Texte intégral
SONIA MABROUK
Place donc à la " Grande interview " sur CNEWS et Europe 1. Bonjour à vous, Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
SONIA MABROUK
Et bienvenu. Vous êtes le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer. Cet entretien intervient alors qu'une journée décisive démarre pour les projets de loi immigration. Une motion de rejet déposée par les écologistes pour émettre le Gouvernement en grande difficulté si et seulement si elle est soutenue par le RN et les LR. Hier, Gérald DARMANIN, au grand rendez-vous, Marine LE PEN a dit encore réfléchir à des arguments pour et des arguments contre. Eric CIOTTI, lui, veut absolument débattre du texte tel que sorti du Sénat. Donc les LR menacent de voter cette motion. Est-ce que vous vous préparez, Gérald DARMANIN, ce matin, à toutes les éventualités, y compris que ce soit à la fin, avant même le début, pour ce projet de loi ?
GERALD DARMANIN
Nous avons une majorité relative à l'Assemblée nationale. Mathématiquement, les oppositions réunies, quand elles s'opposent à la majorité au Gouvernement, gagnent. Donc mathématiquement, la motion de rejet est adoptée cet après-midi. Ça, c'est la logique classique. Maintenant, il y a la politique. Ce serait un déni de démocratie que de ne pas débattre de l'immigration. Parce que c'est quoi la motion de rejet ? C'est le rejet du débat. C'est-à-dire que les oppositions qui ne pensent pas du tout pareil ; les Verts qui vont porter cette motion de rejet comme LFI, ils sont pour la régularisation totale des sans-papiers, ils sont contre pour lutter contre les étrangers délinquants, sans les expulser peut-être. Ils sont dans un champ radicalement différent, bien sûr, de ce qu'on pense et radicalement de ce que pensent les LR par exemple. Eux, c'est normal qu'ils ne veulent pas de l'immigration, ça les dérange. Mais les LR ou le RN, ce serait quand même très particulier qu'on ne puisse pas, à l'Assemblée nationale, pendant quinze jours, débattre d'un sujet qui passionne les Français, qu'ils soient pour ou qu'ils soient contre le projet du Gouvernement. Donc ce serait un déni de démocratie.
SONIA MABROUK
Déni de démocratie ?
GERALD DARMANIN
Oui, ça serait un déni de démocratie.
SONIA MABROUK
Vous utilisez ce mot-là. C'est possible, en démocratie, il est possible de voter pour une motion de rejet. C'est tout à fait…
GERALD DARMANIN
Je suis député... ministre pendant le temps que je le suis ; mais j'ai été élu par mes électeurs pour débattre des sujets qui intéressent les Français. Qu'est-ce qu'ils vont dire à leurs électeurs, tous ces gens, en disant " l'immigration, c'est très important, il faut des mesures très fermes " ? Mais dès que le Gouvernement vient avec un texte (bon ou mauvais d'ailleurs), on est là pour l'amender, pour en discuter, pour voter pour ou pour voter contre. " Ah non, non, cachez-moi ce texte que je ne saurais voir. " Bon, ce n'est pas très sérieux. Donc je suis sûr que quand même, il y a des esprits dans les oppositions qui se disent " il faut débattre d'un sujet si important. " Il y a des mesures très fortes dans ce texte.
SONIA MABROUK
On va en parler, un instant…
GERALD DARMANIN
Mais si ces mesures fortes ne sont pas adoptées et que demain, après-demain ou après après-demain, il y a un drame ; une personne qui était un criminel ou un radicalisé étranger qui aurait pu être expulsé grâce à cette loi qui ne l'aura pas été. Quelle sera la responsabilité des parlementaires qui n'ont même pas voulu débattre pour ce sujet ? Elle serait énorme.
SONIA MABROUK
Vous faites porter la responsabilité d'éventuels actes criminels qui pourraient être effectués par ces délinquants étrangers sur des élus de la Nation ? C'est quand même une menace lourde.
