Déclaration de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur la déclinaison territoriale de la planification écologique, au Sénat le 21 novembre 2023.

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  • Christophe Béchu - Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème : " Déclinaison territoriale de la planification écologique : quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ? "

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays a traversé récemment des épisodes climatiques extrêmes par lesquels se manifestent plus que jamais la réalité et l'intensité du dérèglement climatique. Du Morbihan aux Alpes-Maritimes, de la Guadeloupe au Pas-de-Calais, nos concitoyens et les élus locaux – je veux en ce jour avoir pour eux une pensée particulière – ont subi de plein fouet ses conséquences.

L'État est évidemment à leurs côtés pour les aider à reconstruire et à adapter leur territoire à ce type d'événements, mais il est aussi pleinement engagé pour que nous puissions atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes assignés et sur lesquels nous nous sommes engagés, à commencer par la réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030.

Cet engagement est fondamental pour préparer un avenir habitable non seulement pour les générations futures, mais pour nous-mêmes et pour nos enfants. La bonne nouvelle, c'est que nous avons fait la moitié du chemin. La moins bonne, c'est qu'il nous reste sept ans pour faire ce que nous venons de faire en trente-trois ans.

Pour atteindre l'objectif, pour assumer ce rythme inédit, nous avons un plan. Le secrétariat général à la planification écologique et mon ministère ont travaillé pendant un an à identifier tous les leviers qui nous permettront, secteur par secteur, de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre avec la bonne intensité. Cet exercice unique au monde, nous l'avons fait. Ce cadre national, nous l'avons. Désormais, nous devons passer aux travaux pratiques.

C'est cela, la déclinaison territoriale de la planification écologique : comment faire pour que les objectifs que nous nous sommes donnés nationalement, et sur lesquels la France s'est engagée, soient effectivement mis en œuvre dans les territoires, par les entreprises, par les Français et, bien entendu, par nos collectivités territoriales ?

La Première ministre m'a confié cette responsabilité et je mène, avec ses services, une démarche qui repose sur deux piliers : la mobilisation des citoyens et l'association étroite des collectivités territoriales.

La mobilisation des citoyens passe par le tour de France que je mène au plus près des réalités locales. Cet exercice de débat et de pédagogie m'a déjà mené dans sept régions à la rencontre de près de 3 000 Français. Au bout du compte, ce sont bien les Français qui seront en première ligne : ce sont nos agriculteurs qui devront changer leurs pratiques ; ce sont nos entreprises qui devront investir autrement.

Le tour de France, c'est parler de l'avenir des Français avec eux. C'est leur tenir un discours de vérité et d'humilité, leur dire que chacun de nous a une part de l'effort à faire et une part de la solution entre ses mains.

Et je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'accueil que je reçois me donne à la fois beaucoup d'espoir dans nos chances de succès et beaucoup d'idées pour faire mieux et plus vite.

J'en viens au rôle des collectivités territoriales.

Je n'étonnerai personne ici en affirmant qu'elles sont en première ligne de la transition écologique. J'aime même dire que les maires, réunis en ce moment à Paris, sont les hussards verts de la République. Ils ont un rôle essentiel à jouer, parce qu'ils connaissent mieux que personne leur territoire et défendent des projets qui changent concrètement la vie des gens. Nous n'y arriverons pas sans eux. À cet égard, je partage ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur Gillé : beaucoup d'entre eux n'ont pas attendu l'État pour prendre le chemin de la transition écologique.

Je tiens à saluer très sincèrement le travail des sénateurs Françoise Gatel, Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche, qui m'ont remis voilà quelques jours seulement le rapport d'information de votre délégation aux collectivités territoriales intitulé Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité. Ce rapport est une mine d'or de solutions, de bonnes pratiques et d'idées fortes pour accélérer la transition des collectivités et faire d'elles les acteurs clés du changement de modèle que nous construisons.

Les collectivités sont un maillon essentiel de ce que nous sommes en train de mettre en place. Et cela vaut pour tous les échelons, de la région à la commune.

Pour embarquer les collectivités dans cette dynamique de planification, nous avons lancé les COP régionales – le sénateur Gillé les a évoquées –, qui sont copilotées par les présidents de conseil régional et par les préfets de région. Qu'est-ce qu'une COP ? C'est une enceinte de coordination et de travail qui permet aux acteurs régionaux, collectivités, monde économique, monde associatif, de réaliser un diagnostic partagé des sources régionales d'émissions de gaz à effet de serre et d'identifier ensemble les leviers pertinents de baisse ou d'accélération de la baisse des émissions sur leur territoire.

Alors que les deux premières COP régionales viennent d'être lancées la semaine dernière dans le Grand Est et en Guadeloupe, je veux saluer la dynamique au sein des collectivités territoriales engagées dans ce processus.

Évidemment, en tant que parlementaires, vous y serez associés étroitement pendant toute la durée des travaux, qui se dérouleront jusqu'à l'été prochain.

Dans les régions non plus, nous ne partons pas d'une page blanche. Je citerai un seul exemple : j'ai eu le plaisir de participer le 14 novembre à Metz au lancement de la première COP régionale, qui intégrera totalement les travaux régionaux déjà accomplis et capitalisera sur les actions lancées dans le cadre de Grand Est Région Verte. Elle poursuivra l'ambition de fédérer les acteurs de la région autour de trajectoires et d'actions communes jusqu'au dernier kilomètre de l'action publique.

La territorialisation de la planification écologique doit permettre à toutes les collectivités de s'approprier les objectifs nationaux et de les traduire en projets concrets.

Ce dernier kilomètre de la planification nous impose de revoir la manière dont l'État agit avec les territoires. Il nous impose de repenser en même temps les trois dimensions traditionnelles de l'action publique que sont le diagnostic, le portage de projet et l'ingénierie territoriale.

La première dimension est le diagnostic, sans lequel rien n'est possible. Aujourd'hui, nous faisons le constat d'un besoin de simplification pour que les collectivités puissent disposer de données et d'indicateurs de transition écologique uniformisés et pertinents. Nous allons outiller les élus et les agents territoriaux en mettant à leur disposition un socle commun d'indicateurs territoriaux facilitant le pilotage de la transition de leur territoire. C'est une dimension clé. Cet outil est déjà disponible.

Après la phase de diagnostic, il y a les projets à accompagner. Nous avons une philosophie : pour que le partenariat État-collectivités fonctionne en matière de planification écologique, nous devons donner de la visibilité pluriannuelle et adapter nos outils en conséquence. Nous le ferons sur deux plans.

D'une part, nous ferons en sorte que les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) deviennent bien des « contrats pour la réussite de la transition écologique ». Nous veillerons également à ce qu'ils soient déployés en permettant la pluriannualité des financements dans le cadre du recensement des projets participant à la transition écologique. Ne refaisons pas un tour de piste pour savoir quels sont les engagements déjà pris par les collectivités. Assurons-nous juste que les " tuyaux " des projets arrivent bien en face des " tuyaux " destinés aux financements.

D'autre part, nous allons mieux poursuivre et articuler entre eux l'ensemble des programmes publics de soutien aux collectivités qui permettent de dynamiser les territoires : Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Villages d'avenir, Territoires d'industrie.

L'ingénierie est une question clé. Dans ce domaine, demain, au Salon des maires et des collectivités locales (SMCL), je présenterai la charte signée avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), la Banque des territoires et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour concrétiser un nouvel engagement de cohérence, de coordination et de simplification de l'ingénierie territoriale, souhaité notamment au Sénat à l'occasion d'un rapport sur l'agenciarisation.

Enfin, et je terminerai par ce qui est le préalable de toutes nos actions : pour agir, il faut comprendre, ce qui implique de former. Au-delà de la formation de 25 000 cadres de la fonction publique d'ici à 2024, nous venons de finir une phase d'expérimentation auprès de 500 maires. Elle sera généralisée avec les opérateurs du ministère, afin que nous soyons en mesure d'avancer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que, sur le fonds vert et la mise en oeuvre d'une partie des dispositifs, les seize questions à venir me permettront de répondre aux différents points que je n'aurais pas eu le temps d'évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum, y compris l'éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente.

Le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, pour ouvrir cette série de questions, je souhaite vous interroger – au hasard ! – sur l'objectif " zéro artificialisation nette " (ZAN) et la planification ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il ne vous aura pas échappé que cette question remet ces temps-ci le Palais du Luxembourg en émoi. La deuxième loi est récente et les décrets sont toujours en attente de publication. De nombreux collègues s'interrogent déjà sur l'atterrissage, ce qui prouve que notre travail n'est peut-être pas terminé. Le Sénat mettra d'ailleurs en place, probablement au début de l'année prochaine, une nouvelle mission de suivi. La commission des finances a également accéléré ses travaux sur la fiscalité.

Ma question relative aux ZAN et à la planification se fait justement l'écho de cette inquiétude.

Nous nous sommes battus collectivement pendant des mois à vos côtés, de manière transpartisane, pour que les régions, via les Sraddet, aient une approche la plus large et souple possible, c'est-à-dire qu'elles restent dans l'orientation et n'entrent pas dans la planification. Nous avons eu des débats sur la prise en compte et la compatibilité, sur l'importance du fascicule réglementaire. Tout cela nous inquiète au plus haut point.

Nous avons trouvé un accord intéressant prévoyant une solution à la carte. Les régions qui veulent aller très loin dans la norme pourront le faire et celles qui ne le souhaitent pas n'y seront pas obligées.

Or voilà que sont installées les COP, dont la mise en place va même s'accélérer. Cela suscite des interrogations et renforce notre inquiétude. Nous avons l'impression que le diagnostic a été fait en chambre, sans concertation. Il n'est pas possible de proposer de clés : les objectifs régionalisés sont communiqués au compte-gouttes, et les actions sont de plus en plus normées.

Quid de ces COP ? S'agira-t-il d'une planification normative qui viendra écraser tout ce que l'on a fait ? La COP régionale écrasera-t-elle la conférence régionale du ZAN ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Non, elle ne l'écrasera pas du tout ! (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Les décrets sont prêts. Ils ont reçu l'accord de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). Nous les publierons la semaine prochaine, et, avec eux, plusieurs guides.

