Texte intégral
Merci à toutes et à tous,
Je suis très heureux de conclure ces rendez-vous de Bercy.
Je voudrais commencer par remercier tous les participants et toutes les participantes à ces rendez-vous, en commençant par le ministre qui est en charge de cette question, qui est un ami de longue date, un spécialiste du sujet, qui m'apprend beaucoup, qui me critique parfois, qui me rappelle à l'ordre souvent, et il a raison, sur la nécessité d'accélérer sur le changement climatique.
Je voudrais remercier aussi Agnès Pannier-Runacher, qui a participé tout à l'heure à nos débats, remercier les scientifiques, les spécialistes, les représentants des syndicats. Cher Arnaud Rousseau, Bill Gates qui a ouvert nos débats. Et puis, je voudrais avoir un tout petit mot aussi pour notre animatrice qui était absolument formidable. Je pense qu'on peut l'applaudir puisqu'elle a fait un travail remarquable toute la journée.
C'est la troisième édition de ces rendez-vous de Bercy et je vais vous dire, je pense, que c'est de loin la plus réussie. La qualité des débats, la qualité des intervenants, la qualité des échanges montrent qu'il y a sur ce sujet de la transition climatique une soif de discussion, une soif de dialogue. Personne n'a la vérité révélée et chacun cherche de manière constructive comment avancer.
En tout cas, il y a une certitude que nous pouvons retirer de cette journée. Il y en a peu, mais celle-là, je pense, nous la partageons. L'ancien modèle économique est mort. Le nouveau modèle économique tarde à venir. Et entre deux, le risque est de prendre une mauvaise direction qui serait celle du statu quo et de l'immobilité. Or, le statu quo climatique, je pense qu'après cette journée, nous en sommes tous encore plus convaincus, il est impossible. Tout simplement parce qu'il n'y a pas de statu quo dans le réchauffement de la planète et qu'il y a, au contraire, une accélération.
Alors, pour conclure nos travaux, et sans être trop long, je voudrais juste offrir avec beaucoup d'humilité quelques conclusions simples. Et je le redis avec beaucoup d'humilité parce qu'il n'y a rien d'évident, qu'il n'y a pas de solution facile, qu'il n'y a pas de baguette magique, qu'il n'y a pas de Deus ex machina du climat, il n'y a que nous. Il n'y a que nous, le peuple.
C'est peut-être ça, la meilleure nouvelle, face au réchauffement climatique et à la nécessité de changer de modèle, il n'y a que nous, le peuple. Et c'est peut-être la première fois dans notre histoire récente que ce ne sont pas simplement les dirigeants économiques, les dirigeants politiques, les dirigeants financiers qui peuvent apporter des réponses, mais que nous, le peuple, ensemble dans la discussion et dans le dialogue.
Je pense que nous sommes au clair sur ce que nous ne voulons plus et qui a été parfaitement décrit tout au long de la journée. Ce que nous ne voulons plus, c'est la fuite en avant, c'est le monde d'hier.
Un modèle économique d'exploitation de la planète, de destruction de la biodiversité, d'abolition de la frontière entre le monde animal et le monde humain, un modèle économique de surproduction, un modèle des émissions croissantes de CO2, un modèle économique du bruit, de la vitesse et de la surconsommation.
Ce modèle-là, on le voit et nous le vivons encore aujourd'hui. Il ne génère que de l'anxiété, des pandémies comme celle du Covid, des maladies respiratoires chroniques de plus en plus importantes, des inégalités et de l'anxiété.
Dans le fond, l'anxiété climatique, pour moi, ce n'est pas l'anxiété pour le monde de demain, c'est l'anxiété du monde actuel et c'est à elle que nous devons répondre. Car ce monde actuel, il n'est ni économiquement souhaitable, ni socialement acceptable, ni humainement vivable. Ce que nous voulons, en revanche, ce n'est pas simplement un nouveau projet économique.
Dans le fond, c'est ce que j'avais écrit avant de vous écouter. Mais après vous avoir entendu, je pense que ce que nous voulons tous ici, c'est davantage que cela. C'est un projet de société.
C'est un projet de société que nous voulons bâtir. Un projet qui réduit les émissions de CO2, qui réduit les inégalités, qui donne accès à l'innovation à tous et pas simplement à quelques-uns, scientifiques, ingénieurs ou grandes entreprises. Un projet de société qui réduit la pollution. Un projet de société qui réindustrialise la nation, qui donne plus de qualifications, plus de savoir, plus de connaissances à tous. Un projet qui fait de la France un modèle.
