Déclaration de Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, sur la politique de la ville et le budget pour 2024, au Sénat le 8 novembre 2023.

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Circonstance : Audition devant la Commission des affaires économiques du Sénat

Texte intégral

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous auditionnons ce matin Mme Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Nous sommes très heureux de vous accueillir, pour la première fois dans le cadre de cette commission. Votre prédécesseur cumulait à la fois le logement et la politique de la ville. Avec votre nomination, s'exprime la volonté de scinder la politique de la ville, rattachée au ministère de l'intérieur, et le logement rattaché à la Transition écologique, ministère auquel vous êtes également liée.

Cette audition est diffusée en vidéo, en direct, sur le site Internet du Sénat et elle sera disponible à la demande.

Madame la ministre, vous avez la responsabilité d'une politique plus que jamais au coeur de l'actualité, depuis les émeutes de l'été dernier, une politique dont l'importance ne date cependant pas du mois de juin, car elle a toujours été, depuis la création de ce ministère, au coeur du vivre ensemble au sein des communautés urbaines.

Dans une certaine mesure, vous incarnez la politique que vous devez mettre en oeuvre. Vous êtes née à Marseille dans une famille nombreuse, issue de l'immigration algérienne. Vous avez vécu dans une cité avant de travailler dans la production audiovisuelle jusqu'à devenir chef d'entreprise. Vous vous êtes ensuite investie en politique, devenant conseillère régionale, puis députée de Marseille en 2022, et enfin ministre depuis le mois de juillet 2023.

Vous nous présentez ce matin un budget s'inscrivant dans la continuité de la hausse constatée ces dernières années. La dotation du programme 147, dédié à la politique de la ville, est en progression de 6,2 % pour 2024, soit 37 millions d'euros supplémentaires. Cette évolution s'explique par la hausse de 35 millions d'euros du versement de l'État à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). En revanche, l'extension des cités éducatives, budgétée à hauteur de 28 millions d'euros, se réalisera grâce à des économies, notamment au travers de l'arrêt des bataillons de la prévention.

En réalité, hors Anru et compte tenu de l'inflation, les moyens d'intervention de la politique de la ville baisseront. Cette inflexion interpelle tant les années 2023 et 2024 apparaissent comme un tournant pour la politique de la ville, et ce au moins sous quatre aspects.

Tout d'abord, deux évolutions majeures sont attendues en 2024 : l'entrée en vigueur de la nouvelle géographie prioritaire et la signature, en métropole, des nouveaux contrats de ville pour la période 2024-2030.

Ensuite, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est désormais dans sa phase opérationnelle avec des décaissements qui s'élèvent à près de 1 milliard d'euros par an. L'État sera-t-il à la hauteur et les besoins de financement de l'Anru ne risquent-ils pas de phagocyter les moyens de la politique de la ville ?

Enfin, la trajectoire budgétaire pour 2024 contraste avec le caractère exceptionnel des émeutes urbaines que nous avons connues au début de l'été et auxquelles le gouvernement a répondu tardivement par les annonces des 26 et 27 octobre derniers et dont la traduction n'est que partielle dans le budget. Au-delà de la seule réponse budgétaire, notre commission serait très intéressée, avec l'expérience qui est la vôtre, de connaître votre analyse des émeutes.

Nous souhaiterions également vous entendre sur la mise en accusation récurrente de la politique de la ville et du renouvellement urbain à laquelle ces violences ont donné lieu. C'est d'autant plus intéressant pour nous que le Comité interministériel des villes (CIV), qui s'est tenu le vendredi 27 octobre, après quatre reports et plus d'un an d'attente, a repris nombre de propositions de notre commission.

Ainsi, c'est bien notre commission qui a obtenu en commission mixte paritaire (CMP) de faire figurer dans la loi Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (3DS), dans un rapport de force avec le gouvernement, la notion de " résidence à enjeu de mixité sociale " pour éviter la concentration des difficultés. Or, la loi a été publiée il y a plus de 18 mois. Que de temps perdu ! La publication du décret annoncé par la Première ministre n'est toujours pas effective.

Le CIV reprend également nombre des mesures du rapport que nous avons publié avec Valérie Létard et Viviane Artigalas à l'été 2022, telles le soutien aux associations, le développement de l'entrepreneuriat ou encore la réforme des conseils citoyens. Comme ce rapport contient encore beaucoup d'autres propositions qui mériteraient d'être reprises, notamment sur l'entrepreneuriat féminin, je me permets de vous en remettre un exemplaire qui, je l'espère, deviendra votre livre de chevet pour que vous puissiez continuer à vous saisir des propositions que nous avons formulées.

Enfin, je relève le souhait du CIV de renforcer le rôle du maire dans l'attribution des logements sociaux que vous proposez de réaliser sous forme de circulaire, ce qui me paraît juridiquement impossible. Comme vous le savez, le Sénat a voté, dès la reprise de nos travaux parlementaires et transmis à l'Assemblée nationale le 10 octobre dernier, une proposition de loi déposée en avril par notre collègue Sophie Primas et qui pourrait, me semble-t-il, être utilement reprise par le gouvernement.

Madame la ministre, vous trouverez dans notre commission une force de proposition et d'action s'appuyant sur l'expérience des territoires que nous incarnons dans leur diversité et sur les sensibilités de chacun des membres de cette commission. Nous avons conscience que la politique de la ville n'est pas une « baguette magique », mais doit être le fruit d'une stratégie cohérente de long terme qui seule peut apporter des résultats.

Je vous laisse maintenant présenter votre budget pour 2024 et répondre à tout ou partie des questions que je viens de vous poser. Madame la Ministre, vous avez la parole.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville. - Madame la présidente, madame la rapporteure, pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est pour moi un honneur d'être auditionnée aujourd'hui pour la première fois devant votre commission à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Comme vous le savez, le programme 147 porte les crédits spécifiques dédiés à la politique de la ville, dont j'ai la responsabilité depuis le 20 juillet 2023. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, la priorité est donnée à la stabilisation des crédits locaux, notamment pour permettre le financement de la nouvelle génération des contrats de ville. En 2024, ce sont 636 millions d'euros qui seront dédiés à la politique de la ville, soit une hausse de près de 40 millions d'euros par rapport à 2023. Cette hausse permettra de financer la généralisation des cités éducatives, la jeunesse et l'éducation étant au coeur de mes préoccupations. Elle permettra également d'augmenter la participation de l'État à la rénovation urbaine via l'Anru.

Concernant les bataillons de la prévention, le projet annuel indique la fin de leur financement, comme cela a été prévu lors de la mise en place de ce dispositif. Cependant, au regard des événements du mois de juin dernier, sur lesquels nous reviendrons certainement, il me semble nécessaire de prolonger certains bataillons. J'ai donc obtenu 20 millions d'euros de dégel pour permettre leur financement dès cette année pour l'année 2024. Pour 2025, cette question sera traitée en lien avec la réforme du dispositif des adultes relais que je souhaite porter.

