Déclaration de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur la politique agricole au sein de l'Union européenne, à Bruxelles le 11 décembre 2023.

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  • Marc Fesneau - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Arrivée au Conseil Agriculture

Texte intégral


M. Marc Fesneau : "Je suis très heureux d'être là ce matin pour le Conseil des ministres de l'agriculture. Il y a des sujets qui sont des sujets d'importance : les NBT/NGT, avec une proposition espagnole dont la France dira tout le bien qu'elle pense, notamment sur un certain nombre d'éléments qui avaient été demandés sur la transition écologique. Premièrement, le fait que ça vienne bien servir les intérêts de la transition écologique, du “farm to fork”. Et, deuxièmement, que ça vienne bien évidemment veiller à la brevetabilité, parce que c'est un sujet qu'on avait mis sur la table. Je m'exprimerai en ce sens. Il y a encore quelques ajustements, des clauses de revoyure qui sont demandées pour pouvoir rassurer les uns et les autres en continu, mais je pense qu'on est tout prêt d'un moment où on peut trouver la majorité qualifiée.

Deuxième sujet, transport des animaux et bien-être animal. Comme vous le savez, c'est une préoccupation constante de la France. Préoccupation de transporter les animaux dans des conditions de bien-être qui soient satisfaisantes et, en même temps, de faire en sorte qu'on puisse continuer à transporter des animaux. Sinon, on créerait des conditions de distorsion avec des pays tiers. La France est une pays qui transporte des animaux vivants et elle répond à un certain nombre de pays tiers qui veulent qu'on transporte des animaux dans ce « format-là » si vous me permettez cette expression et le point d'équilibre est à trouver entre ces contingences-là.

Un point de marché. Nous ne l'avions pas fait la dernière fois, on va le faire là : un point de marché qui est un point important pour nous parce que ça permet de voir la situation des marchés agricoles. Le collègue du ministère des affaires étrangères ukrainiens était là avec vous, on sait bien à quel point il y a besoin de solidarité avec l'Ukraine et en même temps on sait qu'aux frontières de l'Europe les plus à l'Est, cela peut avoir des conséquences en termes de déstabilisation de marché, avec toujours les mêmes sujets qui sont posés à la Commission. J'espère que nous aurons des réponses. Et par " point sur les marchés ", on entendra aussi " où en sont les marchés ? " : quels sont les flux, quelles sont les tendances, quelles sont les perspectives ? Ça, c'est évidemment un élément très important sur lequel il faut qu'on travaille parce que, sinon, on arrivera pas à donner de la crédibilité. On a besoin de confiance sur la question des marchés.

Puis corollaire de ça aussi : le travail que nous poursuivons au niveau français. On est un continent : l'Union européenne aura importé cette année 20 millions de tonnes de céréales. C'est-à-dire 20 millions de tonnes de plus que ce que nous avions fait l'an dernier. On ne peut pas se trouver dans cette situation sans se poser des questions, notamment la question qu'on pose sur l'équilibre des marchés et sur notre capacité européenne à produire dans ce contexte ce qui me permet de rappeler la demande exprimée par la France la BCAE-8. Il y a bien d'autres sujets mais enfin voilà les points qui sont des points de vigilance et puis ça permettra de discuter aussi de la future présidence belge puisque, dans 15 jours quasiment, on va démarrer une nouvelle présidence.


Q : Sur les pesticides, est-ce qu'il faut continuer à travailler au Conseil, maintenant que le parlement a rejeté la proposition ?