Ce projet de société, il ne doit pas être un repoussoir et c'est peut-être tout l'enjeu politique aujourd'hui.
Lorsque j'entends certains vouloir imposer par la contrainte un changement coûteux de nos modes de vie en leur disant aux citoyens libres de France " vous n'avez pas le choix ", c'est la garantie de l'échec. Tous ceux qui nous disent que le seul mot d'ordre c'est " vite, vite, vite, encore plus vite " que le leitmotiv, c'est " débrouillez-vous tout seul, vous n'avez pas le choix ". Et l'aveu, c'est qu'on ne sait pas très bien où on va mais il faut y aller quand même. Ceux-là n'emporteront jamais la conviction. Ceux qui, avec vous, proposeront un projet de société en revanche, emporteront la conviction et réussiront le changement climatique.
Alors comment est-ce qu'on peut bâtir ce projet de société ? Là aussi je ne fais que reprendre des idées que vous avez données tout au long de la journée. D'abord, il n'y a qu'une seule méthode, elle a été parfaitement rappelée par Christophe Béchu : le dialogue, la décision, l'évaluation des résultats, la conversation régulière. Dans le fond, il faut retrouver ce qu'est l'esprit français, l'esprit de la discussion, l'esprit de la conversation, l'esprit encyclopédique des lumières qui n'est pas de savoir tout sur tout, mais simplement de tenter de tout comprendre.
C'est exactement cet esprit-là qu'il faut que nous retrouvions pour le XXIème siècle : dialoguer, échanger, décider et puis ensuite évaluer et éventuellement, si la décision n'est pas bonne, reprendre la décision.
Regardez ce que nous avons fait sur le nucléaire. Il y a un temps en France, pas si éloigné que celui où nous sommes aujourd'hui, où il était de bon ton de dire " le nucléaire, c'est fini, les centrales, il faut les fermer, Fessenheim out, nous sommes revenus sur ces décisions et nous nous sommes rendus compte que dans le fond, le nucléaire n'était pas une partie du problème, mais une partie essentielle de la solution.
Même chose sur la taxe carbone. J'ai la conviction qu'il faudra de toute façon un prix pour la pollution et un prix pour les émissions de CO2. C'est indispensable à l'échelle nationale, européenne et planétaire, sans quoi il ne pourra pas y avoir de transition climatique. Et tous ceux qui prétendent le contraire, à mon avis, mentent aux Français ou n'ont pas le courage de leur dire la vérité, ce qui revient à peu près au même. Simplement, il faut s'y prendre autrement. Et je mettrai en regard de ce que nous avons fait sur la taxe carbone de manière maladroite et brutale.
Ce que nous avons fait, cher Arnaud Rousseau, sur le gazole non routier avec Christophe Béchu, avec les agriculteurs et avec les acteurs des travaux publics. Nous avons regardé la situation. Un avantage fiscal considérable sur le gazole non routier, qui est une incitation à consommer toujours, toujours plus d'énergie fossile. Mais un avantage qui était aussi indispensable à la compétitivité des agriculteurs et des acteurs des travaux publics. Nous avons regardé ensuite ce qui était soutenable.
Quel calendrier ? Est-ce qu'on peut faire ça en un an, en deux ans, en 3 ans ? Est-ce qu'on étale ça sur 10 ans ? Nous avons fait le choix d'étaler cela sur une longue période. Est-ce qu'on fait cela avec une entrée brutale et ensuite, on le fait de manière plus souple ou est-ce qu'on le fait de manière régulière ? Nous avons décidé de le faire de manière régulière.
Quelle est la contrepartie pour les acteurs ? La contrepartie que nous avons négociée, c'est que chaque euro de fiscalité supplémentaire sur le GNR énergie fossile reviendra intégralement, totalement et immédiatement, comme me l'a rappelé il y a quelques instants Arnaud Rousseau, aux agriculteurs et aux acteurs des travaux publics.
Résultat, je ne dis pas que la décision a été facile. Je salue le sens des responsabilités du président de la FNSEA. Mais le fait est que ça a été décidé, que ce sera mis en place sans heurt, sans résistance, sans violence. C'est la bonne méthode et c'est celle qu'il faut retenir. Bâtir ce projet de société, c'est donc une méthode, mais c'est aussi, je viens de le dire, un accompagnement.