Le premier est une sorte de guide très simple, en seize pages. Il rappelle précisément le pourquoi et le comment de ces COP. Nous sommes allés tellement vite sur les modalités, les objectifs et les difficultés que nous avons fini par oublier le reste. J'étais à Dieppe vendredi dernier pour faire un cas pratique avec les élus concernés par l'EPR de Penly, qui est l'un des grands projets d'envergure nationale. J'envisage également de me rendre dans un département, qui compte énormément de communes, pour me pencher sur le cas pratique de la garantie communale, qui inquiète dans certains territoires et réjouit ailleurs.

Il ne m'a pas échappé que certains ont tenté de remettre une pièce dans la machine. Dans quelques jours, nous disposerons d'éléments qui nous permettront d'avancer.

Ce matin, pendant un peu plus d'une heure, j'ai répondu à une quinzaine de questions au moment du lancement du Salon des maires. À ma grande surprise, il n'y en a eu aucune sur le ZAN. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ça va venir ! La question n'est pas encore arrivée sur le terrain !

M. Christophe Béchu, ministre. C'est la preuve qu'il existe maintenant une attente pour que les choses bougent. Pour être précis, sur 120 questions, une dizaine seulement concernaient le ZAN.

Pour autant, en descendant à l'échelle des territoires, on s'aperçoit qu'il existe un décalage par rapport aux différentes craintes, car nous savons tous que la lutte contre l'étalement urbain n'est pas une option.

En ce qui concerne les COP, je vous invite à me suivre. La semaine prochaine, je me déplace lundi dans le sud de la France, jeudi en l'Occitanie et vendredi en Nouvelle-Aquitaine. Le meilleur moyen de savoir ce qu'est une COP, d'être rassuré et de constater qu'il ne s'agit pas d'un exercice normatif, c'est d'y assister.

Quel est le diagnostic ? C'est tout simplement la photo des émissions de l'année précédente. Nous demanderons ensuite aux collectivités régionales dans quels domaines elles peuvent aller plus vite. Certaines pourront mettre l'accent sur la géothermie, quand d'autres préféreront développer le biométhane, la stratégie sur la biodiversité ou les services express régionaux métropolitains. Nous additionnons les projets des territoires. (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier.

M. Cédric Chevalier. Monsieur le ministre, le fonds vert aide nos collectivités et leurs groupements à s'engager pleinement dans la transition écologique.

Toutes les communes, y compris rurales, peuvent prétendre à ces crédits, et nous nous en réjouissons. Ce fonds est un succès, salué par les élus.

Pourtant, certains retours de terrain alertent encore quant à la difficulté d'accès aux subventions. Les démarches restent longues et complexes, surtout pour les collectivités qui sont peu dotées en ingénierie.

Prenons un exemple très concret, tiré de mon département, la Marne, et lié à l'éclairage public, sujet qui représente près du quart des dossiers du fonds verts, d'après les chiffres publiés par votre ministère en juin dernier. Pour déposer un dossier visant à rénover son parc d'éclairage public, une commune doit fournir une série d'indicateurs.

Je pense en particulier à la puissance totale économisée, à la réduction de la densité surfacique moyenne de flux lumineux installé sur la surface du projet ou encore à la surface de trame noire créée par le projet. Ce sont des éléments parfois compliqués à obtenir, surtout pour certaines petites communes qui s'appuient sur un réseau d'éclairage public vétuste.

De plus, certains élus s'étonnent du fait que les critères du fonds vert outrepassent les normes. Si nous gardons l'exemple de l'éclairage public, la température de couleur maximale demandée pour le fonds est de 2 700 kelvins alors que la réglementation impose au maximum 3 000 kelvins.

Notre rôle est de continuer à bâtir collectivement un environnement propice à l'adaptation de nos collectivités territoriales au changement climatique.

Dès lors, pouvez-vous énoncer avec précision vos ambitions pour simplifier les candidatures au fonds vert, afin de permettre à toutes les collectivités de soumettre leurs projets dans les meilleures conditions ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question. À la minute où je vous parle, le fonds vert, c'est plus de 17 500 demandes de subventions auprès de l'État, soit 5 milliards d'euros de demandes de crédits pour 2 milliards d'euros disponibles.

Près de 8 000 dossiers ont été acceptés, et 2 milliards d'euros de subventions seront accordés aux collectivités territoriales pour accélérer sur les questions de biodiversité, d'adaptation ou d'atténuation. Pour avoir un ordre de grandeur, 2 milliards d'euros, c'est le doublement de l'enveloppe de soutien à l'investissement aux collectivités territoriales ; il s'agit en effet à peu près du montant auquel on parvient lorsque l'on additionne la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

L'élément qui explique très certainement le succès du fonds est que nous avons refusé les appels à projets et les appels à manifestation d'intérêt, afin que le dispositif soit souple. Corollaire de cette souplesse, cela a donné lieu parfois à des souplesses préfectorales qui se sont traduites par des rigidités…

Permettez-moi de bien préciser les choses. Voilà un an, nous nous demandions si ce fonds allait trouver son public, s'il y aurait suffisamment de dossiers et si les portes d'entrée que nous avions imaginées allaient être opérationnelles.

L'afflux des dossiers nous a conduits à retenir un peu moins de la moitié des demandes, en essayant de mettre plutôt l'accent sur les projets qui pourraient démarrer en 2023, l'idée étant de faire se rejoindre la question du financement et celle de l'urgence. Cependant, je dois le reconnaître, sur certains territoires, d'aucuns ont voulu " innover " et ont ajouté des critères. Nous allons donc faire en sorte que l'édition numéro deux s'applique de manière différente.

Ce sont 2 350 dossiers de rénovation thermique des bâtiments et presque 2 000 dossiers de rénovation des éclairages publics, pour un peu plus de la moitié du fonds, qui ont été déposés. C'est beaucoup plus que sur les autres champs. Voilà pourquoi il y a parfois eu cette tentation d'ajouter des critères. (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Pillefer.

M. Bernard Pillefer. La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables vise à mettre en place sur le territoire des zones d'accélération des énergies renouvelables (ZAER). C'est aux communes qu'il revient de définir, après concertation avec leurs administrés, les zones dans lesquelles elles souhaitent implanter prioritairement des projets d'énergies renouvelables.

Depuis le 1er juillet 2023, et jusqu'à la fin de l'année 2023, les élus locaux sont donc invités à faire des propositions de zones d'accélération.

Il y a un mois, ma collègue Annick Jacquemet interrogeait le Gouvernement sur la publication de décrets visant à mettre en oeuvre des ZAER. La ministre de la transition énergétique nous avait alors informés que la définition de ces zones ne requérait pas de décrets.

Pourtant, le dispositif manque singulièrement de clarté. Les communes doivent déterminer leurs zones d'accélération avant le 31 décembre 2023. Mais nous avons aussi appris que, passé cette échéance, il restera possible pour les communes de communiquer des zones d'accélération à l'État. Certaines sont actuellement sollicitées avec insistance par leur préfet pour présenter leur carte d'accélération.

Que se passera-t-il en cas de carence de zones ? En particulier, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer qu'aucun régime de sanction n'est prévu dans le cas où les communes ne désigneraient pas de ZAER ? Dans ce cas, est-il par ailleurs prévu que l'État prenne le relais ? Si oui, de quelle manière ? En concertation avec les communes ou unilatéralement ? Nous avons besoin d'éclaircissements.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pillefer, je suis à la fois ému et touché par votre question, qui concerne plus particulièrement le portefeuille de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, mais je me ferai un immense plaisir de vous apporter quelques éclairages sur les énergies renouvelables.

Vous le savez, nous mettons en France en moyenne deux fois plus de temps que nos voisins allemands pour faire aboutir des projets d'énergie renouvelable. C'est vrai pour le photovoltaïque, pour l'éolien et aussi pour l'éolien offshore.

Une loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a été votée. Certaines personnes ont été tentées d'imaginer de possibles droits de veto sur certains projets, ce qui a abouti à un mécanisme de consultation des maires, via les ZAER, avec une date butoir fixée au 31 décembre 2023. Au-delà de cette date, il n'y aura pas de sanction.

Mme la ministre l'a précisé, si ce délai devait être dépassé de quelques jours, ce ne serait pas un drame. Si des élus devaient donc compléter ou envoyer leurs ZAER avec un peu de retard, cela ne poserait pas de difficultés majeures.

Permettez-moi néanmoins de vous faire remarquer que si cette date butoir avait été fixée en mars ou en juin, d'aucuns n'auraient pas manqué non plus de trouver cette échéance trop rapide ! (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.)

Nous avons collectivement le souvenir un peu douloureux de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, votée à l'unanimité en 2005, qui prévoyait une échéance de dix ans pour atteindre l'objectif de mise en accessibilité des bâtiments. En 2015, nous nous sommes rendu compte que nous n'étions pas prêts. Peut-être aurions-nous pu faire ce constat un peu plus tôt ? J'assume donc le fait d'avoir fixé un délai rapproché, l'idée étant d'avoir le plus de zones d'accélération possible, afin de pouvoir renseigner les acteurs.

Il y aura deux cas de figure. Certaines collectivités souhaiteront délibérer, mais elles signaleront au préfet qu'elles ne sont pas totalement prêtes. Nous leur accorderons sans difficulté un délai supplémentaire. Mais d'autres collectivités n'envisageront pas de définir leurs ZAER. À ce moment-là, la question du rôle de l'État pour préciser ces zones d'accélération pourra se poser. Sur ce point, je vous renvoie vers ma collègue.

Quoi qu'il en soit, la date du 31 décembre 2023 est une très forte indication, mais il n'y aura pas de sanction à compter du 1er janvier 2024. Par ailleurs, un délai complémentaire sera accordé aux communes pour communiquer les documents aux préfectures.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, il faut le saluer, avec votre planification écologique, l'État amorce un virage réel en matière de transition. Ça va un peu plus loin et ça va un peu plus fort : tant mieux !