M. Marc Fesneau : Est-ce que le sujet des pesticides est un sujet devant nous ? La réponse est oui. Est-ce qu'avant qu'il y ait échec - ou pas, d'ailleurs - de SUR [règlement sur l'usage durable des pesticides], nous travaillons sur les pesticides au niveau français comme européen ? La réponse est oui. Donc on a besoin de continuer à travailler sur la question des pesticides ; c'est une question de responsabilité. On ne peut pas à la fois ne pas vouloir se retrouver dans des situations d'impasse ou d'interdiction sans solution et ne pas essayer de travailler. Deuxièmement, on a besoin plus que jamais d'harmonisation européenne sur ces sujets-là. Donc on va voir comme relancer une mécanique. C'est aussi très symbolique cette affaire de SUR : quand vous avez des positions aussi radicales de part et d'autre, voilà ce à quoi on arrive : à rien. C'est-à-dire entre ceux qui veulent aller beaucoup trop loin par rapport aux exigences et à la combinaison d'exigences et ceux qui ne veulent rien changer. Résultat des courses, quand vous êtes dans cette situation là, vous n'avancez pas. C'est quand même une leçon pour tous celles et ceux qui ont envie qu'on avance sur ces sujets-là et qui trouvent qu'à force d'être radicaux de part et d'autre, en fait on n'avance pas. Je ne suis pas sûr que ça serve les intérêts des agriculteurs et que ça serve les intérêts de nos concitoyens et des consommateurs européens. Donc il faut remettre l'ouvrage sur le métier, comme on dit. C'est dans cet ordre-là qu'il faut le faire et on va essayer de trouver un point de convergence. Notre intérêt collectif, c'est d'avoir les mêmes méthodologies d'évaluation. Bref, le travail est plus que jamais au niveau européen, parce que, si on veut activer les clauses miroirs, si on veut faire valoir nos positions européennes, c'est donc au niveau européen qu'il faut une réglementation. On a intérêt à avoir une réglementation car un certain nombre de questions n'ont pas été levées, et d'interrogations n'avaient pas été levées sur la capacité à produire notamment, et les conséquences du règlement tel qu'il était proposé, il faut qu'on continue à y travailler.

Q : Sur les NGT, est-ce que l'approche générale de la Présidence espagnole vous convient maintenant qu'elle a été modifiée ou est ce qu'il y a encore du travail ?

M. Marc Fesneau : Il y a toujours un peu de travail sur un certain nombre de sujets : clause de revoyure - comment on travaille avec une revue par les pairs qui pourrait arriver à partir de 2026, et quelques éléments sur lesquels nous allons faire des propositions - mais on approche quand même, on voit bien qu'on approche d'un moment d'équilibre. On a besoin de ces technologies ; on ne peut pas à la fois porter la volonté de transition, la volonté d'avoir à disposition du matériel végétal permettant à la fois de réduire l'utilisation des pesticides et avoir du matériel végétal qui permette de lutter contre les effets du dérèglement climatique, c'est à dire qui résiste mieux à la sécheresse, à la chaleur, et ne pas se douter d'un outil qui est en train de se multiplier dans le monde avec des clauses de sécurité. La France a toujours été attachée à cela, à des clauses de sécurité et de vigilance, qui nous semblent être quasiment atteintes dans la proposition espagnole.

Q : Vous ne comprenez pas que l'Autriche ou l'Allemagne, mais aussi la Roumanie sont vraiment réservés concernant les NGT ?

M. Marc Fesneau : J'essaie de ne pas commenter la position des autres États membres ; je vous donne la position de la France. J'ai trop de respect pour les Autrichiens, les Allemands et les autres. Le travail européen, c'est un travail de convergence : essayer de trouver un compromis. Il peut arriver qu'on ne soit pas d'accord, et j'essaie de comprendre, et c'est pour ça d'ailleurs que nous avons dit que cela doit servir des objectifs de transition. C'est pour ça que nous avons dit qu'il fallait bien distinguer la catégorie 1 de la catégorie 2 ; c'est pour ça que nous demandons une clause de revoyure. Bref, nous avons essayé collectivement, en pensant à ces collègues-là, d'essayer de trouver un terrain de compromis. Nous-mêmes Français, il a pu arriver que nous soyons sur des sujets où c'était pour nous blanc ou noir ; ça ne peut pas être blanc ou noir, ce sont des technologies qui portent beaucoup d'espoir, il faut juste mettre des balises, et c'est ce qu'on s'est employé à faire, et c'est ce qu'on va continuer à s'employer à faire.

Q : Qu'est-ce qu'il se passe s'il n'y a pas de majorité aujourd'hui ?

M. Marc Fesneau : On verra, c'est la vie européenne. J'essaie de ne pas être dans la politique fiction, il se passe que j'ai besoin de NGT-NVT, qu'on en a collectivement besoin, les 27, pour assurer notre souveraineté. Donc on va essayer de trouver une autre convergence. Je ne me mets jamais dans une situation d'échec, parce que si je suis là, c'est pour essayer de trouver une solution et réussir à trouver une solution et un compromis, sinon, il ne faut pas faire de politique".


Source https://ue.delegfrance.org, le 12 décembre 2023