GERALD DARMANIN
Mais c'est la vérité. Moi, je suis quelqu'un qui prend ses responsabilités. J'ai, à la demande du Président de la République, présenter un texte gouvernemental. Il a été adopté par le Sénat qui ne soutient pas le Gouvernement et pourtant il a accepté de débattre. Le Sénat lui-même - nous n'avons que 23 sénateurs qui nous soutiennent au Sénat sur 320 - a accepté de débattre. Et je remercie monsieur RETAILLEAU, monsieur MARSEILLE, monsieur LARCHER ; on a réussi à avoir un texte, on l'a présenté en commission des lois à l'Assemblée, nous étions minoritaires. Voilà, on a réussi à passer ce texte malgré tout. On l'a en débat avec l'Assemblée. La main est tendue notamment auprès des LR pour dire " prenons des dispositions que vous proposez pour le bien de la Nation, pour le bien de l'intérêt général. Travaillons ensemble. " Si la politique du pire et celle des oppositions, si vraiment ils ne veulent débattre d'aucun sujet, s'ils ne veulent pas qu'on parle d'immigration, alors que je crois que c'est une des préoccupations aujourd'hui des Français, je crois qu'en effet, ce sont les parlementaires qui auront cette responsabilité.
SONIA MABROUK
Gérald DARMANIN, la majorité relative à l'Assemblée vous pousse au compromis ; on l'a compris. Mais jusqu'où ? Vous venez de parler du texte sur le Sénat. Le texte au Sénat, vous venez de le saluer alors qu'il a été profondément modifié par rapport à la version originale. Et puis, vous avez salué aussi ce qui s'est passé en commission des lois à l'Assemblée. En fait, on se demande avec quel Gérald DARMANIN vous êtes d'accord.
GERALD DARMANIN
Mais je suis d'accord avec le texte tel que proposé par le Gouvernement, qui a été validé intégralement par le Sénat à deux articles près et intégralement par l'Assemblée nationale avec tous ses articles, cette fois-ci. J'ai présenté 27 articles ; sur ces 27 articles, il y a trois grands sujets : un, la simplification des recours. Aujourd'hui, il y a douze recours pour expulser un étranger ; je propose de passer à trois ; divisions par trois. On met deux ans et demi aujourd'hui à dire à quelqu'un de partir ; demain, on mettra neuf mois. Ça, le Sénat l'a voté ; l'Assemblée en commission des lois l'a voté. C'est très important pour appliquer les fameuses OQTF. Deux, les étrangers délinquants ; il y en a 4 000 par an que l'on peut expulser en plus et que je ne peux pas expulser parce que la loi m'en empêche. Le Sénat l'a voté, la commission des lois l'Assemblée l'a voté ; c'est ce que j'ai proposé. Tant mieux, c'est la sécurité des Français. Et trois, l'intégration. Il faut passer un examen de français pour avoir un titre de séjour. Le Sénat l'a voté et l'Assemblée l'a voté. Après, vous savez…
SONIA MABROUK
Monsieur le ministre, c'est difficile ce matin quand même d'assurer que c'est le même texte qui a été durci au Sénat, et détricoté à l'Assemblée nationale.
GERALD DARMANIN
Si, il y a eu 60 articles qui ont été rajoutés.
SONIA MABROUK
Alors pourquoi les LR ne veulent pas y aller ?
GERALD DARMANIN
Je ne suis pas membre des LR ; il faut leur poser la question. Je leur tends la main. Travaillons ensemble à la sécurité des Français.
SONIA MABROUK
Pourquoi ils ne la prennent pas ? Imaginons, Gérald DARMANIN, imaginons que tout à l'heure, à 16h, le RN s'abstienne sur la motion de rejet et qu'Eric CIOTTI et Olivier MARLEIX appellent à voter une telle motion de rejet. Que diriez-vous ?