Aucun changement ne s'impose par la force. Ça n'existe plus dans une société démocratique du XXI siècle.
Il faut donc accompagner par la conviction et accompagner par l'argent. C'est ce que nous faisons avec le ministre en charge en mettant en place des incitations pour l'achat du véhicule électrique. Alors résultat, la part de marché des véhicules électriques explose. C'est 20% aujourd'hui. Je suis convaincu que nous atteindrons assez rapidement les 50 % de part de marché pour les véhicules électriques. Je suis convaincu que le leasing sur les véhicules électriques que nous allons mettre en place sera un grand succès. MaPrimeRénov' est un grand succès.
Tous les dispositifs d'accompagnement sont un grand succès. C'est bien la preuve qu'on emporte la conviction en remédiant aussi aux difficultés financières des ménages. Et je souhaite que de manière maintenant systématique, dès qu'il y a une recette carbone, elle soit fléchée vers la transition climatique, et que l'intégralité de la fiscalité sur le carbone revienne à la transition climatique et à l'accompagnement du changement climatique.
Cet accompagnement, ce n'est pas simplement se projeter dans le futur lointain, c'est aussi remédier aux questions d'adaptation climatique. Parce que nos compatriotes légitimement vont nous dire, c'est très bien de préparer la fin du XXIe siècle, mais demain, si je ne peux pas vivre dans ma ville parce qu'il y fait trop chaud, si je ne peux plus élever mes bêtes parce que nous manquons d'eau, si ma maison disparaît parce qu'il y a un phénomène de retrait et gonflement argile, qu'est-ce que je fais ? Si demain, je ne peux pas m'assurer parce que le risque n'est plus une probabilité, mais une certitude, cher Pascal Demurger, que faisons-nous ?
Donc nous avons l'obligation morale de tenir les deux bouts du débat, le futur lointain et le lendemain immédiat. C'est aussi comme cela que nous réussirons la transition climatique, s'occuper du futur lointain comme du lendemain immédiat.
Troisième moyen pour bâtir ce projet de société, celui qui ne me concerne plus directement, c'est le financement. Je vais vous donner mes convictions, je les défends comme toujours avec force, ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas ouvert au débat. Mais je rappelle quelques points de conviction forte et qui, pour le moment, n'ont pas été ébranlés.
Le premier point, pas d'impôts nouveaux et pas d'ISF vert. Je sais que c'est très tentant, l'ISF vert, se dire que les riches vont payer la transition climatique. Mais j'ai peur que l'ISF vert, comme ça ne rapportera pas suffisamment, se transforme très rapidement en impôts sur le revenu vert, voire en TVA verte, voire en fiscalité verte généralisée sur tous les produits.
Je ne suis pas certain que nos compatriotes soient prêts à une augmentation d'impôts dans une nation qui garde, hélas, le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé de tous les pays développés. Ça ne me semble pas la bonne direction, en tout cas pas une direction à la hauteur des enjeux.
Deuxième conviction, le financement public est nécessaire. Et ce financement public, nous le mettons avec Christophe Béchu, avec la Première ministre, avec le président de la République, je redonnerai les chiffres tout à l'heure, mais 40 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024. Et je crois au financement public. Je crois qu'il ne peut pas y avoir de transition climatique sur des investissements de long terme, qui ne sont pas rentables immédiatement, si l'État n'assume pas sa responsabilité.
Je le dis à un moment où nous sommes en négociation intense — même si ça se voit peu, mais c'est la réalité — sur les nouvelles règles du pacte de stabilité et de croissance en Europe. Ces règles, elles sont fondamentales. Elles vont définir ce que vous avez le droit de faire financièrement demain en Europe au niveau des 27 États membres.
Je crois évidemment à des règles. Je crois à la nécessité de rétablir nos finances publiques. Et je me suis engagé à réduire le déficit, à réduire la dette, à un rythme que nous avons défini avec le président de la République et que nous respecterons : revenir sous les 3% de déficit public en 2027 et accélérer le désendettement.
Mais ces nouvelles règles que nous sommes en train de définir ne doivent pas empêcher les investissements indispensables, notamment en matière climatique. Rétablir nos finances publiques ne peut pas et ne doit pas se faire au détriment de nos investissements dans la transition climatique.
