Interview de Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, à France Info le 13 décembre 2023, sur le manque de médecins traitants notamment pour les patients en affection de longue durée (ALD) et le calendrier de la future loi sur la fin de vie.

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Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Agnès FIRMIN LE BODO.

AGNES FIRMIN LE BODO
Bonjour.

SALHIA BRAKHLIA
On va parler avec vous dans un instant d'un sujet qui compte pour tous les Français, la fin de vie. C'est vous qui êtes en première ligne au gouvernement, le projet de loi à venir et la question des soins palliatifs, on va en parler. Mais d'abord, abordons cette crise politique majeure qui s'ouvre après le rejet du texte immigration à l'Assemblée nationale par les oppositions. Vous étiez hier en Conseil des ministres. Est-ce que vous avez l'impression de faire partie d'un gouvernement en sursis ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Pas de crise politique majeure. Il s'est produit à l'Assemblée nationale comme la Constitution le prévoit une motion de rejet. Elle a été votée. Le texte qui a été rejeté par les parlementaires – on pourra peut-être y revenir – avec une alliance de la carpe et du lapin sur un texte dans lequel certains défendent 100 % immigration, la gauche et l'extrême gauche, et d'autre 0 immigration et ont voté le même texte et la même motion de rejet. La CMP aura lieu dans les jours à venir et le texte…

JEROME CHAPUIS
Mais un des principaux ministres du gouvernement, sur un des sujets principaux de préoccupation des Français, qui est rejeté par une majorité de partis certes hétéroclites, vous appelez ça comment si ce n'est pas une crise politique ?

AGNES FIRMIN LE BODO
La Constitution permet, le règlement de l'Assemblée nationale permet que cette motion de rejet existe. Il se trouve qu'elle a été votée. On peut le regretter parce que, en fait dans tout ça, c'est la démocratie qui est perdante.

SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas démocratique ce qui s'est passé ?

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est la démocratie qui est perdante. C'est-à-dire qu'en fait, on ne peut pas débattre d'un texte. Le RN dont l'immigration est le fonds de commerce, on lui propose un débat, refuse le débat. Une partie des LR qui souhaitent voir les enjeux autour de l'immigration évoluer, on propose le débat, le débat est rejeté, et votent et s'allient - je le redis : une alliance de la carpe et du lapin - avec une motion de rejet déposée par les écologistes pour faire blocage et ne pas débattre sur un sujet, je le redis pour une partie d'entre eux, qu'ils souhaitent voir évoluer.

SALHIA BRAKHLIA
Agnès FIRMIN LE BODO, vous-même vous êtes issue des rangs des Républicains. Vous avez été élue en 2017 sous l'étiquette des Républicains. Eric CIOTTI, le patron des LR, dit que l'Assemblée a sanctionné le mépris de Gérald DARMANIN. Concrètement, si ç'avait été un autre ministre, la suite aurait été différente ?

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est la question à Éric CIOTTI qu'il faut poser. Je ne vais pas revenir dans ces sujets d'hommes et ces batailles d'hommes, c'est stupide. On est bien là dans un texte…

JEROME CHAPUIS
C'est une histoire personnelle, c'est une affaire personnelle

AGNES FIRMIN LE BODO
Ça, vous poserez la question à Eric CIOTTI, ce n'est pas moi qui vais vous répondre. Je ne sais pas ce qu'il y a dans la tête d'Eric CIOTTI.

JEROME CHAPUIS
Mais c'est ce qu'on comprend de vos propos, « une histoire d'hommes ».

AGNES FIRMIN LE BODO
Oui, parce que je réponds à la question qui m'est posée. Là, on est bien sur un texte qui devait protéger les Français, qui devait permettre de régulariser des étrangers qui travaillent sur des métiers en tension. On peut aussi revenir sur les incohérences de certains LR. Quand certains nous disent « on veut zéro immigration » et quand les mêmes - je pense à Monsieur JUVIN - qui, par exemple, nous dit pour les praticiens hospitaliers hors Union européenne, qu'il faut en accueillir le plus possible. Je crois qu'il faut que chacun prenne ses responsabilités. Le gouvernement souhaite avancer sur ce texte qui doit protéger les Français, je le redis. Il y aura une CMP.

