Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFM TV/RMC le 4 janvier 2024, sur les inondations dans le Pas-de-Calais, le rendez-vous avec la Nation fixé par le président de la République et le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

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Média : BFM TV - RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour et bonne année.

APOLLINE DE MALHERBE
Bonne année à vous. On va voir si elle commence vraiment bien pour le Gouvernement mais d'abord, elle commence très durement pour le Pas-de-Calais, pour les habitants du Pas-de-Calais. Vous êtes bien sûr le porte-parole du Gouvernement, vous serez sur place juste après cette interview, vous filez dans la région de Saint-Omer. Il y a plus de 300 habitants évacués, il y a 50 communes touchées et ça dure, et ça dure depuis le 11 novembre sans arrêt. C'est quasiment de la torture psychologique en plus d'être une très, très grande difficulté matérielle. Il y a Xavier BERTRAND, le président de la Région, qui vous attend. Il était d'abord invité sur RMC il y a quelques minutes. Écoutez ce qu'il dit des ministres qui arrivent.

XAVIER BERTRAND, PRÉSIDENT DE LA RÉGION HAUTS-DE-FRANCE
Nous les ministres, on ne veut pas les voir parce que derrière, on veut que ça suive. On veut que ça suive. Tenez-vous bien : le Ministre de l'Agriculture, il est venu dans les bagages du président de la République en disant "On va faire une aide, tout ça". Les maraîchers à Saint-Omer, vous savez le maraîchage, c'est effectivement avec des plantations qui sont au niveau d'eau. Là, bien évidemment, tout est mort. Ils attendent toujours qu'on leur parle d'indemnisation. Et pour les agriculteurs du Pas-de-Calais, on leur avait dit la main sur le cœur : "Vous allez voir, vous allez être aidés par l'État". Là, on est en train de leur dire : "Attendez, ça va plutôt être une avance de trésorerie qu'une aide", donc on se fout du monde ! On se fout du monde ! Moi je vais vous dire un truc : les ministres, je ne sais pas s'ils sont dans l'attente de leur remaniement, qu'ils viennent s'installer avec armes et bagages et leurs administrations, et qu'ils viennent s'installer pas pour quelques heures mais pendant quelques jours pour régler les problèmes.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas intérêt à juste arriver puis à repartir.

OLIVIER VERAN
Mais ce n'est pas ce qui a été fait. Lorsque le président de la République s'est déplacé lui-même dans le Pas-de-Calais il y a quelques semaines, il avait pris des engagements, ils ont été tenus. Un fonds de 50 millions d'euros de soutien, il avait annoncé que l'ensemble des communes qui en feraient la demande seraient reconnues en catastrophe naturelle. Il avait annoncé que le régime de calamité agricole serait reconnu pour les agriculteurs qui en avaient besoin. Il s'est rendu sur place, de la même manière d'ailleurs que le président de République a appelé hier les maires de plusieurs communes du Pas-de-Calais dans lesquelles il s'était rendu pour leur assurer à nouveau que le soutien de l'État serait effectif dans l'urgence et dans la durée. D'abord vous dire peut-être un mot de la situation puisque 500 habitants dans le Pas-de-Calais restent encore privés d'électricité. C'était 8 500 hier soir, ce qui veut dire qu'on peut saluer le travail des agents sur le terrain, de la même manière qu'évidemment je ne peux pas parler des inondations sans saluer les pompiers, les forces de sécurité, les élus locaux à la rencontre desquels je me rends avec Christophe BECHU, le Ministre en charge de cela dans quelques minutes. Effectivement, on sera plutôt en bottes qu'en chaussures pour aller sur le terrain pour voir avec les habitants quelle est la réalité de ce que…

APOLLINE DE MALHERBE
La question, c'est qu'est-ce que vous allez leur dire ?