Néanmoins, le décalage entre l'immensité des besoins et les moyens déployés est réel : 7 milliards en 2024, et encore en recyclant des crédits là où il en faudrait trois fois plus. Le challenge est donc réel. Ce sera l'objet de nos débats lors de l'examen du projet de loi de finances.

En matière de transition écologique, il n'y a pas que l'enjeu stratégie bas-carbone. Or, dans vos COP, il n'y a que six mois pour coopérer et deux mois seulement pour construire dans chaque région des diagnostics partagés, qui s'adressent essentiellement – quand on regarde les invités – aux grandes collectivités territoriales.

Si nous voulons vraiment associer les collectivités, il faut qu'elles aient les moyens de contribuer. Urgence ne veut pas dire précipitation. Je viens d'entendre votre réponse sur les constructions de diagnostics partagés dans ces COP. Grosso modo, si j'ai bien compris votre propos, ce serait " à la carte ". C'est ce qui ressort aussi de la circulaire de la Première ministre et des échanges que j'ai eus avec deux chargés de mission responsables des COP dans deux régions différentes.

Monsieur le ministre, si chaque territoire rédige des feuilles de route à la carte, en fonction de ses choix, quelle est l'articulation avec la feuille de route nationale ? Comment atteindra-t-on les objectifs qui ont été présentés en septembre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Tout d'abord, monsieur le sénateur Blanc, et de manière un peu plus personnelle, je me réjouis de vous entendre vous exprimer pour la première fois dans cet hémicycle. Cela me rappelle un passé commun, même si vous adoptiez alors parfois des postures moins constructives en vous adressant à moi : je savoure aussi la façon dont nous allons pouvoir œuvrer en faveur d'un champ qui, par définition, devrait tous nous réunir.

En effet, le sujet de la transition écologique, ce n'est pas de savoir qui marque le but ; c'est de savoir comment on sauve le terrain !

Il y a, en effet, la question des financements et il y a celle de la méthode.

Sur les financements, 10 milliards d'euros seront débloqués l'année prochaine. Car il faudra évidemment ajouter les autorisations d'engagement aux crédits de paiement compte tenu du fait, en particulier dans le domaine du ferroviaire, que l'État ne paie pas l'année où les études sont lancées. Ce sont donc bien 10 milliards qui seront engagés. C'est une première marche vers les 33 milliards d'investissements publics jugés nécessaires par le rapport Pisani-Ferry.

Par ailleurs, il convient de relever au passage un effet de levier intéressant. On s'est en effet rendu compte dans le cadre du fonds vert que les 2 milliards d'euros qui ont été investis génèrent en moyenne 10 milliards d'euros d'investissement si l'on additionne les projets rendus possibles.

Sur la démarche des COP, je vous renvoie à ce que j'ai indiqué au sénateur Gillé. On ne part pas d'une feuille blanche. Le délai peut sembler bref, mais il existe d'ores et déjà sur la quasi-totalité des territoires des planifications, des projets, des perspectives, des investissements qui ont été conduits par les régions, par les départements, par les intercommunalités. Il convient de les additionner.

Nous avons choisi comme date le mois de juin de l'année prochaine, pour deux raisons.

D'abord, nous connaîtrons alors la somme des besoins avant d'avoir commencé à construire le projet de loi de finances pour 2025. Nous pourrons alors aborder la question des moyens et des potentiels des engagements financiers de l'État avec une idée plus précise des objectifs à atteindre.

Ensuite, cette date nous permettra de nous assurer du bouclage. En effet, énormément de leviers sont à la main des territoires, mais d'autres dépendent de l'État ou des engagements internationaux. C'est la somme de tous ces éléments qui devra nous permettre de tenir nos objectifs, en assumant une démarche ascendante et une démarche descendante qui convergent l'une vers l'autre.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour la réplique.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, je vois que vous n'avez rien perdu de votre capacité à apporter des réponses de qualité, à ce détail près que ma question concernait les communes rurales qui ne sont pas associées dans les COP.

L'enjeu est bien de savoir comment elles vont pouvoir contribuer : 90% du territoire n'est pas artificialisé. Ce sont elles qui en ont principalement la responsabilité. Si elles ne sont pas en mesure d'élaborer des diagnostics précis pour enrichir la feuille de route régionale, nous aurons du mal à évaluer les besoins financiers qui seront indispensables pour conduire à bien la transition écologique. Voilà ma crainte !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) est systématiquement associée à la totalité des COP. La Bretagne envisage de lancer sa COP avec 750 parties prenantes. (M. Cédric Chevalier fait un signe de dénégation.)

Il y aura des dispositifs différents, mais l'association du mode rural est une réalité. J'en veux pour preuve le Grand atelier des maires ruraux pour la transition écologique, conduit par la vice-présidente Fanny Lacroix. Si ses projets et ses travaux vous passionnent, je ne peux que vous en faire la publicité et vous inviter à les regarder.

Très concrètement, la dotation pour la valorisation des aménités rurales décidée dans le cadre de ce budget, monsieur le commissaire aux finances, aura pour vocation d'accompagner les 88% du territoire occupé par la ruralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, l'enjeu est d'associer en profondeur les collectivités de ce pays. Si nous n'avons pas la possibilité de les associer territoire par territoire, non pas dans le cadre de leurs associations, mais sur la base de ce qu'elles produisent, nous louperons, me semble-t-il, le coche !

Voilà pourquoi nous aurions sans doute eu besoin d'un peu plus de temps pour élaborer un diagnostic partagé.

Il faut aller plus loin que la simple consultation de l'AMRF ou autres associations d'élus pour élaborer des diagnostics, afin de mieux voir ce que sont les planifications dans chacune des collectivités.

Aujourd'hui, on le sait, l'objectif est d'encourager la planification, y compris à l'échelle des petites communes rurales. Je crains que nous n'ayons raté là une occasion. Au final, les COP permettront, comme je le soulignais initialement, de nous inscrire dans la stratégie nationale bas-carbone, de tenir compte des enjeux de mobilité et d'énergie. Mais quid des enjeux d'artificialisation des terres et de reconversion des sites ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le ministre, réservoirs naturels, espaces de production d'énergies renouvelables, trésors de biodiversité, puits de carbone, les espaces ruraux représentent d'importants potentiels écologiques sur 88 % de la surface de notre pays.

Les collectivités locales, qui sont sans nul doute des rouages essentiels de la transition écologique, sont en première ligne pour faire face aux catastrophes naturelles et aux effets du dérèglement climatique.

Nombre d'entre elles sont engagées de longue date dans l'Agenda 21, les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), les projets alimentaires territoriaux (PAT), la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).

En 2024, le cadre unique et pluriannuel de politique territoriale prendra à l'échelle des intercommunalités la forme d'une seconde génération de contrats de relance et de transition écologique (CRTE), rebaptisés " contrats pour la réussite de la transition écologique ".

Pour nombre d'élus locaux, les CRTE n'ont pas suffisamment rempli leur promesse de contrat intégrateur et n'ont fait qu'ajouter une couche au millefeuille des documents d'aménagement du territoire. Dans un récent rapport d'octobre dernier, la Cour des comptes constate d'ailleurs un bilan mitigé.

Monsieur le ministre, le 14 novembre dernier, lors du lancement d'une COP régionale, vous admettiez que les CRTE étaient " améliorables ".

La seconde génération de ces contrats annoncée prendra-t-elle en compte ces critiques ? Comment comptez-vous remédier à ces défauts pour que les CRTE soient des contrats intégrateurs porteurs d'un véritable projet de territoire, avec les moyens financiers et en ingénierie adéquats pour les collectivités ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Un très grand nombre de projets existent déjà dans les territoires ruraux. On aurait donc tort de penser que c'est parce qu'on lance la planification que les maires se saisissent de ces enjeux ! Certes, il existe autant de situations que de communes. Mais, globalement, les élus se sont jetés à l'eau.

Pour avoir été dans une vie antérieure récente président d'une communauté urbaine dans laquelle la plus petite commune comptait moins de 150 habitants, je puis vous assurer que celle-ci n'était pas la moins active pour voir comment, à son échelle et à son niveau, décarboner, modifier ou piétonniser une partie de son espace.

Vous avez cité à juste titre les propos que j'ai tenus le 14 novembre, et que je ne renie pas, ainsi que les critiques mitigées de la Cour des comptes sur les CRTE. Ils ont eu pour mérite de permettre le recensement des projets existants au début du mandat, en période post-covid, et de constater parfois certaines convergences dans la façon d'avancer.

Mais ils présentaient un biais. Ce recensement de projets ne donnait pas lieu à un recensement des aides et des financements susceptibles de les accompagner. Nous avions donc une liste de ce qui existait, mais sans les solutions allant avec.

Avec cette nouvelle génération, nous souhaitons – comme je l'ai dit, peut-être maladroitement, tout à l'heure – que " les tuyaux " se rencontrent. Le projet de loi de finances permettra de recruter dans chaque département un agent supplémentaire pour accompagner cette transition écologique et ce suivi. En passant de l'ancienne à la nouvelle génération de ces revues de projets, nous espérons en milieu d'année prochaine, au moment de la finalisation des COP, connaître la hauteur des besoins et des montants qui devront être alloués afin que le dispositif fonctionne. Tel est l'enjeu pour les six prochains mois.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.

Mme Marie-Claude Varaillas. La transition écologique exige des outils lisibles, ainsi que des fonds suffisants à disposition des collectivités.

Nous savons par exemple que 81% de la consommation énergétique des communes est issue des bâtiments publics, souvent anciens et mal isolés, et que nous avons, par des travaux de rénovation, beaucoup à gagner en matière d'émission de CO2.

