Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour.
OLIVIER VERAN
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes porte-parole du Gouvernement, bien sûr, ministre chargé du Renouveau démocratique également. Et vous avez eu une nuit plutôt courte, vous étiez hier soir à l'Elysée avec le chef de l'État pour un dîner autour de l'avenir du projet de loi Immigration. On va en parler dans le détail. Y aura-t-il forcément un texte in fine, ça ne paraît pas si sûr, si l'on en croit les sources qui nous ont raconté ce dîner, le chef de l'État envisage en cas d'échec des discussions entre députés et sénateurs, que l'on puisse abandonner purement et simplement le projet de loi Immigration, est-ce que vous confirmez cette idée ?
OLIVIER VERAN
D'abord, de quoi on parle, on parle d'une commission mixte paritaire, qui est un phénomène totalement normal, c'est la règle d'ailleurs dans un parcours législatif, qu'il y ait eu une motion de rejet ou pas de motion de rejet. Donc on réunit 7 sénateurs, 7 députés, personne n'a la majorité à lui tout seul, ni nous ni les LR, ni d'autres…
ADRIEN GINDRE
Donc il va y avoir des discussions…
OLIVIER VERAN
Et on propose donc... exactement, on propose à des parlementaires de se mettre d'accord.
ADRIEN GINDRE
Et donc si cette CMP n'aboutit pas à un compromis, le texte est abandonné ?
OLIVIER VERAN
Eh bien, cette CMP, d'abord, nous, on a envie qu'elle aboutisse, on a envie qu'elle aboutisse parce qu'on a besoin d'un texte pour protéger les Français…
ADRIEN GINDRE
Alors, ça, on va en parler longuement, c'est le scénario le plus favorable, et vous savez quoi, on va consacrer l'essentiel de l'interview…
OLIVIER VERAN
Mais, permettez-moi…
ADRIEN GINDRE
Au scénario le plus favorable…
OLIVIER VERAN
Permettez-moi de considérer…
ADRIEN GINDRE
Évacuons d'abord le plus défavorable...
OLIVIER VERAN
Permettez-moi de considérer que cette CMP, elle a vocation, d'abord, à être favorable, parce que les parlementaires en responsabilité sont conscients qu'on a besoin d'avoir des éléments législatifs pour lutter contre les nouvelles menaces terroristes…
ADRIEN GINDRE
Ça s'entend, mais donc si elle est non-conclusive, s'il n'y a pas d'accord, qu'est-ce qui se passe ?
OLIVIER VERAN
Eh bien, ça veut dire qu'il n'y aurait pas eu de possibilité de s'entendre, en tout cas, les parlementaires n'auraient pas réussi à faire un peu de terrain, un peu de chemin l'un vers l'autre, pour arriver, encore une fois, à garder, ne serait-ce qu'un socle de protection des Français contre les menaces terroristes…
ADRIEN GINDRE
Et donc, le Gouvernement, pour cela…
OLIVIER VERAN
Vous comprenez qu'en disant ça…
ADRIEN GINDRE
... On arrête…
OLIVIER VERAN
En disant ça, je ne peux pas envisager que ça arrive, parce que, que vous soyez de droite, que vous soyez de gauche, que vous soyez du centre ou autres, vous avez conscience qu'aujourd'hui, on l'a vu, quand quelqu'un de dangereux est arrivé sur le territoire national, même avant l'âge de 13 ans, qui ne respecte pas les règles de la République, qui ne respecte pas les valeurs, et qui présente un potentiel de dangerosité, qui fait qu'il peut commettre un attentat, potentiellement, on n'a pas envie qu'il reste sur le territoire pour voir. On veut pouvoir l'expulser. Et ça, quel que soit votre bord politique, quand vous êtes parlementaire, vous en avez conscience, et les Français l'attendent. Donc ça veut dire…
ADRIEN GINDRE
... Personne n'a la majorité à lui tout seul…
OLIVIER VERAN