OLIVIER VERAN
Attendez, d'abord soutenir les forces qui sont sur place, soutenir les élus qui sont sur place, écouter les habitants. Regarder, constater, mettre des images sur des mots. Je pense que c'est plus important que les discours politiques ou de politicaillerie. On est face là à un événement de catastrophe climatique. On n'est pas là face à la conséquence d'une décision politique. Donc face à des catastrophes qui se renouvellent et qui sont amenées à se renouveler – je ne l'espère pas pour les habitants du Pas-de-Calais, mais il est à craindre qu'il y ait chaque année plus d'incendies l'été, plus d'inondations l'hiver – on doit agir et nous agissons. Et donc, s'il faut accélérer des travaux, s'il le faut – j'entendais un élu local parler de pompe pour permettre d'évacuer plus rapidement l'eau, il y a des fonds d'intervention qui existent – nous avons mis en place par exemple le Fonds vert qui permet de faire des travaux très lourds et très coûteux pour les communes pour les accompagner. Nous avons levé toutes les contraintes réglementaires qui pouvaient empêcher de réaliser justement des travaux de mise aux normes, de mise en conformité ou de réparation, et donc vous voyez bien que c'est quelque chose. D'ailleurs c'est assez nouveau dans notre pays, cette capacité à s'affranchir de règles et de normes lorsque la situation l'exige.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est au fond un peu ce que vous aviez fait au moment du Covid sur la question soudain de limiter les obstacles administratifs.

OLIVIER VERAN
Et après les émeutes urbaines aussi, souvenez-vous. La reconstruction après les émeutes urbaines.

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que Xavier BERTRAND, là il dit que notamment il y a un certain nombre…

OLIVIER VERAN
Mais vous connaissez Xavier BERTRAND.

APOLLINE DE MALHERBE
Quoi ? Il fait de la politique ?

OLIVIER VERAN
Je ne critique pas l'action de Xavier BERTRAND à la tête de sa région. Je dis juste que des discours comme celui-ci, qui ne sont pas très affables, pas très aimables à l'égard des ministres qui viennent justement au contact sur le terrain, dans l'urgence pour aller voir les maires, je crois que là on peut mettre juste de côté les questions politiques. Je dirais, on doit être unis face à ce qui relève encore une fois de problèmes climatiques.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais parlons très concrètement. Il dit par exemple que l'une des nécessités, et ça on le voit aussi aux Pays-Bas par exemple, c'est de nettoyer régulièrement les rivières. Il dit : "Il y a certaines communes où ils ont deux agents municipaux". Ça ne suffit pas pour nettoyer les rivières, ça ne suffit pas pour le travail qui est nécessaire aujourd'hui. Ça veut dire que l'État doit, à un moment ou à un autre, peut-être changer cela, non ?

OLIVIER VERAN
L'État, qu'est-ce qu'il fait déjà aujourd'hui ? Encore une fois, le Fonds vert, quand on parlait du Fonds vert, j'en ai parlé d'ailleurs sur votre plateau, c'est quelque chose qui paraît un peu ésotérique. Les gens se disent : "Tiens, un nouveau fonds". Enfin ce Fonds vert, c'est quand même beaucoup, beaucoup d'argent mis à disposition des communes qui souhaitent pouvoir piocher dedans justement pour réaliser ce type de travaux, parce qu'ils ont des besoins complémentaires. Donc, nous faisons en sorte que les acteurs de terrain qui ont des besoins puissent les réaliser en lien évidemment avec le préfet qui est le garant de l'autorité de l'État dans les territoires.

APOLLINE DE MALHERBE
Sur la question des élus, vous le disiez, vous allez être accueilli tout à l'heure par un certain nombre de maires et Xavier BERTRAND le disait tout à l'heure aussi. Il disait que les élus, ils se sentent très seuls parce qu'ils sont à portée de baffes, comme on dit, et que les habitants n'en peuvent plus, qu'ils sont excédés, épuisés, extrêmement découragés et même révoltés, c'est le mot qu'il utilisait. Est-ce que là aussi, vous allez davantage les accompagner, les élus qui sont déjà très éprouvés. On sait que 2023 a été une année très dure pour eux.