Le fonds vert est une très bonne initiative. Ses crédits augmentent, et je m'en félicite. Mais il ne représente que 25% des subventions. Il faut trouver les 75% de financements restants !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne puis que vous donner raison, et j'irai même plus loin : notre pays compte 480 millions de mètres carrés de bâtiments publics si l'on additionne ceux de l'État et ceux des collectivités territoriales. L'État a un devoir d'exemplarité. Nous ne pouvons pas nous contenter d'expliquer aux particuliers qu'ils doivent réaliser des travaux ou aux entreprises qu'elles doivent avancer sur le décret tertiaire sans agir sur nos propres bâtiments !

Le projet de loi de finances comprend donc des crédits pour l'immobilier de l'État, avec 1,5 milliard d'euros de crédits fléchés en direction des 43 908 écoles, afin de les accompagner de manière prioritaire. Ces dernières sont en effet bien souvent le premier poste de dépenses à l'échelle d'une commune, en particulier les plus petites d'entre elles.

En ce qui concerne le bouclage global, je vous renvoie au plan présenté avec Gabriel Attal le 14 septembre dernier, à la fois sur les prêts de la Caisse des dépôts et consignations, la mobilisation de la DSIL ou de la DETR et le complément de fonds vert, qui permettra d'avancer sur le dispositif.

Enfin, nous aurons l'occasion bientôt d'évoquer le tiers financement, qui commence à se déployer. Il s'agit d'un moyen alternatif d'accélérer la rénovation des bâtiments.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Monsieur le ministre, je ne vous parlerai pas des " mesures spectaculaires " réclamées par l'ONU. J'évoquerai l'implication de l'ensemble de nos territoires dans toute leur diversité. Pour cela, les outils et les moyens donnés aux collectivités doivent être à la hauteur.

Je pense par exemple aux plans climat-air-énergie territoriaux, qui semblent un peu à la peine, alors qu'ils sont déployés à l'échelon intercommunal, ce dernier étant certainement le plus adapté pour la planification écologique, puisqu'il est synonyme de bassin de vie.

Selon l'Ademe, si la quasi-totalité des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) devant réaliser un PCAET avaient lancé la démarche cet été, seuls 57% d'entre eux l'avaient déjà réellement adopté. Par ailleurs, très peu ont un objectif égal ou supérieur à l'objectif national de neutralité carbone en 2050.

Au-delà des besoins massifs en investissements et du millefeuille administratif, qui gêne parfois les élus et les agents dans la conduite de leurs projets de transition, il peut exister un manque criant de formation et de sensibilisation des élus aux enjeux environnementaux.

La formation, l'accompagnement et l'augmentation des capacités d'ingénierie publique pourraient accélérer la déclinaison territoriale des objectifs nationaux, notamment dans les petites collectivités.

Conscients des enjeux et des besoins, les maires ruraux se sont saisis du sujet, à travers un atelier qui a réuni 100 élus volontaires pendant six mois, aboutissant à une position politique de 90 pages, conçue comme une boîte à outils.

Monsieur le ministre, il y a un an, en ouverture du Congrès des maires, vous avez annoncé des temps de formation à la transition écologique pour tous les édiles, avec l'objectif d'en former au moins 30 000. D'une part, un tel projet ne semble pas avoir pris l'ampleur espérée. D'autre part, il ne paraît pas concerner les agents publics, qui sont pourtant aussi en première ligne sur ces dossiers.

J'aimerais savoir si ces temps de formation pour les maires commencent, selon vous, à porter leurs fruits, et s'ils incluent également les agents des collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Gold, vous avez évoqué les PCAET, la formation et le grand atelier de la transition écologique.

Si l'on voit le verre à moitié vide, les PCAET n'ont été adoptés que sur 5% des territoires. Je veux tout de même insister sur le fait que la démarche est aujourd'hui lancée dans 96% des EPCI, et je pense sincèrement qu'au début de l'année prochaine – les chiffres dont nous disposons datent de cet été –, le bilan commencera à être proche de l'objectif.

La formation est clé.

Nous sommes partis non pas d'un " truc " pensé dans les ministères, mais d'un exemple concret : ce qui s'est fait avec une association locale des maires dans l'Indre. Et nous avons dupliqué ce dispositif, pour parvenir, sur le premier semestre, à 500 maires formés.

Je maintiens l'objectif de 30 000 maires formés d'ici à la fin de ce mandat municipal. Le rythme auquel nous allons parvenir permettra de les compter en milliers entre maintenant et l'année prochaine. Nous voulions être certains que le format correspondait aux besoins.

Quid de ce format ? Il ne s'agit pas du rapport détaillé du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Ce sont les conséquences, dans un département, de ce qu'est d'ores et déjà la réalité du dérèglement climatique : l'accélération du nombre de jours de sécheresse, la hausse des températures moyennes, les perspectives telles que définies par les interventions de Météo-France, de l'Office français de la biodiversité (OFB), de l'Office national des forêts (ONF) – bref, non pas des cabinets de conseil extérieur, mais les opérateurs de l'État, qui utilisent l'ensemble des connaissances qu'ils ont acquises.

Dans ce domaine, je veux aussi souligner que l'Ademe a lancé voilà quelques heures au Salon des maires – bien évidemment avec le concours du ministère – le réseau des élus référents pour la transition écologique et énergétique. Derrière, il y a l'idée que, dans chaque commune de France, une femme ou un homme peut bénéficier d'une formation par l'Ademe et devenir le point de remontée des difficultés et des sujets sur lesquels nous avons potentiellement des contraintes diverses, depuis l'architecte des Bâtiments de France (ABF) jusqu'aux panneaux photovoltaïques sur les bâtiments en bois, etc.

C'est à la fois par la formation des maires et des conseillers municipaux et l'appui aux opérateurs et aux agents de l'État que nous serons capables d'accélérer le mouvement partout.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteure en 2023 d'une mission d'information sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique, j'ai pu formuler plusieurs recommandations à l'issue des travaux.

L'une d'entre elles est l'objet d'une proposition de loi qui sera discutée le 14 décembre prochain. Ce texte sera consacré à la possibilité d'un soutien accru pour les communes les moins bien dotées.

Le projet de loi de finances, dont nous commençons l'examen ce jeudi, porte, notamment via le fonds vert et une enveloppe spécifique de 500 millions d'euros, une ambition forte en la matière.

C'est un sujet essentiel pour plus de 10 millions d'élèves, près de 1 million de personnels et pour nos élus.

Un récent rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales consacré aux investissements scolaires rappelle que les deux tiers des établissements scolaires ont plus de cinquante ans et que leur rénovation s'impose, à des niveaux divers.

Cela passe par un financement accru et par l'accompagnement des élus, notamment ceux des communes les moins peuplées, de moins de 3 500 habitants, en matière d'ingénierie ; il est vrai qu'un projet de rénovation s'apparente parfois à un parcours du combattant !

La planification ne se fera pas sans eux.

Dans une circulaire parue le 19 septembre dernier, le Gouvernement a précisé les modalités techniques du programme Villages d'avenir, avec pour objectif un renfort en ingénierie. Concrètement, 100 chefs de projet seront recrutés dans différentes préfectures et sous-préfectures, avec la mission d'accompagner les maires à concrétiser leurs idées.

À partir de quand les premiers lauréats seront-ils annoncés ? Les élus qui n'auront pas été sélectionnés cette fois pourront-ils encore postuler un peu plus tard ? Concrètement, quel sera le rôle de la personne dédiée à l'ANCT ? (M. Bernard Buis applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Nadège Havet, tout d'abord, je vous confirme ces 100 créations de postes, dans un contexte que j'aimerais rappeler.

Au cours des vingt dernières années, quelles qu'aient été les majorités en place, le ministère chargé de la transition écologique ou de l'environnement – il a changé de nom au fil du temps – est celui qui, en pourcentage, a vu ses effectifs baisser le plus.

À cet égard, je suis heureux que la création, au titre de cette année 2024, de 760 postes au global – auprès des opérateurs comme des services centraux – permette d'accompagner et de crédibiliser cette accélération de la transition écologique.

Parmi ces postes, 100 sont effectivement directement fléchés pour être chefs de projet du dispositif Villages d'avenir, sur le modèle des chefs de projet qui interviennent déjà dans Action coeur de ville ou dans Petites Villes de demain ; je le dis pour ceux qui connaissent ces dispositifs. Ces derniers devront être l'interlocuteur du maire, favoriser le lien avec la préfecture, faire en sorte de diminuer la paperasse ou les éventuelles difficultés, permettre un accès à l'information dans de bonnes conditions, assurer une veille, vérifier auprès de l'ANCT ou du ministère la disponibilité des financements et l'effectivité de leur mise en oeuvre.

Quand arrivent-ils ? Nous avons bon espoir que le projet de loi de finances qui vous est soumis obtiendra une validation globale du Parlement avant le 31 décembre de cette année, ce qui nous permettra de lancer l'ensemble des recrutements de façon très officielle.

N'y aura-t-il qu'une seule session ? Non ! Une première session permettra à ceux qui sont prêts à s'inscrire dans le dispositif, exactement comme cela a été le cas pour Action cœur de ville ou Petites Villes de demain. Cependant, nous savons que certains ne seront sans doute pas prêts à le faire dès le début de l'année prochaine, même si, dans ce domaine, beaucoup a été fait par l'Association des maires ruraux de France pour coaliser une première liste de candidats.

Je vous donne donc rendez-vous au premier trimestre de l'année prochaine pour que nous puissions préciser à la fois les modalités et la mise en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. Monsieur le ministre, je vous sais attaché à la lutte contre l'artificialisation des sols. Ce combat me tient également à cœur.

À La Réunion, nous savons que les sols ne sont pas une ressource illimitée. Et voilà longtemps que nous protégeons ce patrimoine végétal !

Sur notre île, l'emprise urbaine augmente régulièrement : un peu plus de 130 hectares par an, pour un territoire de 2 512 kilomètres carrés. La surface agricole utilisée a diminué de 10% en dix ans, selon les chiffres de la préfecture.

Vous le voyez, il nous faut agir, et chaque année compte pour protéger nos espaces naturels, forestiers et agricoles.

