Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Vous êtes Secrétaire d'Etat en charge de la Citoyenneté et de la Ville. Je voudrais tout de suite vous faire écouter ce que disait Sophie BINET de la CGT à ce même micro hier.
SOPHIE BINET, SECRETAIRE GENERALE DE LA CGT
La CGT appelle à la désobéissance civile et à la multiplication d'actions de résistance à l'image de ce qu'ont fait, je crois que c'est 32 départements qui ont annoncé qu'ils n'appliquaient pas cette loi. C'est ce qu'il faut faire partout dans les prochaines semaines. La CGT, avec un maximum d'organisations syndicales, associatives, de personnalités, travaille à des actions d'ampleur pour montrer leur détermination à faire respecter ce qu'il y a écrit sur le front de nos mairies : Liberté, Egalité, Fraternité qui est aujourd'hui piétiné par cette loi d'extrême-droite.
APOLLINE DE MALHERBE
Refuser d'appliquer la loi, qu'est-ce que vous répondez, vous qui êtes en charge de la Citoyenneté et de la Ville ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Moi, je suis toujours choquée d'entendre des responsables syndicaux ou politiques appeler à ne pas respecter la loi. On est un Etat de droit, dura lex sed lex. La loi est dure mais c'est la loi. Enfin, si eux appellent à la désobéissance civile, que devient notre Etat de droit ? Enfin, c'est irresponsable, irrespectueux et pas digne, pas la hauteur. Là, c'est de la politique pure parce que toute la journée on explique à nos enfants, on explique aux gens : oui, parfois il y a des choses compliquées à faire mais c'est la loi. On doit respecter la loi. Et qu'une responsable syndicale comme elle, qui vient expliquer qu'il ne faut pas respecter la loi… Alors elle a raison : Liberté, Egalité, Fraternité, Etat de droit.
APOLLINE DE MALHERBE
Etat de droit, et en même temps, j'ai envie de vous dire, quand on écoute la Première ministre et le président eux-mêmes, on a presque l'impression qu'ils n'ont pas spécialement envie qu'elle soit appliquée, cette loi. Quand ils laissent entendre qu'au fond, elle est déjà inconstitutionnelle et qu'ils s'appuient sur le Conseil constitutionnel pour détricoter cette loi, il y a un côté un peu Tartuffe quand même.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, alors non, je ne dirais pas ça. La réalité, c'est que moi, vous voyez, je l'ai dit aujourd'hui dans La Marseillaise – ça ne s'invente pas, journal local assez connu à Marseille - de dire : moi je me rappelle pourquoi je suis plus de gauche en fait. Parce que ceux qui ont refusé le débat, c'est eux. Et je vais vous dire, l'arnaque absolue dont a été victime la NUPES, c'est celle-là : c'est eux qui sont tombés dans le piège de l'extrême-droite. Pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas voulu aller au débat alors que le président de la République avait dit qu'il ne ferait pas de 49.3 sur cette loi ? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas débattu ? 2 700 amendements déposés et pas de débat. Une motion de rejet, ils ne s'attendaient pas – et moi, c'est ma conviction profonde – à ce que la motion de rejet soit votée par le RN. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, je rappelle quand même au peuple de gauche parce que j'entends beaucoup de choses, il me semble bien par exemple sur l'une des mesures, et c'est vrai que sur le Conseil constitutionnel, le président a eu raison parce que nous, on sait qu'il y a des cavaliers législatifs comme on le dit communément, c'est-à-dire des mesures dans un texte qui n'ont rien à y faire. Mais quand ROCARD faisait le RMI qui s'est transformé en RSA avec Martin HIRSCH, c'était bien cinq ans pour avoir les droits. Et maintenant, tout le monde monte au créneau parce qu'on va parler de l'APA par exemple…
APOLLINE DE MALHERBE
Ou de la question de la question des inégalités, de l'inégalité même juridique entre ceux qui ont la nationalité française et ceux qui ne l'ont pas.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors je le dis pourquoi est-ce que quand ROCARD l'a fait, quand Martin HIRSCH l'a fait, ça n'a gêné personne, et maintenant comme c'est un texte de loi qui sort - je le rappelle, il sort du Sénat - ça part en commission mixte paritaire avec le texte du Sénat. Si nous avions eu le débat, on aurait eu un texte qui sortait de l'Assemblée.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous nous dites donc ce matin, c'est que ce n'est pas inconstitutionnel effectivement, que pour vous il y a déjà dans les mesures qui existent des ruptures d'égalité, comme on dit. C'est-à-dire le RSA, en effet, il faut attendre cinq ans si on n'a pas la nationalité française donc c'est pareil.