OLIVIER VERAN
Ce qui est certain, c'est que quand vous vivez une inondation, lorsque vous êtes victime d'une inondation avec des pluies qui ne s'arrêtent pas – le Pas-de-Calais reste en vigilance rouge, il va continuer de pleuvoir pendant manifestement deux jours, il y a cinq départements aussi qui sont encore en vigilance orange – lorsque vous avez votre maison qui est envahie par l'eau, vous voyez vos meubles qui flottent, vous voyez vos vêtements, les jouets de vos enfants, vous voyez votre matériel audiovisuel qui est foutu, c'est quelque chose qui est traumatisant. Moi à titre personnel, j'ai vécu une inondation dans la maison de mes parents, à côté de Grenoble, lorsque j'étais gamin et je m'en souviens encore. Je me souviens des truites qu'on avait retrouvées même dans la cave, lorsque l'eau s'était échappée, de tous les biens qui avaient été perdus. C'est un véritable traumatisme, c'est quelque chose de traumatisant. Donc que les gens soient en colère, que les gens soient en détresse, que les gens aient des questions, que les gens aient peur et qu'ils aient besoin d'être accompagnés, c'est une évidence. C'est une évidence ! Et je leur dis ce matin, comme le président de la République leur a dit lorsqu'il y a eu les derniers épisodes et de la même manière que les autres ministres en charge de ces questions leur ont dit, nous sommes à vos côtés, pas seulement aujourd'hui mais dans la durée. Dans la durée. Et donc ce qui doit être réparé le sera, ce qui doit être protégé le sera. C'est un travail gigantesque qui est celui qui consiste à s'adapter aux évolutions du climat et à ses conséquences sur le territoire.

APOLLINE DE MALHERBE
Dans la durée, 2024, on va parler dans un instant et vous allez nous donner quasiment le mode d'emploi d'un certain nombre des nouveautés de l'année en termes de bonus écolo, de tarifs, de pouvoir d'achat. Mais cette année 2024, elle commence surtout sur une attente, on attend. Alors il n'y a pas de conseil des ministres aujourd'hui, il devait y en avoir un, il a été annulé, il y en aura un la semaine prochaine. On attend. Est-ce que vraiment le pays peut comme ça vivre dans l'attente qu'Emmanuel MACRON décide si oui ou non il garde Elisabeth BORNE ? S'il vous garde, s'il garde les uns et les autres ?

OLIVIER VERAN
Vous parlez d'attente, moi je parle d'action. Pardon, je suis ce matin sur votre plateau comme porte-parole du Gouvernement. On a parlé du Pas-de-Calais dans lequel on se rendra, le ministre de l'Intérieur est actuellement à Marseille, l'ensemble des collègues ministres sont déjà rentrés à Paris dans leur ministère pour préparer la rentrée pour l'ensemble des Français. Et puis vous parlez d'attente, moi je parle déjà de résultats visibles. Au 1er janvier, il y a beaucoup de choses qui ont changé de manière tangible pour les Français. Les pensions de retraite ont augmenté, le SMIC a augmenté, les gratifications de stage ont augmenté, les jeunes de 17 ans peuvent désormais passer le permis de conduire, il y a des prestations sociales et sanitaires qui sont plus accessibles pour un certain nombre de nos compatriotes, il y a les aides aux entreprises qui sont prolongées ou accentuées. Donc il y a beaucoup de choses positives qui changent pour les Français au 1er janvier et qui se sont mises en place dans des bonnes conditions.

APOLLINE DE MALHERBE
Qui sont effectivement les points qui changent au 1er janvier.

OLIVIER VERAN
Oui mais je crois, vous savez, que pour les gens qui nous regardent ce matin, pour beaucoup qui ont déjà repris le chemin du travail, c'est quelque chose qui leur parle un peu plus que de savoir s'il y aura ou il n'y aura pas le remaniement avec untel ou untel.

APOLLINE DE MALHERBE
Moi je vais vous dire, le remaniement je m'en fiche. En revanche ce que je constate, et là on peut le dire en tant que journaliste, c'est qu'alors vous, oui, vous allez, parce qu'effectivement il y a cette urgence climatique et il y a cette urgence dans le Pas-de-Calais, Gérald DARMANIN est à Marseille, mais il y en a beaucoup de vos collègues qui nous disent : "Ah, on devait venir puis finalement on ne vient pas parce qu'on attend". Eux-mêmes, ils attendent.

OLIVIER VERAN
Ils attendent, mais non, personne n'attend.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah bon ? Personne n'attend ? Vous avez lu Le Parisien ce matin, vous avez lu votre collègue Clément BEAUNE qui fait savoir qu'il est disponible, qu'il veut rester, vous avez lu ça ?