Mais ça veut dire, ce que je suis en train de vous expliquer, Adrien GINDRE, ça veut dire que ce n'est pas tout ou rien, ça veut dire qu'on part d'un texte qui est un texte qui a déjà remanié, par la majorité, par les sénateurs d'opposition, etc, et on leur dit en fait : regardez sur quelle version du texte vous pouvez trouver un accord ensemble, au-delà des postures politiques, et en définitive, il y a quand même un socle dans ce texte, un socle fondamental, qui est un socle qui permet de lutter contre le terrorisme. Donc ça, si vous voulez, si vous me demandez à moi, qui fais de la politique depuis douze ans, qui suis engagé pour l'intérêt général, et qui connais mes collègues, y compris ceux qui ne pensent pas comme moi, et que vous me demandez s'il est possible qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord sur ces enjeux très forts pour mieux corriger ce qui ne fonctionne pas, mieux lutter contre l'immigration illégale, mieux encadrer l'immigration économique, je vous dirais que là, vous me mettez dans un scénario qui, à mon sens, ne devrait pas exister, ce serait celui des postures, et je n'ai pas envie d'y croire. Voilà. Maintenant, ce qui est clair, il y a deux choses qu'il faut tout de suite écarter, et que je lis dans la presse depuis un moment, c'est que, en 1°) il n'y a pas de 49.3, ça veut dire que si des parlementaires ne se mettent pas d'accord à travers cette CMP ou s'ils se mettent d'accord et que les Assemblées rejettent l'accord, parce que ça peut aussi arriver, hélas...
ADRIEN GINDRE
Il faut valider les conclusions de la CMP encore une fois…
OLIVIER VERAN
De la Commission mixte, eh bien, il n'y aurait pas de 49.3, on prendrait acte de cela. Et la deuxième chose qui est importante, parce que je lisais qu'il y avait des projets de dissolution, etc., certainement pas, certainement pas, et à l'évidence, non. Voilà.
ADRIEN GINDRE
Alors, vous venez de nous confirmer deux éléments très importants, pas de 49.3 à l'Assemblée nationale, et pas de projet de dissolution. Je vais m'arrêter un instant sur ce que vous venez de nous dire, vous avez vous-même rappelé à quel point ce texte est important de votre point de vue. Je ne comprends pas la logique à dire : pas de 49.3. Si ce texte est si important, et que vous avez la chance d'avoir une CMP conclusive, c'est-à-dire, un compromis entre députés et sénateurs, pourquoi ne pas aller au bout, et dire : on veut que ce compromis à tout prix soit validé. Et donc, nous irons au 49.3 pour avoir une loi, la loi que nous souhaitons.
OLIVIER VERAN
Parce que, Adrien GINDRE, ça fait bientôt 1 an, ça fait bientôt 1 an qu'on tend la main aux oppositions en leur disant : sur ce sujet majeur pour les Français, d'ailleurs qui est populaire dans l'opinion, avec un avis favorable des Français sur ce projet de loi, ce qui n'est pas toujours la règle, ça ne vous aura pas échappé, ça fait bientôt 1 an qu'on cherche la voie d'un accord. Donc nous, on considère que cet accord, il doit être trouvé. Encore une fois, on se positionne dans l'idée d'y arriver. Ensuite, si on voit que, vraiment, il n'y a pas de voie de passage parlementaire pour ça, eh bien, on peut chercher d'autres solutions, j'imagine, parce qu'on a besoin d'avoir des mesures pour lutter contre l'immigration illégale et pour protéger les Français. Donc on ne veut pas se positionner encore une fois dans une dynamique de passage par le 49.3, même si, encore une fois, la Constitution le permettrait. Mais ce n'est pas notre souhait. Notre souhait, c'est de dire en fait aux parlementaires, à un moment donné, on met deux secondes de côté les postures, les Français nous ont demandé, ils nous ont envoyé un message il y a un an demi, ils nous ont mis en majorité relative, ça veut dire que personne ne peut gouverner seul. Et ils ont dit, les Français nous ont dit : vous devez chercher des accords. On le fait sur plus de 50 textes avec Elisabeth BORNE depuis un an et demi. Sur un texte comme celui-ci, chacun peut comprendre qu'il y a un côté un peu totémique, notamment pour la droite, qui n'a pas envie, a priori, de donner un point à la majorité, sur ce qui est peut-être son dernier marqueur politique. Mais nous, on leur dit : ce n'est pas une question de totem et de marqueur. Personne ne prendra le point. C'est une victoire collective que nous cherchons.