Le schéma d'aménagement régional (SAR) de La Réunion doit être finalisé en 2026, et il faudra par la suite le décliner dans les Scot, définis au niveau des intercommunalités, ce qui nécessitera sans aucun doute un travail long et important.

Ce sont de précieuses années que nous perdons, alors qu'il est urgent de protéger nos terres de l'artificialisation des sols, pour préserver tant l'environnement, notamment la biodiversité, que notre sécurité alimentaire. Je rappelle que les terres agricoles sont essentielles pour réduire notre dépendance aux importations de biens alimentaires depuis l'étranger !

Se posent également la question du logement, avec 42 000 demandes de logement social en attente, mais également celle de la pression démographique : La Réunion comptera 1 million d'habitants d'ici à vingt ans. L'exemple réunionnais vaut, très probablement, pour d'autres territoires.

Monsieur le ministre, ne faut-il pas avancer le calendrier pour la définition du SAR ? Avons-nous le temps d'attendre 2026, voire 2027 ou 2028 pour la déclinaison de ces mesures dans les Scot ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question et, plus largement, de votre engagement.

Si la lutte contre l'étalement urbain et l'artificialisation des sols est si importante, c'est parce que nous sommes au croisement de trois enjeux.

Le premier est la biodiversité, qui est d'ailleurs l'une des dimensions importantes de la planification. En effet, la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) sera la première déclinaison nationale de la COP15, de l'accord de Kunming-Montréal et du règlement relatif à la restauration de la nature, arraché de haute lutte, à douze voix, lors de l'été dernier.

Le deuxième est l'adaptation. Quand j'artificialise un sol, je ne me contente pas de tuer la biodiversité : je crée aussi une zone de chaleur, dans un contexte d'augmentation des températures.

Le troisième est le fait qu'un sol artificialisé cesse de stocker du carbone. Le texte issu d'une initiative sénatoriale, adopté ici, puis à l'Assemblée nationale, à la quasi-unanimité des deux chambres, a abouti à faire en sorte que des délais supplémentaires soient confiés aux collectivités régionales, en allongeant de neuf mois les temps qui étaient prévus. Je l'assume pleinement.

Je comprends votre impatience. Je dis juste que j'assume de perdre un peu de temps pour en gagner ensuite en évitant les levées de boucliers de ceux qui ne comprennent pas le dispositif, alors que s'opère un changement d'échelle. Nous ne réussirons pas si nous n'embarquons pas l'ensemble des territoires et des élus qui auront à mettre en œuvre le dispositif. Si ce temps peut servir à faire de la pédagogie, je le crois utile ! Il ne faut rien lâcher sur l'ambition et sur l'objectif, mais nous devons être capables d'avancer sur les modalités.

Je connais les particularités de la situation à La Réunion, qu'il s'agisse des demandes, formulées dans le cadre de la liste des grands projets d'envergure nationale, de la pression toute particulière, liée à la richesse de la biodiversité, ou de la complexité administrative, certaines communes pouvant à la fois relever de la loi Littoral et de la loi Montagne, avec la nécessité de trouver des compromis qui n'existent pas nécessairement en métropole.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour la réplique.

Mme Audrey Bélim. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre, mais notre inquiétude reste vive. La départementalisation, dans les départements ultramarins, a surtout conduit à une urbanisation très violente !

Il me semble essentiel d'accélérer le calendrier. Nous pourrions par exemple définir le SAR dans le cadre de la conférence territoriale de l'action publique, afin de gagner de précieuses années.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. Monsieur le ministre, face à l'urgence climatique, le Gouvernement a décidé de mettre en place une planification écologique territoriale, en intégrant des enjeux tels que les transports, l'habitat, l'environnement et l'énergie.

L'objectif est de réduire les émissions de CO2 de près de 140 millions de tonnes d'ici à 2030.

Le Gouvernement a ainsi prévu de mobiliser 10 milliards d'euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2024.

La stratégie nationale bas-carbone mise sur des investissements massifs et rapides des collectivités locales dans de nombreux secteurs, comme les transports collectifs, les infrastructures cyclables ou encore la rénovation des bâtiments publics.

Toutefois, les collectivités ne savent pas si elles auront les moyens de faire ce que l'État attend d'elles, sachant que, depuis 2010, les réformes de la fiscalité ont conduit à la réduction, voire à la suppression progressive d'une large partie des recettes. La transformation de la taxe professionnelle, puis la suppression de la taxe d'habitation et la diminution de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ont réduit la fiscalité directe de 40 milliards d'euros. Seules les taxes foncières permettent aujourd'hui de conserver un pouvoir de taux, concentré au niveau du bloc communal.

Quant aux départements, comme vous le savez, leurs recettes fiscales dépendent de manière très importante des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Or, dans l'ensemble des territoires, ceux-ci sont en baisse, ce qui compromet la capacité des départements à investir et les conduit à se recentrer sur leurs compétences de solidarité.

Enfin, pour les régions, le recul de la consommation aura un impact direct sur les recettes perçues au titre de la TVA.

Le système de financement des collectivités est déjà à bout de souffle, monsieur le ministre.

Dès lors, comment l'État entend-il verser ces 10 milliards d'euros ? Seront-ils attribués directement aux régions, aux départements et aux communes ?

Enfin, les financements accordés seront-ils conditionnés à des résultats de performance énergétique et climatique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Cadec, je vous remercie de votre question. Vous avez bien posé les enjeux.

Je sais que, dans une vie antérieure, plus précisément lorsque vous étiez à la tête d'une collectivité départementale, vous vous êtes efforcé de construire les consensus permettant d'avancer sur le plus de sujets possible. Parmi ces derniers, certains, dans les Côtes-d'Armor, n'étaient pas les plus simples d'un point de vue environnemental, en termes de conciliation des enjeux économiques et des enjeux écologiques.

Très concrètement, je veux d'abord vous livrer une de mes convictions profondes au titre de la cohésion des territoires, avant de vous répondre sur le financement.

Je pense que nous ne ferons pas l'économie d'assises des finances locales. En effet, nous pourrions également connaître, sur les dotations, le mouvement d'évolution des taxes que vous décrivez. Quand on constate que le nombre de kilomètres de voirie figure parmi les critères sur lesquels repose la dotation globale de fonctionnement (DGF) aujourd'hui, alors que, dans un certain nombre d'endroits, ces kilomètres ont été transférés aux intercommunalités et que les valeurs locatives n'ont pas été révisées depuis 1971, quand on fait l'archéologie du dispositif actuel, on s'aperçoit qu'il s'appuie sur des paramètres plus ou moins datés, ne répondant pas nécessairement aux enjeux de demain.

C'est vrai pour les finances, mais cela l'est également pour le type de mécanismes.

Je considère que nous devrions demain faire en sorte qu'un terrain rendu constructible fasse l'objet d'une taxe au moment où il est artificialisé, de manière à pouvoir baisser d'autres éléments de fiscalité. De fait, pour éviter une écologie punitive et impopulaire, il ne faut pas in fine que l'écologie soit le prétexte à la hausse des impôts. Elle doit dans certains cas permettre leur baisse. On ne fera pas l'économie, par exemple, d'une réflexion sur la baisse du foncier non bâti, pour soulager les agriculteurs d'une partie de la pression des rendements.

Monsieur le sénateur, les 10 milliards d'euros que vous évoquez sont inscrits au budget. Ils comprennent un milliard d'euros supplémentaires à destination des collectivités territoriales, qui s'ajoutent aux 2 milliards d'euros du fonds vert, quand 500 millions d'euros sont fléchés au profit des agences de l'eau ; ils permettront, en particulier, de soutenir les programmes de renouvellement des canalisations et de conversion à l'agroécologie sur les points de captage. Ce sont autant d'effets de levier, car nous misons sur le principe que 1 euro investi par l'État génère 4 euros investis par les collectivités ; 2,5 fois 4 égalent 10. Il nous reste encore un bout à aller chercher.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, il nous faudra produire plus d'énergie renouvelable et décarbonée, avec un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies – pas seulement à l'électricité – et plusieurs technologies, tout en nous appuyant sur davantage de sobriété énergétique.

Un tel travail implique nécessairement une planification territoriale ancrée dans les réalités du terrain. C'est pourquoi l'ensemble des acteurs publics locaux contribuent aujourd'hui, aux côtés de l'État, à la transition énergétique des territoires.

Il est impératif de bien coordonner les actions de chacun, afin d'éviter les risques d'incohérence et de perte d'efficacité des interventions.

Cependant, de nombreuses collectivités pâtissent d'un déficit d'ingénierie, d'une insuffisance de moyens et d'expertise dans le domaine de l'énergie.

Dans ce cadre, il me semble que les autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) constituent l'outil territorial pertinent pour accompagner les collectivités, tant dans le cadre de la planification énergétique locale – PCAET, zones d'accélération de la production d'énergies renouvelables (ENR) – que dans la mise en œuvre de leurs projets. En effet, elles sont compétentes sur toute la chaîne de valeurs énergétiques et disposent de moyens et d'expertise en matière énergétique.

Aussi, monsieur le ministre, à l'heure où s'engagent les concertations dans le cadre des COP territoriales et où se dessine le futur cadre réglementaire de la planification énergétique, comment mieux reconnaître le rôle des AODE ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question et de la tonalité avec laquelle vous la posez.

Vous avez raison sur un point : le défi énergétique qui est devant nous est tellement important qu'il nécessitera de s'appuyer sur toutes les sources d'énergie et de ne pas être trop dogmatique, en étant attentif à nos gisements.

Je crois à la nécessité de développer les énergies renouvelables. C'est incontournable.

Je crois à la nécessité de relance de notre programme nucléaire, parce qu'il n'y a pas de dispositif énergétique qui fonctionne sans énergies pilotables et non intermittentes.

Derrière, nous ne devons pas nous priver des gisements de géothermie existants, pour lesquels notre pays est encore aujourd'hui globalement très timide par comparaison avec certains pays du Nord.

