Interview de M. Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, à BFM Business le 29 septembre 2023, sur la politique fiscale du gouvernement, le prêt à taux zéro et les finances publiques.

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Média : BFM Business

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Notre invité, c'est Thomas CAZENAVE, le ministre délégué chargé des Comptes publics, le ministre du Budget. Est-ce que vous serez Thomas CAZENEUVE, CAZENAVE, pardon le ministre des hausses d'impôts ?

THOMAS CAZENAVE
Eh bien non, tout le contraire. On va…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh bien vous allez sur l'autoroute, vous faites une nouvelle taxe. Là, pour tout le monde c'est…

THOMAS CAZENAVE
Non non. On va continuer la politique qui est la nôtre. Je le rappelle, on a baissé de 50 milliards d'euros les impôts depuis 2017, 25 milliards d'euros sur les ménages, baisse de l'IR, taxe d'habitation, redevance audiovisuelle, et on a baissé l'impôt sur les entreprises.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, vous faites une pause cette année.

THOMAS CAZENAVE
Non, on ne fait pas une pause. On continue. Pourquoi c'est important de continuer ? Parce que cette politique, elle marche. Elle marche comment ? On a créé 2 millions d'emplois. On a baissé le taux de chômage. Notre objectif, c'est le plein emploi. Qu'est-ce qu'on fait dans ce budget ? On continue à baisser l'impôt sur les entreprises. La CVAE va baisser d'un milliard d'euros, et nous aurons supprimé définitivement la CVAE d'ici la fin du quinquennat. On continue cette politique, parce qu'elle produit des résultats. On souhaite encourager le travail, l'activité. Et dernier élément, pardon, c'est que quand on voit nos résultats de croissance en 2023, 1 % de croissance, alors que nos partenaires européens comme l'Allemagne rentrent en récession, c'est la preuve, de mon point de vue, que cette stratégie est la bonne et qu'il ne faut pas en changer.

LAURE CLOSIER
On n'est pas sur des hausses massives d'Impôt annoncées, mais on est sur des petites taxes qui arrivent sur le côté de la fenêtre, comme celle pour les aéroports et pour les concessions d'autoroutes. C'est les concessionnaires d'autoroutes qui étaient visés au départ. Il va y avoir des amendements avec des propositions de taxe. Qu'est-ce que vous faites ? Vous préparez les esprits, vous amenez l'idée que ça va arriver ?

THOMAS CAZENAVE
Non, on se prépare à une chose, c'est la transition écologique. Moi, je l'ai annoncé dès le départ comme ministre du Budget, pas de hausses d'impôts, mais on verdit notre fiscalité. Je veux vous donner deux exemples. Oui, on demande aux gestionnaires de grandes infrastructures de transports polluants, aéroports, sociétés d'autoroutes, de contribuer à la décarbonation de nos mobilités, notamment le ferroviaire. Donc oui, j'assume, C'est une forme de verdissement de la fiscalité. Mais dans le même temps, on crée le crédit d'impôt industrie verte, 3,7 milliards d'euros de crédits d'impôt pour les entreprises qui créent sur notre territoire des usines à batteries, à éoliennes, à panneaux photovoltaïques. Donc ça ne va pas que dans un sens, on revoit notre fiscalité dans les deux sens, on continue les baisses d'impôts et on accompagne la transition écologique puisqu'on a une dette écologique à laquelle il faut s'attaquer également.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais Thomas CAZENAVE, qu'est-ce que vous allez faire de toutes les propositions, tous les amendements, y compris de votre majorité, de hausses d'impôts, certains veulent notamment supprimer les allègements de charges entre 2,5 et 3,5 Smic, d'autres veulent relever la flat tax à 33%, d'autres encore reconduire la taxe sur les superprofits des énergéticiens.