ADRIEN GINDRE
Olivier VERAN, quelle est la différence entre un texte comme les retraites où vous êtes allé au 49.3, et un texte comme l'immigration où vous dites : pas de 49.3 ? Quelle est la logique ?
OLIVIER VERAN
Eh bien, le texte de référence sur les retraites, d'abord, il était annoncé dans le cadre de la campagne. C'était un grand axe de la politique économique et sociale. Et donc il fallait aller au bout, et parce que l'impact économique potentiel d'une non-réforme des retraites aurait été flagrateur, on aurait une inflation plus importante, un chômage qui aurait monté plus vite, on n'aurait pas eu la note... on n'aurait pas eu le maintien de la confiance du marché économique dans notre pays donc. Et il n'y avait pas d'alternative, en aucun cas, à ce que nous fassions notre réforme par voie législative.
ADRIEN GINDRE
Mais est-ce que les conséquences ne sont pas pires, là, que la note de Standard & Poor's par exemple, quand Gérald DARMANIN, au 20h de TF1, lundi, dit : si on n'a pas ces mesures, des drames nous attendent, si on n'a pas ces mesures, moi, je dis aux Français : nous n'aurons pas les outils pour les protéger. Donc, vous nous dites, vous pouvez, par la Constitution, utiliser le 49. Mais vous ne le ferez pas. Donc, en fait, on sera dans le scénario que décrit Gérald DARMANIN, sans ces outils, des drames nous attendent ?
OLIVIER VERAN
Non, je vous dis que sur ce projet de loi-là, ce projet de loi, s'il n'obtient pas une majorité de parlementaires, s'il n'y a un accord qui est identifié entre majorité et opposition. On ne veut pas aller à un 49.3 sur ce projet.
ADRIEN GINDRE
Donc ça veut dire en creux que vous pourriez représenter un nouveau projet de loi écrit différemment, avec…
OLIVIER VERAN
Mais ça veut dire que je ne fais pas de politique... enfin, ça veut dire que je ne fais pas de politique-fiction. On a un objectif et on l'assume. Mieux protéger les Français, et ils l'attendent de notre part, ils l'attendent du Gouvernement. Et ils savent que nous avons un texte qui est sur la table, et il est favorablement accueilli par l'opinion. Ils l'attendent de la part de leurs parlementaires, au-delà des postures de chacun. Donc maintenant, on n'est pas dans un jeu de rôle. Ce n'est pas un livre dont vous êtes le héros, et vous tournez la page, page 23, vous lancez le dé, vous faites un 49.3. Ce n'est pas comme ça que ça marche. On dit aux parlementaires, là-dessus, c'est quelque chose... dans ce texte, il y a des mesures sur lesquelles tout le monde peut être d'accord. Donc à vous de nous dire que vous êtes capables de faire ce geste. Nous, on est capables de faire aussi un geste et d'avancer les uns vers les autres.
ADRIEN GINDRE
Si se produit le scénario que vous venez de décrire, pas de CMP conclusive ou alors pas de vote à l'Assemblée qui permette de valider ces conclusions. Que devient Gérald DARMANIN ? Il aura échoué à porter le projet de loi Immigration. Il quitte le Gouvernement ?
OLIVIER VERAN
Mais, pardon, vous remarquez en fait que toutes les questions que vous me posez visent à savoir si on va échouer, et ce qui va se passer quand on aura échoué. Moi, je ne fais pas de politique en me disant qu'on va échouer…
ADRIEN GINDRE
À tel point que le Gouvernement s'est fait surprendre par la motion de rejet lundi…
OLIVIER VERAN
Eh bien oui, mais enfin, il s'est fait surprendre, pardon, par une alliance, oui, effectivement, vous avez raison. On a été surpris de voir que la quasi-totalité des députés de l'extrême droite votaient avec la quasi-totalité des députés de l'extrême gauche, votaient avec la quasi-totalité des députés... pas la quasi-totalité, mais une grosse partie des députés de partis de gouvernement qui depuis 40 ans se partagent le pouvoir à la tête de l'État et qui savent normalement être responsables. Cette alliance…
ADRIEN GINDRE
... Est-ce qu'il ne faut pas regarder la réalité politique en face ?
