Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Stanislas GUERINI, bonjour !
STANISLAS GUERINI
Bonjour !
ALIX BOUILHAGUET
Un mot pour commencer sur la mort de Gérard COLLOMB, ex-ministre de l'intérieur, ex-maire de Lyon, Marcheur de la première heure. Vous retenez quoi de lui de ce personnage ?
STANISLAS GUERINI
C'était sûrement un Marcheur avant En marche en réalité, c'est quelqu'un, Gérard COLLOMB, qui croyait profondément au dépassement des clivages. Il a ouvert la voie d'une certaine façon. Et puis il a cru en Emmanuel MACRON. C'était un des premiers qui lui a dit d'y aller. Je pense que le président lui doit beaucoup. On lui doit tous beaucoup et on lui doit une fidélité sans faille. Alors voilà, je pense à sa femme, je pense à sa famille, je pense aux Lyonnais aussi parce que c'était un amoureux de sa ville.
ALIX BOUILHAGUET
Un petit mot ; vous parlez du président Emmanuel MACRON. Gérard COLLOMB, Il avait eu des mots très forts sur Emmanuel MACRON, dont il avait pointé l'hubris, l'orgueil, le manque d'humilité, le côté trop sûr de lui. Il a fait mouche quand même ou …
STANISLAS GUERINI
Tout cela, je crois que d'abord, c'est derrière nous évidemment et c'est beaucoup d'affection et une fidélité sans faille dans un sens comme dans l'autre. C'est comme cela qu'est le Président aussi, c'est une fidélité à la vie, à la mort. Et voilà, ce sont deux destins croisés et mêlés.
ALIX BOUILHAGUET
Des mots très forts également sur la société française avec, on s'en souvient, cette formule choc de 2018. " Aujourd'hui, on vit côte à côte. Je crains que demain on ne vive face à face. " Est- ce que ce n'est pas ce qui est vraiment en train de se passer en ce moment ? Vivre face à face ?
STANISLAS GUERINI
D'abord, Gérard COLLOMB, c'est quelqu'un d'une très grande lucidité qui disait les choses. Et cette formule a été abondamment commentée ces derniers jours. Il l'avait déjà utilisée à plusieurs reprises, pas que quand il était ministre de l'Intérieur. Ça fait longtemps qu'il disait cela. Je crois qu'il faut l'écouter au lieu de l'instrumentaliser. Je le vois de façon très indigne d'ailleurs, beaucoup de gens qui essaient de reprendre à leur compte cette formule, parfois ceux-là même qui essaient de bâtir justement un face-à-face dans la société. Je crois que c'est à ce piège là qu'il faut échapper. Il faut tout faire pour éviter cela. Quand Gérard COLLOMB disait cela, c'était surtout pour l'éviter, pour combattre cette situation où on se retrouve précisément face à face. Il faut sortir de ce piège infernal de ceux qui veulent au fond le conflit de civilisation. Et c'est dit parfois de façon explicite. Il faut tout faire justement pour pouvoir l'éviter.
ALIX BOUILHAGUET
Vous dites tout faire, mais il y a eu ce drame de Crépol. Un adolescent qui a été poignardé ; certains dénoncent un fait de société davantage qu'un fait divers. Est-ce que c'est le cas ?
STANISLAS GUERINI
D'abord, vous savez, je crois qu'il faut penser à la famille de ce jeune homme, à ses amis, ils appellent d'abord à de l'humanité, à ce que une fois de plus, les gens qui souffrent, qui meurent ne soient pas le décor de la vie politique et les affrontements de la vie politique. Ils doivent en être le coeur et je veux d'abord penser à Thomas et à sa famille. Je veux aussi penser aux habitants de Romans-sur-Isère qui ont vécu ce week-end des violences terribles. Je pensais à la maire de Romans-Sur-Isère qui est très courageuse que j'ai reçue il y a quelques jours.
ALIX BOUILHAGUET
Mais est-ce que Gérald DARMANIN, il parle d'ensauvagement, est-ce que c'est un phénomène de société ? Est-ce que d'ailleurs, vous prenez à votre compte le terme d'ensauvagement ?