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C'est Michel ROCARD qui l'avait fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ça veut dire ce matin, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, que vous condamnez ceux qui disent « on n'appliquera pas la loi » comme ces élus de gauche ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'à l'inverse, vous pouvez dire « oui, nous appliquerons la loi » ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Nous appliquerons la loi. Moi je l'ai dit, j'ai défendu ce texte de loi parce que nous avions besoin d'un texte de loi sur, par exemple, les délinquants étrangers. Vous voyez bien que l'actualité appelait à ce genre de mesures et je l'avais dit très tôt. C'est quand même le seul texte de loi sur lequel quasi toute la majorité, 70 % des Français sont d'accord, sauf les partis politiques, la déconnexion. Je reprends juste les mots du ministre de l'Intérieur : entre Saint-Germain-des-Prés et la vraie vie des Français à travers le territoire, ce n'est pas la même, et on parlera tout à l'heure de Marseille. Ça prouve la déconnexion totale de ces élites-là qui ne vivent pas… En fait, ils ne sont pas dans la vraie vie. Ils ne comprennent pas, par exemple, que l'inquiétude des gens, bien sûr qu'on a un sujet sur l'immigration irrégulière. Et quand nous on fait, parce que moi j'aime bien quand on dit « c'est un texte d'extrême-droite », mais enfin… Alors je suis ravie que l'extrême-droite par exemple valide le fait qu'on puisse régulariser des travailleurs irréguliers. Moi je dis mais c'est magnifique, ils ont changé. Non, ils n'ont pas changé. La réalité, c'est qu'eux aussi ont fait de la politique. Ils avaient dit qu'ils ne voteraient pas ce texte de loi quoi qu'il arrive. Ils l'ont voté, mais personne ne leur a demandé, en tout cas personnellement et la majorité présidentielle ne leur a pas demandé de la voter. En revanche, je me rappelle que et l'extrême-droite et la NUPES ont refusé le débat. Ça, je m'en rappellerai toute ma vie.
APOLLINE DE MALHERBE
Et pendant ce temps-là, vous avez Eric CIOTTI qui dit qu'il doute de votre détermination à vraiment faire appliquer la loi. Il écrit ce matin une lettre à Élisabeth BORNE pour lui demander très solennellement de s'engager à faire vraiment appliquer la loi. Vous nous dites donc qu'il n'y a pas de doute là-dessus.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Il n'y a pas de doute là-dessus. Ça passera par le Conseil constitutionnel mais, j'allais dire, comme tous les textes de loi. Tous les textes de loi passent par le Conseil constitutionnel. Enfin, c'est comme si d'un coup, tout le monde découvrait nos institutions. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, par exemple, moi, il y a un article, l'article 4, qui a été supprimé en commission mixte paritaire et qui concerne directement mon portefeuille. Qui permettait en réalité aux demandeurs d'asile de pouvoir travailler non plus au bout de six mois, mais au bout d'un mois et demi, une fois que leur dossier est instruit et si on est sûr qu'à la fin, ils auront un droit d'asile. Mais moi, je vais faire de manière réglementaire, je ne vais pas demander une loi, je ne demande pas à ce qu'on redébatte, je vais voir si de manière réglementaire avec les administrations de mon ministère, donc du ministère de l'Intérieur auquel je suis rattachée, si on peut bouger sur l'article 4 qui a été supprimé.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire dans ces cas-là que vous non plus, vous n'appliquez pas vraiment la loi. Enfin, vous la contournez quand même.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non. Je dis c'était notre texte initial. En fait, la grande majorité du texte initial, cette mesure de l'article 4 était dans le texte initial donc je demande juste… En plus, ça me concerne et c'est un sujet qui me touche particulièrement. Vous savez, permettre à des demandeurs d'asile d'être autonomes et de travailler s'ils en ont les compétences et si on sait qu'in fine on va pouvoir leur donner un titre d'asile pour rester sur le territoire, je pense qu'il faut se battre pour cette mesure de manière réglementaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Marseille, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, mortalité en forte hausse. La ville la plus meurtrière de France, 47 morts depuis janvier dernier, ça explose. Est-ce que Marseille est perdue ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, Marseille n'est pas perdue, je ne peux pas entendre ça. Vous savez, dans le Marseille en grand, le président de la République, quand il était venu l'annoncer en septembre 2021, il avait promis des effectifs de police : 300 effectifs de police en plus, trois compagnies de CRS permanentes plus une CRS 8. En termes de magistrats, on a 20 magistrats au parquet en plus, donc 20 juges au parquet, et dix juges d'instruction.