THOMAS CAZENAVE
On a le débat parlementaire. On discute. Moi, j'ai organisé le dialogue de Bercy avec tous les groupes politiques représentés à l'Assemblée, au Sénat, et on a identifié des sujets sur lesquels il y a une volonté des députés et des parlementaires d'avancer. La question du logement. La question du logement, on a aussi des propositions de baisses d'impôt. J'en donnerai une notamment portée par Jean-Paul MATTEI, du MoDem, qui souhaite exonérer de plus-values ceux qui vendent leurs terrains, qui ont des terrains à construire, qui les gardent, alors qu'on cherche des terrains.

LAURE CLOSIER
Pour libérer du foncier.

THOMAS CAZENAVE
Pour libérer du foncier.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et ça, donc vous allez donc supprimer la taxation.

THOMAS CAZENAVE
Moi, je suis très favorable à ce qu'on crée une exonération pour libérer le foncier.

LAURE CLOSIER
Ça c'est une nouvelle idée sur l'immobilier.

THOMAS CAZENAVE
Oui. Donc c'est une idée de…

LAURE CLOSIER
Parce qu'on en a eu pas mal cette semaine.

THOMAS CAZENAVE
C'est une idée de baisses d'impôts. C'est pour vous dire qu'on n'a pas que des propositions de taxes. Et nous, on sera très ferme. On l'a dit avec Bruno LE MAIRE, on sera très ferme : on ne veut pas changer notre politique. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne regarde pas les enjeux, notamment de transition écologique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, oui ou non ? Suppression des allègements de charges entre 2,5 et 3,5 Smic ?

THOMAS CAZENAVE
Moi, je ne suis pas favorable.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bon.

LAURE CLOSIER
Alors, je mets non.

THOMAS CAZENAVE
Mais attendez. Pourquoi je n'y suis pas favorable ? Parce qu'on doit continuer à encourager les entreprises à créer de l'activité et de l'emploi. Notre politique fonctionne. On a 7% de chômage, on est en train de gagner un combat qui est un combat mené depuis des décennies : faire reculer le chômage dans votre pays. Attention à ne pas augmenter les impôts sur les entreprises.

LAURE CLOSIER
Relèvement de la flat tax à 33%.

THOMAS CAZENAVE
Non, je ne suis pas favorable.

LAURE CLOSIER
Je mets non. Et prise en charge d'une partie des arrêts maladie par les entreprises ?

THOMAS CAZENAVE
Alors ça, on a demandé, à la fois aux organisations…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, vous ne dites pas non.

THOMAS CAZENAVE
Non mais, il y a un sujet autour des arrêts de travail qui explosent considérablement, on le voit dans les comptes de la Sécurité sociale. Moi je suis très attentif aux comptes de la Sécurité sociale et il faut aussi qu'on fasse attention à cette augmentation très forte. Il y a un travail à mener entre les organisations salariales et patronales. Pourquoi ? Parce que c'est eux qui négocient dans leurs branches, comment ils prennent en charge les arrêts maladie. Dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dès cet automne, on va renforcer les mesures de contrôle de régulation des arrêts maladie. Deux éléments importants pour nous : pas de prescription d'arrêt maladie de plus de trois jours par téléconsultation. Et d'autre part, la capacité de l'employeur à diligenter un médecin pour vérifier si l'arrêt maladie doit se poursuivre ou pas. Donc on renforce les contrôles et on invite les partenaires sociaux à négocier une réforme structurelle autour des arrêts maladie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, encore deux questions sur les nouvelles taxes. Est-ce que vous allez reconduire la taxe sur les superprofits des énergéticiens ?

THOMAS CAZENAVE
Alors, aujourd'hui, elle n'est pas dans le texte initial. Il y a une volonté de la majorité de poursuivre ce mécanisme. Qu'est-ce que c'est que ce mécanisme ?