SALHIA BRAKHLIA
La Commission mixte paritaire. Est-ce que vous n'êtes pas en train de tomber dans un piège, un piège ouvert par les Républicains ? Parce qu'au final, c'est la version du Sénat, la version durcie par la majorité de droite au Sénat qui va être la base de discussion.

AGNES FIRMIN LE BODO
Là, il faut laisser les parlementaires faire leur travail. Maintenant, c'est le Sénat et l'Assemblée nationale qui va travailler autour de ce texte. Il y a des sujets dans ce texte, et on pourra peut-être parler de l'aide médicale d'État, qui ne relevait pas de ce texte. Nous espérons bien sûr qu'ils en sortent.

JEROME CHAPUIS
Tout le monde pointe le problème de la méthode macronienne, le en même temps. En termes de cercles, la recherche de l'équilibre permanent aurait atteint ses limites. Quelles leçons vous, vous en tirez de cet épisode pour les réformes que vous, vous avez à porter ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Je vais le redire, là on est dans quelque chose où c'est juste un coup politique qui a été fait sur des extrêmes qui ne portent absolument pas la même philosophie. Donc c'est incompréhensible pour la part de nos concitoyens, c'est d'ailleurs tellement incompréhensible que l'on dit…

JEROME CHAPUIS
Vous n'en tirez pas de leçons plus générales ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Sur ce texte. 70 % des Français souhaitent que nous avancions. Donc la conclusion, c'est qu'il faut continuer à faire ce que nous faisons depuis le début du quinquennat : trouver des majorités projet, texte par texte. C'est ce qu'on va faire. C'est ce qui sera fait sur la CMP, c'est ce qui sera fait sur les autres textes suivants. Je rappelle que plus de 50 textes ont été votés avec des majorités trouvées projet par projet.

SALHIA BRAKHLIA
Agnès FIRMIN LE BODO, le 9 décembre, il y a un an, la Convention citoyenne sur la fin de vie commençait ses travaux. Elle les a rendus en mars. Elle s'est prononcée à 75 % en faveur de l'aide active à mourir et depuis, rien. Rien ! Pourquoi ça prend autant de temps ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors pas « depuis rien ». Depuis, le président de la République, le 3 avril, a demandé au gouvernement de travailler sur un projet de loi, un projet de loi qui devait construire le modèle français d'accompagnement de la fin de vie. C'est ce que je fais depuis maintenant plusieurs mois. C'est un sujet qui demande beaucoup de travail, qui touche à l'intime et qui demande beaucoup de réflexion avec beaucoup de parties prenantes. C'est ce que nous avons fait. Le projet de loi est en partie construit. Nous avons eu…

SALHIA BRAKHLIA
Mais pour quand ? Parce qu'il a été maintes fois reporté.

AGNES FIRMIN LE BODO
Il n'a pas été reporté. Je le dis, c'est un sujet qui demande beaucoup de réflexion et beaucoup de travail. Et le président de la République nous avait aussi demandé de beaucoup travailler sur les soins palliatifs et l'évolution possible autour de cet accompagnement de nos concitoyens.

SALHIA BRAKHLIA
Là, on va en parler. Mais pour le projet de loi, il est attendu pour quand ? Est-ce que vous avez une date définitive qui ne changera pas ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Ça…

SALHIA BRAKHLIA
Vous n'êtes sûre de rien ?

AGNES FIRMIN LE BODO
On n'a pas de promesse sur ce sujet. La volonté, c'est d'avancer sur un projet de loi qui contient trois parties : une partie sur les soins palliatifs, une partie sur les droits des patients et une partie sur l'aide à mourir. Nous travaillons sur la première partie, j'allais dire nous avançons, nous continuons à avancer fortement sur la première partie qui est celle concernant les soins palliatifs.