La priorité doit être donnée à la mobilisation des dispositifs de droit commun, mais les crédits affectés aux quartiers prioritaires de la ville doivent faire levier et compléter les dispositifs de droit commun afin d'améliorer la territorialisation de nos politiques, favoriser les synergies et développer les actions à caractère innovant et les adaptations nécessaires aux spécificités de ces territoires. J'insiste sur ce point : la mobilisation du droit commun est prioritaire et son évaluation est un véritable enjeu. Le document de politique transversale (DPT) Ville qui accompagne chaque loi de finances doit normalement jouer ce rôle, mais ses modalités de construction ne permettent pas d'avoir une vue précise à la maille de chaque quartier.

Une meilleure évaluation de ces crédits est un travail que je mène avec l'ensemble des membres du gouvernement. Selon moi, le Parlement a un rôle important à jouer dans cette évaluation. Cette mobilisation du droit commun s'inscrit bien sûr dans la droite ligne du Conseil interministériel des villes qui s'est tenu le 27 octobre dernier et dont je suivrai la mise en oeuvre avec beaucoup d'attention. Parmi les mesures que je veux devant vous souligner, je citerai la mobilisation de 15 % du Fonds vert pour les quartiers prioritaires, le déploiement du programme " Entrepreneuriat quartiers 2030 ", l'ouverture des collèges de 8 heures à 18 heures ou encore le rapprochement des zonages du réseau d'éducation prioritaire, REP et REP+ avec celui des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Les différentes mesures ont été concertées en amont avec les élus et associations d'élus, avec les acteurs associatifs, mais aussi avec les services de l'État déconcentrés pour apporter les réponses les plus adaptées aux besoins des territoires et de leurs habitants. Cette concertation a ainsi permis l'inscription de nouvelles mesures, mais aussi l'adaptation de mesures envisagées par le gouvernement. Je relancerai par ailleurs les conventions interministérielles d'objectifs qui comprendront des objectifs quantifiables et des indicateurs permettant leur suivi. Je souhaite que celles-ci soient déclinées au niveau local pour assurer un travail partenarial et coordonné de l'ensemble des services de l'État.

Pour le ministère de la Ville, 2024 sera une année de réforme. La géographie prioritaire sera renouvelée et le zonage, qui n'a pas été mis à jour depuis dix ans, le sera pour la métropole. Tout au long de l'année 2023, nous avons travaillé avec les élus et les préfets pour définir les contours des futurs quartiers prioritaires de la ville (QPV) au plus proche de chaque territoire pour nous assurer que ce zonage puisse répondre aux besoins des plus fragiles. Ce grand chantier est en cours de finalisation : le nouveau décret sera publié avant le 31 décembre 2023 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2024.

Ce zonage, comme tout zonage, n'est pas exempt d'effets de seuil. Pour y remédier, j'ai souhaité qu'une partie des crédits du programme 147 puisse, de façon circonscrite, être utilisée dans les quartiers qui ne remplissent pas ou plus tous les critères, mais qui rencontrent néanmoins des difficultés. Cette décision permettra de continuer à soutenir la dynamique des quartiers sortants. Certes, sortir d'un quartier prioritaire est plutôt une bonne nouvelle, mais un accompagnement très spécifique s'avère nécessaire.

Les particularités des territoires ultramarins doivent par ailleurs être prises en compte. C'est dans cet esprit qu'une mission gouvernementale inter-inspection de révision des contrats de ville a été mise en place. Ses conclusions permettent d'aiguiller la réflexion du gouvernement. Le zonage ultramarin sera mis à jour selon la même méthodologie partagée entre élus et préfets durant l'année 2024 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2025.

La réforme de la géographie prioritaire s'accompagnera aussi de la conclusion de nouveaux contrats de ville au premier trimestre 2024. Initialement prévus pour le 31 décembre 2023, ces quelques mois supplémentaires accordés pour leur signature permettront d'intégrer la nouvelle logique que nous souhaitons leur donner.

En effet, je voulais mettre fin à l'application de directives et de priorités nationales indistinctement sur tout le territoire. Désormais, l'impulsion viendra des habitants et des acteurs locaux qui définiront ensemble, et bien évidemment avec l'État, les priorités et les actions à mettre en oeuvre dans leur territoire. C'est tout le sens de la circulaire que j'ai signée le 31 août 2023 et qui a notamment permis de prolonger la phase de concertation avec les habitants jusqu'à la fin du mois d'octobre.

S'agissant des associations dont je veux ici souligner l'engagement, il m'apparaît indispensable de leur faire confiance a priori, tout en les contrôlant a posteriori. Il faut également leur donner de la visibilité. 50 % des conventions devront être pluriannuelles et les subventions de fonctionnement pour les petites associations devront être facilitées. Ces contrats doivent être appréhendés comme de véritables projets partenariaux entre l'État, les opérateurs privés et associatifs et les collectivités qui sont nos interlocuteurs naturels. J'ai souhaité qu'un volet investissement soit intégré dans les contrats de ville lorsqu'il existe des cofinancements pour favoriser une approche globale.

Ces contrats devront également permettre une meilleure coordination avec les différentes contractualisations existantes, notamment avec les contrats territoriaux d'accueil et d'intégration, mais également avec le plan pauvreté.

2024 sera également une année de transition en matière fiscale. L'ensemble des dispositifs fiscaux de la politique de la ville ont été prolongés en première lecture à l'Assemblée nationale : les zones franches urbaines en 2024, l'abattement de 30% de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les bailleurs sociaux jusqu'en 2030, les taux réduits de TVA pour la construction et la rénovation des logements dans les quartiers prioritaires. À l'heure où nous refondons le zonage des quartiers prioritaires, je lancerai dès le début de l'année 2024 une réflexion pour engager une réforme de la fiscalité aux bénéfices des quartiers prioritaires pour une mise en place dans le PLF 2025. L'objectif sera de proposer des exonérations simples et lisibles qui permettent de soutenir l'émergence des activités économiques dans les quartiers prioritaires, le développement du commerce de proximité et le soutien à l'emploi.

La dernière réforme que je souhaite mener en 2024 concerne la professionnalisation des adultes relais. Les événements de juin l'ont montré : la médiation a permis d'éviter l'embrasement de certains territoires et favoriser le retour au calme. La présence humaine est primordiale et il est indispensable que les personnes qui jouent ce rôle soient formées. Aujourd'hui, on demande à des personnes dans l'instabilité de s'occuper d'autres. Il faut sortir ces emplois d'une forme de précarité. Je veux réinventer une présence humaine, symbole de chaleur humaine, mais aussi d'autorité. Cette réforme sera menée en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés et mise en oeuvre progressivement pour permettre la montée en compétences.

Comme vous le voyez, beaucoup de réformes sont en cours et portent en elles la même philosophie : simplification, confiance, concertation et travail partenarial. Je vous remercie.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci, je cède sans plus tarder la parole à notre rapporteure pour avis, Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure. - Madame la ministre, ma première question portera sur les moyens du NPNRU. La subvention de l'Anru est accordée sans actualisation possible et ne prend donc pas en compte l'inflation ni l'augmentation significative des coûts de construction. Cette méthode met en difficulté plusieurs villes, qui sont des communes pauvres, mais aussi des bailleurs sociaux, qui ne détiennent pas les ressources pour compléter le financement nécessaire et pourraient renoncer à leurs projets de rénovation urbaine. Face à cette situation, quelles solutions proposez-vous ?

