Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Sonia de VILLERS, votre invité ce matin est ministre de l'Intérieur et des Outre-mer.
SONIA DEVILLERS
Et il porte personnellement la Loi immigration examinée à l'Assemblée nationale. Il doit répondre également aux politiques qui surenchérissent après le meurtre du jeune Thomas, lors d'une rixe dans la Drôme. Pour le président du Rassemblement national, je cite " Ce soir-là des jeunes de cités se sont comportés comme des prédateurs et sont venus pour planter des blancs ". Pour le Parti communiste, " L'extrême droite qui crie vengeance, est en train de nous mener vers l'autoroute de la guerre civile ". Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
SONIA DEVILLERS
Dans ce climat, les faits sont plus importants que jamais. Le 18 novembre à Crépol, y a-t-il eu ou non des actes commis au nom d'un racisme anti-blancs ?
GERALD DARMANIN
Alors, les faits, c'est le procureur de la République qui les établit dans une République qui est un Etat de droit. Les policiers et les gendarmes ont fait leur travail, ils ont interpellé en moins de 48 heures, 9 personnes qui doivent répondre de leurs actes, dont sans doute, sans doute, le criminel, celui qui a tué Thomas. Et en effet, c'est un drame ignoble qui touche toute une famille, un village, le pays. Tout le monde a été extrêmement touché de voir cet adolescent mourir dans cette fête de village. Mais encore une fois, c'est le procureur de la République qui fait le travail de l'enquête et on va le laisser faire son travail sereinement.
SONIA DEVILLERS
La Presse raconte néanmoins que neuf témoins auraient entendu des propos hostiles aux Blancs. Je vous dis ça, parce qu'il y a ce drame ignoble et il y a ce qu'il a engendré depuis.
GERALD DARMANIN
D'abord il y a ce drame ignoble, et encore une fois, ce n'est pas la première fois que l'on voit des drames ignobles qui touchent chacune et chacun, là la petite Lola, ailleurs effectivement dans une fête de village, des coups de couteau donnés, mais c'est aussi le drame de cette femme qui est violentée par son mari, de ces enfants qui ont été tués par leur père. Il y a malheureusement, on le sait, une multiplicité d'actes extrêmement violents, pas simplement dans notre pays, mais dans notre société occidentale. Et il y a à rappeler l'ordre, il y a à rappeler l'autorité, il y a à rappeler la force de la loi et la force des policiers et des gendarmes. Et puis il y a aussi les réactions, vous avez parfaitement raison, de milices, d'extrême droite en l'occurrence, qu'il faut absolument condamner, c'est pour ça que j'ai été extrêmement ferme avec les policiers et les gendarmes pour qu'ils puissent interpeller. Ça a été le cas à Romans-sur-Isère, où deux unités de forces mobiles avaient été mobilisées, des CRS, qui ont pu interpeller des militants d'extrême droite et qui ont été condamnés à des peines importantes. Et je pense que c'est important, parce que la France a évité un scénario à l'irlandaise. La France, parce qu'elle a été ferme, a évité un scénario de petites guerres civiles, et je pense qu'il faut rappeler…
SONIA DEVILLERS
Ils étaient connus des services de police ces…
GERALD DARMANIN
Pour une partie d'entre eux, vous parlez des militants d'extrême droite…
SONIA DEVILLERS
Oui.
GERALD DARMANIN
Pour une partie d'entre eux. Hier encore à Lyon neuf interpellations ont eu lieu, à ma demande, par la préfète, et je ne laisserai aucune milice, qu'elles soient d'extrême droite ou de n'importe quel courant radical, faire la loi à la place du procureur de la République et des policiers et des gendarmes.
SONIA DE VILLERS
Nos confrères de France Info ont trouvé plus que les noms, ils ont trouvé les adresses et également les noms des membres des familles des suspects dans l'affaire Thomas, dans les téléphones de certains de ces militants d'ultra droite, c'était donc une expédition punitive ?