JEROME CHAPUIS
Ce sera tout dans un seul et même texte ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Oui, un seul texte.

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire que sur le reste, pardon, vous n'avez pas avancé ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Si.

SALHIA BRAKHLIA
D'accord. Donc le projet de loi, c'est pour quand ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Si, parce que, je le dis, le rapport sur les soins palliatifs nous a été remis la semaine dernière. Donc là ce que nous faisons, c'est nous allons construire une feuille de route soins palliatifs, soins d'accompagnement qui sera présentée en janvier, et le modèle français complet d'accompagnement de la fin de vie sera présenté en février.

JEROME CHAPUIS
On vous pose la question parce que pas plus tard qu'il y a quelques jours, il y avait sur Franceinfo un témoignage qui était poignant d'un malade, malade de Charcot, qui dit « pendant que les politiques discutent, moi ma maladie, elle continue ». Et lui dit « le temps des malades, ce n'est pas le temps de la politique ». Vous l'entendez ça ? Vous répondez quoi ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Je l'entends. Non seulement je l'entends mais je l'entends depuis longtemps. Je vais dans les unités de soins palliatifs, je rencontre des malades aussi mais je le redis : c'est un sujet très complexe sur lequel une décision hâtive, pas partagée, pas coconstruite, j'allais dire ne serait pas acceptable. Donc c'est pour ça qu'il faut beaucoup travailler, c'est ce que nous avons fait. J'entends les témoignages des malades, j'entends aussi d'autres témoignages qui nous disent qu'il ne faut pas avancer parce que leur projet à eux, c'est d'être pris en charge complètement jusqu'au bout.

JEROME CHAPUIS
Mais est ce que l'aide active à mourir sera effective en France en 2024 ?

AGNES FIRMIN LE BODO
La réponse est non.

JEROME CHAPUIS
La réponse est non ?

AGNES FIRMIN LE BODO
L'aide active à mourir ne peut pas être effective en 2024 à partir du moment où le projet de loi sera présenté en février.

JEROME CHAPUIS
Mais s'il est discuté au printemps, il ne peut pas entrer en vigueur à l'été prochain ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Sur un sujet comme celui-là, ce n'est pas possible. Le temps du débat à l'Assemblée prend du temps. Regardez sur les lois de bioéthique, il nous a fallu deux ans pour le texte de loi de bioéthique. Donc là, il faudra bien sûr une navette entre l'Assemblée et le Sénat, peut-être un autre aller-retour donc il faudra au moins 18 mois de débat. Et le débat doit avoir lieu car les parlementaires devront aussi enrichir le texte.

JEROME CHAPUIS
Au moins 18 mois de débat sur ce texte, on va continuer d'en parler. Merci beaucoup d'être avec nous, Agnès FIRMIN LE BODO. On vous retrouve dans un instant, juste après le fil info. (…)

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec la ministre Agnès FIRMIN LE BODO. Il y a déjà une loi, la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, avec les directives anticipées. Et ceux qui refusent d'aller plus loin disent : « Soyons à la hauteur des soins palliatifs ». Sur les soins palliatifs, quelles améliorations avez-vous prévues ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors nous allons proposer… Je le dits, c'était une grosse partie de notre travail. Un rapport m'a été remis la semaine dernière. La stratégie décennale demandée par le Président de la République sera présentée en janvier, suite à la remise de ce rapport. Là, pour le coup, ce n'est pas une petite avancée que nous allons faire, c'est vraiment une petite révolution avec une prise en charge très en amont. Et on va parler de soins d'accompagnement dès l'annonce d'une maladie grave, on pourra, autour du malade, avec la volonté du malade, construire un accompagnement dès la prise en charge de sa maladie grave jusqu'à sa fin de vie. C'est ça.

SALHIA BRAKHLIA
Un accompagnement à l'hôpital ?