Comment comptez-vous assurer le suivi du CIV ? Notre rapport recommandait la signature de nouvelles conventions interministérielles d'objectifs pour garantir l'arrivée du droit commun dans les quartiers. Cette proposition a été reprise, mais quel sera son calendrier de mise en oeuvre ? Au-delà, le CIV aura-t-il des suites législatives et budgétaires ? À court terme, le CIV induit-il des amendements du gouvernement au PLF ? À moyen terme, alors que plusieurs des annonces doivent se décliner sur les trois ou quatre prochaines années, une loi de programmation pour la ville est-elle envisagée comme nous le proposions dans notre rapport ? Enfin, dans quelle mesure votre ministère est-il impliqué dans les projets de loi sur l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, qui concernent au premier chef les quartiers prioritaires ? Concernant la décentralisation de la politique du logement, la loi de 2014 mériterait d'être toilettée. La prise en charge des poches de pauvreté, souvent dans les centres anciens, était demandée dans notre rapport. Il me semble que cette demande est confortée par les émeutes de l'été qui n'ont pas uniquement eu lieu dans les quartiers politique de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Concernant les crédits alloués par l'Anru, une augmentation budgétaire a récemment été approuvée pour commencer à compenser l'augmentation du coût des travaux en raison de l'inflation. Il est légitime de se demander si 50 millions d'euros seront suffisants, et je vous assure que je suivrai cette question de très près.

La trésorerie actuelle de l'Anru est saine, avec un montant de 839 millions d'euros. L'engagement de l'État est clair : comme l'a dit le président de la République, il n'y aura aucun défaut de paiement. Je peux affirmer ici devant vous, représentants de la nation, qu'aucune commune en difficulté ne sera abandonnée. Une telle pratique serait inenvisageable en France, sixième puissance mondiale. À Marseille, sur l'engagement Anru de 650 millions d'euros, à peine un million d'euros a été dépensé, mais c'est un autre débat. De plus, ce n'est pas ici que se concentrent les difficultés liées à l'inflation, mais plutôt dans les petites communes et les villes de banlieue, dont les associations d'élus m'alertent pour des montants de 150 000 euros, 200 000 euros voire un million d'euros. Face à ces situations, nous serons à la hauteur car nous ne pouvons pas attendre des petites communes ce que nous attendons de communes ayant d'autres ressources et moyens de financement.

S'agissant du suivi du CIV, plusieurs mesures importantes ont déjà été annoncées à Marseille courant juin par le président de la République, peu avant les émeutes. Il a été annoncé notamment l'ouverture des collèges de 8 heures à 18 heures, un dispositif auquel participent déjà près de 90 collèges volontaires. Cette mesure suppose une collaboration avec les départements et l'Éducation nationale, et ne peut évidemment pas être imposée sans concertation.

Je tiens à réaffirmer ici que mon aspiration ultime est qu'un jour il n'y ait plus besoin du budget opérationnel de programme (BOP) 147 pour nos quartiers prioritaires qui doivent in fine relever du droit commun. Bien que cet idéal ait toujours été visé, il semblerait qu'il ait été perdu de vue au cours des décennies précédentes. Pour tendre vers cet idéal, il faut évaluer la mobilisation du droit commun, tâche que, malheureusement, nous ne sommes pas capables de réaliser. Cette mission pourrait incomber au Parlement.

Le CIV a également proposé l'accueil des enfants à l'école à partir de deux ans. Cette proposition a suscité de nombreuses questions des élus relatives à son financement. Nous ne laisserons évidemment pas les communes seules face à cette responsabilité. L'Éducation nationale a aussi un rôle à jouer, que ce soit pour les horaires élargis des collèges ou pour l'accueil des enfants de deux ans dans les écoles des quartiers prioritaires. Ces propositions répondent à une demande des habitants qui soulignent le manque de solutions de garde. Cependant, cette disposition ne peut être déployée dans un premier temps que sur la base du volontariat avant d'envisager une généralisation à la rentrée 2024.

Je souhaite aussi revenir sur l'excellent fonctionnement des cités éducatives. Avec 208 cités éducatives et une mobilisation de 28 millions d'euros à partir des crédits alloués aux bataillons de la prévention, ce dispositif a prouvé son efficacité. Notre ambition est d'intensifier progressivement ce programme jusqu'à l'horizon 2027, avec l'objectif de le généraliser. Là encore, une cité éducative ne peut être imposée. Elle suppose une démarche volontaire des communes et des élus. Dans chaque PLF, des crédits seront dédiés spécifiquement aux cités éducatives. Lorsqu'une initiative démontre son utilité, son extension à plus large échelle devient une évidence.

Par ailleurs, un constat lucide doit être posé sur l'efficacité des bataillons de prévention. Force est de reconnaître que leurs résultats sont contrastés : ils ont rencontré un franc succès à Reims, Marseille et Nice, mais ce n'est pas le cas partout. C'est pourquoi j'ai demandé aux préfets et aux élus locaux de dresser un bilan. De manière très pragmatique, nous avons décidé de mettre fin aux bataillons ne donnant pas satisfaction et nous réfléchissons à d'autres dispositifs, par exemple les forces d'action républicaines (FAR). C'est un dispositif voulu par le président de la République pour qu'il n'y ait plus de rupture des services publics (justice, police, santé publique, etc.), partant du principe qu'un territoire exceptionnel justifie une politique exceptionnelle. C'est une leçon tirée des récentes émeutes, durant lesquelles les territoires les plus durement touchés étaient ceux souffrant d'une rupture de services publics, ce qui entraînait une perte de perception adéquate des réalités du terrain. Les territoires d'expérimentation des FAR sont Valence, Maubeuge et Besançon. Je crois personnellement beaucoup à l'expérimentation qui permet de pérenniser les méthodes qui font leurs preuves et d'abandonner celles qui s'avèrent inefficaces. Comme je l'ai souligné dès ma nomination, les politiques de la ville ne doivent pas être figées. Ce sont des politiques du vivant. Ce sont aussi des politiques du quotidien qui permettent de parler de tous les sujets : la transition écologique, la santé, l'éducation.

Les cités éducatives, c'est aussi l'endroit où les parents reviennent à l'école. Dans ma jeunesse, j'ai fait du soutien scolaire dans mon quartier, mais mon rôle était plus large : je récupérais les enfants à la sortie d'école, je préparais leur goûter, je les aidais à faire leurs devoirs, puis je les raccompagnais chez eux. Un effort sur le périscolaire est nécessaire afin de soulager les parents. Par ailleurs, les enfants ne doivent pas uniquement travailler et faire leurs devoirs, mais aussi se divertir. C'est la raison pour laquelle j'ai alloué 4 millions d'euros pour que des activités soient proposées aux enfants pendant les vacances de fin d'année et d'hiver, sur le modèle des « quartiers d'été », afin de proposer des activités de qualité aux enfants des quartiers prioritaires.

Permettez-moi également une parenthèse sur les jeux Olympiques et Paralympiques. Avec ma double casquette de ministre de la Citoyenneté et de la Ville, et grâce à l'affectation par la ministre des Sports de près de 20 000 places pour assister aux compétitions, j'ai décidé d'engager 3 millions d'euros du BOP 147 pour financer le transport, l'hébergement, la restauration et l'accès aux sites des jeux pour les enfants des quartiers prioritaires de la ville. Il me semble juste que chaque enfant, peu importe où il se trouve et quel que soit son éloignement des zones de compétition, puisse avoir accès à cet événement d'envergure. Je crois aussi que la participation à de grands événements culturels et sportifs contribue à l'épanouissement et à l'ouverture d'esprit de notre jeunesse.

