Interview de Prisca Thevenot, secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et du service national universel, à BFMTV le 21 décembre 2023, sur la politique gouvernementale et la loi immigration.

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Intervenant(s) : 
  • Prisca Thevenot - Secrétaire d'État, chargée de la jeunesse et du service national universel

Média : BFM TV

Texte intégral

ADELINE FRANÇOIS
Retour sur le plateau de 7 minutes pour comprendre. Comment Emmanuel MACRON va bien pouvoir finir son quinquennat ?

DAMIEN GOURLET
Et avec nous pour en parler, Prisca THEVENOT. Bonjour.

PRISCA THEVENOT
Bonjour.

DAMIEN GOURLET
Secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et du Service national universel. Bernard SANANES nous a rejoints, le président de l'institut de sondages Elabe. Est-ce que ce qui s'est passé, Prisca THEVENOT, depuis trois jours change tout ce qui va se passer dans les trois années qui viennent ?

PRISCA THEVENOT
Ce qu'il s'est passé depuis trois jours, c'est ce qu'il se passe maintenant depuis le début de la présidence d'Emmanuel MACRON, c'est-à-dire un Parlement, une majorité présidentielle, un gouvernement qui est à l'action. À l'action pour avancer concrètement sur les défis qui sont face aux Français et sur des sujets que les Français nous demandent d'adresser.

ADELINE FRANÇOIS
On va écouter, si vous le voulez bien. Emmanuel MACRON, un passage de son intervention d'hier soir sur France 5 au moment de justifier cette loi immigration et son inspiration. On l'écoute.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE – extrait de C à vous
C'est une manoeuvre de garçons de bain du Rassemblement national. C'est une manoeuvre grossière pour nous dire « au fond, c'était mon texte, on l'a emporté parce que c'était dans la confusion », mais c'est faux.

PATRICK COHEN
Donc c'est une défaite du Rassemblement national.

EMMANUEL MACRON
Mais bien sûr que c'est une défaite du Rassemblement national ! J'assume totalement de dire que nos compatriotes attendaient cette loi, que si on veut que le Rassemblement national et ses idées n'arrivent pas aux responsabilités, il faut traiter les problèmes qui le nourrissent.

ADELINE FRANÇOIS
La loi immigration, c'est une défaite du RN. Vous comprenez que depuis hier soir, ces mots-là aient fait bondir ?

PRISCA THEVENOT
Moi ce que j'interroge aussi, c'est pourquoi en permanence, faire du Rassemblement national l'alpha et l'oméga du débat politique ou médiatique.

ADELINE FRANÇOIS
Parce qu'en l'occurrence, Emmanuel MACRON en a beaucoup parlé aussi hier soir.

PRISCA THEVENOT
Il a été interrogé dessus. Il a été interrogé dessus et, effectivement, il est courtois et respectueux, il répond aux questions et c'est tout naturel. Maintenant, regardons très concrètement ce texte. Est-ce que le Rassemblement national est à l'origine de ce texte ? Non.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Oui.

PRISCA THEVENOT
Non, il n'est pas à l'origine de ce texte, c'est un projet de loi. Projet de loi, ça vient du gouvernement. Est-ce qu'il en a écrit une ligne ? Non plus. Est-ce qu'on peut me dire que le Rassemblement national écrit un texte dans lequel il figure de régulariser beaucoup plus les travailleurs sans papiers qui participent à des métiers sous tension ? Je ne crois pas. Est-ce que le Rassemblement national a appelé à voter ce texte ? Non plus. Jordan BARDELLA d'ailleurs, je ne sais pas si c'était sur votre plateau, le rappelait mardi matin. Donc moi, je veux bien que médiatiquement le Rassemblement national, ça fait vendre, mais politiquement ça ne fait rien. Et cette semaine l'a encore précisé et rappelé.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Alors on peut juste apporter deux bémols. On peut rappeler que l'inspiration sur l'immigration de LR, c'est le Rassemblement national. En mai dernier, Olivier MARLEIX, Eric CIOTTI et Bruno RETAILLEAU font une grande interview au Journal du Dimanche où ils parlent immigration. Et quand on la lit, on se dit « tiens, c'est dingue, c'est le programme de Marine LE PEN ». C'est d'ailleurs ce que dit Jean-Philippe TANGUY, il dit « c'est un copier/coller éhonté de notre programme ». Ensuite, votre gouvernement a choisi de dealer avec LR, donc avec des gens qui s'étaient inspirés du programme du Rassemblement national. Et donc ce qu'on retrouve mécaniquement dans toutes les mesures qui ont été proposées.