AGNES FIRMIN LE BODO
A l'hôpital, à domicile. L'idée, c'est vraiment d'accompagner le plus en amont possible le patient, à la fois, et de comprendre quel est aussi son entourage social et médico-social pour que quand le domicile doit se mettre en place… la prise en charge à domicile doit se mettre en place, on sache qui est son aidant, quelle possibilité on peut, autour de lui, construire avec sa famille en termes de prise en charge. Je crois que c'est ça, la volonté.

SALHIA BRAKHLIA
Parce que vous voulez créer aussi des maisons d'accompagnement. C'est quoi, les maisons d'accompagnement ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors les soins palliatifs sont pour l'instant très hospitalo-centrés et très médico-centrés. Les unités de soins palliatifs dont on parle, dont on dit que 20 départements ne sont pas équipés, c'est… La prise en charge est très complexe. Parfois, la prise en charge à l'hôpital n'est plus nécessaire, et le retour à domicile n'est pas possible. Nous n'avons pas cet élément intermédiaire qu'on appelle Maison de l'accompagnement où on peut permettre à des personnes en fin de vie de pouvoir terminer, j'allais dire, tranquillement. Parce que parfois, le domicile n'est pas possible. Et parfois, quand le domicile n'est pas possible, l'hôpital n'est pas non plus nécessaire. Et donc ces maisons d'accompagnement seront vraiment un nouvel établissement qui nécessite un passage par la loi, et que nous allons…

JEROME CHAPUIS
Et là, ça sera la même loi, là ? Parce que… Pardon de poser toujours la question des délais, mais elles ouvriront quand, ces maisons ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Donc pour construire ce nouvel établissement, il nous faut passer par la loi. Et je le redis, il y aura bien un seul texte de loi, parce que l'aide à mourir est bien le continuum des soins palliatifs. C'est le modèle français d'accompagnement en fin de vie.

SALHIA BRAKHLIA
Il y a la question des moyens aussi, Madame la ministre, quand on sait qu'on se serre la ceinture en ce moment. Des maisons d'accompagnement, la création de maisons d'accompagnement, plus de soignants autour des malades, suivi de plus précocement, ça coûte cher. On a les moyens ?

AGNES FIRMIN LE BODO
L'idée, je le redis aussi, ce pourquoi nous sommes partis sur 10 ans, c'est bien de construire un modèle à 10 ans, et de mettre des moyens. Accompagner les Français en fin de vie, c'est un objectif, j'allais dire, normal dans la prise en charge de notre solidarité, de notre pacte républicain. C'est ce que nous construisons.

JEROME CHAPUIS
Et sur l'autre volet de cette loi, donc l'aide active à mourir, est-ce qu'au moment où on se parle, les contours de cette loi sont connus ? Est-ce que vous vous limiterez au suicide assisté ? C'est-à-dire que le geste est fait par le patient. Ou bien vous irez jusqu'à l'euthanasie ? Un geste qui est fait par un tiers et notamment, par exemple, par un soignant.

AGNES FIRMIN LE BODO
Je crois qu'on a été très clair tout à l'heure dans les débats. J'allais dire, la partie 3 sera présentée en février, et donc je ne pourrais pas répondre, et je ne répondrai pas à votre question. Là, nous sommes sur la partie 1, les soins palliatifs.

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire que le Gouvernement n'a pas de conviction là-dessus ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Je crois que les convictions, elles ont été très claires, elles ont été exprimées par tout le monde. Le Président de la République nous a demandé sur l'introduction dans la loi de l'aide à mourir. C'est le travail qui a été le nôtre. Et le projet global d'accompagnement de la fin de vie sera présenté en février avec cette partie, la 3ème partie qui viendra compléter ce que je vous dis sur les soins palliatifs, sur le droit des patients, et donc sur l'aide à mourir.

JEROME CHAPUIS
Si je vous pose la question, c'est parce que vous le savez, les soignants sont très attentifs à ce débat. Il y en a un certain nombre, un grand nombre qui disent : « Voilà, nous, on ne peut pas poser ce geste de donner la mort », qui sont donc contre l'euthanasie pour cette raison-là. Il y aura des garanties ? Vous dites qu'il y aura, de toute façon, une clause de conscience ?