Ai-je oublié de répondre à l'une de vos questions ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Une question vous a été posée sur une éventuelle loi de programmation Politique de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - J'en parlais hier avec mon collègue, le ministre délégué chargé du Logement, Patrice Vergriete. Le sujet est sur la table, mais pour le moment, ni lui ni moi ne sommes en mesure de définir précisément comment nous allons procéder. De plus, je crois beaucoup au travail du Parlement. Je compte évidemment sur mes anciens collègues de l'Assemblée nationale, ainsi que sur vous, membres du Sénat, pour vous emparer du sujet et apporter vos contributions.

Nombre de propositions du CIV concernent la transition écologique. J'ai dit solennellement aux préfets et acteurs associatifs que l'on pouvait parler de transition écologique dans les quartiers prioritaires. Cependant, il faut arrêter de demander aux enfants de ramasser les déchets le dimanche ! Il existe d'autres enjeux plus cruciaux dans ces quartiers qui manquent d'îlots de fraîcheur, de lieux de rencontre où les résidents peuvent se retrouver, qu'il s'agisse de jardiner ou de participer à d'autres activités familiales.

M. Franck Montaugé. - Je souhaite en préambule remercier tous les acteurs qui concourent au développement de la politique de la ville en France. Je suis sénateur du Gers et les actions menées dans la ville d'Auch sont plutôt positives, il faut savoir le reconnaître même si beaucoup restent à faire.

Madame la Ministre, je voudrais aborder avec vous un aspect crucial des missions qui vous sont confiées, à savoir la citoyenneté à laquelle je lie le sujet de la laïcité. Alors que nous observons des phénomènes de sécession républicaine, quel est votre plan d'action et sur quoi repose-t-il ? Le budget 2024 prévoit-il une ligne spécifique pour ce type d'action et, le cas échéant, à quelle hauteur ? Sur quel réseau d'acteurs vous appuierez-vous ?

J'aimerais aussi obtenir des éclaircissements sur la manière dont vous entendez basculer du plan dérogatoire de la politique de la ville vers le droit commun. Comment envisagez-vous cette convergence jusqu'à une application totale du droit commun ?

Vous avez abordé la question de l'éducation lors de votre intervention. Ma question pourrait choquer, mais ne faut-il pas envisager une éducation des parents, non pas pour les stigmatiser, mais pour les aider ? Je ne vois aucun plan d'action dans ce domaine si ce n'est des dispositifs reposant sur les acteurs associatifs. Quelles actions spécifiques envisage votre ministère sur cet axe ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Je vais commencer par le dernier point de votre question avant de revenir au début. En ce qui concerne la mobilisation du droit commun et la manière de faire converger les efforts, le plan de sauvetage de Marseille, souhaité par le Président il y a deux ans, est le meilleur exemple de mobilisation du droit commun pour une ville en souffrance. C'est l'illustration qu'une évaluation précise permet de mieux répondre aux problématiques. Je crois énormément au travail parlementaire qui permet d'évaluer, de se questionner, de travailler avec tous les acteurs locaux et se s'interroger sur les politiques mises en place. Je pense que la question de l'évaluation précède celle de la convergence. L'Assemblée nationale ou le Sénat doivent travailler ensemble à cette évaluation, et c'est ce que je vais proposer. Je soutiens cette idée avec conviction auprès de la Première ministre, du ministre Gérard Darmanin et du président de la République, car je la considère comme un préalable à tout le reste. J'espère que nous serons capables de faire cette évaluation annuellement pour mieux répondre aux demandes et aux besoins des habitants des quartiers prioritaires.

M. Franck Montaugé. - Avez-vous des indicateurs ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Dans une grande ville comme Marseille, c'est possible. Les préfets peuvent mener ce travail. J'ai récemment sollicité les préfets pour qu'ils me fournissent des informations sur la mobilisation du droit commun sur la vidéoprotection dans les villes avec des données précises sur les crédits affectés, dépensés et déployés. J'ai également demandé que l'on m'explique pourquoi ces crédits n'étaient pas utilisés. Nous sommes donc capables de le faire, mais nous ne pouvons pas solliciter sans cesse les préfets. C'est pourquoi je renvoie aussi cette mission vers les parlementaires. À l'instant présent, je suis dans l'incapacité de détailler la part du droit commun dans les quartiers prioritaires.

Sur le volet de la citoyenneté, vous avez raison de parler de la laïcité. Ce sujet s'inscrit dans un cadre plus large incluant la lutte contre la délinquance et contre la radicalisation. Dans ce domaine, j'ai pris une mesure simple qui consiste à effectuer un bilan des contrats de ville. Ce bilan porte sur tous les sujets à ma main, dont l'apprentissage du français puisque partout où je me déplace, les maires m'interpellent sur l'accueil des populations primo-arrivantes et sur l'apprentissage de la langue. Le bilan des contrats de ville porte sur tous les dispositifs gérés par le ministère : intégration, asile, naturalisation, lutte contre la radicalisation, prévention de la délinquance et laïcité. Puisque des crédits sont dédiés à ces dispositifs, une solution serait de les accoler aux contrats de ville et à un autre dispositif pour les quartiers non prioritaires. Ces outils seraient alors dans un même socle et placés sous la responsabilité du préfet. Je suis persuadée que cette approche peut offrir des solutions à de nombreuses problématiques.

Je souhaite également revenir sur la possibilité de financer les petites associations et de leur faire confiance a priori car, avec les élus, ce sont elles qui connaissent le mieux les populations. Il faut donc arrêter de leur demander de faire des tâches impossibles, comme élaborer un plan triennal sans avoir de financements ou répondre à des appels à projets toujours plus complexes. J'ai par conséquent demandé une simplification des procédures pour les petites associations qui représentent 50% des budgets des crédits des contrats de ville. De plus, nous pouvons les évaluer a posteriori. Je préfère que l'on fasse une erreur avec une association sur mille plutôt que de pénaliser les 999 autres qui accomplissent un travail remarquable. De la même manière, ce n'est pas parce que les appels à projets sont complexes qu'il n'y aura aucune défaillance. Si l'on regarde honnêtement les chiffres, les associations font un travail remarquable.

Je propose maintenant de répondre à votre question sur les moyens en soulignant que la médiation est, selon moi, un vrai métier. C'est une vocation. Comment pouvons-nous attendre de quelqu'un qui traverse lui-même des difficultés qu'il puisse aider une personne qui ne va pas bien ? C'est impossible. J'ai donc demandé une refonte totale du statut des adultes relais, refonte qui ne passera pas forcément par la loi. Avec un budget de 98 millions d'euros, je préfère que les adultes relais soient moins nombreux, mais qu'ils soient mieux formés et mieux rémunérés. Il arrive en effet que des élus locaux ou des associations refusent un adulte relais car il n'est pas suffisamment formé et qu'il ne peut pas fournir le travail attendu. Dans la formation des adultes relais, je souhaite aussi que l'on intègre une formation à la laïcité, à la lutte contre la radicalisation et à la prévention de la délinquance. La formation des adultes relais est probablement le point d'entrée par lequel nous pourrons aller au-delà de la médiation sociale pour y inclure la sécurité qui est peut-être le sujet numéro un. Mieux former les adultes relais aux problématiques qu'ils rencontreront sur le terrain, mieux les rémunérer et les faire monter en compétences en leur permettant d'accéder à des qualifications pouvant équivaloir à un niveau Bac+ 2 est une option. Je préfère m'appuyer sur 5 000 adultes relais très bien formés que sur 6 500 comme aujourd'hui.