GERALD DARMANIN
Je n'imagine pas que les LR, qui a une grande partie du Gouvernement, qui est un parti gaulliste, qui regarde, j'imagine, l'intérêt général avant les questions de politique politicienne, soient moins constructifs que ne pourrait être le Rassemblement national et surtout ne veut pas débattre de l'immigration. Enfin, madame MABROUK, si dans quelques heures, la droite refuse de débattre de l'immigration dans l'hémicycle, est-ce que ce serait bien sérieux ? Moi, je n'ai pas peur du débat. On dit depuis le début, " le Gouvernement... Le texte va-t-il passer ? Le Gouvernement a peur. Le Gouvernement de monsieur MACRON n'ose pas parler d'immigration. "
SONIA MABROUK
Vous n'êtes pas fébrile ce matin ? Non mais, vous jouez gros vous-même car finalement, le Gouvernement aussi…
GERALD DARMANIN
Ça n'a pas beaucoup d'intérêt, les aventures personnelles, quand il ne s'agit pas de l'intérêt général du pays. On n'arrête pas de dire, depuis le début du quinquennat du Président de la République : " Il est naïf sur l'immigration, il ne prend pas des mesures. " Là, nous présentons des mesures très fortes.
SONIA MABROUK
Très fortes, dites-vous ?
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas le Président qui a peur du débat, ce n'est pas le Gouvernement qui a peur du débat ; nous, on est là pour débattre, même dans une majorité relative. Ce serait l'opposition qui aurait peur de débattre ; ce serait la droite qui aurait peur de débattre aujourd'hui.
SONIA MABROUK
Vous transformez une opposition en peurs. Peut-être qu'ils vous répondraient ainsi, Gérald DARMANIN. Mais vous dites ce matin « votre main est tendue », jusqu'où pouvez-vous aller ?
GERALD DARMANIN
Mais discutons-en.
SONIA MABROUK
Mais par exemple, vous avez dit que vous pourriez vous engager à rétablir le délit de séjour irrégulier.
GERALD DARMANIN
Oui.
SONIA MABROUK
Vous engagez, c'est une chose ; mais est-ce que vous avez (comment dire) les moyens de tenir votre promesse avec l'aile gauche ?
GERALD DARMANIN
Alors, vous savez la majorité, elle a suivi le Gouvernement, et singulièrement le texte que j'ai proposé intégralement. J'ai entendu beaucoup de choses pour dire " Non, la majorité est courageuse. La majorité, elle sait qu'il faut des mesures fortes contre l'immigration irrégulière et pour l'intégration. " Moi, j'ai proposé en effet d'accepter la proposition des LR de délit de séjour irrégulier. Discutons-en. Vous savez, il y a un vote, c'est la démocratie. On va avoir quinze jours de débats. Les LR proposent un débat chaque année au Parlement, obligatoire. Je suis d'accord ; modifions le texte pour que chaque année, il y a un débat. Il faudrait qu'il y en ait un cet après-midi déjà ; ce serait déjà une bonne chose. Les LR disent " voilà, il faut encadrer l'article régularisation, on a peur d'un appel d'air. " Encadrons-le.
SONIA MABROUK
Quota ?
GERALD DARMANIN
Pourquoi pas.
SONIA MABROUK
Combien par an vous en débattrez s'il y a débat ?
GERALD DARMANIN
Mais il y a plusieurs débats. Les LR proposent plusieurs choses différentes selon les députés LR qui proposent. Il n'y a pas une position unanime, à ma connaissance, aujourd'hui. Et l'idée que le texte de régularisation s'arrête aujourd'hui en 2028, dise " avançons la date, on l'arrête à 27 ou 26. " Discutons-en. Il y a des gens qui veulent des quotas. En effet, pas plus de 7 000 - 10 000 par an. Discutons-en.
SONIA MABROUK
Ça peut être une mesure, comme dit par Edouard PHILIPPE au Journal du Dimanche.
GERALD DARMANIN
Oui, j'ai lu ce qu'a dit le Premier ministre, Edouard PHILIPPE. Et je le remercie du soutien sur le texte. Il est d'abord pour le délit de séjour irrégulier également, mais il faut en débattre. Si vous ne débattez pas de ce sujet…
SONIA MABROUK
Donc on a compris qu'aujourd'hui, tout se joue en réalité pour la suite. Vous demandez au moins qu'il puisse y avoir un débat.
GERALD DARMANIN
Le Gouvernement n'a pas peur de débattre. La question est : est-ce que l'opposition a peur de débattre ? C'est la seule chose. Que les Verts, que LFI soient contre le texte immigration et contre l'idée même de parler d'immigration, c'est normal. Ils sont par nature totalement opposés à ce qu'on essaye de faire. Mais que la droite puisse se dire aujourd'hui que pour faire un petit coup politique, ils voudraient empêcher les Français...
