Interview de M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, à RTL le 31 octobre 2023, sur le vaccin contre le papillomavirus, la campagne de vaccination contre la grippe et la pénurie de médicaments.

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Média : RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Amandine BEGOT, vous recevez ce matin notre ministre de la Santé et de la prévention, Aurélien ROUSSEAU.

AMANDINE BEGOT
Aurélien ROUSSEAU, l'Agence régionale de santé des Pays de la Loire a annoncé hier le décès d'un élève de 5e qui avait fait un malaise le 19 octobre dernier ; 15 minutes seulement après avoir été vacciné contre le papillomavirus. Vaccination qui est proposée à tous les élèves depuis la rentrée, à tous les élèves de 5e. L'ARS assure que ce malaise est sans lien avec le produit vaccinal. Est-ce que vous pouvez, ce matin, nous confirmer que ce décès n'a aucun rapport avec ce vaccin ?

AURELIEN ROUSSEAU
D'abord mes pensées vont vers les parents de cet élève du collège Saint Dominique de Saint-Herblain. Ça s'est passé le 19 octobre ; quelques minutes après la vaccination, cet élève a fait un malaise vagal, il a fait une lourde chute sur la tête. Et le malaise vagal, c'est - dans toute vaccination - le premier risque c'est-à-dire c'est l'aiguille et la peur de l'aiguille. Il n'y a là aucun lien avec le produit injecté. On le sait, c'est un vaccin qu'on connaît très bien, 300 millions de fois injecté dans le monde. Donc une fois que j'ai dit cela, évidemment on pense encore une fois à la famille, à sa douleur, à sa tristesse, à sa colère sans doute. Et on va reconstituer minute par minute tout ce qui s'est passé. Il y a une enquête qui est diligentée. C'étaient les équipes du centre hospitalier universitaire de Nantes qui assuraient cette vaccination. Il a été pris en charge immédiatement. Et puis après, effectivement, on a eu une dizaine de jours terribles et j'imagine pour les parents a fortiori d'attente sur son état de santé quand il était hospitalisé en réa.

AMANDINE BEGOT
Suite à ce malaise le 19 octobre, la campagne de vaccination contre le papillomavirus a été suspendue dans le département de Loire-Atlantique. Pourquoi si ça n'a aucun lien avec le vaccin ?

AURELIEN ROUSSEAU
D'abord, c'était les vacances scolaires donc la suspension était un peu automatique. Après, moi, je pense qu'il faut toujours prendre la mesure de l'émotion. On aura le retour de cette enquête qui a été diligentée par l'ARS le 8 novembre. Et moi, je veux prendre le temps parce que la vaccination, c'est toujours quelque chose qui suscite des interrogations, des doutes. C'est un des vaccins sans doute les plus sûrs au monde.

AMANDINE BEGOT
C'est ce que vous dites ce matin à tous les parents qui nous écoutent, qui ont des enfants justement en 5e, qu'il faut faire vacciner ?

AURELIEN ROUSSEAU
Absolument. C'est un des vaccins les plus sûrs au monde mais la vaccination sur le papillomavirus n'est pas obligatoire. Donc c'est le choix des parents de faire ou non vacciner.

AMANDINE BEGOT
Et vous leur dites qu'il n'y a pas de risque ?

AURELIEN ROUSSEAU
Il n'y a pas de risque, sauf les risques qu'on connaît : un vaccin peut créer, oui, la peur de l'aiguille, un malaise, une syncope, on le sait. Et là, c'est terrible et c'est un drame parce que c'est un collégien de 5e. Voilà donc aujourd'hui sur toutes les autres vaccinations qu'on a faites à ce jour contre le HPV en France (c'est-à-dire 20 000 vaccinations), on n'a eu aucun événement de cette nature. Et c'est aussi pour ça qu'il y a des équipes médicales qui surveillent les 15 minutes de vaccination pour vérifier que tout aille bien.

AMANDINE BEGOT
20 000 vaccinations depuis la rentrée donc sur des élèves de 5e. Autres vaccins, monsieur le ministre, c'est celui contre la grippe. La campagne de vaccination a débuté il y a 2 semaines tout juste, le 17 octobre. Est-ce que vous avez déjà des premiers chiffres ?