Enfin pour répondre à votre question sur la parentalité, qui est un sujet sur lequel j'avais déjà mis l'accent en tant que députée et que je continue de porter en tant que ministre, j'ai toujours considéré que les parents étaient responsables de leurs enfants, sauf en cas de grandes difficultés sociales ou lorsque leur santé mentale ne leur permettait pas de jouer pleinement ce rôle. Sur ce sujet, le mot clé est celui de la responsabilisation et de l'éducation à la parentalité. Il est certes compliqué d'être parent : c'est sans doute le métier le plus difficile au monde. Les cités éducatives sont un point d'entrée pour que les parents jouent un rôle dans l'éducation et l'instruction de leurs enfants. L'éducation, qui forge notre construction personnelle, repose sur deux piliers : l'éducation transmise par ses parents et l'école. Par la suite, c'est à chacun de faire ses propres choix, car en tant qu'êtres humains, nous sommes nés libres et égaux en droits, et nous avons la liberté de choisir notre chemin. Si l'éducation parentale est solide et l'enseignement de qualité, alors chacun peut poser ses choix sur une base saine et respectueuse de ces principes essentiels.

M. Bernard Buis. - Madame la ministre, je suis sénateur de la Drôme et j'apprécie l'arrivée de la Force d'action républicaine à Valence. Le but de ce dispositif est de pouvoir expérimenter et que les habitants redeviennent acteurs de leur quartier. Il va falloir que l'État, les départements et les agglomérations travaillent vraiment ensemble sur nos quartiers sensibles. Ma question portera sur la généralisation des cités éducatives. Pour que tous les quartiers prioritaires puissent bénéficier de cette approche, il est impératif de labelliser 650 nouveaux territoires au cours des quatre prochaines années. Cela nécessite un engagement considérable et la mise en place d'une stratégie spécifique pour garantir que, d'ici 2030, aucun quartier prioritaire ne soit laissé sans le soutien d'une cité éducative. Pourriez-vous nous donner de plus amples détails sur le plan d'action précis que vous envisagez pour atteindre cet objectif et sur les moyens que vous prévoyez de mobiliser afin de les financer ?

Mme Antoinette Guhl. - Madame la ministre, vous avez parlé de Marseille, mais je vous parlerai de Paris puisque je suis sénatrice de ce territoire. La capitale compte également des quartiers populaires qui requièrent des financements. Cependant, la récente redéfinition de la politique de la ville entraîne pour Paris une diminution du budget d'environ 20%. Il me semble contradictoire de prôner la réalisation de nombreuses actions tout en réduisant les moyens financiers, car nous avons besoin de moyens pour mener une politique de la ville ambitieuse à Paris. Toutes nos demandes, notamment l'augmentation des dotations Anru, ont été refusées. Dans la capitale, les quartiers relevant de la politique de la ville abritent une jeunesse confrontée à une grande précarité. Ces zones subissent également des problématiques environnementales pressantes, et il en résulte un cumul d'inégalités sociales et environnementales (pollution, nuisances sonores, etc.). La transition écologique pour ces quartiers doit être une priorité intégrée à la politique de la ville, un sujet sur lequel j'aurais aimé vous entendre davantage. Par ailleurs, la réhabilitation des infrastructures, le renforcement des politiques de l'emploi s'avèrent indispensables. Comment envisage-t-on de répondre à ces enjeux avec des moyens réduits ? Pour une grande ville comme Paris, tout aussi importante que Marseille ou d'autres grandes villes, l'appui de l'État est aussi essentiel.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Paris est une ville riche et Marseille une ville pauvre ! Un Marseillais sur deux n'est pas redevable de l'impôt sur le revenu.

Mme Antoinette Guhl. - Ce n'est pas vrai ! Vous ne pouvez pas tenir de tels propos.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Le plan de sauvetage de Marseille a été une décision du président de la République. Le préfet Marc Guillaume m'a informé récemment des difficultés de deux zones du XVe arrondissement de Paris que j'ai intégrées dans le zonage des quartiers prioritaires de la ville. Je n'ai jamais dit que Paris n'avait pas besoin d'aide car il y existe aussi des poches de pauvreté, comme à Marseille. En outre, vous ne m'entendrez jamais dire qu'il faut favoriser une ville au détriment de l'autre.

Dans votre question, vous évoquez une baisse du budget, mais j'avance le doublement des moyens du Fonds vert dont 15% seront fléchés sur les quartiers prioritaires. J'attends des élus et des préfets qu'ils s'emparent de ces crédits du PLF. Par ailleurs, j'ai évoqué plus tôt les enjeux écologiques et expliqué qu'il fallait proposer des actions bien plus ambitieuses que le simple fait d'organiser des opérations de ramassage des déchets dans les quartiers. Il faut aussi faire preuve d'inventivité pour changer le quotidien des habitants. Je préfère qu'on investisse dans l'habitat et dans l'alimentation, dont on parle finalement très peu, plutôt que de résumer les enjeux de transition écologique aux opérations de ramassage des déchets. Ce n'est pas une critique, mais une invitation à repenser nos pratiques.

Je réaffirme qu'il n'y a pas de baisse du budget puisque les crédits du BOP 147 augmentent. Les chiffres sont éloquents : 397 millions d'euros en 2017 face à 636 millions d'euros cette année, traduisant une intensification notable des moyens sous ce gouvernement. Quant à dire que Paris serait négligée dans notre zonage de politique de la ville, cela est inexact puisque deux nouveaux quartiers prioritaires ont été ajoutés.

En outre, d'ici 2027, 214 millions d'euros seront consacrés au soutien des 850 cités éducatives qui verront le jour, provenant majoritairement des crédits du BOP 147 (205 millions d'euros), avec un complément du BOP 230 (9 millions d'euros). Les crédits nécessaires pour conforter ces cités éducatives sont sanctuarisés.

M. Serge Mérillou. - Ma question portera sur un sujet crucial de la politique de la ville : le logement. La circulaire de la Première ministre visant à ne plus attribuer de logements dans les quartiers prioritaires aux ménages éligibles au dispositif du droit au logement opposable (Dalo) s'inscrit dans une démarche salutaire de lutte contre la formation de ghettos et de promotion de la mixité sociale. Cependant, cette intention louable soulève une question importante : quelle solution de logement sera proposée à ces ménages ? Alors que la construction de logements sociaux est en panne, quelles mesures seront prises pour redynamiser ce secteur ?

Par ailleurs, comment ferez-vous appliquer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) alors que les communes sont confrontées à une double contrainte : d'une part, la construction de logements sociaux ; d'autre part, le respect de la loi zéro artificialisation nette (ZAN) limitant l'urbanisation. Certaines municipalités - je pense notamment à la commune de Prigonrieux - se retrouvent dans une impasse, car elles ne disposent pas de terrains constructibles pour respecter leurs engagements en termes de logement social.