PRISCA THEVENOT
La régularisation…

MATTHIEU CROISSANDEAU
Alors c'est la seule mesure qui…

PRISCA THEVENOT
Ce n'est pas anodin quand même.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Non, non, c'est la seule mesure qui rebutait Marine LE PEN mais elle avait dit déjà fin octobre « je suis prête à voter le texte s'il n'y a pas cet article 3 ». Si, si, elle l'a dit, vous regarderez. C'est sur France 3 le 29 octobre.

PRISCA THEVENOT
Regardons ce qu'a été cette semaine.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Donc elle l'avait dit, ce texte lui allait. Et pourquoi ça lui va ? Parce qu'il y a tout un ensemble de mesures qui valident des clichés véhiculés par le Rassemblement national depuis des années. Les étudiants étrangers qui viendraient en France seraient de faux étudiants.

PRISCA THEVENOT
Le président de la République s'est prononcé dessus.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Je dis juste, ça c'était un cliché qui est véhiculé depuis de nombreuses années. Les étrangers viendraient en France pour toucher les allocs, du coup on durcit les allocs.

DAMIEN GOURLET
Pour se faire soigner.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Voilà. Les étrangers viendraient en France pour se faire soigner, du coup on…

PRISCA THEVENOT
On s'est prononcé aussi dessus.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Je sais bien mais vous voyez bien que les signaux envoyés par ce texte sont des signaux sur des thématiques qui étaient portées par…

PRISCA THEVENOT
Mais vous parlez de signaux. Je suis désolée, vous parlez des signaux, moi je veux vous parler des faits, et les faits sont importants et têtus. Vous parlez de l'aide médicale d'urgence.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Elle sera discutée en janvier.

PRISCA THEVENOT
Sauf erreur de ma part, ce n'est pas dans le texte, ç'a été retiré du texte et il n'est pas question de venir le supprimer mais effectivement de venir en parler.

DAMIEN GOURLET
Alors on ne va pas refaire la loi, Prisca THEVENOT. En revanche…

PRISCA THEVENOT
Non mais on en parle, je pense que c'est important aussi.

DAMIEN GOURLET
Il y a la perception des faits aussi qui est importante.

PRISCA THEVENOT
Les faits sont importants.

DAMIEN GOURLET
La perception Bernard, en tout cas, c'est que pour les personnes que vous interrogez pour l'institut Elabe, ils estiment, eux, que c'est une loi d'inspiration Rassemblement national.

BERNARD SANANES
Oui, mais pourquoi ? Parce que l'immigration, la lutte contre les flux migratoires, c'est dans l'ADN du mouvement du Front national d'abord puis du Rassemblement national. Ç'a été un des premiers combats de ce courant politique, et donc quand des mesures sont prises, même si elles sont à l'initiative du gouvernement, ce qui est factuellement tout à fait le cas, elles sont attribuées politiquement au Rassemblement national. Vous avez donc effectivement trois quarts des Français qui considèrent que ce texte est inspiré du Rassemblement national. Plus grave pour l'exécutif, on peut dire que les mesures sont soutenues, ce texte satisfait l'opinion publique et donc la logique serait de dire que ça profite à l'exécutif. Les Français disent non, le grand vainqueur de la séquence, c'est d'abord le Rassemblement national et ensuite Les Républicains. Ils ne sont qu'un quart à penser que c'est l'exécutif qui sort renforcé de ce texte.