AGNES FIRMIN LE BODO
La clause de conscience, c'était un préalable. La clause de conscience spécifique, il faut le dire, comme lorsque le texte sur l'IVG a été voté, et dire que les soignants, nous avons travaillé depuis le début. Depuis septembre 2022, je travaille avec un groupe de soignants. Nous les avons beaucoup écoutés, nous avons travaillé avec eux. Le rapport des soins palliatifs a été aussi travaillé avec des soignants. Je crois que ce travail est un peu innovant dans sa méthode parce que nous avons coconstruit et beaucoup écouté toutes les parties prenantes.

SALHIA BRAKHLIA
Agnès FIRMIN LE BODO, vous êtes en charge des professions de santé. Ce sont des métiers en crise, on le sait, notamment le recrutement. Je pense aux infirmiers par exemple, il y a un paradoxe ; ça fait partie des filières les plus réclamées par les futurs étudiants, être infirmiers. Et pourtant, on manque toujours de bras. Comment vous l'expliquez ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Nous avons un énorme enjeu autour de l'attractivité des métiers de la santé dans sa globalité. Nous avons lancé le chantier du métier infirmier. En France, il y a 600 000 infirmières et infirmiers au quotidien qui prennent en charge nos concitoyens. Ça fait 20 ans que le métier d'infirmier n'a pas été, j'allais dire, rénové ou repensé. C'est le chantier que nous avons lancé. Mais en même temps que nous lançons ce chantier de rénovation du métier que nous faisons bien sûr avec les infirmiers eux-mêmes, nous devons lancer aussi une réflexion sur la formation. Beaucoup trop de jeunes arrêtent en route, j'allais dire, après leur choix sur Parcoursup, arrêtent la formation, mais aussi, beaucoup de professionnels arrêtent au bout de dix ans leur exercice. Et donc, nous avons aussi lancé une mission sur le sens-même du métier infirmier.

JEROME CHAPUIS
Mais pour quelle raison alors, ils arrêtent ?

SALHIA BRAKHLIA
Oui, les étudiants, déjà.

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors, les étudiants ; certains arrêtent parce que certains (j'ai eu l'occasion de le faire en septembre à Bordeaux) font un choix, j'allais dire par défaut. Donc nous allons modifier sur Parcoursup et nous allons faire un questionnaire qui va essayer de montrer quelle est la motivation réelle pour s'engager dans ce métier.

SALHIA BRAKHLIA
Donc il y aura un filtre à l'entrée ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Non, ce n'est pas un filtre, c'est un questionnaire pour voir si vraiment les jeunes qui s'engagent souhaitent le faire avec la possibilité aussi de discuter avec un formateur d'ici pour vraiment savoir ce qu'est le métier d'infirmier. Nous allons aller aussi dans les lycées en amont, pour expliquer ce que sont les métiers de la santé, pour donner envie aux jeunes de s'engager et de que ce soit un choix.

JEROME CHAPUIS
Mais ils peuvent être aussi très durs, ces métiers. C'est ça souvent peut-être qui sont…

AGNES FIRMIN LE BODO
Voilà, c'est vraiment un choix par défaut. Les travaux sont aussi lancés sur le premier stage. On voit bien que le premier stage, c'est la confrontation directe avec les métiers du soin.

JEROME CHAPUIS
Oui, c'est aussi peut-être le moment où on découvre justement toutes les difficultés de l'hôpital parce que plus on manque de bras (c'est le cas actuellement), plus c'est dur pour les soignants. Comment est-ce que vous sortez de ce cercle vicieux ?

