des concessions, comme le fait le ministre de l'Intérieur, aux Républicains, est-ce que ça c'est une concession faite aux Républicains pour essayer de faire voter son texte ?
CLEMENT BEAUNE
Ce n'est pas une question de concessions, vous savez qu'on est dans un système réglementaire…
CYRIL GRAZIANI
Enfin, c'est un peu ce qu'il cherche à faire lui !
CLEMENT BEAUNE
Non mais, on est dans un système, c'est un fait, de majorité relative, sur ce texte, comme sur d'autres, il faut trouver des partenaires qui votent les textes et qui peuvent être à gauche, ou à droite, ou parfois les deux, selon les textes. Donc, qu'il y ait une discussion avec les Républicains, le parti les Républicains, au Sénat et à l'Assemblée nationale, c'est parfaitement normal, on est en majorité relative, qu'on garde l'équilibre d'un texte gouvernemental, le ministre de l'Intérieur l'a toujours dit, la Première ministre l'a toujours dit, avec un volet qui accélère les procédures d'expulsion, qui accélère les procédures de traitement des demandes d'asile, significativement, qui permette de reconduire plus vite les gens en situation irrégulière, c'est normal, avec un volet, qui pour les gens qui bossent, pour les gens qui travaillent parfois déjà sur le territoire national, qui veulent s'intégrer, qui parlent la langue, on facilite aussi l'intégration, c'est cet équilibre qu'on veut garder.
CYRIL GRAZIANI
Marine LE PEN a indiqué la semaine dernière sur France 3 qu'elle pourrait voter le projet de loi immigration si l'article 3 disparaissait, l'article 3, vous savez, c'est l'article sur les métiers en tension, est-ce qu'un texte qui passerait grâce aux voix du Rassemblement national vous le cautionneriez ?
CLEMENT BEAUNE
Non, il ne faut pas tomber, madame LE PEN devient habile parlementaire en expliquant qu'elle pourrait voter telle ou telle chose, que tel ou tel texte passe grâce à elle, il n'y aucune négociation avec le Rassemblement national, sur ce texte comme sur d'autres, et madame LE PEN dit finalement ce que disent d'autres parlementaires, y compris à droite, on ne veut pas de cet article qui facilite l'intégration, la régularisation de gens qui sont dans des métiers en tension et qui travaillent déjà, cet équilibre on veut le garder, il n'y a pas de discussion, de négociation quelconque avec le Rassemblement national.
CYRIL GRAZIANI
Lundi le texte arrivera avec cet article 3, l'article 3 restera dans le texte jusqu'au bout de son parcours législatif ?
CLEMENT BEAUNE
C'est le Parlement qui vote, mais le Gouvernement, le ministre de l'Intérieur l'a redit, la Première ministre l'a confirmé, tient à l'équilibre du texte, l'article 3 en est un des éléments, l'écriture, on peut discuter, mais le principe d'avoir un volet intégration, régularisation, ciblé, pour les gens qui travaillent, pour les gens qui s'intègrent, je pense que c'est essentiel de le garder.
CYRIL GRAZIANI
Vous pensez que votre collègue Gérald DARMANIN a la majorité et qu'il évitera de passer par le 49.3, encore une fois ?
CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, ça on le verra, je ne préjuge pas de la discussion parlementaire, ce qui a été dit et redit c'est que le ministre de l'Intérieur est en charge, avec le ministre du Travail d'ailleurs sur ce volet…
CYRIL GRAZIANI
Oui, qu'on n'a plus beaucoup vu.
CLEMENT BEAUNE
Si, qui porte le dossier depuis le départ, mais est en charge de trouver…
CYRIL GRAZIANI
Pas ces dernières semaines.
CLEMENT BEAUNE
Vous lui demanderez, mais le volet a été préparé, les deux volets, pardon, ont été préparés par les deux ministres, et l'équilibre du texte c'est la position du gouvernement, et cette position demeure, garder en équilibre.
CYRIL GRAZIANI
Ça vous a soulagé d'entendre que le PS ne voterait pas une éventuelle motion de censure déposée par les Républicains ?
CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, non, ça ne m'a pas soulagé parce que je ne sais plus très bien ce que fait le Parti socialiste qui se détache de Jean-Luc MELENCHON quand celui-ci devient complètement abject dans la qualification du Hamas ou d'autres mouvements terroristes, qu'il n'arrive pas à dire, quand il fait des tweets douteux, et puis tout à coup le PS ne voudrait pas s'associer aux Républicains au nom de principes d'humanité sur l'immigration…
CYRIL GRAZIANI
Là ça vous arrangerait.
CLEMENT BEAUNE
Oui, enfin, on n'est pas dans ces calculs-là, il faut une majorité, il faut une majorité cohérente, sur un texte d'équilibre, voilà, c'est ça la feuille de route, et le ministre de l'Intérieur est en charge aujourd'hui, pour le gouvernement, de trouver cet équilibre.
CYRIL GRAZIANI
Alors, à l'agenda lundi il y a aussi Eric DUPOND-MORETTI qui comparaît devant la Cour de justice de la République, il sera jugé pour prise illégale d'intérêt, il est soupçonné d'avoir abusé de sa position pour régler des comptes avec des magistrats dans deux affaires. Alors, Eric DUPOND-MORETTI restera, gardera les rênes du ministère de la Justice. Déjà, quand un ministre est en procès, est-ce qu'il peut continuer à accomplir sa charge ?
CLEMENT BEAUNE
Oui, on parle de quelques jours d'audience, et le ministre de la Justice, son cabinet, son l'administration continueront évidemment à travailler, à fonctionner. Donc, il n'y a pas d'interruption, une continuité de l'Etat, y compris du garde des Sceaux, ministre de la Justice. On parle de 6 jours d'audience. C'est la justice qui fait son travail. Vous comprenez que, à quelques jours, a fortiori de ces audiences, je ne veux pas faire de commentaires sur l'affaire, sur le fond, sur les perspectives. Mais le ministre de la Justice, aujourd'hui, et toute la semaine prochaine, il sera au boulot.
CYRIL GRAZIANI
Sur les perspectives en cas de condamnation, il doit démissionner ?
CLEMENT BEAUNE
Mais ce n'est d'abord pas à moi de le dire. Et encore une fois, à la veille d'une audience, tout commentaire d'un membre du gouvernement, d'un responsable politique, serait particulièrement mal venu. Ce serait vu comme une pression, comme une interférence. Je n'en ferais aucun.
CYRIL GRAZIANI
Merci beaucoup Clément BEAUNE, bonne journée à tous.
CLEMENT BEAUNE
Merci à vous.
MAYA LAUQUE
Merci beaucoup à tous les deux. Merci à Isabelle LOMBARD qui a traduit cette interview en langue des signes. A retenir cet engagement du ministre : les retours de vacances seront assurés avec peut-être quelques retards malgré le passage dévastateur de la tempête Ciaran. La situation reste difficile dans les Hauts-de-France, et la circulation des TER bloqués. Retour progressif du trafic en fin de matinée début d'après-midi
source : Service d'information du Gouvernement, le 6 novembre 2023