GERALD DARMANIN
Là encore, il y a une enquête qui est ouverte et certains sont déjà condamnés. Ce qui est certain, c'est que le drame ignoble de Thomas, les interpellations de ces personnes qui doivent répondre de leurs actes et j'espère aux plus fortes condamnations, ne doit pas permettre que quelqu'un d'autre s'érige au nom de l'Etat pour faire justice. Et aujourd'hui, je crois qu'il y a dans l'ultra droite une mobilisation qui veut nous faire basculer, en effet, comme l'a dit monsieur ROUSSEL, dans la guerre, dans la guerre civile. Et c'est pour ça que la force de l'Etat est là pour rappeler que personne ne va remplacer l'Etat. Juste dire quelques mots. Ces groupes d'extrême droite, on les combat depuis très longtemps. J'ai été le ministre de l'Intérieur, qui l'a proposé au président de la République, qui l'a accepté, la fin de Génération Identitaire. Je vais proposer la fin d'un groupe qui s'appelle, un groupuscule, « La division Martel ». Rien que le nom, évidemment, nous fait peur. Et puis de deux autres, je ne veux pas évoquer les noms puisque nous rentrons dans le contradictoire, mais qui sont directement liés aux mobilisations, on va les appeler comme ça, d'extrême droite.
SONIA DEVILLERS
Vous allez proposer leur dissolution ?
GERALD DARMANIN
Oui, il y a un contradictoire, il y a un état de droit. Donc le ministre de l'Intérieur, il propose, et après, avec le président de la République, au Conseil des ministres, il y a des dissolutions. Sur la quarantaine de dissolutions que j'ai proposées depuis que je suis ministre de l'Intérieur, deux ont été retoquées par le Conseil d'Etat, et je constate que tous les groupuscules l'ultra droite ont été dissous lorsque je les ai proposés au président de la République.
SONIA DEVILLERS
Diriez-vous, Gérald DARMANIN, que ces individus cagoulés, munis de barres de fer et prêts à faire justice eux-mêmes, diriez-vous de ces individus qu'ils sont ensauvagés ?
GERALD DARMANIN
Oui, eh bien, bien sûr, mais l'ensauvagement il touche beaucoup de gens, il touche évidemment ceux qui vont dans une fête de village donner des coups de couteau à un adolescent. Il faut évidemment combattre cela avec la première force. C'est ce que font les policiers, les gendarmes, dans un monde où ils sont un peu seuls face à la crise de l'autorité, autorité qui manque à l'école, autorité qui manque chez les parents, autorité qui manque dans la rue, c'est certain. J'ai rappelé et je rappelle l'importance de cette autorité pour qu'une société vive bien, mais également bien sûr dans l'ensauvagement de ces milices, qui une fois vont y faire des ratonnades, vont taper des arabes, vont attaquer des gens qui ont des couleurs de peau différentes et crient leur nostalgie du troisième Reich, évidemment. Vous savez, il y eu treize attentats, treize projets violents qualifiés comme tels par le parquet antiterroriste d'ultra droite depuis 2017, qui ont été déjoués. Alors évidemment, ça n'a rien à voir avec la proportion d'attentats islamistes, qui est la première menace, plus de 40 attentats islamistes déjoués. Mais enfin, treize attentats d'ultra droite, c'est évidemment très important, et l'Etat français regarde, surveille, arrête, et il y a 1 300 personnes en France qui sont Fichées S par ultra droite.
SONIA DEVILLERS
Eric ZEMMOUR a retweeté, vous le savez, les prénoms et les noms des huit agresseurs supposés dans l'affaire de Crépol, en reprenant une indiscrétion du Figaro, Gérald DARMANIN. Il a accompagné son tweet de la mention suivante : « Gérald DARMANIN a voulu cacher ces noms. Chacun comprendra pourquoi ». Etiez-vous embarrassé de cette succession de prénoms arabo-musulmans ?