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est bien tout l'enjeu de la spirale qu'il nous faut arrêter. Et on est en ce moment, au moment où on voit bien que la spirale s'arrête. Redonner du sens, c'est la priorité des priorités. Fidéliser les professionnels en place justement pour éviter qu'il y ait une fuite et que ceux qui restent soient encore soumis à plus de charges. Donc la fidélisation, c'est la priorité des priorités, c'est redonner du sens, c'est les primes qui ont été données, notamment pour le travail de nuit. L'augmentation des salaires, le travail de nuit, c'est un enjeu important pour l'attractivité des métiers. Et puis, c'est aussi accompagner au quotidien, c'est la santé des professionnels de santé, c'est la sécurité des professionnels de santé pour arrêter cette spirale négative. Et puis, l'attractivité des métiers, c'est refondre les métiers. C'est ce qui a été fait avec le métier de sage-femme ; c'est ce que nous faisons avec le métier d'infirmier et nous allons continuer comme ça dans les années à venir.

SALHIA BRAKHLIA
Sur les soignants, vous lancez cette semaine une consultation citoyenne sur l'application Agora qui a été créée par le Gouvernement. Qu'est-ce qu'elle peut vous apprendre cette consultation que vous ne sachiez déjà ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors là, c'est aussi intéressant de savoir avec cette application Agora, pour le coup, c'est vraiment nos concitoyens qui vont nous dire d'abord quelle est leur perception, eux, du métier d'infirmier et qu'est-ce qu'ils attendraient. Puisqu'on est en train de travailler sur la réforme du métier, qu'est-ce qu'ils attendent de l'infirmière au quotidien ? Est-ce que l'infirmière doit faire partie, par exemple, des rendez-vous prévention ? Est ce qu'ils savent ce que fait…

SALHIA BRAKHLIA
Mais ça on ne le sait pas déjà, non ?

AGNES FIRMIN LE BODO
On peut le savoir, nous, parce qu'on travaille dans nos... enfin, une consultation globale au niveau de nos concitoyens. Ce n'est pas inintéressant au moment où on travaille sur ce chantier, d'avoir une consultation citoyenne et de voir quelle est la perception du métier d'infirmier par nos concitoyens. C'est, j'allais dire, une brique supplémentaire à notre réflexion et c'est dommage de s'en passer.

JEROME CHAPUIS
Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale des professions de santé. Vous êtes avec nous jusqu'à 9h sur France Info. On vous retrouve dans une minute juste après le fil info. (…)

- Toujours avec Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée en charge des Professions de santé. Vous nous avez parlé tout à l'heure, dans les problèmes liés à l'attractivité des métiers de soignants, de la question de la sécurité. Il y a de plus en plus de soignants qui signalent des agressions, des actes de violence dont ils sont les victimes dans le cadre de leur travail. Est-ce que vous connaissez l'ampleur du phénomène ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Oui. On connaît tellement l'ampleur du phénomène que d'abord, en tant que professionnel de santé, j'ai subi, moi aussi, ces menaces de mort, notamment au sujet de la vaccination, se dire que malheureusement, nous aimerions ne pas à avoir traiter ce sujet mais c'est un fait, de trop nombreux professionnels, 65 par jour, subissent des violences, et donc, il nous a fallu travailler sur ce sujet. Un rapport, une mission a été lancée. J'ai présenté un plan avec 42 mesures au mois de septembre et la semaine prochaine, le 19 décembre, je lancerai une grande campagne de sensibilisation et d'information sur ce qu'il n'est pas acceptable, j'allais dire d'agresser des professionnels de santé. Il nous faut protéger ceux qui nous soignent comme il nous faut, protéger ce qui nous protège.

JEROME CHAPUIS
Ce sera à la télé, la radio, dans les hôpitaux, j'imagine ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Ce sera dans les hôpitaux, dans tous les cabinets aussi de ville. Je le dis, les sujets que nous travaillons, nous les travaillons à la fois pour les établissements mais aussi pour la santé en ville, donc avec des campagnes de sensibilisation dans les pharmacies, dans les cabinets de ville, dans les hôpitaux et aussi des affiches à mettre sur ce que nous ne devons plus accepter.

JEROME CHAPUIS
Et la violence, elle commence par des petites incivilités, souvent ?

