Déclaration de Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie, sur les 30 ans de la loi Paysage et de l'Association des paysagistes-conseils de l'État, à Paris le 12 juin 2023.

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Circonstance : 30e anniversaire de la loi paysage

Texte intégral

Bonjour à toutes et tous,
Madame la Présidente des paysagistes-conseils de l'Etat,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs.


Je suis ravie d'être parmi vous et de pouvoir introduire cette journée avec vous tous.

Cet évènement est une formidable occasion de célébrer le paysage avec un double anniversaire : les 30 ans de la loi Paysage et les 30 ans de l'Association des paysagistes-conseils de l'Etat.

Le paysage porte des enjeux forts. Pour chacun d'entre nous, il évoque un souvenir, et fait appel à notre sensibilité. Le paysage permet d'aborder d'une autre manière les projets locaux portés par des territoires en garantissant des projets de qualité pour l'amélioration du cadre de vie des populations. Toute décision politique, que ce soit en termes d'aménagement, d'infrastructures, d'énergie, de logement ou encore de transport, a des impacts sur les territoires et donc, sur nos paysages. Ce qui nous rassemble aujourd'hui, c'est justement cette politique qui fait paysage.

Tout d'abord, je voudrais rappeler ce que la loi sur la protection et la mise en valeur des paysages a apporté depuis sa promulgation le 8 janvier 1993. Il faut aussi se souvenir qu'avant la loi Paysage, la préoccupation paysagère était réduite à quelques lieux spectaculaires et emblématiques, dans une approche patrimoniale. Je pense notamment à la loi de 1930 sur la protection des monuments nationaux et des sites. Aucun texte législatif ni réglementaire n'était encore consacré au paysage du quotidien dans toutes ses dimensions. Pourtant, le paysage existait bien et était le fruit des aléas et des modes de vie de la société française et de son histoire. Pour la première fois avec la loi Paysage, le paysage prend donc toute sa place. Les collectivités devront désormais intégrer la protection et la mise en valeur des paysages dans leur territoire. La loi Paysage a ouvert la voie à une politique de préservation et de reconquête qualitative des paysages. De nombreuses avancées significatives sont à noter, comme la réhabilitation des centres historiques à Bordeaux, Nantes, Rouen, la création de Grands Sites de France qui régulent l'accueil des visiteurs dans un objectif de préservation de la qualité paysagère, comme sur le site du Cap-Fréhel en Bretagne, à qui j'ai eu l'honneur de remettre le Grand Prix National du Paysage en novembre dernier. On peut citer également l'élaboration de 66 atlas de paysages départementaux et régionaux, soit une couverture de près de 81% du territoire national, le développement d'infrastructures de transports qui prennent davantage en compte les territoires traversés ou encore des restaurations de continuité écologique des cours d'eau et la création de parcs naturels régionaux qui ont déjà démontré leur efficacité pour protéger la biodiversité.

Depuis mon arrivée, j'ai signé sept décrets et un arrêté de classement de site, dont le dernier date du 19 mai dernier et concerne le site " Val de Loire, perspectives du château à Chaumont-sur-Loire et Veuzain-sur-Loire ", dans le Loir-et-Cher, un paysage remarquable qui illustre parfaitement la Valeur Universelle Exceptionnelle du Val de Loire reconnue par l'UNESCO.

Je veux à ce titre saluer l'action de la Commission nationale du débat public en faveur de la participation citoyenne pour garantir un paysage de qualité, et remercier Chantal Jouanno pour son action au sein de cette instance importante, qui travaille justement sur ce sujet du paysage. Je n'oublie pas le réseau des Paysagistes-Conseils au service de l'Etat, qui a oeuvré avec passion pour obtenir ces nombreux succès. Si nous avons parcouru beaucoup de chemin et évolué dans le bon sens pendant toutes ces années, nous pouvons encore progresser dans bien des domaines. Il y a en effet besoin d'amplifier ce que la loi Paysage a permis pour aller plus loin. Je veux donc vous faire plusieurs annonces, à commencer par la sensibilisation et la formation des élus aux enjeux du paysage. Tous les projets d'aménagement à petite, moyenne ou grande échelle, modifient le paysage et font intervenir une multitude d'acteurs que les agronomes, les écologues, les forestiers, les architectes, les urbanistes mais aussi les agriculteurs, chefs d'entreprises, développeurs… Il nous faut donc cibler les élus, qui jouent un rôle pivot en tant que garants de la qualité des territoires.

