Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Dans un instant, le ministre de l'Education nationale. Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour Amandine BEGOT.
AMANDINE BEGOT
Et bienvenu sur RTL. C'est aujourd'hui la Journée de lutte contre le harcèlement scolaire, et vous avez des choses à nous annoncer. A tout de suite.
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YVES CALVI
Amandine BEGOT, vous recevez donc ce matin, le ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse, Gabriel ATTAL.
AMANDINE BEGOT
Gabriel ATTAL, on va bien sûr longuement évoquer cette Journée de lutte contre le harcèlement à l'école. Jour J aujourd'hui. Avant cela, un mot de la sécurisation des établissements scolaires. Lundi, cela fera un mois que Dominique BERNARD a été assassiné à Arras. Vous avez reçu en début de semaine les associations d'élus locaux, pour voir justement quels étaient les dispositifs les plus adaptés pour sécuriser ces établissements. Elisabeth BORNE s'est dite favorable à la généralisation des boutons d'appel dans les collèges et lycées. Est-ce que c'est ça, vraiment, la solution ?
GABRIEL ATTAL
En tout cas, je pense que c'est la solution que l'on doit souhaiter dans tous les établissements scolaires. Ensuite, est-ce qu'il faut des sas, est-ce qu'il faut des portiques, etc., ça c'est à voir au niveau local. Je rappelle que la sécurité des établissements, c'est la responsabilité de la région, pour le lycée, des départements pour le collège. C'est dans la loi, et donc ce n'est pas à nous, depuis Paris, de décider à la place des collectivités. Donc, j'ai reçu les associations d'élus. On a fait un diagnostic, puisque j'avais lancé une enquête flash sur tous les établissements. Ce que dit cette enquête, c'est que ¾ des collèges et lycées disposent d'une alarme anti-intrusion. Et donc, ce qu'il faut, c'est qu'on arrive à généraliser ce dispositif, pour tous les établissements. J'ai vu qu'à la suite de cette réunion, la présidente des Régions de France, Carole DELGA, s'est exprimée publiquement, en disant qu'elle y était favorable. Donc c'est comme ça que l'on va avancer, et je le dis, même si ce n'est pas la compétence de l'Etat, évidemment on ne se dérobera pas des responsabilités et on sera aux côtés des collectivités qui pourraient avoir des difficultés de financement. On a engagé depuis 2017, 170 millions d'euros – l'Etat – pour sécuriser les établissements scolaires.
AMANDINE BEGOT
183 élèves avaient été exclus pour avoir perturbé la Minute de silence en hommage à Dominique BERNARD, avant les vacances. Ces élèves devaient tous faire l'objet de conseils de discipline. Où est-ce qu'on en est, est-ce qu'il y a déjà eu des premières sanctions ?
GABRIEL ATTAL
J'avais pris un engagement très clair, l'autorité de l'école on ne la conteste pas, on s'y soumet. Et j'avais été clair sur le fait que toute perturbation de ce temps d'hommage à Samuel PATY et Dominique BERNARD, donnera lieu à des sanctions. Et vous l'avez dit, pour 183 élèves, sur les 500 et quelques qui ont fait des perturbations, ça a été particulièrement grave, avec des menaces, de l'apologie du terrorisme. Et donc, comme je m'y étais engagé, ils ont tous été exclus à titre conservatoire de leur établissement, ils ne sont pas retournés dans leur &établissement, à la rentrée, ils attendent leur Conseil de discipline, qui statuera.
AMANDINE BEGOT
Donc, ils n'ont pas encore eu lieu ces Conseils de discipline ?
GABRIEL ATTAL
Ça fait trois jours que la rentrée a eu lieu, il y en a certains qui sont convoqués cette semaine. J'aurais un point à la fin du mois, sur l'ensemble des Conseils de discipline et sur les sanctions qui auront été prises. C'est très important.
AMANDINE BEGOT
Mais on est d'accord, il y aura des sanctions pour chacun.
GABRIEL ATTAL
Ah ben bien sûr, oui. Il y a déjà eu une exclusion à titre conservatoire, il y aura en plus des sanctions disciplinaires, et je rappelle que la justice est saisie dans tous les cas, et qu'il y a eu des gardes à vue, il y a eu des interpellations, il y a des procédures judiciaires qui sont en cours.
AMANDINE BEGOT
Avant d'évoquer le harcèlement à l'école, un mot de cette marche de lutte contre l'antisémitisme qui est organisée à Paris dimanche. Vous y serez Gabriel ATTAL ?
GABRIEL ATTAL
Oui, aux côtés de la Première ministre, bien sûr.
AMANDINE BEGOT
Et est-ce que vous estimez vous aussi que le RN n'y a pas sa place ? C'est ce qu'a dit hier le porte-parole du gouvernement.
GABRIEL ATTAL
Je pense que les Français sont intelligents. Ils savent que, quand Jean-Luc MELENCHON dit qu'il ne souhaite pas participer, c'est parce qu'il cherche des voix. Ils savent que dans le Rassemblement national dit qu'ils veulent y participer, alors même, qu'au même moment, le président de leur parti refuse de rompre avec le passé antisémite de ce parti, c'est parce qu'il cherche des voix aussi.