OLIVIER VERAN
Non mais Clément BEAUNE, il revient sur l'épisode de la loi immigration. Je vous dis juste que j'ai déjà connu des périodes pendant lesquelles on parle de remaniement etc, etc, des fois où d'ailleurs des remaniements qui sont pré-annoncés, vous pouvez avoir un peu de tension et de relâchement. Ce n'est pas du tout ce que je perçois chez mes collègues et je peux vous garantir que j'ai fait un large tour de mes collègues. J'étais avec Roland LESCURE encore hier soir aussi au téléphone pour parler de l'industrie et de la réindustrialisation du pays, etc. Enfin franchement, je ne sens pas ça. Ça ne veut pas dire qu'il y aura ou qu'il n'y aura pas, je n'en sais rien. Ce n'est pas à moi de vous le dire et je n'en sais rien.

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais en même temps, il ne faut pas nous dire qu'il n'y a pas parce qu'il va quand même sans doute y avoir.

OLIVIER VERAN
Non mais je ne vais pas nier ce qu'il y a dans l'air puisque vous en parlez, mais je ne sais pas si c'est une réalité ou non, je vous dis juste que ça n'a pas de conséquence sur l'action qu'on a et que ce n'est pas ce qui compte.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on est bien d'accord que ce n'est pas une pure invention des journalistes.

OLIVIER VERAN
Vous savez dans le domaine de l'invention, je pourrais en faire un bouquin.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un point qu'on attend et qui a été annoncé par Emmanuel MACRON, c'est un rendez-vous avec la Nation. On va avoir un grand rendez-vous avec la Nation en janvier, c'est-à-dire ?

OLIVIER VERAN
Et ça vous en parlez avec une petite pointe d'ironie et moi j'en parle avec beaucoup d'attentes.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous savez pourquoi j'en parle avec beaucoup d'ironies ?

OLIVIER VERAN
Dites-moi.

APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu'on avait déjà eu l'initiative politique d'ampleur.

OLIVIER VERAN
Oui et donc qu'est-ce qui s'est passé ?

APOLLINE DE MALHERBE
On a eu le grand débat…

OLIVIER VERAN
Qu'est-ce qui s'est passé, mais Apolline de MALHERBE, et oui et donc ?

APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien les cahiers de doléances, ils sont toujours dans les mairies, ils n'ont jamais été épluchés.

OLIVIER VERAN
Attendez, je veux bien qu'on reprenne. Je vais vous parler du rendez-vous de la Nation, tel que je perçois moi les choses.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors allez-y, moi je ne demande que ça.

OLIVIER VERAN
Juste un point. Le président de la République, il a lancé pour la première fois un grand débat national, il y a 2 000 000 de Français qui se sont exprimés. On a fait adopter un projet de loi en urgence…

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais ils se sont exprimés mais qu'est-ce qu'on en a fait ?

OLIVIER VERAN
Un 30 décembre au Parlement. Eh bien la prime d'activité, par exemple, le versement des pensions alimentaires pour les mères isolées, le versement automatique par exemple. Si vous vous posez la question aux millions de Français qui touchent la prime d'activité, je peux vous garantir qu'en termes de pouvoir d'achat et pour que le travail paie mieux, ils voient la différence. Bref, sur la question des autres initiatives présidentielles, les conseils nationaux de la refondation, ça fonctionne énormément dans les territoires, pour l'école et pour la santé. Les conventions citoyennes, autre innovation du président sur le climat, vous voyez, on va parler, on peut parler des ânes. On peut parler de la fin des véhicules thermiques. On peut parler des passoires thermiques. Tout ça, c'est la convention climat. La convention, fin de vie, vous le savez, il va y avoir une loi. Donc, ce sont des choses qui fonctionnent. Quant aux Rencontres de Saint-Denis, c'était la première fois que l'ensemble des chefs de parti se retrouvaient face au président.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y en a eu qu'une seule, il n'y a pas eu derrière pardon, je reprends le mot, le problème c'est que je trouve le décalage entre une forme d'effet d'annonce d'initiative politique majeure.