AURELIEN ROUSSEAU
Oui, une campagne de vaccination qui démarre bien puisqu'on est près de... On va plus vite que l'an dernier. On a 1,6 millions de vaccinés à l'heure où on se parle. Ce n'est pas la course aux chiffres ; moi, ma préoccupation c'est que d'abord les gens fragiles, la grippe ça peut être très dangereux. Ça peut aussi se transmettre, ça peut engorger les hôpitaux. Et donc la vaccination, c'est là encore un outil facile, simple, sécurisé. Et sur le Covid, on a une vaccination qui a franchi les 2 millions de vaccinés, c'est-à-dire presque un million de plus que l'année dernière à la même date.

AMANDINE BEGOT
Alors même qu'on parle moins du Covid ?

AURELIEN ROUSSEAU
Alors même qu'on parle moins du Covid, mais on en a parlé un peu plus tôt. Vous vous rappelez, où moi, j'avais décidé d'avancer de 15 jours la campagne de vaccination. On a vu autour de nous, chacun de nous, plus de gens qui avaient le Covid. Donc on a décidé d'avancer. C'était sans doute ce qu'il fallait faire. Donc on a 2 millions et quelques de vaccinés contre le Covid ; on en avait 1,2 million à pareille date l'an dernier, 1,6 million de vaccination de la grippe. Et il faut continuer et on peut faire ces deux doses en même temps.

AMANDINE BEGOT
Il faut faire Covid et grippe en même temps ; c'est ce que vous conseillez ?

AURELIEN ROUSSEAU
Oui, on le recommande vraiment, signale la Haute autorité de santé. C'est de la médecine et des sujets par les preuves, c'est des scientifiques qui nous disent ça. La Haute autorité de santé dit « profitez de faire l'homme pour faire l'autre et on est totalement protégés. »

AMANDINE BEGOT
Il n'y a pas plus de fatigue ? Par exemple, je pense aux personnes âgées ou fragiles ; elles ne seront pas plus fatiguées après un tel vaccin que…

AURELIEN ROUSSEAU
Je sais et je comprends que ce soit une crème parce qu'on réagit tous différemment au vaccin. Mais aujourd'hui, il n'y a aucune donnée qui montrerait qu'il y a une fatigue complémentaire structurelle si je puis dire.

AMANDINE BEGOT
Alors, venons-en, Aurélien ROUSSEAU, à ce chiffre, ces pénuries de médicaments. 4 000 médicaments en rupture de stock ou au bord de la rupture, c'est ce qu'indique l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine. On l'a dit, ça concerne plein de médicaments : des antibiotiques, des antidiabétiques, des anti-rejets, des traitements de chimiothérapie aussi parfois. Ce phénomène n'est pas nouveau ; ça fait un certain temps qu'on en parle, mais il s'aggrave, disent les pharmaciens. 3 700 médicaments en tension (on va dire ça comme ça) l'hiver dernier ; 4 000 aujourd'hui. Qu'est ce qui cloche ? Quand on regarde par exemple les chiffres de l'agence de sécurité du médicament, a priori les labos (ceux qui fabriquent les médicaments) ont tous du stock, 3 à 5 mois de stock sur chaque médicament et pourtant, ils n'arrivent pas dans les pharmacies.

AURELIEN ROUSSEAU
Alors, justement, vous avez raison. Et c'est pour ça que je disais tout à l'heure « j'espère » parce que je pense que les Français en ont un peu assez qu'on leur dise « voilà, tout va se régler d'un coup de baguette magique. » Moi, j'essaie de comprendre et d'agir. On a 450 médicaments qui sont mis sous surveillance par l'Agence nationale de sécurité du médicament. Et en effet, globalement, on a du stock au niveau national et après, certains de nos concitoyens ne trouvent pas. Après, entre rupture et risques de rupture, il y a toujours cette ambiguïté. De même que tout à l'heure vous disiez qu'il y avait un sondage, je crois, qui dit que près de 90% de Français disent qu'ils ne font pas de stocks. Mais on a tous quand même quelques boîtes de médocs chez nous, je pense que... sans avoir le sentiment de faire des stocks, mais on est tous un peu pharmacien.

AMANDINE BEGOT
C'est un reproche que vous adressez ce matin, non ?

AURELIEN ROUSSEAU
Non, ce n'est vraiment pas du tout un reproche, c'est…

AMANDINE BEGOT
Mais vous appelez à la responsabilité.

AURELIEN ROUSSEAU
En fait, il y a les industriels, les grossistes-répartiteurs (vous savez, c'est les petits camions qui vont livrer les pharmacies), il y a les pharmaciens et puis, il y a les patients. Et c'est vrai qu'un peu comme quand s'annonce une grève des stations-services, quand on a peur qu'il y a une pénurie de médicaments, eh bien, on achète des médicaments un peu en avance.