STANISLAS GUERINI
Le président de la République a parlé de décivilisation et de la nécessité de re-civilisation, je pense que c'est le terme juste en réalité et qu'on doit porter un regard lucide, partir de la réalité. Oui, la réalité, c'est qu'il y a une violence dans la société et que nous devons la combattre. On doit la combattre dans les faits, dans les actes. Je veux saluer les forces de l'ordre qui ont interpellé, qui ont enquêté. Je veux saluer les forces de l'ordre qui ont ce week-end encore protégé nos concitoyens. Donc, il faut agir avant tout. Je crois que c'est cela que nous demandent nos concitoyens et ne pas, par nos mots, rajouter de la violence à la violence. C'est cela la responsabilité aussi des hommes et des femmes politiques.
ALIX BOUILHAGUET
Vous en parliez à l'instant, samedi soir effectivement, 80 militants d'ultradroite ont manifesté à Romans-sur-Isère, ils appelaient à faire justice pour Thomas, c'était leur mot d'ordre. Le préfet parle d'expéditions punitives. Est-ce que nous sommes rentrés de plain-pied dans le communautarisme ?
STANISLAS GUERINI
Mais c'est cela que nous devons combattre. Vous voyez bien le piège infernal qui risque de se refermer sur nous-mêmes si on laisse les extrêmes, l'ultradroite ce week-end, parfois l'extrême gauche, dicter un climat de violence à la vie politique. Donc, notre responsabilité, c'est d'abord d'agir, de répondre aux questions de violences qui existent dans notre société, il faut pouvoir les regarder lucidement et ensuite d'essayer de toujours trouver une voie raisonnable pour ne pas rajouter de la violence gratuite, qui peut inciter des gens radicalisés, de toute évidence, c'est inacceptable. Et je le disais, je pense vraiment aux habitants, aux agents publics aussi de cette ville qui ont subi des violences, qui sont absolument inacceptables.
ALIX BOUILHAGUET
Vous parlez des agents publics, notamment ceux qui sont aux guichets, ils se retrouvent souvent en première ligne des violences. Depuis la rentrée, vous avez généralisé, notamment, des boutons d'alerte et cela fonctionne bien ? C'est efficace ? Tout le monde en est équipé désormais ?
STANISLAS GUERINI
Non, tout le monde n'en est pas équipé désormais. Ce qu'il faut faire, c'est qu'on va accélérer. Moi, vous savez, je veux protéger ceux qui sont...
ALIX BOUILHAGUET
C'est quoi le pourcentage d'agents publics équipés ?
STANISLAS GUERINI
Ça dépend. C'est très divers selon les administrations. On voit bien que ce n'est pas tout le temps d'ailleurs forcément la bonne réponse. Mais il y a des agents publics qui sont en première ligne, absolument, ils sont dans nos hôpitaux, ils sont dans nos points de services publics, ils sont derrière des guichets. Moi, je pense qu'on doit mieux protéger les agents publics. C'est la première considération pour eux, de leur permettre tout simplement, ça ne devrait pas être extraordinaire de dire cela, mais de faire leurs missions dans des bonnes conditions. Et donc oui, j'ai voulu qu'on puisse accélérer pour pouvoir mieux les protéger, déployer du matériel de protection, former aussi, pouvoir les protéger quand ils sont menacés. Voyez, je vais vous donner un exemple très concret. Aujourd'hui, quand un agent public est menacé, voire agressé, l'administration ne peut pas porter plainte à sa place. Et donc on fait parfois subir une forme de double peine à des agents publics à qui on va demander de se remettre en exposition et d'aller porter plainte eux-mêmes, parfois sur leur temps libre. Et ils ne le font pas toujours. Et donc je souhaite pouvoir changer la loi, faire en sorte que quand un agent public est menacé, quelle que soit la situation, et bien son administration, son employeur public, puisse se substituer à lui et porter plainte. Je crois que c'est un signal très fort qu'on enverra pour dire qu'au fond, ils ne sont pas laissés seuls, face parfois aux radicalisations, à la violence de notre société qui déferle sur nos services publics.
ALIX BOUILHAGUET
Il a été aussi question d'installer des systèmes d'alerte sur les téléphones pour prémunir ces agents de violences commises hors du lieu du travail. Est-ce que c'est en place ? Là encore, est ce qu'une majorité d'agences sont équipés de ces systèmes d'alerte ?
STANISLAS GUERINI
Oui, il y a des solutions qui se déploient pour pouvoir, soit avec des boutons nomades, avoir des boutons d'alerte, qui permettent parfois directement de toucher un commissariat ou une gendarmerie, soit parfois des systèmes sur le téléphone portable. Donc ça fait partie des solutions qu'on déploie. Mais à chaque fois, il faut…
ALIX BOUILHAGUET
Là encore, vous avez des chiffres à nous donner par rapport au nombre d'agents ?