OLIVIER VERAN
Apolline de MALHERBE, il y a juste un énorme chantier sur la décentralisation qui est lancé, un énorme chantier sur la déconcentration qui est lancé. Un référendum à venir sur le statut de la Corse, un à venir sur le statut de la Nouvelle Calédonie, un référendum sur l'inscription de l'IVG dans la constitution, tout ça après un rendez-vous. Pardon, moi je pense que c'est utile. Bon, sur ce rendez-vous avec la Nation, là aussi je vois ça comme la possibilité d'un remède contre une forme d'individualisme. Si vous voulez, on a une forme de consommation un peu à la carte, on consomme à la carte, c'est Netflix, c'est Amazon, on communique et on s'exprime à la carte. C'est avec les réseaux sociaux. Il y a quelque chose qui ne peut pas fonctionner, qui ne doit pas fonctionner à la carte, c'est la nation. Parce que la nation, c'est notre histoire passée, c'est notre histoire actuelle. C'est pour ça que le président de la République citait Ernest RENAN qui expliquait cela en parlant d'un plébiscite de tous les jours. C'est un socle de valeurs communes. C'est ce qui fait que nous sommes liés les uns aux autres. Et cette nation, elle n'est pas perdue, ringardisée dans un consumérisme mondialisé. Au contraire, c'est ce qui rend tout le reste possible. Donc cette nation, il nous faut la célébrer et il nous faut faire lien et corps avec elle. Il se trouve que 2024 est une année où il y a des rendez-vous à valeurs symboliques très fortes qui permettent de faire Nation.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez aux Jeux olympiques.

OLIVIER VERAN
Qu'on aime ou non le sport, la France va organiser les JO et moi j'entends depuis des semaines, des mois, quand on aborde les JO, parler de ça sous l'angle de "est ce qu'on y arrivera sur la sécurité des transports ?" Attendez, c'est un grand évènement international qu'on doit célébrer. Deux : Qu'on soit croyant ou non, la réouverture de la cathédrale Notre-Dame dans les délais prévus par le prix de la République, ce sera un événement extrêmement important. Les 80 ans de la commémoration du débarquement, c'est un événement important. Villers Cotterêts avec les grands événements de la Francophonie lancé par le président de la République, c'est un événement important.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous n'êtes pas complètement décalé par rapport aux préoccupations des Français ?

OLIVIER VERAN
Je vous dis juste une chose, c'est que on a besoin et là c'est le ministre en charge de la Démocratie qui vous le dit. On a besoin d'être capables de se réentendre, de s'écouter de nouveau, voire pourquoi pas de se comprendre à nouveau.

APOLLINE DE MALHERBE
On est d'accord, mais qu'elle est la manière dont ça va se traduire, ça veut dire quoi le grand rendez-vous ?

OLIVIER VERAN
Personne et moi le premier ne nie la perte de lien qu'il y a entre la classe politique et les citoyens.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous-même quand vous avez été à Crépol vous aviez dit, on est à deux doigts de ce drame.

OLIVIER VERAN
Justement, on a vécu les émeutes urbaines, on a vécu des événements comme Crépol, on voit une montée des extrêmes, on voit, ça peut donner le sentiment, d'ailleurs, certaines personnes pour qui j'ai de l'estime théorisent l'idée d'une archi pénalisation de la société française.

APOLLINE DE MALHERBE
Jérôme FOURQUET.

OLIVIER VERAN
On parle de France qui aurait vocation à se faire face de manière définitive. Moi, je ne le crois pas. Je ne le crois pas parce qu'un, nous ne sommes pas une société anomique, nous sommes une société du lien. Et moi, je crois aux preuves tangibles. Il n'y a jamais eu autant d'engagement dans les associations et dans le bénévolat. Aucun autre pays quasiment que la France n'a montré autant de solidité, de courage et de solidarité dans les grandes périodes de crise. C'était le cas notamment pendant la période du Covid, souvenez-vous où des jeunes en banlieue parisienne, en banlieue de Bordeaux, ont été capables de se confiner pour sauver la vie hypothétique de personnes fragiles, en Seine-Saint-Denis, par exemple.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne comprends pas, vous estimez qu'il n'y a pas d'archi pénalisation, quand vous avez dit à Crépol, on est au bord d'une France qui bascule, ce n'était pas ça que vous disiez ?

OLIVIER VERAN
Je vous redis les choses peut-être de manière plus simple, je vous dis que un, on a changé nos modes de consommation, on a changé nos modes de relation à l'autre avec Internet, les réseaux sociaux, ces plateformes, on est aujourd'hui, on va piocher dans différentes identités. On n'est plus appartenant à une seule identité. Je vous dis juste qu'il y a une communauté, une identité qui doit échapper à cette archi pénalisation, c'est la nation française, parce que ce sont les valeurs que nous devons tous respecter. Regardez comme le débat…

APOLLINE DE MALHERBE
Je trouve ça très théorique.