AGNES FIRMIN LE BODO
La violence, elle commence souvent par les infidélités, notamment dans un hôpital à l'agent d'accueil, au cabinet médical par la secrétaire médicale.

JEROME CHAPUIS
Mais c'est le signe de quoi ces violences ?

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est le signe sans aucun doute d'une violence dans notre société, d'une radicalité dans notre société. C'est aussi le signe et c'est légitime et il faut parfois le comprendre, de certains de nos concitoyens qui n'ont pas accès à un médecin et qui s'énervent et qui s'agacent…

JEROME CHAPUIS
D'une angoisse aussi par rapport au manque de soins ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Et une angoisse aussi par rapport à ça. C'est aussi dans une salle d'attente, parfois le temps long, et donc quand on a mal, on peut comprendre. Mais aussi il faut, il faut expliquer à nos concitoyens qu'on doit protéger ceux qui nous soignent et on ne doit pas exprimer aucun geste d'une violence et il faut repartir, je le dis, la tolérance zéro. On ne doit pas insulter une secrétaire médicale qui ne peut pas vous donner un rendez-vous comme vous le souhaitez.

SALHIA BRAKHLIA
Agnès FIRMIN LE BODO, chaque année, 28 millions de créneaux chez le médecin sont gâchés par les rendez-vous non honorés. Le Sénat, à majorité de Droite, a voté le mois dernier une taxe dite « lapin », qui créé une somme forfaitaire versée par les assurés qui ne leur pas, donc leur rendez-vous médical. Est-ce que le Gouvernement soutient cette proposition ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Sur le fond, on est d'accord, je veux dire qu'on ne peut pas dire et de se donner tous les moyens de dégager du temps médical, c'est ce que nous faisons, parce que dégager du temps médical, c'est important, décharger les médecins d'une partie de leur charge administrative, les assistants médicaux, c'est deux consultations en moyenne gagnées par jour. Les rendez-vous lapins, on sait que c'est une consultation par médecin par jour, le bénéfice net ne serait que d'un, ça n'a pas de sens. Donc c'est un enjeu collectif et la responsabilisation du temps médical, elle est aussi à mettre sur la part de nos concitoyens qui prennent des rendez-vous et qui ne les honorent pas. Les rendez-vous lapins, on sait que c'est une bonne idée, on sait aussi que techniquement, ça n'est pas si facile. Comment on met en oeuvre cette mesure ? J'allais dire c'est…

SALHIA BRAKHLIA
Et comment on fait payer à ceux qui ne viennent pas ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Comment on fait payer ? La seule personne qui est capable de dire que le rendez-vous n'est pas honoré, c'est bien le médecin, qui ne voit pas le patient en face de lui. Après, ça pose d'autres questions de la relation entre le médecin et son patient. Donc ce travail-là, il doit être mené aussi dans le cadre des négociations conventionnelles qui sont en ce moment et qui se déroulent en ce moment avec les médecins, c'est un enjeu important. La première, j'allais dire des briques à ramener, c'est la responsabilisation de nos concitoyens et leur faire comprendre qu'on peut avoir un aléa, ne pas venir. Mais dans ce cas-là, on prévient, c'est la moindre des choses.

JEROME CHAPUIS
Agnès FIRMIN LE BODO, on a 600 000 Français qui sont atteints de maladies chroniques, qui n'ont pas de médecin traitant et la promesse du début de l'année, c'était qu'ils en aient tous un en fin d'année. Est-ce qu'on y est ?

AGNES FIRMIN LE BODO
On n'y sera pas, bien sûr, c'est compliqué…

SALHIA BRAKHLIA
Pourquoi bien sûr ? C'était une promesse du président de la République.

AGNES FIRMIN LE BODO
Non mais parce qu'il y a des problèmes, des flux, les problèmes de stock, donc, c'est-à-dire qu'au moment où on parle, il y a des patients qui sont de nouveau sous ALD. Et donc, le travail, il a été fait, il a été mené à la fois par la Caisse nationale d'assurance maladie. Il a été fait aussi avec la volonté des médecins qui ont accepté de prendre en plus des patients comme médecins traitants. Il a été mené aussi par les communautés professionnelles territoriales de santé et les CPTS.