OLIVIER VERAN
Cette alliance n'est pas une majorité alternative, ce n'est pas des gens qui sont capables de gouverner ensemble. Ils se détestent, ils ne pensent pas pareil. D'ailleurs, ils ont voté la même motion pour des raisons diamétralement opposées. Donc oui, effectivement, il y a quelque chose qui est un peu indécent à ce qui s'est passé. Eh oui, donc, quand c'est indécent en général, c'est plutôt surprenant.
ADRIEN GINDRE
Oui, alors, faire le constat, c'est une chose, et on ne peut pas être en désaccord avec vous, ce sont des gens qui ne pensent pas la même chose qui ont voté ensemble, mais après, il y a la conclusion politique que vous en tirez. Qu'est-ce que vous faites alors que vous avez face à vous une majorité des contraires ? Vous parliez tout à l'heure de la dissolution, vous dites : elle est écartée. Pourquoi écarter la dissolution par principe ?
OLIVIER VERAN
Mais pourquoi vous voulez... d'abord, pardon, ce dont on est en train de parler, c'est-à-dire des tensions politiques autour des enjeux de l'immigration, nous, en France, on a une focale très franco-française. Mais quand vous élargissez un petit peu le spectre, vous regardez ce qui se passe autour de nous en Europe. Ce débat, ces enjeux sur l'immigration, les risques terroristes, ils sont en train d'enflammer a minima et d'animer toute la classe politique des pays qui nous entourent. Ça a parfois des conséquences électorales très dures, comme l'accession par exemple de l'extrême droite au pouvoir. On l'a vu en Italie, on le voit aux Pays-Bas, et on voit ce que ça entraîne derrière, l'Italie, madame MELONI est aujourd'hui en train de demander l'aide de l'Europe. Et c'est la France qui, sous la présidence européenne, a porté une réforme profonde de l'immigration au niveau européen. Et on a obtenu un accord qui aujourd'hui permet à l'Italie d'être plus efficace pour lutter contre l'immigration illégale. Donc on voit que ce mouvement-là, il n'est pas que franco-français. Encore une fois, il est européen…
ADRIEN GINDRE
Quel rapport avec ne pas vouloir de dissolution…
OLIVIER VERAN
Donc vouloir tirer des conclusions politiques nationales sur un sujet qui, en réalité, dépasse le seul cadre national, serait une double erreur. D'abord, ce serait concevoir qu'il y aurait mieux au bout d'une dissolution, et qu'on aurait un Parlement qui serait plus gouvernable. Pour moi, ce serait aussi une erreur démocratique, parce que je pense, je considère, je suis même convaincu que les Français, en fait, ça leur va bien qu'on n'ait pas la majorité tout seul, ça leur va bien qu'on soit obligé de chercher des accords avec la droite et avec la gauche, et ils voient aussi, en tout cas, j'espère, on essaye de le montrer, que la plupart du temps, 90 % des cas, on y arrive à trouver ces accords-là. Donc ça veut dire que ni sur le fond ni sur la forme, une mesure blaste de nature dissolution serait de nature à répondre, 1°) Aux enjeux de sécurité, et 2°) Aux enjeux de stabilité politique.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que c'est parce que vous craignez que, en cas de dissolution, ce soit le Rassemblement national qui ait la majorité, Jordan BARDELLA, très tranquillement, hier, dit qu'il est enclin à devenir Premier ministre de cohabitation en cas de dissolution de majorité. Il est prêt, il est préparé pour Matignon…
OLIVIER VERAN
Mais Jordan BARDELLA, Premier ministre, on peut deux secondes... je ne sais pas si ça fait rêver les gens. Moi, ça ne me fait ni rêver ni cauchemarder. Je n'y crois pas. Mais on peut rêver deux secondes de son casting gouvernemental, puisqu'on parle toujours de monsieur BARDELLA et de madame LE PEN quand on parle du RN. Mais ça veut dire qu'on met qui au gouvernement ? On met qui au gouvernement ? On met monsieur de FOURNAS, ministre de la Mer, parce qu'il disait qu'il retourne en Afrique, en parlant de... en réponse à un député qui était d'origine nord-africaine, ça veut dire qu'on met monsieur ODOUL, ministre de l'Agriculture qui demandait si la corde avec laquelle un agriculteur s'était pendu était bleu-blanc-rouge. On met monsieur ENGELMANN, maire de Hayange, ministre des Solidarités, qui a coupé l'électricité et l'eau au Secours Populaire en plein hiver. On met monsieur RACHLINE, ministre des Transports, parce qu'il aime bien faire des blagues sur Hitler quand il est dans des voitures allemandes. Et on met monsieur JACOBELLI, ministre de l'Intérieur parce qu'il insulte un député d'origine maghrébine de racaille. Je peux continuer, la liste est longue. Quel est l'appareil RN qui gouvernerait aux côtés de madame LE PEN et de monsieur BARDELLA ? Ce sont ces personnes-là. On en parle moins. Ils figurent en haut du panier. Ministre de la culture, tiens…
ADRIEN GINDRE
Ce n'est pas aux Français d'en décider ?