APOLLINE DE MALHERBE
Allez-vous réussir à inverser la tendance ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui. Alors moi ce que je crois, hier notre procureur Nicolas BESSONE a fait une excellente interview dans La Provence ; vous avez dû probablement la lire parce que vous m'interrogez. Il a parlé d'une mesure que j'ai proposée dès que j'ai été nommée à la Citoyenneté. J'avais dit : il faut absolument un statut particulier pour les mamans nourrices. C'était moi, je me rappelle, on en parlait au stade Vélodrome, et c'est moi qui dis ça au procureur. Monsieur le procureur, qu'est-ce que vous pensez de cette idée de pouvoir permettre aux femmes qui sont victimes des trafics de drogue ? Quand on dit les mamans nourrices, c'est quoi une maman nourrice ? En 30 secondes : c'est des femmes chez qui drogue est cachée et dans 90 % des cas – ce n'est pas moi qui le dis, c'est la police - elles sont forcées. Je dis il leur faut un statut particulier, sur le modèle du repenti de ce qu'on connaît en Italie, pour pouvoir les protéger, elles et leurs enfants. Parce qu'on oblige les enfants, ils créent des dettes fictives ces trafiquants de drogue. Il a raison le procureur de dire que ce sont des narcoterroristes. Ce ne sont plus que des trafiquants, c'est des narcoterroristes parce qu'ils tuent tout le monde sans distinction. À l'époque, ils s'organisaient sur…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils terrifient donc.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ils terrifient tout le monde. Donc je dis sur ces femmes, par exemple, qui sont la grande majorité des femmes seules, des familles monoparentales, où on oblige le garçon à être un chouf et, de l'autre côté, il y a un phénomène de prostitution. On le sait, on connaît ces phénomènes. Je dis : il faut un statut particulier pour 1/ qu'elles soient protégées ; 2/ qu'elles puissent parler, raconter, et c'est comme ça qu'on remontera les enquêtes. Ça, c'est la première chose. Et l'autre chose, il dit aussi : il faut absolument qu'on puisse de manière juridique protéger les fameux choufs, les fameux charbonneurs, et qu'on puisse saisir la justice sur le fait que ce soit la traite des êtres humains. Mais quelle excellente idée, c'est ça qu'il faut faire ! Mais moi je le dis, il faut un combat global. Ma première QAG quand j'ai été députée…
APOLLINE DE MALHERBE
Question au gouvernement.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Question au gouvernement, c'était ce qu'il faut faire, c'est un désarmement financier massif des trafiquants, aller les chercher de partout où ils sont, on sait où ils sont. Ils sont à Dubaï, ils sont à l'étranger et là il faut mettre le paquet, parce que ça ne sert à rien… Vous savez, je pense que tout le monde a bien compris que plus on attaque - et ç'a été la stratégie du ministre de l'Intérieur avec la préfète de police - qui ont dit : on va faire du pilonnage, 70 points de deal en moins à Marseille.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce que vous me dites, c'est qu'il faut remonter, remonter aussi jusqu'à la source et la source financière.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument. Et quand vous réduisez, pardon je finis juste, vous réduisez les parts de marché puisque vous pilonnez, vous enlevez des points de deal. Donc du coup, le marché devient plus sanglant. C'était un passage obligé, on le savait, on connaissait les conséquences. Mais par contre, il faut une attaque globale et non, Marseille n'est pas perdue.
APOLLINE DE MALHERBE
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, merci d'avoir pris le temps de venir ce matin sur RMC et RMC Story.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 janvier 2024