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est-à-dire c'est les superprofits faits, parce que les prix de l'électricité flambent…

THOMAS CAZENAVE
Exactement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc c'est sur le delta…

THOMAS CAZENAVE
Donc, il y a des profits exceptionnels générés par l'explosion des prix de l'énergie, qui ont beaucoup baissé. Donc on verra si elle et utile ou pas. Moi je suis favorable à cette initiative de la majorité, de poursuivre le dispositif. Si jamais les prix venaient à augmenter, il faut qu'on soit prêt à récupérer une partie de cette rente.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Taxe sur les raffineurs de pétrole, dont on soupçonne d'avoir des marges élevées.

THOMAS CAZENAVE
Ça fait partie, aujourd'hui ce n'est pas dans le texte du tout, initial. Il y a des discussions avec l'ensemble du secteur. Je l'ai déjà dit, tout est sur la table, avec l'ensemble des distributeurs et des raffineurs. Pour l'instant, ce n'est pas dans le texte initial.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est une menace.

THOMAS CAZENAVE
Ce n'est pas que c'est une menace, c'est qu'à un moment, il faut regarder tous les leviers, et si on considère que ce levier est utile, on pourra l'actionner. Aujourd'hui, il n'est pas dans le texte initial.

LAURE CLOSIER
Revenons au sujet immobilier. Vous nous avez fait une proposition sur le foncier, sur les questions de plus-values qui pourraient être non taxées. Il y a un gros sujet aujourd'hui sur un marché qui est bloqué. Il y a le PTZ qui va être revu, il y a le Pinel qui va s'arrêter. On a l'impression qu'on est sur un budget décalé avec le marché. Bruno LE MAIRE a lancé des pistes pour aider le marché immobilier. Qu'est-ce que vous pensez qu'il faut faire ? Est-ce qu'il faut que l'Etat s'investisse plus et intervienne sur le marché de l'immobilier ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, la crise du logement est bien là. Je ne suis pas en train de le nier, au contraire. On a des mesures dans ce projet de loi de finances…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Plutôt des mesures négatives, vous supprimez le Pinel, et vous baissez les critères du PTZ.

THOMAS CAZENAVE
Non mais, on supprime les dispositifs qui n'ont pas démontré leur efficacité. Moi, comme ministre des Comptes publics, je suis très attentif à l'argent du contribuable…

LAURE CLOSIER
Le PTZ, ça ne sert à rien ?

THOMAS CAZENAVE
Non non, je pense à la niche Pinel.

LAURE CLOSIER
Au Pinel. Oui mais le PTZ c'est pareil, vous revoyez les critères sur les réseaux.

THOMAS CAZENAVE
Non, le PTZ, il est... le Prêt à Taux Zéro, pour ceux qui nous écoutent, il est prolongé…

LAURE CLOSIER
Pas sur les maisons individuelles.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il est restreint.

THOMAS CAZENAVE
Il est restreint. Pourquoi ? On essaie de le mettre en accord avec notre politique de sobriété foncière, en disant où est-ce qu'il faut encourager, plutôt dans l'ancien et plutôt dans les zones tendues. Et sur cette question-là, moi j'ai entendu des parlementaires qui souhaitent améliorer le dispositif. Avec Bruno LE MAIRE, nous sommes d'accord pour retravailler le dispositif, s'il faut augmenter les seuils…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que par exemple, le PTZ ça pourrait être un prêt à taux bonifiés ?

THOMAS CAZENAVE
Ça peut être aussi un prêt à taux bonifiés.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah oui.

THOMAS CAZENAVE
Ça peut être aussi un prêt à taux bonifiés. C'est le travail…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous y êtes favorable ?

THOMAS CAZENAVE
Moi je suis favorable à ce que, avec les parlementaires, on regarde toutes les solutions possibles, pour encourager l'accession. Il faut qu'on aide notamment les ménages qui n'arrivent plus à rentrer dans le marché. Moi je crois qu'il faut un choc foncier. Un choc foncier c'est quoi ? C'est mettre à disposition de ceux qui construisent, promoteurs, les bailleurs sociaux, des terrains qui aujourd'hui sont constructibles, et qui ne sont pas vendus. Pourquoi ?