OLIVIER VERAN
Regardez le débat sur l'abaya, ce n'est pas théorique.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce que je veux dire, c'est passionnant, c'est très intéressant…

OLIVIER VERAN
Apolline de MALHERBE, quand je me rends…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est très loin d'un rendez-vous concret avec des effets…

OLIVIER VERAN
Quand je me rends dans des collèges, dans des lycées professionnels ou autres, et notamment dans des sites, dans des endroits un peu difficiles et que je vais parler, débattre avec des jeunes de la question de l'abaya, je me rends compte que la laïcité n'est plus vécue, n'est plus perçue par une partie de la jeunesse comme étant une chance ou une valeur qu'il nous faut défendre, mais plutôt comme une contrainte. Cela veut dire que c'est un combat de valeurs qu'il nous faut aussi être capable de donner.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il faut réaffirmer la laïcité, l'interdiction de l'abaya par exemple pour vous ça fait partie de ce rendez-vous de la nation.

OLIVIER VERAN
Je vous parle de… le Président de la République lui-même, dans son programme de 2017 par exemple, avait parlé du Service national universel, le SNU, pour permettre de recréer du brassage et de la mixité et permettre de réapprendre à notre jeunesse l'appartenance à la Nation.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il va être universalisé ? Est-ce que vraiment cela va devenir un des outils…

OLIVIER VERAN
Vous rentrez dans la partie qui est à la fois et j'entends bien que vous me posez la question moins théorique mais qui ne m'appartient plus, qui est celle de dire comment concrètement, ce rendez-vous avec la Nation va se réaliser, va être proposé aux Français puisque le président de la République lui-même…

APOLLINE DE MALHERBE
Ca veut dire recréer lui-même d'universalité ?

OLIVIER VERAN
Le président lui-même a dit qu'il aurait l'occasion de s'exprimer pour dire les choses. Je vous dis juste que moi, le constat que je fais, peut-être que je me trompe. Je ne dis pas que j'ai raison. J'ai rencontré énormément de politologues, d'économistes, de sociologues. Vous en rencontrez, vous en recevez aussi beaucoup sur votre plateau qui vous disent que quelque chose a changé dans notre pays, dans la manière dont on est les uns avec les autres et dans l'équipe dans laquelle on vit, les uns parfois à côté des autres. Moi je vous dis juste que je pourfends l'idée d'une société archi pénalisée et qu'il nous faut absolument conforter l'idée de faire Nation.

APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est donc sur ce genre de points donc, c'est à ça qu'il faut qu'on s'attende dans le rendez-vous avec la Nation.

OLIVIER VERAN
Parce que c'est la nation française qui est capable de relever les grands défis, industriels, climatiques par exemple. Je vois bien aujourd'hui que quand on parle d'objectif plein emploi…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça va être un discours ou ça va être des faits, par exemple je ne sais pas, l'uniforme, le SNU…

OLIVIER VERAN
Je vous dis… Je subodore, je pense qu'il y aura vraiment du concret pour les Français, mais il ne m'appartient pas de vous le dire.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, plusieurs points, vous disiez tout à l'heure à propos de Clément BEAUNE, donc le ministre des Transports qui s'est exprimé sur la loi immigration, je voulais savoir, est-ce que vous, vous avez pensé à démissionner au moment de la loi immigration ?

OLIVIER VERAN
Pas une ligne, pas un mot de cette loi immigration n'a été inspiré, écrite, rédigé par le Rassemblement national. J'ai surtout entendu beaucoup de bêtises.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas une victoire idéologique ?

OLIVIER VERAN
Mais non.

APOLLINE DE MALHERBE
On vous a très peu entendu d'ailleurs à ce moment-là, au moment de la loi, c'était juste avant Noël.

OLIVIER VERAN
Non, mais j'ai fait ma part en m'adressant y compris aux députés qui étaient parfois amenés à douter. J'ai moi-même posé des questions sur le fond lorsque j'avais des questions. Par exemple, je vais vous dire en toute honnêteté, moi j'avais complètement zappé le fait qu'en 2016, lorsque j'étais député socialiste sous HOLLANDE et que j'avais voté la création de la prime d'activité, j'avais voté le principe selon lequel cette prime d'activité n'était accessible qu'aux étrangers ayant cinq ans de résidence en France. Et à l'époque sous François HOLLANDE, lorsque j'étais député socialiste, personne ne parlait de préférence nationale parce que ça n'en est pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça ne vous avait pas choqué.