Les élus sont au coeur de tous les défis d'aujourd'hui. Ils sont exposés et en responsabilité face à des défis très compliqués : rendre leur territoire résilient, le préparer au climat pour 2050, l'engager dans la décarbonation ou encore, être sobres dans l'utilisation de toutes les ressources. Nous devons nous montrer à la hauteur et les accompagner. C'est pourquoi je veux vous annoncer qu'à la suite du plan d'action proposé par l'IGEDD sur la sensibilisation et la formation des élus locaux à l'approche paysagère, mes services ont demandé à l'Association des Maires de France et à la Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, d'élaborer une formation au paysage destinée aux élus. Cette sensibilisation des élus locaux à la démarche paysagère sera expérimentée dès septembre dans trois territoires pilotes. Une fois ces élus mieux formés, il faudra leur donner les outils nécessaires pour déployer cette démarche paysagère. Pour aller plus loin encore, je souhaite que les acteurs de l'aménagement par le paysage bénéficient d'une formation à la démarche paysagère. Pour cela, je vous annonce que je mobiliserai de nouveau l'IGEDD pour établir les conditions de mise en oeuvre opérationnelle d'un module de formation à l'intention, cette fois, des acteurs de l'aménagement. Il nous faut donc faire en sorte que la démarche paysagère devienne un réflexe dans toute politique d'aménagement. Par exemple, plusieurs études ont démontré que les quartiers qui ont été végétalisés ont connu une diminution de la violence urbaine, des cambriolages, de la violence domestique et d'une façon générale, une sorte d'apaisement.

La démarche paysagère doit être un levier pour la conservation de la biodiversité. Le Fonds vert permet déjà d'appuyer les démarches paysagères qui portent des actions de valorisation et de restauration de la biodiversité. Il faut le mobiliser davantage et inciter également les collectivités à porter ce type de démarche. Le Plan Paysage est un autre outil pour développer la démarche paysagère par les acteurs du territoire. Concrètement, à partir d'un diagnostic qualifiant les caractéristiques du paysage et ses enjeux, une stratégie est formulée au travers d'objectifs de qualité paysagère. Une fois le projet de territoire arrêté, un programme d'action est mis en place. Depuis 2013, 168 projets ont été accompagnés par le ministère avec un montant de 30 000 euros par projet, soit plus de 5 millions d'euros en dix ans. Je vous annonce que j'ai demandé à l'Office français de la biodiversité (OFB) de déployer en 2024 un axe biodiversité dans les appels à projets Plans de paysage. Pour accompagner cette nouveauté, j'ai donc demandé à l'OFB de participer au financement de dix plans de paysage en 2024, pour un montant total de 300 000 euros.

Enfin, il nous faut aussi démontrer et faire prendre conscience que nos modes de vie et nos politiques impactent le paysage. L'Etat avait confié en 1984 une mission photographique à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, afin de connaître l'état de la France après les Trente Glorieuses. Aujourd'hui, je vous annonce que nous confions à la chaire Territorialisation de l'université de Grenoble la mission d'analyser les effets de la loi de 1993 sur le paysage et les territoires. Il s'agira de rassembler les données quantitatives qui pourront mesurer ces impacts, notamment dans le domaine de la planification territoriale.

Au-delà de toutes les transformations réalisées depuis trente ans, et de toutes celles en cours, je veux terminer par saluer le travail et l'expertise des Paysagistes-Conseils de l'Etat. Les élus ne réussiront pas ces transformations sans le travail permanent de leurs paysagistes concepteurs et du vôtre. Vous êtes aujourd'hui plus de 150 experts sur lesquels nous nous appuyons, en administration centrale et en services déconcentrés. Vous avez en effet la connaissance des territoires et de leur aménagement, et c'est bien le paysage qui se trouve au coeur de vos préoccupations. Votre rôle auprès des services déconcentrés est fondamental sur un large éventail de sujets. Je pense à la lutte contre l'étalement urbain ainsi qu'à l'amélioration de la qualité paysagère au travers des opérations de renouvellement urbain. On peut citer également vos travaux concernant l'intégration des infrastructures de transports et de mobilité dans le paysage.

Pour toutes ces raisons, je suis très heureuse de pouvoir fêter avec vous cet anniversaire des 30 ans de l'Association des paysagistes-conseils de l'Etat. Je veux vous remercier, au nom de tous les Français, pour votre engagement et pour la passion que vous transmettez dans chacun des projets. Je vais à présent céder la parole à Lucile Schmid, que je remercie d'avoir accepté d'assurer l'animation des tables rondes toute la journée. Je tiens à vous souhaiter, à toutes et tous, une excellente journée et des débats riches qui permettront de faire avancer l'importante question du paysage, dont le gouvernement souhaite évidemment la valorisation.


Source https://objectif-paysages.developpement-durable.gouv.fr, le 5 décembre 2023