ADELINE FRANÇOIS
Prisca THEVENOT, est-ce que vous avez hésité quand même depuis mardi ? Est-ce que, quand vous avez appris qu'Aurélien ROUSSEAU allait démissionner, vous vous êtes vous-même posé la question ? Je vous pose la question parce qu'au moment de vous engager avec Emmanuel MACRON pour les législatives, vous aviez hésité en vous disant « mais regarde-toi dans le miroir », vous pensiez ne pas avoir vos chances. Vous vous êtes dit ça depuis mardi à un moment ?

PRISCA THEVENOT
Pourquoi ? Parce que je suis une fille d'immigrés ? Parce que je suis la femme et la mère d'enfants métissés ? Non, je continue à le dire. Je me suis levée en tant que députée, je me lève aussi aujourd'hui en tant que secrétaire d'Etat. J'ai fait plus de 43 déplacements pour aller rencontrer nos jeunes, non pas pour leur parler mais pour les écouter. Et oui, je continue à combattre le Rassemblement national. Mais combattre le Rassemblement national, je suis désolée, c'est aussi rappeler ce qu'il fait concrètement. Et force est de constater que si aujourd'hui je suis secrétaire d'Etat, hier j'étais encore députée et je les ai vu oeuvrer dans l'hémicycle. Et sauf erreur de ma part, non seulement ils ne disent rien mais en plus ils ne font rien. Et les seules fois où ils font un des choses, ils écrivent des amendements qu'ils ne comprennent même pas. Et nous avons passé un certain nombre de temps à les dénoncer mais il est vrai que malheureusement, ce n'est pas suffisamment repris. Donc à votre disposition pour en parler plus en détail.

DAMIEN GOURLET
S'il faut se gagner, on ne va pas dire la bienveillance mais en tout cas la neutralité du Rassemblement national pour faire passer vos textes, ça nous dit quoi de ce qui va se passer à présent pendant les trois années qui viennent ?

PRISCA THEVENOT
Ça nous dit que nous sommes en majorité relative. Je le dis aujourd'hui à la fin de l'année 2023, je le disais aussi en début 2022, en juillet 2022, quand j'étais encore porte-parole du groupe de la majorité présidentielle et qu'on nous disait qu'on ne pourrait pas travailler pour la France et les Français au cours de ces quinquennats.

DAMIEN GOURLET
Il ne faudra pas à chaque fois donner des gages au Rassemblement national ?

PRISCA THEVENOT
Soyons très clairs. Est-ce que nous avons voté un seul amendement ou un seul texte porté par le Rassemblement national ? Non. Est-ce qu'on peut empêcher les députés du Rassemblement national, ou de toute autre famille politique d'ailleurs, de voter un texte qui n'est pas porté par eux ? Non plus. Ça s'appelle la liberté parlementaire.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Est-ce que leurs voix comptent, ce sont des députés comme les autres, ou est-ce qu'il faut les décompter comme l'a fait l'exécutif ?

PRISCA THEVENOT
Leurs voix comptent dans le processus législatif et dans le fonctionnement de nos institutions. Est-ce qu'elles comptent politiquement et idéologiquement pour moi ? Je pense que vous avez la réponse dans votre question.

ADELINE FRANÇOIS
Matthieu, est-ce qu'au fond Emmanuel MACRON n'est pas en train d'inventer en fait une nouvelle forme de cohabitation, une cohabitation interne à sa majorité ?

MATTHIEU CROISSANDEAU
En tout cas ce qui est sûr, c'est que les trois ans qui viennent vont être plus compliqués qu'avant. Parce que, vous l'avez dit, vous êtes en majorité relative, parce que votre propre camp est aujourd'hui fissuré sur cette question donc on verra si c'est une fracture ou si cette fissure peut se résoudre. Je ne dis pas que c'est fichu pour vous, mais je dis que globalement il y a quand même une vraie fissure avec 60 parlementaires de la majorité qui ont dit « on ne se reconnaît pas dans ce texte donc soit on s'abstient, soit on vote contre ». Et puis parce que même le parti avec lequel vous pouviez faire le plus d'alliances, c'était les LR ; là, ils se sentent pousser des ailes. Ils ont réussi à vous tordre le bras sur la plupart des mesures et donc ils vont faire monter les enchères sur les prochains textes que vous allez leur présenter. Et c'est vrai qu'il y a eu 50 textes qui ont été votés un coup à gauche, un coup à droite, là ce n'est pas certain que la gauche continue de jouer ce jeu-là et pas certain que les LR le fassent sans faire de surenchère.