OLIVIER VERAN
Monsieur BOCCALETTI, ministre de la Culture, le député du Var, qui tenait juste avant d'être député, une librairie révisionniste. On peut le mettre ministre de la Culture aussi pendant qu'on y est. Vous voyez ce que je veux dire. Cela n'est pas rationnel…
ADRIEN GINDRE
Mais vous citez…
OLIVIER VERAN
Le RN…
ADRIEN GINDRE
Notamment des parlementaires qui ont été élus par les Français, des maires qui ont été réélus, un parti dont la candidate est arrivée au second tour…
OLIVIER VERAN
Mais je respecte le fait que les gens soient... je respecte l'élection démocratique des gens. Je dis juste : attention, attention, derrière la vitrine du RN, derrière cette stratégie de notabilisation, derrière cette volonté de paraître différent, derrière les grands discours sur "j'ai changé, je ne suis plus antisémite, je ne suis plus réactionnaire, je suis limite pro-européen", en fait, ils n'ont pas changé. On va mettre ministre des Affaires européennes, vous savez qui on va mettre ? Monsieur SANCHEZ, le maire de Beaucaire, il a inauguré une rue, rue du Brexit dans sa commune, vous voulez qu'on regarde l'impact du Brexit sur l'immigration et sur l'islamisme en Angleterre. Donc tout ça n'est pas raisonnable…
ADRIEN GINDRE
... continuer en plateau votre tournée des villes RN…
OLIVIER VERAN
Eh bien, non, mais je vous dis juste, non, mais, si vous voulez, je vois parfois des gens qui ne voient plus la menace en fait, et qui disent : c'est presque désuet de le rappeler…
ADRIEN GINDRE
Là, vous parlez des Français…
OLIVIER VERAN
Moi, je considère que le RN, ils sont inefficaces et ils sont dangereux, donc ils sont inefficaces. Et nous, on est en train de restaurer des services publics dans les territoires, on remet des entreprises, des industries, on recrée de l'emploi, on remet des brigades de gendarmerie là où il n'y en avait plus, 238 sur tout le territoire national. Ça, c'est une politique qui est efficace. Et je rappelle aussi à côté de ça, que le RN est aussi dangereux. C'est l'extrême droite et ça n'a jamais marché dans le monde, et encore moins en France quand elle était au pouvoir.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que pour continuer de gouverner la France dans de bonnes conditions, dans un bon climat, il n'y a pas malgré tout des conclusions à tirer de la situation dans laquelle vous êtes, dans la situation dans laquelle la France est, les armes de référendum, de convention citoyenne que vous aviez vous même portées, je crois, un temps, sur l'immigration ? Tout ça, c'est oublié, c'est au placard. On n'en reparlera plus pour le quinquennat ?
OLIVIER VERAN
Mais pourquoi vous dites ça ?
ADRIEN GINDRE
Eh bien, c'est la question que je vous pose.