OLIVIER VERAN
Je vous dis juste qu'étendre à de nouvelles prestations des mécanismes préexistants dans la loi – j'aurais pu vous parler du RMI ou du RSA mais je vous parle de ce que je connais le plus parce que je l'avais voté en 2016 – et aucun journaliste, aucun politique à l'époque ne s'en était ému. Je vous dis juste qu'on vit dans une époque aujourd'hui où il y a beaucoup de tension, on est dans l'hyper-réaction systématique, et le premier réflexe qu'on peut avoir face à un texte de loi, c'est de commencer à vouloir le caricaturer ou le critiquer au-delà.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous, ce texte de loi est tout à fait acceptable en l'état.

OLIVIER VERAN
Je ne vous ai pas dit en l'état, je vous dis juste que d'abord, pas une ligne, pas un mot n'a été inspiré ou écrit par le Rassemblement national.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi "pas en l'état" ?

OLIVIER VERAN
Parce que vous savez que le Conseil constitutionnel a été saisi et qu'il y a des dispositions…

APOLLINE DE MALHERBE
Quand même, il y a une forme d'hypocrisie là-dedans. On a l'impression que pour certains, vous l'avez voté, il est passé, vous dites "ouf !", et en même temps vous espérez qu'il y aura une sorte de tour de rattrapage et que le Conseil constitutionnel fera le boulot que vous n'avez pas fait.

OLIVIER VERAN
Apolline de MALHERBE, quand vous êtes au Parlement, et j'ai porté je ne sais combien de textes comme ministre : rien que des états d'urgence sanitaire pendant le Covid, je crois quinze ; des textes difficiles, je sais ce que c'est, avec une adoption difficile dans les deux chambres, je sais ce que c'est et ils ont tous été adoptés. Il se trouve qu'à plusieurs reprises, il m'est arrivé de dire dans cette situation parlementaire : "Ce que vous proposez n'est pas constitutionnel" et il est arrivé que les parlementaires décident de le voter quand même. Dans ce cas-là, le Conseil constitutionnel, il fait son travail, c'est-à-dire qu'il casse des dispositions qui ne sont pas constitutionnelles. Il n'y a pas quelque chose de nouveau.

APOLLINE DE MALHERBE
Clément BEAUNE, il dit : "Il faudra éviter tout nouveau débat sur l'AME", mais ce n'était pas le deal qu'il y ait un nouveau débat sur l'AME ?

OLIVIER VERAN
Le débat sur l'AME, il a été pré-tranché de manière importante par le rapport qui a été rendu par Claude EVIN et par Patrick STEFANINI qui disent : "Il ne faut pas le transformer en aide médicale d'urgence". C'était le gros du débat et vous le savez, vous connaissez ma position, je m'étais exprimé clairement là-dessus. Par contre, vous voyez, c'est intéressant parce que j'écoutais – j'ai vécu des fêtes de Noël et de Nouvel An, comme vous j'imagine, j'ai rencontré des copains, de la famille, comme vous j'imagine, on a parlé politique dans les différents repas, comme vous j'imagine – et donc, j'ai pu entendre aussi la perception des uns et des autres sur la loi que nous avions votée. D'abord, j'ai perçu qu'une partie des Français, en tout cas dans mon entourage, disaient : "Cette loi, elle est bien, quand même il la faut", c'est quand même bien de le reconnaître.

APOLLINE DE MALHERBE
70 % des Français estiment que c'est bien.

OLIVIER VERAN
Et puis d'autres personnes qui m'ont dit : "Mais la loi que tu as votée là, elle tue l'AME". Non, en fait les amis, pas du tout. D'abord, il n'y a pas une ligne sur l'AME dans la loi.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais enfin, Elisabeth BORNE elle s'est engagée auprès de Gérard LARCHER, j'ai la lettre sous les yeux : "Je souhaite vous informer que j'ai demandé aux ministres concernés de préparer les évolutions réglementaires ou législatives qui permettront d'engager une réforme de l'AME".

OLIVIER VERAN
Oui, et la dernière réforme de l'AME, c'était quand ? J'étais Ministre de la Santé, c'était il y a deux ans et demi. Je défends l'AME. J'ai fait une réforme réglementaire et législative de l'AME.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais là, elle dit "à venir". Elle précise : "Ce sera engagé en début d'année 2024".