SONIA MABROUK
Vous croyez que c'est la raison ? Ils veulent simplement vous nuire, j'allais dire, personnellement et au Président de la République ?
GERALD DARMANIN
Non.
SONIA MABROUK
Qu'Olivier MARLEIX ait ces idées là en tête ?
GERALD DARMANIN
C'est possible que ce soit des questions personnelles. J'espère qu'elles seront écartées au moment où l'essentiel est en jeu, comme disait le général. Donc l'important, c'est de débattre.
SONIA MABROUK
Déni de démocratie, quand même ; je reste sur ce mot, Gérald DARMANIN. Vous qui avez souvent... Vous, je veux dire le Gouvernement a souvent utilisé le 49.3 ; souvent, j'allais dire, brocardé pour le déni de démocratie. Vous l'employez, vous-même aujourd'hui contre l'opposition ?
GERALD DARMANIN
C'est un fait, on ne pourrait même pas débattre une minute, une minute, de l'immigration, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, vous imaginez ?
SONIA MABROUK
Les Français le comprendraient, selon vous, s'il n'y pas de débat ?
GERALD DARMANIN
Ah non, je pense qu'ils ne comprendraient pas. Vous savez, la différence avec les Français est assez forte, entre le pouvoir politique et les Français, ils ont l'impression qu'on ne parle pas des sujets qui les intéressent, qu'on ne prend pas nos responsabilités et qu'on n'est pas courageux. Le gouvernement, sur un sujet qui n'est pas facile, l'immigration ce n'est pas facile comme sujet, c'est des femmes, des hommes, c'est des difficultés humaines très très fortes, qu'il s'agisse de personnes immigrées irrégulières ou de Français qui subissent une immigration qui est trop importante ou dérégulée dans certains endroits, là c'est un acte fort que dit le président de la République, " eh bien parlons-en, prenons des mesures, discutons-en. "
SONIA MABROUK
Mais, Gérald DARMANIN, que dit-il ? parce qu'on ne sait pas en réalité ce que pense Emmanuel MACRON, beaucoup estiment que parce que votre projet de loi ne porte pas sur les frontières européennes, ne porte pas sur Schengen, ne porte pas sur une réforme constitutionnelle, ne parle pas de l'immigration légale, eh bien ça ne s'attaque pas véritablement à l'entièrement du sujet.
GERALD DARMANIN
C'est tout à fait faux. D'abord, un, est-ce qu'on veut ou pas expulser les étrangers délinquants ? voilà, moi c'est une question simple que je pose. Je propose, dans le texte, à la demande du président, d'expulser, d'éloigner, les étrangers délinquants. Aujourd'hui j'en expulse, j'en éloigne 2500 par an, je pourrai faire 4000 étrangers délinquants de plus grâce à ce projet de loi
SONIA MABROUK
Vous le dites, vous communiquez largement, mais vous aurez pu le faire en dehors du projet de loi.
GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas vrai, il y a des modifications législatives à apporter. La loi…
SONIA MABROUK
Ça n'aurait pas pu modifier le CESEDA, le Code d'entrée d'asile… ?
GERALD DARMANIN
Non, c'est la loi le CESEDA…
SONIA MABROUK
Oui, mais… le faire en dehors du projet de loi immigration.
GERALD DARMANIN
Ah non, c'est la loi, pour changer la loi il faut la loi, il faut que les parlementaires la votent. Si la loi ne modifie pas le texte des étrangers, je ne peux pas expulser des étrangers délinquants, c'est la loi, le ministre de l'Intérieur il respecte la loi. Les policiers, les gendarmes, vous savez, ils ont énormément de moyens grâce à cette loi demain, ils vont pouvoir prendre les empreintes des étrangers irréguliers, aujourd'hui ils n'ont pas droit de le faire, ils vont pouvoir inspecter les voitures aux frontières, ils n'ont pas le droit de le faire, ils vont pouvoir mettre les passeurs devant des cours criminelles, alors qu'aujourd'hui c'est un simple délit…
SONIA MABROUK
C'est très important, mais que ne l'avez-vous fait avant alors ?