Je rappelle que le pacte de stabilité et de croissance, dont nous définissons les nouvelles règles, est un instrument au service d'une politique. Il n'est pas un objectif en soi. Il doit donc être au service d'une vision européenne commune. Des finances publiques saines, oui, mais pour un continent innovant, décarboné, juste et prospère.
L'austérité ne fait pas un projet politique pour l'Europe et ne fera jamais un projet politique pour l'Europe, surtout à un moment historique, les deux ou trois années qui viennent où vont se définir les grands équilibres de puissance de la planète pour le XXIème siècle, pour les 30 prochaines années.
Alors, on ne va pas nous dire écoutez, vous devez rétablir vos finances publiques pendant 3 ans ou 4 ans, nous le ferons. Et donc, pendant ces 3 ans ou 4 ans, vous n'avez droit à aucun investissement climatique, aucun investissement sur la sécurité, aucun investissement sur l'industrie verte parce que vous devez d'abord, en priorité absolue, rétablir vos finances publiques. Ce sera non.
Je crois possible et nécessaire de conjuguer le rétablissement des finances publiques et l'investissement dans la décarbonation et dans la sécurité de notre continent. C'est la position que je défendrai au nom de la France et à la demande du président de la République, dans la négociation sur les nouvelles règles du pacte budgétaire européen.
Ce financement public, je le redis, doit prendre la forme d'investissements directs, les 40 milliards d'euros dont j'ai parlés. Il peut prendre aussi la forme de garanties publiques, c'est très efficace. Vous faites un investissement, vous êtes un acteur privé, c'est trop risqué, nous vous apportons des garanties. J'apporterai 5 milliards d'euros dès l'année prochaine de garanties publiques sur les investissements privés.
Et puis, nous devons utiliser aussi des opérateurs publics. Je salue le travail remarquable qui a été fait par la Caisse des dépôts et consignations et par son directeur général : 100 milliards d'euros qui vont être investis dans la transition climatique.
Quand vous mettez tout bout à bout, vous avez environ 150 milliards d'euros d'investissement public qui vont être mis sur la table dans les 3 années qui viennent.
Enfin, il y a le financement privé. Je ne reviens pas dessus, il a été longuement débattu. C'est le meilleur fléchage de l'épargne privée que nous avons mis en place avec le plan épargne Action climat.
C'est le crédit d'impôt industrie vert qui va être mis en place dès le 1er janvier 2024. Et nous serons la première nation en Europe à faire exactement la même chose que les États-Unis à proposer un crédit d'impôt pour ceux qui développent des batteries électriques ou des panneaux solaires sur le sol français. Et nous sommes prêts à faire plus — c'est l'une des propositions qui a été faite par les acteurs financiers — pour simplifier des règles financières, pour mieux flécher l'épargne privée vers les investissements verts.
Deux derniers éléments pour réussir ce projet de société. L'innovation évidemment. Beaucoup de propositions ont été faites ce matin par Bertrand Piccard, le projet Manhattan qui mérite d'être regardé de près, qui est intéressant dans sa philosophie. Les propositions d'Arthur Auboeuf dont nous avons parlé à l'heure du déjeuner avec Team for the Planet. Beaucoup de propositions qui sont innovantes, qui sont disruptives. Donc, exactement ce dont nous avons besoin pour le climat.
Tout cela va permettre de compléter le travail qui est fait par France 2030 et les 54 milliards d'euros qui sont sur la table dont 30 % dédiés à la transition écologique.
Avant de conclure définitivement, je voudrais rajouter un élément clé de ce projet de société. Il ne peut avoir de dimension qu'européenne. Chacun voit bien par exemple que sur l'intelligence artificielle qui est clé pour la gestion des flux d'énergie, il faudra avoir des investissements européens.
J'ai discuté la semaine dernière avec le dirigeant de Microsoft qui nous expliquait qu'il allait faire un investissement l'année prochaine en capacité de calcul. Il met 100 milliards d'euros sur la table. Une entreprise privée qui va acheter des dispositifs à Nvidia pour 100 milliards d'euros.
Alors, moi je veux bien qu'on essaye de se débrouiller chacun tout seul dans son coin au niveau des nations européennes. Je pense qu'on ferait mieux de rassembler les forces européennes pour nous permettre d'avoir des capacités de calcul à la hauteur de ce qu'ont les États-Unis. Une intelligence artificielle générative à la hauteur de ce que font les États-Unis, en rassemblant nos moyens financiers parce que j'ai peur qu'aucun État européen ne soit capable de mettre à lui seul sur la table autant que ce que met Microsoft tout seul.