OLIVIER VERAN
Non, au contraire, moi, j'y crois énormément…
ADRIEN GINDRE
... Plus de référendum ni convention citoyenne…
OLIVIER VERAN
Alors, d'abord, pardon, il y a des choses qui sont moins visibles, mais qui sont très efficaces. Je pense à mon appli, l'appli qu'on a lancée, Agora, que vous pouvez télécharger sur les plateformes. On en est à la neuvième consultation en l'espace de deux mois, on a plus de 100 000 téléchargements, ça veut dire que ça fonctionne. Cette semaine, c'est la Première ministre qui a lancé une grande consultation sur l'impact de l'intelligence artificielle dans la vie des gens et dans les métiers des gens. On tient compte de ce que nous disent les gens, on revient vers eux. On a fait des consultations sur l'Europe, sur l'énergie, sur la jeunesse, le handicap aussi en ce moment ; et puis, ils peuvent nous interroger avec des questions citoyennes auxquelles on répond chaque semaine. Et vous avez sur l'appli des vidéos de réponses des ministres, y compris sur des questions qui ne nous font pas plaisir. Donc on joue le jeu…
ADRIEN GINDRE
Donc il n'y a rien à changer…
OLIVIER VERAN
Ensuite, vous avez les conventions…
ADRIEN GINDRE
Ça fonctionne déjà…
OLIVIER VERAN
Non, pas du tout. Mais ça veut dire qu'on innove. Ça a deux mois, pardonnez-moi, ce dont je vous parle. Vous avez des conventions citoyennes qui ont été lancées par le président, celle sur la fin de vie qui va donner lieu à deux grands plans sur les soins palliatifs et sur un modèle de fin de vie à la française. Vous avez les CNR, les Conseils de la Refondation, qui permettent de bouger dans le domaine de la santé, des…
ADRIEN GINDRE
... Le chef de l'État dit c'est un moment solennel pour la majorité, sur notre capacité à gouverner, on est à un tournant du quinquennat ou on n'y est pas ?
OLIVIER VERAN
Mais on est toujours à un tournant du quinquennat. Il n'y a pas un texte de loi...
ADRIEN GINDRE
On fait des zigzags…
OLIVIER VERAN
Mais non, mais, non, mais là, il y a un moment de clarification, c'est certain, c'est-à-dire que les oppositions ont fait un coup, elles ont dit : eh bien, extrême droite, extrême gauche. En fait, ils nous ont dit : ce n'est pas qu'on n'est pas d'accord avec votre texte, c'est qu'on a envie de vous faire mal. Bon, eh bien, voilà, ils ont fait le coup, maintenant, maintenant que c'est fait, on est à quelques semaines de Noël et du Nouvel An. Nous, on aimerait bien que les Français, ils puissent partir en vacances en se disant que nous disposons d'outils dans la loi supplémentaires pour être plus efficaces pour les protéger…
ADRIEN GINDRE
Alors, à commencer par le premier d'entre eux, parce que si on a bien compris, Emmanuel MACRON veut une CMP, et on y revient, rapide, en tout cas, que le texte soit adopté rapidement. Ce matin, la présidente de l'Assemblée évoquait une CMP probablement lundi ou mardi. Quel est votre souhait ? Quand cette CMP doit-elle se tenir ?
OLIVIER VERAN
Ce n'est pas à moi de dire quel mon souhait. Moi, je souhaite effectivement... je pense que ça ne sert à rien de laisser traîner. Voilà, je pense que ça ne sert à rien, il ne va rien se passer si on attend trois, quatre, cinq semaines entre le vote d'avant-hier et la commission mixte, donc on a plutôt intérêt à aller vite. Nous, on veut encore une fois garder l'unité de la majorité. C'est un truc qui est précieux. Moi, j'ai connu sous le mandat HOLLANDE, les frondeurs, etc, pas de ça chez nous, il ne manque pas de voix, chez nous, on est unis, et ça, on veut le conserver. On veut être toujours dans cette logique du dépassement en politique. Ça veut dire qu'on vienne de la gauche, qu'on vienne de la droite, on est capable de trouver un noyau, un socle commun qui s'appelle l'intérêt général, et qu'on le suive. Et on veut de l'efficacité, c'est-à-dire qu'on veut des nouveaux outils dans la loi pour être plus efficace pour protéger…
ADRIEN GINDRE
Donc janvier, ce n'est pas une option…
OLIVIER VERAN
Une fois qu'on a dit ça…
ADRIEN GINDRE
L'idée que la loi serait…
OLIVIER VERAN
Une fois qu'on a dit ça, non, mais une fois qu'on s'est dit qu'on a quelque chose qui permet l'unité et le dépassement et l'efficacité, vous comprendrez qu'on considère que plus vite c'est fait, mieux on se porte.