Nous ne devons pas écarter ce que le bioGNV est capable d'apporter. Cela fait d'ailleurs partie des raisons pour lesquelles, à l'occasion d'un Conseil récent, j'ai fait part, au nom de la France, de mon opposition à une date trop précoce pour une évolution des flottes de bus, ce qui les obligerait à passer à l'électrique, là où des collectivités ont investi dans du bioGNV ou dans d'autres types d'énergie.

Au milieu de tout cela, j'ai besoin d'autorités organisatrices qui, localement, regardent à la fois les énergies sur lesquelles nous pouvons accélérer le mouvement et les stratégies par lesquelles nous pouvons accompagner les collectivités territoriales. Je veux parler des AODE, dont vous venez à l'instant de faire la promotion.

Je partage votre conviction : il n'y aura pas de planification sans collectivités, et il n'y aura pas de planification sans énergies.

Nous avons là un point de rencontre avec ces autorités organisatrices. Ces dernières bénéficient du financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé), doté de 370 millions d'euros pour les accompagner et faire en sorte de déployer des stratégies. Elles sont associées à l'ensemble des schémas consistant à penser les énergies renouvelables sur le territoire.

Je pense que nous ne sommes qu'au début de l'histoire. En effet, on voit bien que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui sera l'occasion de préciser le mix énergétique vers lequel nous allons, devra aussi être l'occasion de préciser le rôle et la place des AODE dans la stratégie, mais également dans la mise en œuvre de ce mix énergétique.

S'il est vrai que c'est sur les territoires que s'organiseront les baisses d'émissions, il est tout aussi vrai que c'est sur les territoires qu'auront lieu les productions d'énergie.

Vous aurez très bientôt rendez-vous avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui vous détaillera la place des AODE dans le cadre de cette PPE.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour la réplique.

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le ministre, je vous remercie. Ne vous privez pas de l'expertise des AODE. Elles sont un maillon indispensable !

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation d'urgence climatique et de crise énergétique que nous vivons nous oblige.

Les collectivités territoriales, départements, intercommunalités, communes, sont aux premières loges, mais elles n'ont – hélas ! – trop souvent plus les ressources pour faire face aux enjeux.

Si nous souhaitons jouer collectif sur ce sujet crucial, il faudrait faire preuve d'innovation pour « sauver le terrain », comme vous le dites vous-même, monsieur le ministre.

L'innovation doit évidemment être technologique, mais elle doit aussi être financière.

Nous attendons donc que les investissements importants que doivent réaliser les collectivités, avec un mode de validation à définir, puissent être déconnectés des ratios classiques budgétaires – épargne brute, épargne nette, désendettement –, qui bloquent la possibilité d'accéder aux emprunts nécessaires. Cela pourrait être garanti par les intercommunalités, les départements, la Caisse des dépôts et consignations, voire un fonds dédié par l'État.

Si cela est vrai pour le patrimoine existant, c'est encore plus pertinent pour les projets d'aménagement en cours ou à venir voulus par l'État ; je pense en particulier aux opérations d'intérêt national.

Je veux à cet égard prendre l'exemple de l'opération qui concerne le plateau de Saclay. Les enjeux liés au développement des connaissances et des savoirs scientifiques de demain, couplés à ceux du développement durable, devraient faire du projet Paris-Saclay un dossier expérimental et exemplaire. Logements, voirie, transports en commun, équipements publics, bâtiments de recherche et d'enseignement supérieur et de développement économique sont autant de constructions qui, au-delà des normes environnementales qu'elles doivent respecter, doivent aussi servir d'expérimentations et d'exemples.

Or la réalité comptable, trop souvent orchestrée par les musiciens de Bercy, érige les bilans des zones d'aménagement concerté (ZAC) comme des murs qui freinent l'action au quotidien de l'ensemble des acteurs, dont les serviteurs de l'État.

Monsieur le ministre, quelles modalités financières d'accompagnement prévoyez-vous de mettre en place pour que cette action de développement soit réellement durable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Ros, d'abord, très concrètement, le PLF pour 2024 comporte pour la première fois des budgets verts. Ces derniers ne permettent pas encore de détourer une dette, mais ils permettent déjà de détourer des investissements, et deviennent un outil de dialogue entre les collectivités locales et l'État sur ce qui va dans le sens de la transition écologique.

La formulation proposée dans le PLF pour l'investissement dans les communes de plus de 3 500 habitants correspond à la position exprimée de manière majoritaire par le bureau de l'AMF.

L'étape d'après, c'est la dette verte. J'en suis absolument convaincu : s'il y a bien un domaine qui peut justifier que nous empruntions pour financer des choses sur la durée, dès lors que nous sommes confrontés à une urgence et que les finances publiques ne sont pas extensibles en termes de prélèvements obligatoires, ce sont les investissements qui nous permettent, aujourd'hui, d'éviter, demain ou après-demain, des dépenses de fonctionnement et l'explosion d'une partie des coûts.

Un travail est aujourd'hui lancé à Bercy sur ce sujet des typologies de dépenses qui permettent d'éviter d'autres dépenses, avec une limite : celle des ratios, puisqu'il est nécessaire de reconsolider.

Néanmoins, l'exemple récent de la décision de la cour de Karlsruhe sur les 60 milliards d'euros que le gouvernement allemand a mis de côté, considérant qu'ils pouvaient bénéficier à un dispositif de financement spécifique de la transition au moyen d'un compte à part, doit nous conduire à faire attention au point jusqu'auquel nous allons.

Un dispositif sur le tiers-financement a été voté à l'unanimité dans cette enceinte, qui repose sur l'idée que l'on puisse ne rien avancer et que l'on puisse rembourser sur la durée, avec des remboursements constants correspondant aux dépenses de fonctionnement. Ce dispositif est en train de se déployer, et je crois profondément que c'est l'un des moyens de parvenir à lever ces deux types de freins.

Enfin, pour vous répondre de manière plus géolocalisée (Sourires.), il se trouve que mon directeur de cabinet a été le directeur de l'établissement public d'aménagement de Paris-Saclay. Si vous souhaitez que nous poursuivions la discussion sur ce dossier, je vous propose que nous le fassions dans un cadre plus restreint, afin de tâcher d'avancer ensemble de manière plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.

M. David Ros. Pour paraphraser Saint-Exupéry, il en va de la planification écologique comme de l'avenir : il ne s'agit pas uniquement de la prévoir ; il faut la permettre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, progresser dans la transition écologique est une démarche indispensable pour notre pays. Je pense que nous en sommes tous convaincus dans cet hémicycle.

Si la France ne se donne pas les moyens d'accompagner le changement, elle devient tributaire de ses conséquences, sur le plan non seulement environnemental, mais également économique.

Nos territoires et les habitants sont en première ligne face au changement climatique. Pourtant, lorsqu'il s'agit de la déclinaison territoriale de la planification écologique, nos collectivités locales se retrouvent souvent reléguées au second plan.

Deux exemples l'illustrent à mes yeux.

Le premier est la multiplication des implantations d'éoliennes dans la ruralité. Je ne compte plus les maires de Moselle qui se plaignent des impacts catastrophiques de celles-ci : nuisances sonores, pollution visuelle, artificialisation des sols, souvent pour un rendement plus que négligeable. Or, par une situation cynique, les élus locaux se retrouvent bien souvent contraints d'accepter leur implantation, les retombées économiques directes pour la commune dépassant largement leur dotation globale de fonctionnement.

Le second exemple est bien évidemment l'objectif ZAN. Sans l'intervention du Sénat dans ce débat houleux, des conditions d'application catastrophiques auraient été mises en place pour les communes, surtout pour les plus petites et les moins bien dotées d'entre elles.

Comment le texte originel a-t-il pu ne pas prendre en compte les plaintes émanant des territoires, alors même que nos élus locaux sont les premiers à s'engager au quotidien et concrètement dans la planification écologique, par des projets innovants et souvent adaptés aux conditions locales ?

Monsieur le ministre, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il associer davantage nos collectivités et, plus globalement, nos territoires dans toutes les étapes de la planification écologique ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Non, madame la sénatrice, votre question n'est pas simple.

Comment mieux associer les collectivités territoriales ? Pour être honnête, on entend cette question sous tous les gouvernements.

Pour ma part, je veux changer d'échelle : je ne connais pas une commune qui ne soit pas obsédée par la manière de mieux associer les citoyens aux décisions potentielles qui les concernent.

M. Laurent Burgoa. La réponse est dans l'élection !

M. Christophe Béchu, ministre. Très concrètement, les COP constituent précisément l'un des moyens d'écouter ce qui relève du terrain plutôt que ce que propose l'État.

Vous avez cité le ZAN, en vous étonnant que l'on n'ait pas mieux associé les différentes collectivités. Cette préoccupation a été au cœur des débats ! Elle a conduit à ce que l'on ajuste les dispositifs et à ce qu'un texte issu du Sénat devienne quasiment, à quelques exceptions près, la loi qui s'applique désormais. Ses décrets d'application seront présentés dans quelques jours.

Je vous le dis très clairement, je veux éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets.

C'est parce que j'ai écouté les collectivités que j'ai pris la décision de ne pas généraliser la consigne sur les bouteilles en plastique, en mesurant qu'il y avait partout, sur le territoire, des élus locaux qui avaient engagé des démarches d'extension des consignes de tri, de mise en place de centres et d'investissement dans ces derniers, de généralisation de la collecte en porte à porte.

Je me suis ainsi rendu compte qu'appliquer une décision nationale sur la base de ratios nationaux, en retenant un taux de recyclage moyen à 60%, sans s'apercevoir que le taux de recyclage peut varier de 90% à 40% suivant les collectivités, donc en ne voyant finalement que les mauvais élèves dans le dispositif, n'était ni juste, ni efficace, ni même souhaitable d'un point de vue écologique. De fait, le véritable objectif n'est pas d'augmenter notre taux de recyclage ; il est de diminuer la production de plastique nouveau, compte tenu d'une partie de ses impacts.