La dimension européenne est donc indispensable. Elle l'est également pour mettre en place cette fameuse Union des marchés de capitaux. Alors, comme j'ai compris que personne ne comprenait ce que c'était que l'Union des marchés de capitaux, je veux juste dire que c'est le principe : les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Vous avez plein de petits ruisseaux financiers en France, en Allemagne, en Italie, mais qui ne sont pas à la maille, pas à la hauteur des chiffres que je viens de vous donner, pas à la hauteur de cette transition historique que nous sommes en train de vivre.
Je vous propose de rassembler les petits ruisseaux financiers dans un seul grand fleuve qui s'appellera l'Union des marchés de capitaux et qui fera que lorsqu'une entreprise comme Mistral ou la vôtre, cher Arthur, cherche à lever de l'argent, ne va pas uniquement dans une banque ou dans un fonds d'investissement national, elle peut le lever au niveau européen et donc, décupler ses capacités à lever de l'argent qui reste le nerf de la guerre climatique.
Une troisième chose sur cette dimension européenne, quitte à froisser certaines susceptibilités : je veux bien que nous investissions les chiffres que je viens de donner sur la décarbonation de notre économie. Je veux juste qu'on soit capables aussi de protéger nos intérêts industriels et nos intérêts en termes d'emplois.
Lorsque nous prenons la décision de décarboner le site de Fosses ou le site de Dunkerque, il va en sortir un aluminium de meilleure qualité, beaucoup plus respectueux de l'environnement, mais beaucoup plus cher. Donc cet aluminium va aller ensuite dans des voitures qui, produites en Europe, seront forcément un peu plus chères.
Même chose pour les mâts d'éoliennes ou les turbines d'éoliennes, elles seront produites suivant les meilleurs standards environnementaux en France et en Europe, mais à un coût plus élevé.
Si nous ne sommes pas capables de défendre le principe du contenu européen, nous aurons travaillé pour le roi de Prusse. Nous aurons de magnifiques turbines, de magnifiques voitures, un magnifique aluminium, un magnifique acier décarboné qui ne se vendra pas et nos usines fermeront.
Donc, je plaide et je continuerai à plaider avec beaucoup de force pour que dans les marchés publics, dans l'installation des parcs éoliens offshore, ou dans l'équipement des flottes de voitures, il y ait 60 % de contenu européen, sans quoi il n'y a pas d'aide publique possible. Je suis un fervent défenseur du contenu européen pour défendre l'industrie décarbonée, européenne et nationale.
Un dernier mot enfin sur ce qui est peut-être la philosophie clé de ce projet de société — j'emprunte le terme à Pascal Demurger. Ce dont nous avons le plus besoin, de l'innovation, des financements, du dialogue, de ces échanges que nous avons eus aujourd'hui, c'est du temps. À l'heure de la précipitation absolue, où une nouvelle en chasse une autre, où une news écrase la précédente, où il faut sans cesse faire le buzz, s'agiter, vibrionner, il faut que nous retrouvions le sens du temps long.
Dans le fond, la transition climatique, pour citer un auteur qui m'est cher, c'est à la recherche du temps perdu. Nous avons perdu beaucoup de temps à nous engager dans un modèle économique qui ne donnait pas les résultats attendus et qui détruisait notre planète. Nous avons perdu beaucoup de temps et il faut maintenant le rattraper. Mais certainement pas dans la précipitation, certainement pas en se hâtant trop vite dans des décisions qui seraient mauvaises, certainement pas en confondant vitesse et précipitation qui heurtera nos compatriotes, et qui se heurtera à une résistance politique qui fera basculer notre pays dans les extrêmes et qui nous fera perdre encore beaucoup, beaucoup plus de temps.
Il faut que nous sachions prendre le temps de la conviction, du dialogue pour forger des solutions qui soient acceptables par tous. La planification écologique, portée par Christophe Béchu et la Première ministre, la durée, le temps long, sont des valeurs qui doivent revenir au premier plan de l'action politique. Et c'est à cette condition que nous pourrons tous vivre mieux, si je voulais citer encore mon auteur favori, à l'ombre des jeunes innovations en fleurs.
Merci à toutes et à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 7 décembre 2023