STANISLAS GUERINI
Vous savez, moi j'ai voulu qu'on puisse accélérer en partant du terrain, et donc qu'on déploie du budget pour pouvoir dire aux administrations : faites-le, mettez en place ce dispositif. On a déployé 3 millions d'euros, sur la fin de l'année, pour pouvoir n'avoir aucun projet qui reste bloqué. J'ai écrit la semaine dernière à l'ensemble des préfets de France pour leur dire : faites le point, guichet par guichet, d'une certaine façon, en fonction des situations, ce sont parfois des solutions différentes qu'il faut adapter et donc pouvoir les financer et répondre à cette question-là qui est essentielle. Encore une fois, c'est la première priorité, la première considération pour nos agents.
ALIX BOUILHAGUET
Un mot pour finir sur le projet de loi immigration qui a été adopté par le Sénat. Alors, il est examiné depuis ce matin en Commission à l'Assemblée nationale. Le texte a été considérablement durci par la droite et avec la bénédiction de Gérald DARMANIN au Sénat. On va parler du fond, mais d'abord sur la méthode. Certains, dans votre majorité, disent que Gérald DARMANIN, il a fait beaucoup trop de concessions à la droite.
STANISLAS GUERINI
Non, je ne crois pas. Gérald DARMANIN porte un texte qui est un texte qui est absolument nécessaire pour notre pays, et les Français le voient bien. Il y a des mesures qui sont très importantes et donc nous devons réussir à le faire adopter.
ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais enfin, si je peux me permettre…
STANISLAS GUERINI
... cherche à bâtir une majorité autour de…
ALIX BOUILHAGUET
... la majorité..
STANISLAS GUERINI
Alix BOUILHAGUET, il ne vous a pas échappé qu'on n'est pas en majorité absolue.
ALIX BOUILHAGUET
Bien sûr. La majorité, elle dit déjà qu'elle va défaire ce texte, qu'elle veut retrouver le texte initial.
STANISLAS GUERINI
Mais c'est le débat parlementaire, et je dirais même que c'est la noblesse du débat parlementaire. Et donc la majorité à l'Assemblée nationale elle va porter ses convictions, elle va dire ce qui lui semble juste et nécessaire, et j'espère qu'elle pourra adopter un texte. Moi, je suis confiant dans notre capacité à pouvoir construire une majorité…
ALIX BOUILHAGUET
La preuve que ce texte il venait de la droite, c'est cette tribune dans la Tribune, dimanche, de 17 députés Républicains qui soutiennent ce texte.
STANISLAS GUERINI
Mais je salue leur position.
ALIX BOUILHAGUET
Mais ça ne va pas faire plaisir à votre aile gauche de la majorité.
STANISLAS GUERINI
Mais je salue leur position, sans aucune ambiguïté, parce qu'en réalité, c'est une position de responsabilité. C'est la seule question qui vaille, c'est de savoir qui fait montre de responsabilité. Ce texte, il est voulu par nos concitoyens. Les mesures qu'il contient, elles sont voulues par nos concitoyens, qu'elles soient d'ailleurs des mesures qui nous permettront de mieux faire appliquer la loi, plus rapidement, de reconduire, d'expulser des délinquants, comme des mesures très pragmatiques, qui facilitent la mise en régularité de situations que tout le monde connaît et qui sont existantes sur le terrain.
ALIX BOUILHAGUET
C'est pour ça que vous voulez aller au vote et éviter le 49.3, montrer que chacun prenne, vous dites, ses responsabilités ?
STANISLAS GUERINI
Mais tout le monde veut aller au vote. C'est un moment de responsabilité, de responsabilité politique dans le sens noble du terme, pour des mesures qui sont souhaitées par nos concitoyens. Moi, je suis confiant sur le fait qu'on puisse bâtir une majorité. Je fais confiance à mon collègue Gérald DARMANIN, qui porte ce texte-là…
ALIX BOUILHAGUET
Sans 49.3.
STANISLAS GUERINI
Oui, je crois que c'est l'objectif, dans notre majorité, mais pour toute la représentation nationale, qu'à un moment donné chacun puisse prendre des responsabilités sur des mesures attendues par nos concitoyens, et je pense qu'on pourra le faire.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Merci à vous.
ALIX BOUILHAGUET
Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2023