SALHIA BRAKHLIA
Mais sur les 600 000, là, on a pu en donner…

AGNES FIRMIN LE BODO
On est à, à peu près 180 000, 180 000 de mémoire qui ont trouvé un médecin traitant. On continue le travail. Mais je tiens à redire que ces patients, qui n'ont… D'ailleurs sur les 600 000, certains n'en voulaient pas non plus de médecin traitant, ne voulaient pas de médecin traitant…

JEROME CHAPUIS
Pour quelle raison ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Parce qu'ils ne voulaient pas, mais tous ont reçu un courrier de la Caisse nationale d'assurance maladie. Donc, ils sont tous identifiés, donc le travail continue à se faire. Mais il est important de dire à nos concitoyens que ce n'est pas parce que ces patients n'ont pas de médecin traitant qu'ils n'ont pas vu de médecin. En moyenne, ils ont vu un médecin au moins trois fois dans l'année. Je crois qu'il est important de le signaler.

JEROME CHAPUIS
A propos du manque de médecins, du manque de soins dans les territoires, les sages-femmes, on a appris hier soir, on en la confirmation, vont être autorisées à pratiquer des IVG. C'était une expérimentation pour le moment, mais ça va être généralisé. Est-ce que c'est de nature à résoudre complètement les difficultés d'accès à l'avortement dans certains territoires ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors, elles vont être des IVG, médicamenteuses, parce qu'il y a les IVG médicales pouvaient déjà le faire, médicament… médical…

JEROME CHAPUIS
Médical oui….

AGNES FIRMIN LE BODO
Dans les établissements, dans les établissements… Donc l'expérimentation va être élargie. C'est un moyen supplémentaire de rendre accessible l'IVG dans tous les territoires. Et ça vient compléter l'annonce par le Gouvernement de la constitutionnalisation de l'IVG.

JEROME CHAPUIS
Mais ça veut dire qu'il y aura moins de départements par exemple, où les femmes ne pourront pas avorter faute de praticiens ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Ou de gynécologues disponibles, bien sûr, c'est aussi donner la possibilité à plus de femmes d'accéder à l'IVG là où ce n'était pas possible.

JEROME CHAPUIS
C'est une responsabilité supplémentaire sur les épaules des sages femmes ?

AGNES FIRMIN LE BODO
C'était aussi une de leurs demandes dans le cadre des évolutions des métiers. Le métier de sage-femme est sans doute ces dernières années, le métier qui a le plus évolué. C'est aussi répondre à un besoin de santé de nos concitoyennes, en l'occurrence, pour avoir accès à l'IVG, il était important de pouvoir élargir les professionnels qui peuvent faire ce geste.

JEROME CHAPUIS
Tout cela alors qu'on discute en ce moment même de l'inscription dans la Constitution de la liberté d'avorter. Est-ce que vous êtes confiante sur l'adoption de ce texte en début d'année prochaine ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Je crois qu'il est important que nous puissions avancer sur ce sujet. C'est d'abord, je crois qu'on le doit, à Simone VEIL qui s'est battue, on peut le dire comme ça…

JEROME CHAPUIS
Mais compte tenu, pardon, on revient au début de notre entretien, compte tenu du climat politique, est-ce que vous êtes confiante ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Je crois que là aussi, il faudra construire, comme on l'a fait sur tous les textes, travailler sur une majorité possible pour ce texte. Je crois que c'est aussi un devoir de vigilance que nous que nous devons aux générations futures. Il suffit de regarder ce qui se passe dans certains pays. Je crois que c'est important de le faire.

JEROME CHAPUIS
Merci beaucoup, Agnès FIRMIN LE BODO, ministre délégué chargé de l'Organisation territoriale et des Professions de Santé. Vous étiez invité du 8 :30 France Info. Je vous dis à demain et je vous laisse en compagnie de Salhia BRAKHLIA.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 décembre 2023