ADRIEN GINDRE
Janvier, ce n'est pas une option ?
OLIVIER VERAN
Mais non, ce serait tard, janvier, parce qu'encore une fois, je crois que tout le monde a conscience de notre volonté de lutter plus efficacement contre l'immigration illégale. Et je pense que le moment est venu de conclure cela, parce que ça fait bientôt 1 an qu'on en parle…
ADRIEN GINDRE
Quand le chef de l'État...
OLIVIER VERAN
Ça fait 1 an que quand vous m'invitez sur les plateaux, vous me parlez de ce projet de loi…
ADRIEN GINDRE
Ah oui, oui, il y a beaucoup de sujets qui prennent beaucoup de temps parce que parfois c'est compliqué de gouverner en majorité relative…
OLIVIER VERAN
Merci de le reconnaître…
ADRIEN GINDRE
... En Conseil des ministres, chacun devra prendre sa part, majorité comme opposition. Et que dans le même temps, Eric CIOTTI dit : le seul texte que nous soutiendrons, c'est le texte du Sénat. Comment on fait ? Où est la voie de passage, qui doit bouger ?
OLIVIER VERAN
Ça veut dire que tout ça est dans la recherche d'un compromis, ce n''est pas de la compromission, c'est deux mots qui sont différents et le compromis, c'est très joli, compromission, ce n'est pas très joli. Et nous, on veut un compromis. Donc ça veut dire qu'on veut trouver un équilibre entre les positions des uns et des autres.
ADRIEN GINDRE
Par exemple, abandonner les régularisations, abandonner le titre de séjour, métiers en détention, ce serait un compromis ou de la compromission ?
OLIVIER VERAN
Il faut comprendre qu'une commission mixte paritaire, ce sont les parlementaires qui sont en charge de trouver cet accord, c'est à dire, ce n'est pas moi un porte-parole du Gouvernement sur un plateau de télé qui va commencer à distiller les bons et les mauvais points.
ADRIEN GINDRE
Donc il n'y a pas de ligne rouge du Gouvernement.
OLIVIER VERAN
Je vous ai dit notre ligne, non pas rouge, mais verte, c'est celle de l'unité, c'est celle de l'efficacité et c'est celle du dépassement.
ADRIEN GINDRE
Mais l'unité, juste je traduis pour le spectateur, Olivier VERAN, quand vous dites ça, moi je comprends l'unité de la majorité, elle passe par le maintien du titre de séjour métier en tension, elle passe par le maintien des mesures de régularisation dont LR ne veut pas.
OLIVIER VERAN
Ça passe aussi par le maintien de dispositifs qui ont montré leur efficacité et qui ne constituent pas des appels d'air dans l'immigration. C'est toutes ces discussions…
ADRIEN GINDRE
Mais vous ne m'avez pas répondu, le maintien…
OLIVIER VERAN
C'est toutes ces discussions qu'on a depuis des semaines. Je ne rentrerai pas dans le fond de la négociation, ce n'est pas mon rôle de le faire. Il y a la séparation des pouvoirs chez les ministres en charge des questions démocratique, donc je pourrais vous dire ce que moi, je pense, mais ce que moi, je pense, vous voyez, c'est ça le dépassement, je suis capable d'effacer ce que je pense pour l'intérêt général dès lors que ça va dans le bon sens et que ça va dans le cadre de l'unité du pays par rapport à ce que sont mes convictions à moi en la matière, je pense que je suis capable de bouger sur un certain nombre de points si en face de moi, les autres personnes comprennent qu'il y a des choses qui seraient inacceptables à mes yeux. Et que par contre je considère que la personne qui est en face de moi et qui pense radicalement différemment de moi sur l'AME par exemple, est capable de considérer comme moi que oui, permettre d'expulser plus tôt et plus efficacement des gens qui ne respectent pas nos valeurs et qui constituent une menace, ça paraît être la base.