AMANDINE BEGOT
Mais, est-ce que, sincèrement, vu la gravité de la situation, plus de 1 000 actes antisémites depuis un mois, c'est deux fois plus que toute l'année 2022, ça vaut toutes ces polémiques politiques, sincèrement ?
GABRIEL ATTAL
Moi, ce que je suis en train de vous dire, c'est que je pense que les Français sont suffisamment intelligents pour comprendre ce qui se joue derrière les prises de position ou les postures des uns et des autres, et que l'important c'est quoi ? L'important c'est de combattre l'antisémitisme, comme on combat toutes les formes de discrimination et de haine, qu'elles touchent les juifs parce qu'ils sont juifs, les musulmans parce qu'ils sont musulmans, les catholiques parce qu'ils sont catholiques, les origines de toutes sortes, il faut combattre la haine et la discrimination, et c'est pour cela que cette marche est organisée ce dimanche.
AMANDINE BEGOT
Donc, plus il y aura de monde, mieux ce sera, quelle que soit la couleur politique, j'ai envie de dire. C'est ce que vous nous dites.
GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il y a beaucoup de citoyens qui vont aller à cette marche, et je pense que c'est important de le montrer et de le marquer, et que c'est ça le message qu'ils veulent faire passer.
AMANDINE BEGOT
Venons-en à cette Journée de lutte contre le harcèlement à l'école. C'est un sujet qui nous tient à cœur ici à RTL. Deux heures y seront consacrées aujourd'hui dans tous les établissements. Les élèves du CE2 à la Terminale vont remplir, alors, pour ceux qui nous regardent sur rtl.fr, ou sur l'application, ce questionnaire, c'est un auto-questionnaire, adapté bien sûr à chaque fois en fonction de leur âge. C'est anonyme. Quel est l'objectif ?
GABRIEL ATTAL
Ce qui se passe aujourd'hui est inédit. Ça fait je crois 8 ans qu'il y a une Journée nationale de lutte contre le harcèlement, en général c'est autour de 30 % des établissements scolaires qui organisent une action. Cette année, j'ai décidé que ça serait 100 %. Donc, dans tous les établissements scolaires de France, les cours vont s'arrêter pendant deux heures, pour un débat sur le harcèlement, pour en parler et pour effectivement remplir ce questionnaire d'auto-évaluation. Ce questionnaire, on l'a rédigé avec des spécialistes, des scientifiques, des experts, Marcel RUFO, qui est très connu, le professeur RUFO, sur la santé psychologique des enfants, le docteur CATHELINE, le professeur DEBARBIEUX. A quoi il va servir ? A deux choses. D'abord il va permettre de libérer une parole. Il y a un sondage qui a été publié hier, qui montre que dans beaucoup de cas de harcèlement, l'élève qui est harcelé, n'ose pas en parler. Et donc, avec ce questionnaire d'auto-évaluation, il y a beaucoup de questions qui sont posées, ça permet d'identifier des situations de harcèlement, qui ne sont pas forcément identifiées aujourd'hui. Et donc de trouver des solutions, d'accompagner ces élèves. C'est la première chose. La deuxième chose, c'est que ça nous permettra, à nous, ministère, d'avoir des données au niveau national.
AMANDINE BEGOT
Une cartographie, en quelque sorte, du harcèlement, voir s'il y a des établissements où c'est plus sensible ou pas.
GABRIEL ATTAL
Les chiffres que l'on commente souvent, entre 800 000 et un million d'élèves qui sont harcelés, ils datent de 2011, il n'y avait pas TikTok, il n'y avait pas Snapchat à l'époque, il n'y avait pas le cyberharcèlement qui a pris une place extrêmement importante. Donc il faut qu'on puisse disposer de ces données…
AMANDINE BEGOT
Quand est-ce qu'on aura les résultats de ce questionnaire ?
GABRIEL ATTAL
On aura une remontée d'ici la fin du mois. Il y a des statisticiens qui vont travailler à partir d'un panel représentatif, plusieurs dizaines de milliers de questionnaires, qui seront remontés au niveau national pour avoir une cartographie.
AMANDINE BEGOT
Vous évoquiez ce sondage qui est publié, qui a été publié hier, et on s'aperçoit que le harcèlement ne touche pas forcément un enfant sur dix comme on le disait jusqu'ici, mais plutôt un sur cinq, c'est à dire deux fois plus. Autre enseignement, ce harcèlement, il a souvent lieu dans l'enceinte scolaire, on parle beaucoup beaucoup des réseaux sociaux, mais dans l'enceinte scolaire, en cours de récré, à la cantine. Quand est-ce que tous les personnels seront formés ? Tous. Je vous pose la question, parce qu'il y a quand même 65 % des enseignants qui aujourd'hui disent ne pas être armés.
GABRIEL ATTAL
Alors, d'abord, vous avez raison, il y a ce qui se passe dans l'école et le cyber harcèlement, mais en réalité, tout part toujours de ce qui se passe à l'école.
AMANDINE BEGOT
Bien sûr.