GERALD DARMANIN
Non mais, attendez, nous proposons quelque chose aujourd'hui, la question est de savoir si les parlementaires de droite donnent des moyens aux policiers et aux gendarmes, sinon c'est une trahison pour les policiers et les gendarmes, qui tous les jours sont à la frontière à Menton, qui sont à la frontière à Calais, qui sont à la frontière dans les Alpes…
SONIA MABROUK
Vous ne me répondez pas sur l'immigration légale, est-ce qu'en fait vous assumez une différence de projet avec la droite et le RN ? hier Marine LE PEN disait vous avez un projet " immigrationniste ", vous acceptez une immigration légale en augmentation, dit-elle.
GERALD DARMANIN
Non, mais il y a une différence, évidemment, entre le RN et nous, ça c'est certain, sur l'immigration légale. Nous on est contents d'avoir des étudiants étrangers qui viennent en France, on est heureux d'avoir une immigration économique, des ingénieurs, des personnes qui apportent à notre pays, Madame LE PEN pense l'inverse, ça c'est l'immigration légale, on peut toujours en discuter, d'ailleurs on propose un débat pour en discuter, donc ce serait étonnant qu'on n'en discute pas, sauf sur vos plateaux de télévision, mais c'est l'immigration irrégulière la difficulté. Nous sommes d'accord, me semble-t-il, pour dire qu'on doit arrêter l'immigration irrégulière. Pourquoi ? parce que ce sont des femmes, des hommes, des enfants, exploités par des passeurs qui sont des criminels. Dans ce texte il y a un arsenal juridique sans précédent pour lutter contre les passeurs, ces marchands de mort, et le débat, alors qu'il y a des femmes, des enfants, des vies des hommes en jeu, ne pourrait pas avoir lieu à l'Assemblée nationale ? donc il faut être sérieux, j'espère qu'il y aura ce débat, et nous verrons si au bout de 15 jours le gouvernement arrive à trouver un compromis avec les oppositions.
SONIA MABROUK
Sinon, je crois que votre phrase elle est importante ce matin, déni de démocratie. Gérald DARMANIN, après Edouard PHILIPPE au " Journal du dimanche ", vous-même avait reconnu hier sur Brut l'existence d'un racisme anti-blancs, après le meurtre de Thomas à Crépol, cela a agité le débat public, est-ce que c'est la fin d'un tabou aujourd'hui ?
GERALD DARMANIN
Moi j'ai toujours pensé qu'il y avait du racisme et qu'il touchait tout le monde, il touche les arabes, il touche les noirs, il touche les juifs, il touche la communauté asiatique, et il touche évidemment les blancs, bien évidemment. Le racisme, par nature, c'est la peur de l'altérité, c'est le refus de l'altérité et c'est la haine de l'altérité, donc évidemment qu'il y en a un contre les personnes de couleur blanche, personne ne dit le contraire. J'étais élu pendant 15 ans, je le suis toujours…
SONIA MABROUK
Personne ne dit le contraire ? ah si…
GERALD DARMANIN
J'espère bien.
SONIA MABROUK
Une grande partie de la gauche, ah bah si ! beaucoup disent le contraire.
GERALD DARMANIN
Ils sont dans le déni alors. Moi j'ai été élu local pendant très longtemps, j'ai vu des choses comme maire, du racisme qui touchait les maghrébins, qui touchait les noirs et qui touchait bien évidemment aussi les blancs, voilà, et ne pas le dire c'est ne pas dire la vérité.
SONIA MABROUK
Mais est-ce qu'on peut le dire dans notre débat public sans être menacé ? A cette même place il y a quelques jours c'est la maire de Romans-sur-Isère, Madame Marie-Hélène THORAVAL, qui a évoqué ce racisme anti -blancs, qui a par ailleurs dénoncé une minorité, a-t-elle dit, qui fait la loi dans le quartier de la Monnaie, vous le savez, elle a été menacée de décapitation, et puis après des prises de parole dans les médias elle a aussi été menacée en lui intimant de ne plus parler, je trouve que c'est fait dans une relative indifférence aujourd'hui dans le débat public et politique, comment réagit le ministre de l'Intérieur ?