LAURE CLOSIER
Parce que sinon, on fait de la non-artificialisation des sols, donc les terrains…

THOMAS CAZENAVE
Mais pourquoi ces terrains restent non utilisés ? C'est parce qu'on attend d'être exonéré de la plus-value. Il faut 30 ans pour être exonéré de la plus-value. Notre proposition, et c'est la proposition aussi du groupe MoDem, c'est dire : exonérons temporairement la plus-value, pour encourager ceux qui ont des terrains, à les céder à ceux qui veulent construire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez vu que les taux d'intérêt de la dette française ont un peu flambé hier, 3,5% sur le 10 ans. Il faut dire que votre budget, il n'est pas très rigoureux. D'ailleurs c'est Bruno LE MAIRE qui le dit, ce n'est même pas moi. Il dit qu'en 2025, la France sera le seul pays d'Europe à ne pas respecter les critères de déficit public. On ne peut pas faire mieux que sur ce budget ?

THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, nous, nous rentrons dans un moment où nous allons redresser nos comptes publics.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ce n'est pas…

THOMAS CAZENAVE
Si, si. On a protégé les Français, les entreprises, tout le monde en est bien conscient et donc on a dégradé notre déficit public. La dette, elle représente 3 000 milliards d'euros. La charge d'intérêts de la dette en 2027, ce sera 75 milliards.

LAURE CLOSIER
Record.

THOMAS CAZENAVE
Oui, ce sera un record à cause de l'augmentation des taux d'intérêt qui frappe tout le monde, l'Etat aussi. Donc on doit réduire notre déficit public et on commence à le réduire. Cette année c'est 5 %, l'année prochaine ce sera 4,4%. Mais moi je tiens aussi à dire…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bruno LE MAIRE dit qu'on sera bonnet d'âne en 2025 en Europe.

THOMAS CAZENAVE
Oui, sauf que quand je regarde la croissance, il a raison. C'est pour ça qu'il faut qu'on tienne. Notre réduction de déficit public. Mais quand je vois que l'Allemagne entre en récession et que la France tient une croissance de 1 % contre toutes les prévisions…

LAURE CLOSIER
Pour l'instant.

THOMAS CAZENAVE
Oui mais enfin, contre toutes les prévisions. Les entreprises elles tiennent, mais c'est d'abord parce qu'elles investissent, qu'on les protège pendant la période dure et donc il faut continuer ce redressement progressif des finances publiques. Arrêtons de promettre du sang et des larmes, ça n'a jamais marché. Quand on a voulu le faire en 2008, on a cassé la croissance. Donc notre enjeu avec Bruno LE MAIRE, c'est de le faire de manière progressive, déterminée mais progressive. On va faire 16 milliards d'euros d'économies dans ce budget.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a beaucoup d'effets d'opportunisme.

THOMAS CAZENAVE
Non, non, non.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce qu'il y a quand même la fin du bouclier.

THOMAS CAZENAVE
Oui, mais enfin il faut quand même le faire la fin du bouclier. Il faut quand même le faire. Quand on a protégé tous les Français, on leur a dit " progressivement on sort des boucliers ". Moi je considère qu'il faut aussi avoir du courage, c'est ce que l'on fait. On fait des réformes structurelles, vous disiez on supprime le Pinel par exemple, on considère que ce n'est pas assez efficace. On baisse les contrats aidés dans les entreprises parce que le chômage baisse, on revoit la politique de formation professionnelle où on fait des économies, donc on fait 16 milliards d'euros d'économies. Et moi j'entends toutes celles et ceux qui disent « ce n'est pas assez », mais pour avoir organisé les dialogues de Bercy avec tous les groupes politiques, je n'ai pas reçu beaucoup de propositions d'économies. Donc on le fait de manière progressive, proportionnée, en tenant l'objectif de moins 3 % d'ici 2027.

LAURE CLOSIER
Merci beaucoup Thomas CAZENAVE, ministre délégué chargé des Comptes publics.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2023