GABRIEL ATTAL
Des élèves qui sont cyberharcelés sur les réseaux sociaux, en général c'est un élève de l'établissement qui s'est mis à les cyberharceler, parce qu'ils sont dans le même établissement. Ensuite, sur la formation, qu'est-ce qu'on dit ? On dit que dans chaque établissement scolaire, il doit y avoir au moins cinq adultes formés spécifiquement sur le harcèlement, avec une vraie formation. C'est déjà le cas dans les écoles primaires, dans les collèges. Cette année, là, ça démarre au lycée. Et ce n'est pas que des enseignants, parce qu'on s'est rendu compte par exemple que former un personnel de la cantine, c'était très utile, parce qu'à la cantine, on voit beaucoup de choses, si un élève déjeune tout seul, si un élève se fait embêter à la cantine. Il y a des élèves ambassadeurs aussi. Et ensuite, donc ça c'est ceux qui sont, on va dire, spécifiquement formés pour gérer les situations. Et après, vous avez raison, il faut développer une culture du repérage, pour repérer des situations. Et c'est là où on travaille à des modules de formation en ligne, à destination d'enseignants qui le souhaiteraient, des délégués de classe, chez les élèves, des parents d'élèves aussi, moi j'ai beaucoup de parents…
AMANDINE BEGOT
Des parents, j'allais vous dire, parce qu'on est potentiellement parent d'enfants harceleurs aussi, et…
GABRIEL ATTAL
Oui, exactement. Moi j'ai beaucoup de parents qui me disent : mon enfant est peut être harcelé, je ne vois pas forcément les signes comment je peux être formé, savoir quels sont les signes pour détecter ça. Donc on travaille à cette plateforme qui sera mise en place début 2024, qui permettra aussi, vous avez raison de le dire, de détecter si son enfant est potentiellement harceleur ou en tout cas participe à ce mouvement-là. Il y a plus de harceleurs que de harcelés. Et donc je pense que là aussi, les familles ont une responsabilité.
AMANDINE BEGOT
Ont une responsabilité. Parmi les affaires dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines, il y a le suicide de Nicolas, 15 ans, c'était au tout début du mois de septembre. Vous avez annoncé cette semaine une procédure disciplinaire à l'encontre de l'ancienne rectrice de Versailles, qui était en poste quand les parents de Nicolas ont reçu cette lettre, les menaçant de poursuites, alors qu'ils alertaient justement sur la situation de leur fils. Cette ancienne rectrice dénonce une mise en cause totalement injustifiée, rappelant qu'elle était en congés quand cette lettre type a été envoyée, et qu'elle n'en a jamais eu connaissance. Est-ce qu'elle ne risque pas de payer, j'allais dire, pour les fautes de toute une institution ?
GABRIEL ATTAL
C'est une décision que j'ai mûrement réfléchie, évidemment. Moi je considère que sur le harcèlement, on ne peut plus faire comme avant. On ne peut plus mettre sous le tapis, et quand il y a des dysfonctionnements, il faut que ça donne lieu à des sanctions et à des procédures. Il faut rappeler de quoi on parle, Amandine BEGOT. Vous l'avez dit, il y a un jeune garçon de 15 ans qui s'est suicidé. Ce garçon était harcelé à l'école. Sa famille a écrit à l'institution qui est sensée la protéger, protéger son enfant, pour appeler à l'aide, et elle a reçu en retour un courrier de menaces. Et j'ai à l'époque qualifié explicitement ce courrier de honte, et je le redis, cette famille n'aurait jamais dû recevoir ce courrier. A partir de là, on ne peut pas faire comme avant, et donc j'assume effectivement d'ouvrir cette procédure disciplinaire, et la rectrice, l'ancienne rectrice, aura tout à fait la possibilité, dans le cadre de ce que l'on appelle le contradictoire, de se défendre et d'expliquer les choses de son point de vue.
AMANDINE BEGOT
Elle ne travaille plus dans l'Education nationale, elle est en mobilité à la direction d'un groupe d'écoles privées. De quel type de sanctions peut-elle vraiment faire l'objet ? En gros, ce n'est pas juste de la com, de dire « on va la sanctionner », alors même qu'elle n'est plus vraiment dans l'Education nationale ?
GABRIEL ATTAL
Non, elle n'est pas en détachement, elle est toujours fonctionnaire, elle a ce statut, et il y a toute une palette de sanctions qui existe, mais je ne vais pas, moi, avant que la procédure ait lieu, avant qu'elle ait la possibilité de s'exprimer dans le cadre de cette procédure et avant qu'il y ait des décisions dans le cadre de cette procédure, vous dire quelles seront les décisions. Je pense que l'important, encore une fois, et c'est le coeur de mon engagement, c'est que les choses ne soient plus comme avant, et que quand il y a des dysfonctionnements, il y ait des procédures ad-hoc qui soient ouvertes.
AMANDINE BEGOT
Ne jamais rien laisser passer.
GABRIEL ATTAL
Non.
AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Gabriel ATTAL.
YVES CALVI
« L'autorité de l'école, on ne la conteste pas, on s'y soumet », vient de nous dire le ministre de l'Education nationale.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 novembre 2023