GERALD DARMANIN
D'abord elle est très courageuse, Madame le maire, nous avons eu des contacts avec elle, j'ai constaté d'ailleurs qu'elle avait dit que j'avais eu raison de parler d'ensauvagement, nous avons regardé sa sécurité, aujourd'hui l'évaluation de sécurité montre qu'elle n'a pas à être protégée par des services de police 24/24h, mais, oui, nous la protégeons au sens où des consignes très strictes ont été données à Monsieur le Préfet pour pouvoir la protéger, c'est une maire très courageuse et elle doit évidemment pouvoir dire ce qu'elle souhaite, c'est vrai pour n'importe qui d'ailleurs, sur les plateaux de télévision, au nom de sa population. Moi, vous savez, j'ai été maire de Tourcoing, dans une ville qui est difficile également, les élus ils reçoivent des menaces tous les jours parce qu'il y a une forme, oui, d'ensauvagement contre eux, et moi je veux dire, qu'ils soient du Rassemblement national à LFI, les élus de la démocratie ils ont le droit de dire ce qu'ils souhaitent et la police sera toujours là pour les protéger.
SONIA MABROUK
Vous assumez le mot ensauvagement quand, il y a encore quelques jours, Elisabeth BORNE a parlé d'un sentiment de la violence qui augmente ? reconnaissez que le " en même temps " vire au grand écart sur ce diagnostic, Monsieur le ministre.
GERALD DARMANIN
Non mais, on n'a pas les mêmes sensibilités, moi je…
SONIA MABROUK
Là vous n'avez même pas la même vision du monde, des choses, si je puis dire
GERALD DARMANIN
Non, non… vous savez, quand on regarde les choses depuis quinze ans, on s'aperçoit qu'il y a à peu près le même nombre de meurtres chaque année, attentats terroristes à part, en France, à 50 près, ce que je constate an tant que ministre de l'Intérieur, en revanche, c'est la sauvagerie que nous constatons…
SONIA MABROUK
Les attaques au couteau comme ce qu'on a vu à Valenton ?
GERALD DARMANIN
La sauvagerie, la sauvagerie, la sauvagerie que nous constatons de plus en plus forte, voilà, moi je vois la réelle…
SONIA MABROUK
Mineurs, très très jeunes.
GERALD DARMANIN
Le rajeunissement de la violence, des auteurs comme des victimes, il faut le dire aussi, des auteurs comme des victimes, et quand à 14, 15 ans on donne des coups de couteau à un notre adolescent de 14, 15 ans, ce n'est pas de la faute de la police, je crois qu'il y a une question de parents, et une question de société, il y a une question d'éducation, il y a peut-être une question aussi d'immigration, d'intégration…
SONIA MABROUK
De justice peut-être.
GERALD DARMANIN
Une question de réponse pénale…
SONIA MABROUK
Qui n'est pas à la hauteur parfois. Souvent.
GERALD DARMANIN
Voilà, de réponse pénale, mais je pense qu'elle a fait beaucoup d'efforts la justice, elle doit encore beaucoup en faire, pour une réponse pénale beaucoup plus forte, mais moi ce que je voudrais c'est le réel. Ce qui m'intéresse ce n'est pas l'idéologie, en tant que ministre de l'Intérieur je vois le réel tous les jours, et oui, il y a des actes de sauvagerie, et il faut les dénoncer comme tels.
SONIA MABROUK
Vous avez annoncé hier, Gérald DARMANIN, la dissolution du mouvement Academia Christiana, présenté comme un mouvement catholique traditionaliste. Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin quelle menace ils représentent, est-ce qu'ils avaient un projet de violence qui était prévu ?
GERALD DARMANIN
Alors, vous l'avez vu cet été, ils ont notamment fait l'apologie de l'antisémitisme puisque là, vos émissions de télévision en ont beaucoup parlé, avec des personnes qui considéraient que les juifs n'étaient pas évidemment des hommes comme les autres, un très grand soutien à la collaboration au Maréchal Pétain, donc ce n'est pas une association qui correspond, nous semble-t-il, aux valeurs de la République, on va la dissoudre en Conseil des ministres et puis le Conseil d'Etat donnera son avis. Moi, vous savez, je me bats tous les jours pour lutter contre les séparatismes, d'abord l'islamisme radical.
