Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur l'aide aux réfugiés, à Genève le 13 décembre 2023.

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Circonstance : 2ème Forum mondial sur les réfugiés

Texte intégral

Monsieur le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Cher Filippo Grandi,
Mesdames et Messieurs les chefs d'Etat ou de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,


C'est un très grand honneur pour la France de coparrainer ce deuxième Forum mondial sur les réfugiés. Le Président de la République et la Première Ministre m'ont chargée de les représenter et de réaffirmer le plein engagement de la France, à vos côtés, pour aider les réfugiés.

Le Haut-commissariat pour les réfugiés a été créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour venir en aide aux milliers de personnes orphelines d'une Europe détruite. Sa mission devait durer trois ans mais, sept décennies plus tard, le HCR reste plus que jamais indispensable.

Je veux rendre hommage à son travail exceptionnel et à celui de ses personnels pour aider des millions de personnes à survivre et à reconstruire leur vie après avoir fui l'horreur de la guerre.

La multiplication des conflits armés a contraint des millions de personnes, de plus en plus, à l'exil : plus de 110 millions de personnes avaient été déplacées de force l'an dernier, vous l'avez rappelé, dont un tiers de réfugiés.

Alors que s'achève la COP28, avec un consensus appelant à une sortie des énergies fossiles afin de permettre d'arriver au "net zéro" en 2050, comme c'est indispensable - ambition qu'il va maintenant falloir concrétiser - je tiens aussi à rappeler que le dérèglement climatique a des conséquences très lourdes sur les mouvements migratoires. Le "Pacte de Paris pour les peuples et la planète", lancé par le Président de la République au sommet de Paris en juin, doit nous permettre d'avancer pour agir face à l'urgence climatique comme pour lutter contre la pauvreté.

Depuis l'adoption en 2018 du Pacte mondial sur les réfugiés, nous apportons une réponse globale. Mais cette réponse doit être aussi une réponse adaptée à chacun des conflits armés.

La tyrannie du régime syrien a mis sur les routes plus de 13 millions de personnes. En Jordanie et au Liban, on sait ce que représente l'accueil de ces millions de réfugiés.

L'agression russe contre l'Ukraine a forcé le départ de 8 millions d'Ukrainiennes et d'Ukrainiens, qui ont abandonné leurs foyers et tout ce qu'ils possédaient pour fuir la guerre.

Au Haut-Karabagh, près de 100 000 Arméniens ont dû quitter leur territoire en quelques jours après l'offensive de l'Azerbaïdjan cet automne.

Au Soudan, les affrontements militaires, qui durent, forcent le déplacement de millions de personnes.

La France continuera donc à soutenir le HCR et a décidé de tripler, en trois ans, sa contribution financière, comme elle s'y était engagée. Cette contribution s'élèvera à 120 millions d'euros pour le compte de l'année 2023 et la France s'efforcera de la maintenir à ce niveau en 2024.

La France agit également auprès des réfugiés palestiniens, qui sont pris en charge par l'UNRWA. Lors de la conférence internationale humanitaire organisée par la France à Paris le 9 novembre dernier, nous avons augmenté notre contribution française à 100 millions d'euros pour porter secours à la population civile de Gaza, dont 54 millions pour l'UNRWA. La France a appelé lors de cette conférence à une trêve humanitaire durable, qui doit conduire à un cessez-le-feu.

Il faut par ailleurs soutenir les pays limitrophes des zones de conflits armés, qui sont les premiers pays d'accueil. Ils doivent pouvoir accueillir dignement les réfugiés et leur offrir des perspectives. C'est l'esprit de ce pacte mondial sur les réfugiés, fondé sur un "partage de la charge et des responsabilités".

Il faut également offrir un soutien technique, juridique et organisationnel aux Etats engagés dans le développement du droit d'asile. La France s'y emploie avec le HCR. Je pense par exemple au Tchad qui, depuis le mois d'avril, a accueilli près de 500 000 réfugiés soudanais en garantissant les droits, l'intégration et la protection des réfugiés.

La France a consacré cette année 8 millions d'euros pour soutenir via le HCR les pays voisins du Soudan et une coopération entre l'agence en charge de l'asile en France, l'OFPRA, et les autorités tchadiennes sera lancée prochainement.

Une autre activité prospère sur les crises et mérite toute notre attention : il faut lutter résolument contre les réseaux criminels, qui exploitent la misère et de la détresse des plus fragiles et les condamnent à la pauvreté, à l'exploitation voire, parfois, à la mort. J'en suis convaincue nous devons nous mobiliser davantage, collectivement, pour éliminer la traite des êtres humains, par des poursuites judiciaires, par des sanctions sévères et par le tarissement des financements de ces trafics. La France vient d'adopter cette semaine un nouveau plan national de lutte contre la traite.

Enfin, nous devons contribuer à alléger la pression qui s'exerce sur les pays d'accueil. Chacun doit prendre sa part. La France prend la sienne.

Face à la crise en Afghanistan, la France a su réagir vite et accueillir les Afghanes et les Afghans fuyant les Talibans.

