Conseil des ministres du 20 décembre 2023. Sûreté nucléaire et radioprotection.

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Auteur(s) moral(aux) : Secrétariat général du Gouvernement

Texte intégral

La ministre de la transition énergétique a présenté un projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

Depuis le plan Messmer, l'énergie nucléaire est un choix politique constant qui a permis à notre pays de produire une électricité abondante, compétitive et pilotable et d'avoir aujourd'hui l'un des mix de production électrique parmi les plus décarbonés au monde. Annoncée par le Président de la République en février 2022, la relance historique de cette filière passe par la construction de nouveaux réacteurs de technologie EPR2, par la poursuite de l'exploitation du parc existant tant que les conditions de sûreté le permettent, la relance de programmes de recherche et d'innovation, notamment dans les nouvelles technologies de réacteurs, et par le renforcement de nos infrastructures du cycle du combustible.

Dans ce contexte inédit, marqué par un changement d'échelle et de paradigme, le Gouvernement se donne les moyens, avec ce projet de loi, de maintenir l'excellence du contrôle en sûreté et en radioprotection dans le futur, en menant une réorganisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, afin de répondre efficacement, aussi bien en matière de niveau de sûreté que de rythme de charge, à cette relance du nucléaire.

Cette nouvelle évolution repose sur la mise en place d'une autorité indépendante de sûreté nucléaire civile et de radioprotection, comparable à celle qui existe dans les grands pays nucléaires occidentaux (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne). Ainsi, le cadre d'action de cette future autorité de sûreté nucléaire, l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, réunit les activités de l'ASN et de l'IRSN sous le statut offrant, en droit français, le plus de garantie d'impartialité : le statut d'autorité administrative indépendante.

Cette réorganisation, qui ne contient aucune modification du cadre de sûreté nucléaire applicable aux exploitants – ces derniers demeurant les premiers responsables du respect du cadre en vigueur – vise à améliorer l'efficience des procédures en matière de sûreté nucléaire ainsi qu'à renforcer la transparence vis-à-vis du public et l'attractivité des métiers pour garantir à la future autorité de bénéficier dans la durée de compétences et d'expertises d'excellence.

Ce texte fait suite à la promulgation de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction des installations nucléaires le 22 juin 2023. Ce projet de loi, qui reprend les recommandations du rapport transpartisan de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) du 11 juillet 2023, a été finalisé après la consultation du Conseil national de la transition écologique, du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, du Comité d'orientation des conditions de travail, du Conseil supérieur de l'énergie, du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et du Conseil d'État, qui a émis un avis sur ce projet de loi le 14 décembre dernier.

En matière de transparence et d'information, ce projet de loi réaffirme le fait que la future autorité participe à l'information du public et à la mise en œuvre de la transparence en matière de sûreté nucléaire dans ses domaines de compétence. Pour aller plus loin, il prévoit que la future autorité présentera à l'OPECST et au HCTISN, dont les moyens seront confortés dès 2024, les sujets sur lesquels une association du public sera organisée ainsi que les principaux résultats des programmes de recherches qu'elle mène dans ses domaines de compétence. Il prévoit enfin que les processus d'organisation interne de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection détailleront la nature et les modalités de publication des informations en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, en fonction de la nature et des enjeux des sujets. Ce renforcement de l'information du public sera complémentaire aux initiatives menées actuellement par l'ASN et l'IRSN en lien avec l'ensemble des commissions locales d'information (CLI) prévues à l'article L. 125-17 du code de l'environnement, dont les moyens seront renforcés en 2024 par le Gouvernement, qui sont de précieux relais d'information et de concertation locale et qui sont représentées au sein du HCTISN.

Concernant l'attractivité, ce projet de loi permet à la future autorité de recruter une grande diversité des statuts (salariés privés, contractuels publics, fonctionnaires et statuts liés aux activités de recherche) et introduit la faculté pour les salariés et contractuels de la future autorité de devenir fonctionnaire au moyen d'un concours réservé. Il permet à la future autorité d'harmoniser les versements de primes accessoires, telles que les primes d'astreinte et les remboursements de frais de mission et prévoit surtout l'engagement dès 2024 d'un rattrapage inédit des salaires des salariés et contractuels publics, à hauteur de 15 millions d'euros pour l'IRSN et 0,7 million d'euros pour les agents contractuels de l'ASN. En parallèle, le Gouvernement porte une réflexion visant à accroître les enjeux d'attractivité pour les fonctionnaires de la future autorité.

Au plan social, ce projet de loi préserve les contrats de travail de toutes les personnes concernées et prévoit une organisation adaptée à la représentation des personnels dans la future autorité, tout en ménageant des phases transitoires, notamment 15 mois pour mener de nouvelles élections et instituer un nouveau Comité social d'administration et 2 ans et demi pour négocier de nouvelles conventions collectives dans la future autorité.

Le projet de loi confortera les grands piliers qui font la force du système actuel : des compétences État de très haut niveau, un collège resserré pour prendre les décisions les plus importantes et une direction générale pour piloter les travaux des services, des groupes permanents d'experts qui éclaireront de manière indépendante les décisions de l'autorité et permettront de confronter les points de vue mais aussi un processus de consultation du public avant les décisions portant sur des enjeux importants.

Deux activités feront l'objet d'un traitement particulier. D'une part, la direction de l'expertise nucléaire de défense de l'IRSN, dont la mission est d'expertiser des dossiers ou de délivrer des autorisations dans des domaines relevant de prérogatives du Gouvernement, notamment en matière de nucléaire de défense et sécurité nationale, et les activités relatives à la fourniture et à l'exploitation de dosimètres à lecture différée de l'IRSN, qui nécessitent un démarchage commercial actif de l'entité qui les opèrent auprès de clients qui seront soumis au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Ces activités seront respectivement opérées par le ministère des armées et par le CEA.

Au-delà de cette réforme et en cohérence avec la mise au meilleur niveau de tous les maillons de la chaîne nucléaire, ce projet de loi permet également le repositionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique auprès de la Première ministre, afin de renforcer la gouvernance d'ensemble de la filière nucléaire, notamment des conseils de politique nucléaire. Il adapte enfin les règles de la commande publique au bénéfice des grands projets nucléaires, qui sont à la fois longs et complexes, avec un très haut niveau d'exigence en matière de qualité de réalisation.

Un projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, jumelle à ce projet de loi, a également été présentée afin de mettre à jour, en cohérence avec cette réforme, les modalités de désignation du président de la future autorité.