Enfin, je regrette l'absence de considération des zones rurales, qui semblent être délaissées dans la politique de construction de logements.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Ce sont des questions qui relèvent du ministre du logement et que nous avons déjà évoquées lors de son audition.

M. Fabien Gay. - Madame la ministre, je commencerai par une convergence de vues avec vous. En tant que sénateur de la Seine-Saint-Denis, et ayant grandi dans un quartier populaire de Bordeaux, je partage l'opinion selon laquelle les quartiers prioritaires, autrefois nommés zones sensibles, doivent entrer dans les politiques publiques. Par ailleurs, nous ne devons pas opposer les territoires, que nous soyons en zones urbaines denses, en zones rurales ou sur les territoires ultramarins, les problèmes étant identiques même s'ils sont vécus de manière différente. Le recul des services publics est un enjeu commun. Venant d'un quartier populaire, je ne cherche pas à opposer les réalités. Cependant, je suis las de constater que nous n'avançons pas. Édouard Philippe lorsqu'il était en fonction, avait reconnu que la Seine-Saint-Denis était un territoire discriminé, un grand plan avait suivi pour corriger les inégalités. Hélas, même avec ces rattrapages, nous continuons à accumuler du retard.

Nous avons besoin d'une vision globale, qui dépasse le cadre de la rénovation urbaine, car la République s'incarne au travers de femmes et d'hommes, mais aussi au travers des services publics. Prenons un exemple simple. J'ai pris le RER B ce matin, comme tant d'autres usagers, et je vois que le service proposé en Seine-Saint-Denis n'est pas le même qu'à Paris alors que le prix du Pass Navigo y est identique. Tous les jours, les habitants du département rencontrent des difficultés pour se rendre à leur travail. Ces difficultés concernent aussi d'autres domaines avec des difficultés pour accéder à la justice, à la sécurité, à l'éducation, etc.

Concernant la loi SRU, vous avez affirmé dans La gazette des communes que c'était à l'Association des maires de France (AMF) de faire respecter la loi. Je pense que vous vous trompez. Ce n'est pas à l'AMF de régler les problèmes, mais à l'État et aux préfets.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Je suis intimement convaincue des conséquences néfastes de la concentration des populations précaires dans les quartiers prioritaires : regrouper systématiquement des populations en grande précarité dans les mêmes zones et faire peser ce poids sur les mêmes élus locaux ne peut que conduire à l'échec. Comme je l'ai dit dans La gazette, je crois à l'application stricte de la loi SRU. Je rappelle que, jusqu'à nouvel ordre, ce sont bien les maires qui délivrent les permis de construire. Cependant, lorsque la loi SRU n'est pas respectée, c'est vers l'État que l'on se tourne pour dire qu'il manque de logements sociaux. Que faut-il faire ? Faut-il continuer à se mentir collectivement en prétendant ignorer comment résoudre cette situation ? Vous me pardonnerez de reparler de Marseille, mais la deuxième plus grande ville de France est hors la loi en termes de logement social alors que l'État y a conventionné 650 millions d'euros de crédits Anru. Cette situation tient à l'absence de permis de construire.

Dans ce domaine, je ne crois pas du tout à la multiplication des lois et je ne proposerai pas une nouvelle loi. Nous devons nous appuyer sur les dispositifs existants. Avec un grand nombre de mesures en place, notre travail consiste à collaborer étroitement sur l'application de la loi SRU en concertation avec l'AMF. Il faut cesser de concentrer les difficultés aux mêmes endroits : c'est une question de justice. Par ailleurs, la circulaire de la Première ministre vise les populations les plus précaires, car ce sont elles qu'il faut le mieux encadrer et le mieux soutenir. Je crois résolument que la relance de la construction passera par la redynamisation de la délivrance des permis de construire.

Pour rebondir enfin sur le ZAN, c'est évidemment un dispositif vertueux. Cependant, il faut aussi tenir compte des particularités de nos territoires. Les différences régionales sont telles que je suis favorable à une territorialisation des mesures, afin d'adapter notre réponse à la complexité spécifique de chaque zone.

Certes l'État et ses représentants, les préfets, ont une responsabilité, mais les élus locaux veulent aussi avoir la main. Je propose donc de faire du réglementaire. Faire appliquer toutes les lois existantes est déjà un défi. Commençons par la voie réglementaire : par les circulaires, par des discussions plus intenses avec l'AMF et France Urbaine. Récemment, j'ai rencontré la maire de Nantes, qui a partagé des propositions pragmatiques et de bon sens. Quand il s'agit de mesures pertinentes, je suis toujours disposée à les entendre même si nous avons nos désaccords.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame la ministre, je vous renverrai le rapport que nous avons rédigé avec Valérie Létard sur la loi SRU intitulé " Ni un tabou, ni un totem ". Certes, il faut s'assurer que les lois sont bien appliquées, mais il faut aussi que les décrets d'application ne mettent pas des mois à aboutir, car ces situations laissent les acteurs dans de grandes difficultés.

M. Denis Bouad. - En 2024, une nouvelle cartographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville entrera en vigueur. Mon département, le Gard, est confronté à des problèmes similaires à ceux des Bouches-du-Rhône, avec ses quartiers difficiles qui relèvent de la politique de la ville. Des efforts notables ont été réalisés : de nombreux bâtiments ont été démolis pour y reconstruire. Cette politique a été portée grâce à l'engagement financier substantiel de l'État complété par des contributions significatives des départements ainsi que des collectivités territoriales.

Après avoir déployé d'intenses efforts pour rendre ces quartiers plus agréables, grâce notamment au travail des associations sur le terrain, ces mêmes quartiers risquent de ne plus répondre aux critères de la politique de la ville en raison des opérations conduites sur l'habitat. Cela crée une double peine : malgré le travail acharné et les améliorations significatives apportées, nous sommes finalement pénalisés.

Mme Amel Gacquerre. - La politique de la ville est une politique essentielle pour notre cohésion nationale. Pour ma part, j'exprime une préoccupation quant au budget alloué dans le cadre du projet de loi de finances car, hors budget Anru, il est noté une stagnation voire une baisse.

Je ne reviendrai pas sur le constat actuel même si je souhaite indiquer qu'émergent de belles choses des quartiers prioritaires grâce à l'engagement des habitants, des élus et du tissu associatif. Cependant, il faut aussi évoquer la grande solitude ressentie par les habitants des quartiers, mais également par les maires, face à la délinquance et l'insécurité. Je le vis sur mon territoire le Pas-de-Calais. Les trafics de stupéfiants sont extrêmement compliqués à gérer et je souhaiterais vous entendre sur ce point.

Madame la ministre, vous êtes rassurante sur plusieurs points, notamment lorsque vous mettez l'accent sur la présence humaine. En revanche, pour ce qui est de la présence des services publics dans les quartiers, vous n'avez pas parlé de la santé.