Face à l'agression russe contre l'Ukraine, la France a accueilli, dès le printemps 2022, plus de 100 000 Ukrainiennes et Ukrainiens, dont 20 000 enfants étudient aujourd'hui dans des écoles françaises.

La France accueille aussi 3 000 réfugiés par an dans le cadre du programme de réinstallation du HCR. Elle maintiendra cet engagement en 2024 et en 2025.

Un accueil digne exige non seulement une solution d'hébergement décent et pérenne mais aussi un accès à l'éducation, à la formation, à l'emploi. Pour les pays d'accueil, on sait que c'est un défi. Il faut y répondre. C'est pourquoi la France accompagne, dès leur arrivée sur le territoire national, les réfugiés ayant obtenu le droit d'asile. Et je tiens à saluer ici l'action remarquable de toutes nos administrations et des associations qui travaillent avec elles en ce sens. La France a ainsi mis en place plusieurs programmes dédiés :

Le programme "Agir", pour accompagner 4 000 réfugiés vers un logement pérenne et un emploi durable ;

Le programme "HOPE", pour apprendre à 4 500 réfugiés le Français et qu'ils puissent accéder ainsi à la formation professionnelle ;

L'initiative "Volont'R", pour que 10 000 jeunes réfugiés ou primo-arrivants s'engagent dans un service civique ;

Le programme "Fai'R", pour permettre à de jeunes réfugiés venant d'arriver en France de rencontrer d'autres réfugiés déjà établis et de nouer des liens grâce au sport, à la culture et à la citoyenneté.


Mesdames et Messieurs,

Dans ce contexte si difficile, je tiens à mettre en lumière la situation particulière des femmes, dont les droits continuent d'être violés, bafoués, sur les douloureux chemins de l'exil comme dans plusieurs pays de départ. Et je pense notamment, une fois de plus, à l'Afghanistan, où le régime des Talibans leur impose des châtiments corporels, des traitements dégradants et inhumains, piétinent tous leurs droits et veulent les effacer de la vie en société, étouffer leurs rêves et leurs espoirs. Je pense plus largement aux 55 millions de femmes qui sont réfugiées. 55 millions.

La France est au rendez-vous et dans le cadre de sa diplomatie féministe, officiellement nous avons une diplomatie féministe. Elle s'engage à réinstaller en France, via le dispositif "Femmes en danger", des femmes réfugiées isolées et particulièrement vulnérables, notamment les victimes de violences, d'exploitation ou de traite des êtres humains. Ce dispositif sera mis en place conjointement avec le HCR et permettra, dans un premier temps, l'accueil de femmes afghanes. Je pense en particulier, au moment où je prononce ces mots, à Masomah, qui est aujourd'hui avec nous au banc de la France. Son exemple, votre exemple Masomah, prouve que le sport peut être une voix d'intégration et de succès pour les personnes réfugiées et prouve que notre pays est un pays accueillant. Merci d'être là.

Nous devons également mieux prévenir, identifier et orienter les demandeuses d'asile, les femmes réfugiées, les victimes de la traite et de violences liées à leur genre. C'est pourquoi nous allons renforcer la coopération entre les acteurs institutionnels et associatifs, pour permettre une mise à l'abri plus efficace, permettre un accès à l'hébergement d'urgence et à l'accompagnement social et sanitaire.

Et je suis fière de lancer aujourd'hui l'initiative "Avec elles", portée par la France pour renforcer la protection des femmes et des filles réfugiées. Cette initiative invite chaque Etat, chaque acteur de la société civile, à prendre des mesures concrètes pour la protection de ces femmes, de ces filles, dans l'ensemble de leur parcours d'exil, jusqu'à leur intégration dans la société du pays d'accueil. J'appelle chacune et chacun d'entre vous à redoubler d'efforts, à s'engager pour elles, pour que ces femmes menacées, persécutées et arrachées de force à leur foyer bénéficient de notre aide à tous.


Mesdames et Messieurs,

Dimanche dernier, avec le Président de la République, au Palais de Chaillot, sur les lieux mêmes où la Déclaration universelle des droits de l'Homme fut prononcée, nous célébrions les 75 ans de cette déclaration, Déclaration universelle pour des droits de l'homme dont je rappelle qu'ils sont universels. Ce socle doit nous rassembler, nous guider, et ce socle nous oblige.

Aujourd'hui, nous devons nous engager à faire plus, à faire ce qu'il faut tout simplement, pour aider celles et ceux qui fuient la guerre et les persécutions à retrouver une vie digne, en paix, en sécurité, en liberté et quand les conditions le permettent, à revenir.

Monsieur le Haut-Commissaire, cher Filippo Grandi, le HCR, ses équipes, ces femmes et ces hommes engagés, incarnent cette mission.

La France est au rendez-vous, et le restera. Elle fera en sorte que ce Forum soit un lieu de principes, d'action et d'humanité. Pour eux, pour elles, avec eux, avec elles.


Je vous remercie.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2023