OLIVIER VERAN
Je vous donne un exemple, je vous donne un exemple : il y a des prestations sociales…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous êtes en train de leur faire à l'envers à LR ?

OLIVIER VERAN
Non, non, non ! Il y a des prestations sociales ou non sociales d'ailleurs, y compris de collectivités comme des tarifs réduits, que vous touchez quand vous avez l'AME mais que vous ne touchez pas quand vous n'avez pas l'AME. Et donc on s'est aperçu qu'il y a un certain nombre de personnes qui peuvent rester en situation d'irrégularité pour continuer à percevoir l'AME afin de toucher ces prestations. Ça c'est débile, ce n'est pas le sens de la Sécurité sociale, vous voyez.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, Gérard DEPARDIEU il vous rend fier ou pas ?

OLIVIER VERAN
Alors d'abord, là aussi pardon, parce que ça aussi c'est un sujet de conversation à la table de Noël et du Nouvel An…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est surtout un sujet de conversation d'Emmanuel MACRON qui a dit qu'il le rendait fier et qu'il rendait fier la France.

OLIVIER VERAN
C'est un sujet, pardonnez-moi, qui est beaucoup plus large que ça. D'abord vous parlez d'Emmanuel MACRON, enfin pardon, c'est le candidat qui en 2016 a mis sur la table la question des violences faites aux femmes dans les transports en commun. Et il était même attaqué à l'époque pour ça en disant : "Pourquoi il parle de ça ?"

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne vois pas le rapport.

OLIVIER VERAN
Attendez ! Le rapport, c'est que la politique que nous menons elle est plus forte…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc comme il a fait ça, il peut se permettre de dire que…

OLIVIER VERAN
Je vais aller au bout de ce raisonnement. La politique que nous menons, elle porte des résultats. Vous pourriez m'interroger, par exemple en parlant des violences faites aux femmes, sur le fait que, pour la première fois depuis très longtemps, le nombre de féminicides est passé en dessous de la barre des 100. Ce qui est encore trop élevé mais ce qui est une baisse de 15 % par rapport à l'année précédente. Ce qui veut dire que les bracelets grave danger…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais Olivier VERAN, là je vous interroge sur Gérard DEPARDIEU.

OLIVIER VERAN
Ce qui veut dire que la capacité de reloger les femmes victimes de violence, c'est quelque chose qui fonctionne. Et moi, je vais vous dire les choses, 1/ les propos tenus par Gérard DEPARDIEU dans ce reportage tel que je l'ai vu, ces propos me choquent et j'ai une pensée pour les personnes qui se sont senties offensées, qui sont victimes. J'entends aussi qu'il y a des personnes qui ont porté plainte contre Gérard DEPARDIEU, la personne pas l'acteur, contre lui parce qu'elles estiment avoir été victime de violences et qu'elles demandent une réparation, et donc je vous ferai la même réponse que dans tout ce type de situation : lorsque la justice est saisie, c'est à elle de trancher, pas à vous et pas à moi. Nous ne sommes pas un tribunal populaire. C'est vrai, Apolline de MALHERBE, qu'ayant dit cela et du fait que je suis choqué par les propos que j'ai vus, que je trouve nuls, vous dire que ça reste des propos tenus dans le cadre d'une émission, qu'il faut… C'est à la justice de définir les choses. Non mais, vous voyez ce que je veux dire ou pas ?

APOLLINE DE MALHERBE
On s'étonne peut-être, pourquoi est-ce qu'Emmanuel MACRON n'a pas commencé à dire comme vous ? Qu'au départ il y a quand même des propos…

OLIVIER VERAN
Je vous le dis, moi j'ai commencé par vous dire, à rappeler l'engagement d'Emmanuel MACRON pour l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes et avec les résultats que nous obtenons. Et il y a encore quelques semaines, il y a encore quelques mois, on me disait : "Vous n'avez pas de résultats sur la politique que vous conduisez", et je disais : "Vous allez voir, l'Espagne ça a pris un peu de temps et ensuite les féminicides ont commencé à baisser", ça va être le cas en France.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement, merci d'avoir répondu à mes questions.

OLIVIER VERAN
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 janvier 2024