Je plaide pour que l'on n'attende pas d'avoir voté un texte pour se demander ce que l'on fait : c'est avant le vote de ce texte que l'on doit regarder ce que l'on peut faire.

C'est le sens de la disparition des appels à projets et des appels à manifestation d'intérêt ; le fonds vert doit garder de la souplesse.

C'est le sens de la décision qui a été prise sur la consigne.

C'est le sens des décrets auxquels les parlementaires ont été associés et dont nous avons attendu la validation par l'AMF pour les transmettre au Conseil d'État et pouvoir les publier dans quelques jours.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais faire de la planification écologique sans tenir compte des particularités aussi bien économiques que géographiques, climatiques et sociétales de nos territoires serait une erreur.

M. Christophe Béchu, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prise en compte de la biodiversité dans le code de l'environnement s'est faite à travers une juxtaposition de textes, abordant des points comme l'inventaire de la biodiversité, les systèmes de protection – par voie contractuelle ou autres – ou encore la notion de protection forte, sur laquelle un travail est actuellement mené. On sait pourtant que les principales causes de l'érosion de la biodiversité sont la fragmentation des habitats naturels, l'étalement urbain et les pratiques agricoles. Je vous renvoie au débat que nous avons eu dans cette assemblée sur le glyphosate.

Certaines choses ne fonctionnent pas. Depuis une vingtaine d'années, la politique d'aménagement du territoire est un véritable échec. On a connu les plans d'occupation des sols (POS), les plans locaux d'urbanisme (PLU), les Scot, les Sraddet. Maintenant, il est question du ZAN, dont on a déjà beaucoup parlé. Malgré cela, l'étalement urbain se poursuit.

Certaines choses fonctionnent bien. L'installation récente de l'OFB est plutôt un succès à mon sens, tout comme la mise en place des agences régionales de la biodiversité (ARB), même si leur implication est plus ou moins forte selon les régions. Je mentionnerai également la gestion des aires protégées, sujet qui m'est cher et que nous avons peu évoqué aujourd'hui, ainsi que le rôle des régions par le biais, notamment, de la compétence de gestion des sites Natura 2000 qui leur a été transférée voilà quelque temps.

Mon collègue Grégory Blanc a mentionné à juste titre l'implication au plus près des territoires, en particulier des communes. Pour moi, c'est un véritable sujet. Parmi les dispositifs évoqués, ce qui se fait en matière d'aménités rurales est, à mon avis, bien perçu. Mais tout cela donne le sentiment que l'on travaille plus au maintien qu'à la reconquête de la biodiversité.

Comment travailler au niveau des territoires, à l'échelle des communes, pour obtenir des résultats en termes de reconquête de la biodiversité ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Weber, je ne suis pas totalement surpris du champ de votre question. Je sais que votre attachement à la biodiversité et aux parcs naturels régionaux ne date pas de votre récente élection au Sénat. Vous êtes même sans doute l'un des rares exemples de sénateur élu après avoir eu des responsabilités au sein d'un parc naturel régional. C'est peut-être un nouveau modèle de prise en compte de la biodiversité ! (Sourires.)

Le travail autour des aménités rurales est une réponse extrêmement concrète à la demande des territoires ruraux : ceux-ci souhaitent que l'on ne s'en tienne pas au seul nombre d'habitants, mais que l'on regarde aussi la contribution à travers les espaces pris en charge. Il s'agit donc, en quelque sorte, de rendre justice à ceux qui ont la responsabilité des plus grandes parties de notre territoire. La dotation de 100 millions d'euros constitue une première marche, qui en appellera d'autres.

Par ailleurs, j'aurai l'occasion de présenter la semaine prochaine avec Sarah El Haïry la stratégie nationale de la biodiversité. Vous pourrez constater dans le cadre de l'examen du PLF que nous dégageons des moyens, assortis aux objectifs. Il y a la restauration et la reconquête de la biodiversité ; il y a aussi l'accompagnement de toutes les formes de biodiversité dans un contexte où, à l'échelle planétaire, les chiffres font froid dans le dos. Ainsi, d'après les chiffres de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), 1 espèce sur 8, soit 1 million d'espèces connues, est aujourd'hui menacée d'extinction.

Autre point crucial pour la biodiversité : notre politique de l'eau. Même si le sujet n'a pas beaucoup été évoqué, un plan a été mis en place. Il s'est concentré sur la question de la quantité, compte tenu de la sécheresse, mais le défi est celui de la qualité, avec seulement 44% des masses d'eau de ce pays qui sont en bon état écologique. Les conséquences sur les milieux aquatiques – pour le coup, elles sont documentées – de l'utilisation excessive d'entrants ou encore du manque d'attention envers les continuités écologiques, nécessitent d'ajouter aux crédits supplémentaires – près de 400 millions d'euros – prévus pour la biodiversité en 2024 un montant de 475 millions d'euros à destination des agences de l'eau. Ces fonds devraient permettre, là aussi, de changer de braquet.

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.

M. Michaël Weber. Encore une fois, nous saluons tous la dotation de 100 millions d'euros pour les aménités rurales, après deux années d'existence du dispositif. Il faut aussi, je crois, chercher ensemble des solutions pour accélérer le mouvement et entrer dans des cercles de nouveau vertueux, sans se limiter à la simple reconnaissance de l'engagement de certains acteurs, comme les gestionnaires d'aires protégées. C'est là-dessus qu'il faut travailler dans les mois et années à venir. Croyez bien que je serai au rendez-vous pour formuler des propositions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sabine Drexler. Il y a un mois, avec mes collègues Mathieu Darnaud et Christian Klinger, nous avons rencontré plus de 200 élus du Haut-Rhin. Ces derniers nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur mandat.

L'objectif de la planification écologique d'atténuer rapidement nos émissions de gaz à effet de serre, tout en anticipant les conséquences du dérèglement climatique, est un sujet qui – on le pressent – devra affronter sur le terrain une difficile mobilisation de certains d'entre eux, notamment des plus ruraux.

En effet, les maires sont nombreux à demander davantage de décentralisation et de déconcentration, à déplorer des politiques qu'ils perçoivent comme injonctives et, parfois, inapplicables, quand elles ne se contredisent pas les unes avec les autres…

Alors que la territorialisation de la planification écologique, qui doit être menée au pas de charge, prône le débat et la coopération, ils nous rétorquent déjà que les préfets garderont de toute manière et, une nouvelle fois, la main sur les conditions de sa mise en œuvre.

Leurs propos ne visent nullement à remettre en cause la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de préserver la biodiversité et les ressources naturelles ou de s'adapter au changement climatique. Mais il y a déjà beaucoup d'agences et de directions, dans les régions ou les préfectures, beaucoup d'offices et d'autres services publics qui travaillent avec eux à la décarbonation des transports, la préservation de la qualité de l'eau et des forêts, la rénovation des bâtiments, le développement des énergies vertes.

Pourquoi alors, nous demandent-ils, ajouter ce qui est perçu comme une énième couche et ne fait qu'accentuer chez eux le sentiment d'être contraints ?

Alors que la stratégie nationale bas-carbone compte sur les investissements massifs et rapides mis en oeuvre par les collectivités, celles-ci se posent et nous posent légitimement la question des moyens qui leur seront alloués, notamment en termes d'ingénierie, pour faire ce que l'on attend d'elles.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous convaincre et mobiliser ces élus dans la défiance ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Sabine Drexler, j'étais persuadé que vous alliez me parler de rénovation énergétique, d'architecte des Bâtiments de France et de la difficulté à concilier des injonctions contradictoires (Sourires.), et vous m'amenez sur un tout autre terrain – mais ce n'est pas non plus une complète surprise –, celui de la défense des élus de votre territoire.

Je veux vous dire très solennellement, et dans la continuité de précédents propos, qu'il n'y aura pas d'injonction préfectorale au lendemain de la planification écologique. Nous faisons l'inverse, en identifiant sur le terrain les projets existants qui, si on les aide, peuvent donner plus rapidement des résultats.

Je ne crois absolument pas au fait que l'on puisse déterminer depuis Paris des éléments comme un schéma de mobilité. Mettre en place des services express régionaux métropolitains dans des métropoles peu denses n'a pas de sens. Promouvoir les transports en commun dans des territoires où il ne se passe rien, quand on sait qu'un bus quasiment vide pollue plus que six voitures, n'a pas de sens. Et vous pouvez faire tous les plans vélo que vous souhaitez – nous l'avons fait –, il ne se passera rien sans un maire pour dessiner in fine une piste cyclable sécurisée, car la motivation des usagers ne tient pas uniquement dans le niveau d'assistance du vélo électrique.

Ne faut-il pas dans tel territoire donné du transport à la demande ? Dans tel autre, ne peut-on faire tourner un car ou un dispositif alternatif avec du biométhane ? Dans un troisième, un projet citoyen de covoiturage peut-il être mis en œuvre ? C'est typiquement le genre de questions que nous allons nous poser.

Nous pensons en effet que c'est en conjuguant la diversité des territoires que nous parviendrons à atteindre l'objectif.

Vous avez raison, madame la sénatrice, d'évoquer le parcours du combattant des maires. Je vous invite justement demain, à douze heures trente, au stand que le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires tient au Congrès des maires : nous signerons une charte pour une ingénierie publique avec l'ensemble des agences, afin de simplifier l'accès aux différents dispositifs.

Le législateur, dans le cadre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a fait du préfet le patron départemental de l'Ademe, précisément pour que l'on ne soit plus obligé de se demander à quelle adresse courriel ou physique il faut envoyer son dossier. Que l'on s'adresse à l'ANCT, à l'Anah, au Cerema, à la Banque des territoires, la démarche sera la même, et cela viendra compléter le dispositif mis en place pour apporter des réponses concrètes via des interlocuteurs existants. S'ajouteront, notamment, les 100 chefs de projets dont je viens de parler.

Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. Le débat qui nous est proposé peut justement être l'occasion de rappeler la nécessité d'aider les collectivités locales dans la transition écologique.