SONIA MABROUK
Quel qu'il soit ; mais certains se demandent pourquoi vous ne visez pas d'abord justement les Frères musulmans, l'islamisme radical, avant de vous attaquer à un mouvement catholique traditionaliste.
GERALD DARMANIN
Vous savez Madame MABROUK, excusez-moi, je n'ai pas de leçons à recevoir de ce point de vue. J'ai été le ministre de l'Intérieur qui, depuis quatre ans, a proposé le plus de mosquées, d'associations, de commerces, qui sont dans l'islam radical, à être dissous ou fermés, voilà, ce sont des centaines de structures que nous avons fermées, et donc en premier lieu c'est l'islam radical le problème. Et puis il y a l'ultragauche et l'ultradroite, qui sont aussi des menaces. Si je prends l'exemple des attentats, c'est 43 attentats déjoués de l'Islam radical, donc c'est le plus important, la menace la plus forte, c'est 13 attentats d'ultradroite. Je pense qu'on peut aussi…
SONIA MABROUK
Vous faites une hiérarchie claire.
GERALD DARMANIN
Non…
SONIA MABROUK
Vous dites d'abord la menace c'est la menace islamiste.
GERALD DARMANIN
Ah oui, bien sûr, les services de renseignement évoquent que la première des menaces c'est l'islam radical, mais il y a aussi, il y a aussi, une d'ultradroite et d'ultragauche, donc il faut la combattre. Quand on est républicain et démocrate, même quand on a des envies de fermeté, comme je pense les Français l'ont, on doit regarder que tous ceux qui attaquent la démocratie, la République, doivent être écartés, me semble-t-il, d'un point de vue administratif, et poursuivis pénalement.
SONIA MABROUK
C'est une question que je vous pose, qui parle à la fois de démocratie et de justice, Gérald DARMANIN, il y a deux personnalités politiques aux convictions très différentes, François BAYROU et Marine LE PEN qui font face à un procès, quasiment similaire sur les affaires dites des assistants parlementaires au Parlement européen, de détournement, soupçons de détournement de fonds publics, François BAYROU, lui, il attend son verdict pour janvier, il s'est défendu pendant cinq semaines, et Marine LE PEN attend son procès pour début 2024. Je vous pose la question directement, est-ce que c'est à la justice de décider du destin politique de ces personnalités, dont l'une, ça ne fait pas de doute, elle sera candidate pour 2027 ?
GERALD DARMANIN
D'abord je veux apporter mon soutien à François BAYROU, c'est un camarade évidemment politique, lui dire qu'évidemment je souhaite que la justice reconnaisse son innocence, j'aime beaucoup François BAYROU et je veux vraiment lui dire mon soutien. Pour Madame LE PEN, je suis en désaccord avec Madame LE PEN, chacun le sait, mais je pense qu'on bat Madame LE PEN dans les urnes, dans les campagnes, pas dans les prétoires. Je n'aime pas trop, la justice fait son travail, elle est indépendante bien évidemment, mais je n'aime pas le principe de chouette, chouette, elle pourrait être inéligible, elle ne pourra pas se présenter à l'élection présidentielle, moi je pense que ce ne serait pas quelque chose de positif, bien évidemment. Madame LE PEN elle représente un courant d'opinion très important, qu'il faut combattre, ce que je regrette, c'est pour ça que je veux un débat à l'Assemblée nationale avec elle, cet après-midi notamment, mais je ne considère pas que ce soit à la justice d'empêcher les électeurs de voter. Donc je respecte les décisions de justice, je veux simplement dire que je n'aime pas cette façon de faire de la politique quand je vois que des gens peuvent se réjouir de ça, et donc j'aimerais que nous battions Madame LE PEN dans les urnes, à la loyale, et que les Français croient en leur démocratie.
SONIA MABROUK
Projet contre projet donc.
GERALD DARMANIN
Exactement.
SONIA MABROUK
Merci Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
SONIA MABROUK
Merci, c'était votre « Grande interview » ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 décembre 2023