GERALD DARMANIN
D'abord, j'ai pris les propos de monsieur ZEMMOUR comme une insulte raciste personnelle à mon encontre. Il le sait, vous savez pourquoi il le dit, mon deuxième prénom c'est Moussa ; je suis petit-fils de combattants français qui viennent d'Algérie, il ne le fait pas par hasard. Les influences de l'extrême droite sont toujours bien pensées, par des gens aussi intelligents d'Eric ZEMMOUR. Moi, je m'en enorgueilli d'avoir un deuxième prénom qui s'appelle Moussa. Mais oui, mes deux grands-pères viennent de l'autre côté de la Méditerranée. Pourtant, je pense être patriote, profondément français, et ils ont fait un petit-fils qui sert à la République. Donc d'abord, les insinuations de monsieur ZEMMOUR, je les laisse dans le côté nauséabond de sa pensée. Deuxièmement, ce n'est pas moi, jamais, en aucun cas. Ça fait quatre ans que je suis ministre de l'Intérieur et ça a été le cas d'aucun des ministres de l'Intérieur de la République, qui donnent les prénoms, les noms, les adresses des personnes. Encore une fois, c'est le procureur de la République. Dans l'interpellation qu'ont fait les gendarmes, de personnes supposées, qui ont fait, commis cet acte ignoble contre Thomas, il y avait huit Français, un Italien. Et que veut dire monsieur ZEMMOUR ? On classe les Français selon les grands-parents, les cartes de grands-parents ? Ça, ça rappelle des régimes politiques que la République a toujours combattus. Moi ce qui m'intéresse, ce n'est pas le prénom de la personne, c'est est-ce qu'il a commis ou pas un acte délictuel. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas si cette personne est étrangère ou non, est- ce qu'elle a commis un acte délictuel ? Le projet de loi que je porte par exemple aujourd'hui, ce n'est pas contre les étrangers. Nous régularisons les étrangers qui travaillent et on expulse les étrangers délinquants. On ne juge pas les gens en France pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils font. Je ne suis pas essentialiste. Moi, je pense que les gens sont libres et qu'ils sont capables de pouvoir dépasser un certain nombre de choses qu'est leur éducation, leur influence, leur milieu. Monsieur ZEMMOUR, comme toute extrême droite, met des gens dans des cases, et ne les sortent pas, et ils pensent qu'ils sont délinquants parce qu'étrangers, ou qu'ils sont meurtriers parce qu'ils s'appellent Moussa. Ce n'est pas ma conception de la République.
SONIA DEVILLERS
Alors, cette loi immigration, justement, Gérald DARMANIN, est débattue depuis hier en Commission des lois à l'Assemblée nationale, après avoir été adoptée, mais nettement durcie par le Sénat. Plus le texte se droitise, plus vous perdez, en tout cas, moins vous avez de chance d'avoir avec vous les voix de la gauche, du centre et d'une bonne partie des macronistes, plus il revient au projet initial et plus la droite vous lâche. Toute la Presse a sorti sa calculatrice ces derniers jours. Est-ce que c'est le compte impossible ?
GERALD DARMANIN
Alors, quand on est ministre de l'Intérieur, ce qui est intéressant, c'est l'intérêt général. Est-ce que ce texte est bon pour les Français, pour la France ? Oui. Oui, il est bon. Il va simplifier drastiquement les procédures. Aujourd'hui on met trois ans pour répondre à quelqu'un qui demande l'asile en France. Il faudrait mettre six mois, huit mois, neuf mois pour lui dire vite oui, pour qu'il puisse intégrer ou vite, non pour qu'il puisse repartir. Aujourd'hui, nous appliquons les 15% des arrêtés de reconduite à la frontière. Est-ce que c'est important de faire beaucoup mieux ? Bien sûr, ce texte va le permettre, par une simplification drastique de ces procédures. Est-ce qu'on peut expulser des étrangers délinquants ? Parce qu'aujourd'hui on ne peut pas le faire, la loi, et notamment la loi portée par la droite jadis, il y a 20 ans, empêche de le faire. Eh bien oui, c'est très important pour protéger les Français. Est-ce qu'on doit intégrer dans notre vie de tous