Enfin, je voudrais aborder brièvement la question de la participation citoyenne. De nombreuses initiatives intéressantes ont été lancées comme la commission Mechmache. Avez-vous recadré les actions mises en place à votre prise de fonction ? Quid des conseils citoyens ? Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - J'attends avec impatience le rapport de la commission Mechmache, les concertations ayant pris fin en octobre. Il est à présent temps de passer à l'action. Je pense que les crédits de la politique de la ville devraient financer la concertation citoyenne pour fournir des outils qui permettront aux habitants de donner leur avis et de s'impliquer. Il est primordial que les habitants soient acteurs et s'investissent car nous ne pouvons pas décider à la place des personnes directement concernées : où elles doivent dormir, ce qu'elles doivent manger, etc.

La santé est un enjeu prégnant. Dans mon acception, elle englobe la santé physique, mais aussi la santé mentale, parent pauvre de la santé publique. Notre mobilisation dans le domaine de la santé est forte : tous les élus locaux qui proposent un projet de maisons de santé sont soutenus. Il a été souvent affirmé que les quartiers devaient être désenclavés et que les habitants devaient sortir de leurs quartiers, mais ceux-ci doivent aussi pouvoir trouver les services publics en grande proximité. Aujourd'hui, des parents peuvent être amenés à faire une heure de transport pour emmener leur enfant auprès d'un professionnel de santé, puis refaire le trajet retour. Pour lever ces difficultés, je prône de concentrer les services médicaux au même endroit, afin que les parents puissent, en un seul déplacement, réaliser leurs consultations et celles de leurs enfants. En 2025, j'envisage de travailler avec les parlementaires sur la santé mentale dans les quartiers populaires. Je souhaite lancer une mission d'évaluation afin de mieux diagnostiquer les besoins en la matière et d'y répondre plus efficacement.

Je propose maintenant de répondre à l'interpellation du sénateur du Gard. J'ai décidé qu'un pourcentage de 2,5 % du budget des contrats de ville serait consacré à l'accompagnement des quartiers prioritaires qui sortent du zonage. En effet, des quartiers auparavant prioritaires, sortis brutalement de cette catégorisation, se retrouvent confrontés aux mêmes difficultés quelques années plus tard. Il me paraît donc essentiel de suivre et d'accompagner ces quartiers.

M. Jean-Luc Brault. - Le territoire que j'ai dirigé pendant 25 ans regroupe une population de 50 000 habitants. Nous sommes ici loin des zones densément urbaines évoquées plus tôt. Sur ce territoire, nous avons mis l'accent sur l'apprentissage, en prenant en charge le reste à charge des entreprises des jeunes préparant un CAP ou un brevet professionnel. En quatre ans, nous avons réussi à conclure 500 contrats avec des jeunes de 15 à 18 ans, dans des métiers variés tels que plombier, chauffagiste, maçon, plâtrier ou électricien, entre autres. En tant que chef d'entreprise dans le bâtiment, je constate que l'apprentissage des métiers manuels traverse une situation dramatique. Il est illusoire de penser que nous pourrons améliorer les indicateurs de performance énergétique des constructions sans une main-d'oeuvre qualifiée et formée. Votre secrétariat d'État peut-il donner une impulsion pour que les jeunes de nos territoires apprennent un véritable métier sachant en outre que des jeunes qui commencent leur formation par un CAP peuvent poursuivre leur cursus et prétendre à décrocher qui un bac professionnel, un BTS ou un diplôme d'ingénieur ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - En octobre dernier, le CIV a prévu l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques dans 500 quartiers. L'État a-t-il réellement mis les moyens de sa politique dans le PLF 2024 pour soutenir cet élargissement des plages horaires ? Dans certaines bibliothèques, par exemple à Nanterre, des agents sont en grève pour dénoncer ces mesures compte tenu d'un manque criant de personnel dans ces services.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Monsieur le sénateur, je souhaite tout d'abord vous féliciter pour vos réalisations. Bravo pour ces 500 contrats d'apprentissage. Le président de la République a annoncé une grande réforme de l'apprentissage pour faire correspondre la réalité de nos besoins avec les envies de nos jeunes. Toutefois, la difficulté est que nous ne pouvons pas forcer les jeunes à embrasser une profession. Se former dans un lycée professionnel ou dans un centre de formation par l'apprentissage (CFA) est une très bonne chose, mais le prérequis est que les jeunes aient envie d'exercer un métier précis. La réalité, c'est que les métiers du bâtiment sont en grande tension aussi parce que ce sont des métiers difficiles.

M. Jean-Luc Brault. - C'est aussi pour des questions salariales.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Certes. Vous pointez en tout cas un problème immense auquel le président de la République a décidé de répondre en lançant une grande réforme de l'apprentissage dans les lycées professionnels, en concertation avec les recteurs, les élus locaux, les parlementaires et les entreprises qui, elles aussi, ont un rôle à jouer sur la promotion de leur métier.

J'ai été alertée par la députée de Nanterre sur les mouvements de grève observés dans des bibliothèques ouvertes le dimanche. Je pense ici que le ministère de la Culture, avec des dispositifs de droit commun, doit accompagner cette mesure. C'est aussi une disposition proposée sur la base du volontariat : on ne peut pas obliger un maire à ouvrir sa bibliothèque le dimanche et à faire travailler les employés municipaux. Il est légitime que les agents soient mieux rémunérés pour travailler le dimanche et je suis ouverte à lancer une concertation avec ma collègue Rima Abdul-Malak et tous les élus locaux qui ont envie de se mettre autour de la table pour généraliser l'ouverture des bibliothèques le dimanche.

M. Lucien Stanzione. - En mai 2023, plusieurs maires ont lancé un cri d'alarme à la suite des immenses difficultés rencontrées par les familles face à la hausse du coût de la vie. Quelle est votre approche de cette question ?

Par ailleurs, comment comptez-vous mettre en oeuvre sur le terrain les fonds structurels européens ?

M. Rémi Cardon. - Les chiffres sont éloquents : 40% des habitants des quartiers prioritaires ont moins de 25 ans, 60 % des collégiens et lycéens des quartiers prioritaires de la ville appartiennent à une catégorie sociale défavorisée, le taux de chômage y est supérieur de 2,7% à la moyenne nationale, etc. Au vu de ce constat, pourquoi le débat s'est-il focalisé après les émeutes uniquement sur la question de la sécurité et sur celle du port de l'uniforme dans les écoles ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Ce n'est pas parce que BFM TV le dit que c'est vrai !

M. Rémi Cardon. - En tout cas, les faits sont là. Quel est votre plan en termes de politique structurelle sur la santé, l'éducation, l'emploi, les questions sociales ? C'est sur ces questions que je souhaite vous entendre car vous ne pouvez pas les renvoyer vers l'évaluation à mener par le Parlement.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Sur la mobilisation des fonds européens, je pense que nous avons une politique trop peu allante. Nous finançons beaucoup les politiques européennes, mais, selon les régions, nous pourrions récupérer davantage de crédits, car ils nous reviennent et ne sont qu'un juste retour de ce que la France investit dans l'Union européenne. J'ai proposé à des associations d'élus de travailler avec moi sur la mobilisation de ces crédits sur nos territoires. Certains territoires ont un savoir-faire pour récupérer ces financements et c'est une méthodologie à mieux partager. Ce sont certes des dossiers complexes et il nous faut des moyens d'accompagnement pour aider les territoires à aller chercher ces financements.