ADRIEN GINDRE
Quand le chef de l'État dénonce le cynisme, l'incohérence, le jeu du pire, quand Eric CIOTTI lui répond, nous insulter, c'est insulter les Français. Est-ce que les conditions sont réunies pour pouvoir parler ensemble ? Est-ce que c'est comme ça qu'on dialogue ? Hier, à votre place d'ailleurs Olivier MARLEIX disait, il faut que Gérald DARMANIN change de ton.
OLIVIER VERAN
Je pense qu'encore une fois, les messages ont été passés. Chacun a passé des messages. Maintenant, c'est la commission mixte paritaire. Moi, je ne commente pas les propos du président et je ne les ai pas entendus d'ailleurs, soit dit en passant, que je n'ai pas l'air de réagir là-dessus.
ADRIEN GINDRE
Il n'a pas eu ces mots en Conseil des ministres hier, il n'a pas dit le cynisme, l'incohérence, le jeu du pire ?
OLIVIER VERAN
Les mots sont rarement lapidaires. D'accord. Par contre, on peut tous constater que ce qui s'est passé avant hier n'est pas une grande victoire de l'intérêt général, et je crois que ça ne rehausse pas l'image déjà très dégradée que se font les Français de la classe politique en général et je me mets dedans quand je dis ça. Bon, donc maintenant, est ce qu'on peut encore une fois, mettre de côté les bisbilles, le côté politicaillerie et être capable d'avancer sur le fond ? Moi j'y crois, j'y crois parce que même si je sais encore une fois que l'immigration est totémique et que c'est encore une fois le truc, le sujet sur lequel la droite n'a pas envie de donner le sentiment qu'elle pourrait être d'accord avec nous, ce n'est pas ce qu'on leur demande. Ce n'est pas ce qu'on leur demande. Et ils peuvent conserver des idées en propre. Ils peuvent conserver des projets en propre. Je respecte le pluralisme en politique.
ADRIEN GINDRE
Sur la méthode, le ministre de l'Intérieur a fait savoir qu'il allait porter plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse en réaction à des accusations de marchandage sur son projet de loi immigration ou sur les textes précédents. On a entendu ce matin, Benjamin LUCAS dans le 6/9 de Guillaume CERIN, la députée Insoumise Mathilde PANOT a dit qu'elle disait le procureur parce qu'il leur aurait été proposé des casernes de gendarmerie ou des postes de police à des députés en échange de leur soutien. Ça existe, ça le marchandage ? On pratique le marchandage au Gouvernement ?
OLIVIER VERAN
Est ce qu'on pratique le marchandage ? Qu'elle est la nature de votre question en fait, vous me demandez si on fait des choses qui sont légales ou pas légales ? Non attendez, moi j'ai connu et j'ai été ministre en charge pendant la période Covid peut-être de 15 projets de loi un peu compliqués, vous voyez ça s'appelait les états d'urgence sanitaires, on devait acter des choses dans des conditions difficiles avec des parlementaires d'opposition qui étaient de plus en plus crispés. Je ne sais pas ce que c'est que le marchandage, on peut discuter avec des parlementaires pour leur dire voilà pourquoi est-ce que j'estime qu'il serait bon que vous votiez ce projet de loi pour protéger, parce que c'est nécessaire etc… Mais on n'est pas dans la négo sur la base d'autres critères que celui de la loi qu'on veut faire adopter.
ADRIEN GINDRE
Il y a parfois des bonnes nouvelles en matière de négociations puisque la France salue une victoire du multilatéralisme du côté de la COP.
OLIVIER VERAN
Oui c'est important. Oui mais c'est pareil la COP 28 tout le monde lui tire dessus depuis des jours en disant ça ne sert à rien, c'est un scandale etc… et puis là alors ce matin finalement première fois que l'ensemble des pays de la planète se mettent d'accord pour dire les énergies fossiles, on en sort, on en sort et on se donne les moyens d'en sortir. Comme quoi vous voyez, quand on croit que la situation est perdue, c'est là que des belles choses arrivent.
ADRIEN GINDRE
Et une fois que les paroles sont prononcées, il faudra des actes là aussi. Bonne journée Olivier VERAN, merci d'avoir été notre invité.
OLIVIER VERAN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 décembre 2023