Rappelons notamment la mise en œuvre du ZAN à travers les Scot en cours d'écriture ou de réécriture ; c'est le cas dans mon département… Tous ces schémas que les collectivités locales doivent adopter – et il y en a ! – sont un exemple de ce que peut impliquer une planification.

Il faut donc réfléchir aux conséquences de décisions souvent imprégnées de générosité et de volontarisme. Toute demande normative, toute exigence de planification écologique risque malheureusement de pénaliser nos collectivités locales, qui sont suffisamment sous pression.

Il faut aussi réfléchir à de nouveaux instruments plus incitatifs et moins coercitifs, car la planification n'est jamais loin de l'obligation et de la contrainte.

Il serait hasardeux d'imposer de nouvelles contraintes à nos collectivités locales qui, ayant déjà peu de moyens, sont confrontées à une baisse de leurs ressources. Au contraire, elles doivent être accompagnées, notamment les plus petites d'entre elles, qui ne disposent ni de moyens ni d'ingénierie suffisante.

Un dispositif peut entraîner une très grande complexité. Songeons-y, ainsi qu'aux fausses bonnes idées par lesquelles on prend à témoin l'opinion publique, en oubliant la réalité de nos territoires. Je l'avais souligné voilà deux ans dans un débat sur l'assistance aux collectivités locales ; je l'ai fait encore voilà quelques mois dans le débat sur la pollution lumineuse.

La question de la consultation est posée. C'est peut-être dans ce sens qu'il faut se diriger. J'en veux pour preuve les collectivités qui consultent leurs citoyens à l'occasion de la révision de leur PLU ou de la mise en place du plan climat. Aidons-les à le faire et donnons-leur une assistance !

Nous avons besoin d'une écologie associant les territoires et les citoyens, non d'une écologie de la norme et de la punition qui ne débouche que sur de nouvelles contraintes et sur des controverses sans fin. Oui à une écologie de l'accompagnement et de l'encouragement !

Nous n'avons pas besoin d'un ZAN bis, monsieur le ministre ; le renforcement de l'écologie dans nos territoires doit de faire sur la base de l'incitation et de la confiance.

Je me permets pour finir une petite interpellation pas si hors sujet que cela : j'attends une réponse sur le projet de forêt primaire dans les Ardennes…

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je réponds d'abord à la fin de votre question. Je pense que vous faites référence au projet de l'association Francis Hallé, pour lequel des discussions ont démarré avec les collectivités territoriales. Je le précise, à la fin, rien ne se fait sans l'accord, d'une manière ou d'une autre, des élus locaux.

Il y aura ici, je pense, des gens qui ne douteront pas de ma sincérité si je dis que je n'ai pas spécialement envie de faire un ZAN bis. Une fois, cela suffit, à tous points de vue ! J'ai pris les choses là où elles en étaient, en m'efforçant de les simplifier, et je vais faire en sorte de conduire le dossier.

Pour vous répondre, je vais évoquer, non pas ce que je veux faire, mais ce que j'ai déjà fait.

Voici comment la transition écologique a été lancée dans la communauté urbaine que j'ai présidée et comment nous y avons associé tous les habitants du territoire, en nous appuyant sur les trente maires de cette communauté. Nous avons pris tous les programmes municipaux, y compris ceux des listes vertes et socialistes qui avaient perdu les élections à Angers, et nous en avons tiré 1 000 idées. Ces 1 000 idées sont devenues 154 propositions concrètes, portées sur un document qui a été distribué dans toutes les boîtes aux lettres de l'agglomération angevine. Alors qu'il fallait trois quarts d'heure pour remplir le cahier de vote, nous avons reçu 11 000 réponses, de foyers, de groupes ou de classes. Les propositions ayant obtenu plus de 50% de vote font aujourd'hui l'objet d'une planification territoriale qui, très concrètement, sera l'apport à la démarche de territorialisation en train d'être lancée.

Voilà l'écologie à laquelle je crois ! Il s'agit de se demander comment on embarque les habitants, comment on les associe, sans rester dans des postures consistant à expliquer qu'il faut être plus radical que les radicaux ou, à l'inverse, à relativiser l'urgence. C'est ce chemin médian que propose le Gouvernement aujourd'hui et sur lequel il faut avancer avec les Français et les collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de septembre dernier, une circulaire de Mme la Première ministre a précisé les modalités de la déclinaison territoriale de la planification écologique souhaitée par le Président de la République. Ce document prévoit l'organisation de COP régionales associant les exécutifs locaux, coanimées par les présidents des conseils régionaux et les préfets de région, avec pour objectif l'établissement d'ici à l'été 2024 d'une feuille de route régionale pour 2030.

De nombreuses collectivités territoriales sont engagées dans des démarches vertueuses sur le plan environnemental, pour certaines depuis longtemps : Agenda 21, PCAET, etc. Elles bénéficient d'aides diverses, de l'Ademe, des syndicats d'énergie et, éventuellement, d'autres collectivités. Elles sont méritantes et exemplaires.

Cela étant, les dépenses des collectivités locales, d'un montant de 275 milliards d'euros chaque année, ne prennent en compte que partiellement les enjeux. Environ 70 milliards d'euros sont consacrés à l'investissement, dont la moitié pour les communes et intercommunalités, avec des aides de l'État à hauteur de 20%, soit 6 milliards d'euros.

La circulaire évoque un soutien en ingénierie sans que les contours soient précisés. Or le besoin d'intervention des collectivités pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone est chiffré à 12 milliards d'euros par an. L'accompagnement de l'État sera déterminant.

La question du verdissement des dotations d'investissement et de fonctionnement – DETR, DSIL, DGF – se pose donc, en complément du fonds vert.

Monsieur le ministre, seriez-vous favorable à la mise en œuvre de l'écoconditionnalité des aides de l'État, véritable levier de la transition et de la planification ? (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Mandelli, j'attends ce moment depuis ce matin, ayant repéré que vous seriez sans doute le dernier orateur de l'après-midi. Je me suis dit que si j'arrivais au terme de l'exercice, c'est déjà que j'aurais survécu au feu roulant des questions de vos collègues et à la multiplicité des sujets d'interpellation ! (Sourires.)

Plus sérieusement, je crois à l'écoconditionnalité dès lors qu'elle s'applique dans les deux sens, c'est-à-dire pour favoriser ce qui est vertueux et écarter ce qui ne l'est pas.

Mesdames, messieurs les sénateurs, favoriser ce qui est vertueux, vous l'avez fait ici, dans le cadre de l'examen de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, en assumant le fait que l'on puisse appuyer des dispositifs par exemple liés à des circuits courts. C'est ce que, très concrètement, nous allons faire avec les voitures électriques, afin de ne plus subventionner avec de l'argent public la construction de voitures fabriquées en Chine dans des usines tournant au charbon et acheminées par des moyens de transport utilisant du kérosène, et de privilégier celles qui, en particulier grâce à la part importante du nucléaire dans notre mix énergétique, seront produites de manière décarbonée.

L'écoconditionnalité à laquelle je crois, c'est aussi celle que nous avons mise en oeuvre dans le cahier des charges de l'aide à la replantation de la forêt française. Dans une période où nous avons besoin de préserver la biodiversité et de stocker davantage de carbone, nous avons interdit toute coupe rase d'opportunité, qui permettrait de récupérer le gain de la coupe tout en demandant, ensuite, la subvention pour reboisement.

Cette écoconditionnalité se retrouve également dans le plan France 2030. C'est précisément parce que l'on attend d'un certain nombre de projets qu'ils puissent nous permettre d'accélérer la transition écologique que nous leur faisons bénéficier de soutien public. Demain après-midi, au Congrès des maires, une séquence autour des engagements de cinquante entreprises les plus émettrices de France sera l'occasion d'illustrer cet aspect de l'écoconditionnalité : l'ampleur de la décarbonation justifiera l'ampleur des aides qui leur seront accordées.

Mais il y a une limite à tout cela. Il ne faut pas construire une usine à gaz. Il ne faut pas, par excès de précision et manque d'humilité, descendre à un niveau de détail qui finirait par nous poser des difficultés. Il y a parfois des zones grises pour lesquelles il est souhaitable, si l'on n'est pas certain de pouvoir correctement évaluer la conditionnalité, de se donner un peu plus de temps. Je pourrais vous donner quelques exemples en dehors de cette séance.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.

M. Didier Mandelli. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mon intervention dépassait le périmètre du fonds vert, des dispositifs de relance ou encore de la loi sur l'industrie verte, qui, d'ailleurs, a figé un certain nombre d'éléments. Je pensais plutôt aux dotations annuelles : aujourd'hui, 15% seulement de l'affectation de la DETR est fléchée vers des projets à caractère environnemental ; le taux est équivalent pour la DSIL. C'est dans ce cadre que je vous interrogeais sur l'écoconditionnalité, y compris en incluant les budgets de fonctionnement pour des collectivités qui seraient très engagées. Nous changerions de paradigme, mais ce serait un signal très fort !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Les budgets verts constituent une première étape. Cela étant, si l'on veut être capable, demain, de faire de l'écoconditionnalité sur les subventions, il faut s'accorder sur ce que l'on mesure.

J'y vois par ailleurs une limite, qui tient au caractère discutable de l'urgence écologique de certains projets pourtant d'intérêt public. Reprenons l'exemple de l'accessibilité des bâtiments : si l'on ne conserve pas de moyens pour accompagner, dans des zones où se trouvent des populations fragiles ou vieillissantes, des projets de collectivités territoriales consistant, par exemple, à installer des rampes d'accès, on risque de rater un objectif. Les projets des élus locaux sont divers et, localement, il peut y avoir des priorités sociales, que l'on ne doit pas non plus ignorer.

Je vous rejoins donc, monsieur Mandelli, sur le fait qu'il faudra aller au-delà de ces taux de 15%. Mais je ne suis pas favorable à un dispositif entièrement écoconditionné, qui finirait par créer des zones d'ombre ou des manques dans un certain nombre d'autres politiques.


Source https://www.senat.fr, le 28 novembre 2023