BERNARD SANANES
Juste sur ce point, s'il y a effectivement une crise politique en Macronie, dans l'opinion le président de la République peut-être sûr du soutien de son électorat. On n'est pas dans la situation des frondeurs de François HOLLANDE qui réussissaient à fracturer la gauche. Là, l'électorat d'Emmanuel MACRON soutient les mesures qui ont été prises et adoptées à l'Assemblée et au Sénat.

ADELINE FRANÇOIS
D'un mot Prisca THEVENOT, hier soir il y avait un dîner de Noël à Matignon. Vous y étiez ?

PRISCA THEVENOT
Il y avait effectivement un dîner autour de la Première ministre et c'était aussi l'occasion de rappeler effectivement, et de faire le bilan de cette année passée.

ADELINE FRANÇOIS
Elle vous a dit quoi ?

PRISCA THEVENOT
J'ai dîné à côté d'elle pour le coup, pour ne rien vous cacher, et puis j'ai toujours été en transparence donc je le dis, et c'était aussi le moment de faire le bilan. Je suis désolée, regardez, on est à la fin de l'année 2023. Nous sommes à la veille des fêtes de fin d'année et c'est aussi le moment de regarder ce qui a été fait au cours de cette année par l'entièreté du gouvernement, derrière la Première ministre, avec le président de la République et vraiment avec l'ensemble - et vraiment avec l'ensemble - des parlementaires de la majorité présidentielle dont je veux saluer ici l'engagement et le travail. Ce sont des anciens collègues, ce sont également des amis et grâce à eux aujourd'hui, la France est plus forte sur le sujet énergétique, l'environnemental, également l'industrie, mais également la protection du pouvoir d'achat des Français. Et ça, je pense que c'est aussi important de rappeler aujourd'hui.

DAMIEN GOURLET
J'ai une dernière question, Prisca THEVENOT. Gérard DEPARDIEU, il vous fait honte comme à Rima ABDUL MALAK ? Ou il vous rend fière comme Emmanuel MACRON ?

PRISCA THEVENOT
Je n'ai pas à dire s'il me fait honte ou il me rend fière. Et d'ailleurs, le président de la République hier l'a rappelé, nous devons respecter la présomption d'innocence. Maintenant, je vais être très honnête avec vous, je l'ai regardé ce reportage. Il est assez difficile à regarder et si les faits sont avérés, s'il ne s'agit pas effectivement de montages ou autres, je suis très claire : non, je ne suis pas du tout en ligne avec ce qui a été dit dans ce reportage.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Et vous pensez que c'est plutôt une chasse à l'homme ou une chasse à la femme ?

PRISCA THEVENOT
Il n'y a pas de dire une chasse à l'homme ou de chasse à la femme, il y a à respecter…

MATTHIEU CROISSANDEAU
C'est l'expression qui a été employée hier.

PRISCA THEVENOT
Vous savez, dans le combat pour la lutte contre les violences faites aux femmes, je pense qu'il est important d'être dans le respect du fonctionnement de nos institutions d'un côté comme de l'autre, et c'est ce que nous nous efforçons de faire depuis maintenant plus de six ans et je pense qu'il est de notre devoir de continuer à le faire. J'entends bien que nous devons avoir une parole très rapide, instantanée parce que les médias le demandent, mais la justice demande qu'on puisse prendre du temps et qu'elle se saisisse des sujets.

ADELINE FRANÇOIS
Merci Prisca THEVENOT d'avoir été avec nous ce matin.

PRISCA THEVENOT
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 décembre 2023