Monsieur le sénateur Cardon, je ne peux pas vous laisser dire que le gouvernement a circonscrit les débats post-émeutes aux questions de sécurité. De plus, en toute franchise, vous ne pouvez pas dire que la sécurité n'est pas un sujet. Vous avez rappelé que j'avais répondu à une question sur la tenue vestimentaire à l'école lors d'une de mes interventions sur un plateau de télévision, mais je ne suis pas comptable des questions que l'on me pose.

De surcroît, il me semble bien que, après les émeutes, la première responsabilité de l'État était de ramener l'ordre républicain. Vous le savez comme moi, lorsque vous êtes en déplacement, de quoi nous parlent nos concitoyens, mais aussi les élus ? Ils ne nous parlent pas de la tenue vestimentaire à porter à l'école, mais les élus, quel que soit leur parti, me disent qu'ils veulent un commissariat, davantage de policiers municipaux voire d'une police municipale qui a des pouvoirs judiciaires, etc.

M. Rémi Cardon. - Je vous interroge justement sur toutes les autres politiques à mener et vous me répondez une nouvelle fois sur la sécurité...

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Parlons alors de l'emploi avec Quartiers 2030. À Marseille, le président de la République avait annoncé qu'il croyait à l'entrepreneuriat dans les quartiers prioritaires. Des crédits de 436 millions d'euros sont affectés par la Banque publique d'investissement (Bpifrance) pour faciliter l'amorçage de ceux qui ont envie de créer leur propre entreprise. J'étais à Aulnay-sous-Bois la semaine dernière et j'y ai vu des choses remarquables. Sur ces questions, la réponse ne peut être que globale et vous avez raison de le souligner. En revanche, je ne peux pas vous laisser dire que le gouvernement a réduit ses réponses uniquement à la sécurité. La sécurité était la première des réponses et le reste, je vous invite à discuter avec moi de toutes les mesures prises lors du CIV. Et si vous avez des propositions à faire, les deux ministères dont je relève sont disposés à les entendre.

Mme Sophie Primas. - Je voudrais vous remercier d'avoir tenu le Comité interministériel de la Ville à Chanteloup-les-Vignes. Je suis sénatrice des Yvelines, mais de ces territoires du département où les habitants ne paient pas beaucoup d'impôts, pour faire écho à vos propos tenus précédemment sur Marseille. Je suis en effet élue du nord des Yvelines dans un bassin industriel désindustrialisé dans lequel nous comptons, depuis la Cité des Indes de Sartrouville jusqu'au Val-Fourré de Mantes-la-Jolie, cinq communes relevant de la politique de la ville. Dans ces zones, des communes relèvent à juste titre des dispositifs de la politique de la ville et ont besoin d'être aidées. Cependant, d'autres territoires sont aussi à soutenir, y compris des villes moyennes, y compris des villes qui respectent les quotas en matière de logements sociaux. Dans l'ancienne commune dont j'étais maire, qui est une ville ouvrière autour de l'usine Renault de Flins, 42% des logements sont des logements sociaux, mais la ville se trouve en grande difficulté, car elle ne bénéficie plus du soutien de la politique de la ville et n'a plus les moyens d'autofinancer ses actions. Cette commune est en train de plonger car elle récupère toutes les difficultés qui étaient celles des communes relevant de la politique de ville, que l'on aide à juste titre. Je vous remercie d'avoir consacré 2,5 % du budget aux territoires sortants, mais, au-delà de cette mesure, c'est aussi la géographie qu'il faut interroger. Ne faudrait-il pas raisonner en termes de bassin de vie qui permettrait d'inscrire un soutien dans la durée ?

M. Michel Bonnus. - Vous avez parlé des acteurs de terrain et évoqué la date de décembre pour l'annonce du nouveau zonage. Cependant, les acteurs de terrain doivent pouvoir anticiper. Vous mettez en avant les préfets, dont je respecte la fonction, mais n'oubliez pas les élus, n'oubliez pas les acteurs de terrain, n'oubliez pas les enseignants. Le fléchage aura un impact déterminant sur le court, le moyen et le long terme. Des études d'impact sont donc nécessaires pour évaluer les conséquences des décisions. De la même manière, une concertation est nécessaire sur les zones franches urbaines. Un travail en commun est indispensable.

M. Henri Cabanel. - Avec le service civique, les objectifs du président de la République étaient d'enrôler 200 000 jeunes, mais je pense que cet objectif n'a pas été atteint. Par ailleurs, très peu de jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville s'engagent dans le service civique. Que faut-il faire pour sensibiliser les jeunes des quartiers prioritaires et les encourager à s'engager dans le service civique ?

Mme Annick Jacquemet. - J'habite dans le département du Doubs, près de Besançon, une des trois villes retenues pour les forces d'action républicaine. Ce plan devant commencer en 2024, je souhaiterais savoir comment ce déploiement se réalisera de manière concrète et pratique.

Quels leviers entendez-vous activer pour mobiliser les parents dans les quartiers prioritaires de la ville ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame la ministre a déjà largement répondu à cette dernière question. Je vous propose d'apporter une réponse globale à ces différentes interventions.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. - Pour les territoires qui sortent du dispositif, un budget de 2,5 % est évidemment insuffisant. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à la Première ministre de maintenir certains quartiers qu'il est impossible de faire sortir du programme. Je ne peux pas prendre la responsabilité d'abandonner ces territoires. Après une étude au cas par cas, quatre territoires ont été identifiés. Prendre cette décision est un risque politique, mais qui est finalement mesuré. Il faut parfois savoir tordre le cou à quelques réglementations car la réalité ne se résume pas aux statistiques fournies par l'Insee. Je vous rejoins également sur le besoin de raisonner à l'échelle des bassins de vie. Avec le ministre de l'Éducation nationale, mon souhait est de faire correspondre le zonage de l'éducation prioritaire avec le zonage des quartiers prioritaires de la ville pour qu'il n'existe plus d'écoles orphelines. Cet examen se fera là aussi au cas par cas.

Concernant les zones franches urbaines, notre volonté est d'engager une discussion pour faire en sorte que les mesures prises en matière de fiscalité soient efficaces dans nos quartiers prioritaires. Cette discussion sera menée avec les élus locaux, les associations et les parlementaires qui ont envie de travailler sur le sujet. La question de la refonte de la fiscalité dans les quartiers prioritaires doit évidemment être menée avec les élus qui sont ceux qui connaissent leur territoire. À titre d'exemple, je n'ai pas été la seule décisionnaire pour la circulaire du 31 août, mais je l'ai travaillé avec Ville et banlieues, avec le Conseil national des villes, entre autres.

En matière de citoyenneté, il existe beaucoup de dispositifs qui restent méconnus. C'est la raison pour laquelle je souhaite que les contrats de ville regroupent tous les outils relatifs à la citoyenneté et les crédits afférents. Si les jeunes sont aussi peu nombreux à s'engager dans le service civique, ce n'est pas par manque d'envie, mais c'est parce qu'ils ne sont pas informés de l'existence de ces dispositifs. Dans ce domaine, je m'appuierai sur les associations et sur les élus.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame la ministre, je vous remercie du temps que vous nous avez consacré et de votre franc-parler. Je vous remercie également de votre dynamisme. J'espère que la politique de la ville va prendre un nouveau souffle. Bonne journée.


Source https://www.senat.fr, le 22 novembre 2023