les jours, la femme de ménage qu'on croise tôt le matin et qui n'a pas forcément ses papiers parce qu'elle a un patron indélicat ? Eh bien oui, parce que cette femme est courageuse. Donc ce texte, il est important pour les Français et au bout d'un moment, vous savez ce qui compte ? C'est l'intérêt général. Donc à la fin, le gouvernement prendra ses responsabilités. Après avoir longuement travaillé, longuement discuté longuement, cherché un compromis, il proposera le texte au Parlement et le Parlement décidera. C'est ça la démocratie. C'est un texte voulu par 75% des Français, qui prévoit fermeté et intégration. Est-ce qu'on est d'accord qu'en France, désormais, comme tous les pays européens qui nous entourent quasiment, on a le droit d'exiger des étrangers qu'ils passent un examen de français pour rester longtemps sur le sol français ? La réponse est oui. Donc vous savez, les calculettes, ça n'a pas beaucoup d'intérêt, quand il y a des femmes, des hommes, des enfants, qui soient en France, qui voudraient venir en France, qui veulent s'intégrer en France…
SONIA DEVILLERS
La calculette, elle est indispensable pour faire voter ce texte Gérald DARMANIN…
GERALD DARMANIN
Non, chacun prend ses responsabilités…
SONIA DEVILLERS
... vous le savez bien, et tous les députés de France et de Navarre racontent comment justement vous mouillez la chemise, personnellement, vous allez les voir les uns après les autres…
GERALD DARMANIN
Eh bien je fais mon travail.
SONIA DEVILLERS
... justement, donc vous avez besoin de ces voix.
GERALD DARMANIN
Mais moi je suis élu local, je suis parlementaire, mais oui, mais évidemment je reçois les députés quel que soit leur bord, pour pouvoir discuter avec eux quand ils nous demandent un rendez-vous. Je suis moi-même aux commissions matin, midi et soir, ce que font rarement les ministres. Mais vous savez, il y a trois mois, on m'a expliqué que le texte ne passerait pas au Sénat, et encore moins avec une mesure de régularisation. Il est passé au Sénat. Ce n'est pas un texte parfait au Sénat, mais avec une mesure de régularisation. Il y a une semaine, on m'a dit : jamais la majorité serait réunie derrière ce texte. On a regardé hier, vous avez vu, il n'y a pas eu un amendement, pas un article du gouvernement qui a été retoqué. Et on m'a dit " les LR ne voterons pas ce texte ", je constate qu'il y en a 17 qui…
SONIA DEVILLERS
Et la suppression de l'aide médicale d'Etat, qui est très symbolique et qui a fait couler beaucoup d'encre, qu'ont réclamée les sénateurs et qu'ont voté les sénateurs. Vous allez lâcher sur cette suppression de l'aide médicale d'Etat ?
GERALD DARMANIN
Alors, il n'y a pas une suppression de l'aide médicale d'Etat dans le du Sénat. Il y a une transformation de cette aide médicale d'Etat. J'ai toujours dit qu'il ne fallait pas que ce soit dans ce texte-là. Ce texte-là ne prévoit pas de mesures de santé pour les étrangers. Il y a des questions qui se posent autour de l'aide médicale d'Etat, c'est tellement vrai que la Première ministre elle-même a commandé un rapport à monsieur STEFANINI et monsieur EVIN, qui sera rendu le 4 décembre. Je ne pense pas qu'il faille toucher personnellement le panier de soins. Je pense qu'il y a une des questions de l'aide médicale d'Etat, qui est que vous êtes bénéficiaire à 100% au bout de neuf mois d'irrégularité sur le territoire. Je pense que ça devrait être l'inverse. C'est au début que vous devez être protégé et soigné. Et ensuite, lorsqu'on vous dit de repartir chez vous, de pouvoir avoir moins accès à cette aide médicale d'Etat. Mais ce n'est pas dans ce texte-ci, nous supprimerons l'aide médicale du texte, et il y a un rapport qui sera rendu le 4 décembre, on en tirera toutes les conséquences dans un texte budgétaire. Parce que l'aide médicale d'Etat, c'est avant tout pour les raisons que l'on connaît, des questions budgétaires.
SONIA DEVILLERS
Merci Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er décembre 2023