AMANDINE BEGOT
Donc on alimente le risque de pénurie ?

AURELIEN ROUSSEAU
Mais une fois que j'ai dit ça. Moi, je réunirai la semaine prochaine tous les acteurs de la filière pour comprendre, notamment il y a un point qui nous interroge. Et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale donnera ce pouvoir-là à l'Agence nationale de sécurité du médicament. C'est qu'il y a certaines très grosses pharmacies qui commandent directement aux industriels et qui font du surstocks et donc les petites pharmacies qui, elles, n'arrivent pas à avoir.

AMANDINE BEGOT
Donc, ça veut dire que ce ne sont pas forcément les labos qui ne jouent pas le jeu, mais aussi certaines grosses pharmacies. Enfin, tout le monde est un peu responsable.

AURELIEN ROUSSEAU
Oui. Et par ailleurs...

AMANDINE BEGOT
Je voudrais qu'on un exemple si vous le voulez bien, monsieur le ministre : l'Amoxicilline qui est l'antibiotique le plus utilisé. Vous avez décidé d'augmenter de 10% le prix de vente de ce médicament. C'est effectif depuis le 1er octobre et l'idée c'était que pour coller les fabricants privilégient le marché français. Depuis le 1er octobre, plus 10% donc ; on est le 31, on a toujours du mal à trouver cette Amoxicilline. Certains vous disent « finalement, vous avez fait un cadeau aux labos et derrière, ils ne jouent pas le jeu. »

AURELIEN ROUSSEAU
Je ne crois pas qu'on ait du mal à en trouver. A ce stade, on en trouve. Après, ce qui est une vérité, c'est que ces produits dits matures, dans toute l'Europe, on a ces situations de pénurie. Donc, ça n'est pas rassurant ou réconfortant parce que les autres vivent la même chose que nous. Mais, on a essayé d'anticiper en proposant cette augmentation des prix ; la plupart des labos ont accepté de jouer le jeu. Et moi, je vous assure que c'est tous les jours que j'ai sur mon bureau, le tableau des ruptures pour vérifier. Ça fait partie des discussions qu'on a quand il y a un produit qui manque où j'appelle directement les patrons des labos pour comprendre ce qui se passe, pour voir où est le bouchon. Mais encore une fois, dans ces cas-là, il vaut mieux mettre tout le monde dans la même pièce et qu'on s'en parle. Parce que les Français, à la fin, quand on doit faire 2 fois, 3 fois, une pharmacie pour trouver le Doliprane en suspension buvable pour les enfants.

AMANDINE BEGOT
Et encore, j'allais dire le Doliprane…

AURELIEN ROUSSEAU
Oui, mais je pense aux enfants parce qu'il y a eu ce sujet, beaucoup, quand on a une fièvre chez un petit, on est toujours plus stressés que quand c'est pour nous.

AMANDINE BEGOT
Donc vous nous annoncez ce matin, que vous allez réunir l'ensemble des acteurs de la filière autour d'une même table la semaine prochaine, c'est ça ?

AURELIEN ROUSSEAU
Oui, le plus vite possible.

AMANDINE BEGOT
Ceux qui ne jouent pas le jeu vont se faire remonter les bretelles, si j'ose dire ?

AURELIEN ROUSSEAU
Je pense qu'on a une responsabilité collective et que le pays a besoin de confiance. Si on commence à avoir peur de ne pas pouvoir se soigner dans un pays comme le nôtre, ça ne va pas. Par ailleurs, on a 25 produits les plus essentiels. Le Président de la République a décidé de faire des efforts de relocalisation.

AMANDINE BEGOT
Oui, mais sauf que ça ne règle pas le problème pour cet hiver.

AURELIEN ROUSSEAU
Oui, ça ne règle pas le problème pour cet hiver, mais je veux dire réagir en temps court, ça n'exclut pas aussi de se dire que si on peut éviter que ce soit la même chose l'an prochain, c'est toujours ça de pris. Par exemple, SANOFI (dont on reparlera peut-être) va investir 20 millions de plus dans son usine de Lisieux pour produire 150 millions de plus de boîtes de Doliprane. Après, je le dis aussi simplement, plus on sera protégé des épidémies, moins on aura besoin de médicaments. L'an dernier, on a eu cette pénurie majeure parce qu'on avait trois épidémies en même temps.

AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup monsieur le ministre.

AURELIEN ROUSSEAU
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 novembre 2023