Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur la politique économique du gouvernement, à Paris le 8 janvier 2024.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Voeux aux acteurs économiques

Texte intégral

Je suis très heureux de vous retrouver pour ma septième cérémonie de voeux.

Tout a changé en sept ans sauf mon enthousiasme, mon engagement et ma détermination.

Je suis ici pour servir les Françaises et les Français. Je suis ici pour servir le président de la République. Je suis ici pour servir la majorité.

C'est ma fierté et mon bonheur.

1. Tout a changé parce que notre économie a changé

En sept ans, l'économie française a rattrapé son retard, corrigé ses faiblesses majeures, affirmé ses ambitions.

En sept ans, nous sommes devenus une des premières économies décarbonées en Europe. Je rappelle que nos émissions de CO2 ont baissé de 4,6% entre janvier et septembre 2023. Bel exploit collectif.

Nous avons engagé la réindustrialisation de la France.

Nous avons créé 100 000 emplois industriels, ouvert 300 usines, réhabilité des sites, relancé le nucléaire.

Je tiens à remercier Roland Lescure et toutes ses équipes pour leur travail exceptionnel.

Nous avons rompu avec la malédiction du chômage de masse en France.

Nous nous rapprochons du plein emploi qui est la norme dans les nations développées.

Le plein emploi doit revenir la norme en France après cinquante années de chômage de masse.

Nous sommes devenus la nation la plus attractive pour les investissements en Europe.

Nous avons su tirer le plein parti du Brexit et attirer à Paris les plus grands établissements financiers de la planète.

Pour conforter cette place, une loi sur l'attractivité financière de la France sera présentée au Parlement au printemps 2024.

2. Tout a changé parce que nous avons su faire face à deux chocs économiques mondiaux successifs : le COVID et la crise inflationniste.

En trois ans, nous avons connu 1929 et les années 70.

En trois ans, nous avons su prendre avec le Président de la République les décisions nécessaires pour garder la maîtrise de notre destin.

Face au COVID, nous avons déployé un arsenal de réponses massives, non conventionnelles et efficaces. Dans notre histoire économique, le " quoi qu'il en coûte " restera comme le marqueur de la volonté politique face au risque de destruction totale de notre appareil productif et de nos emplois.

Face à la crise inflationniste la plus grave depuis les années 70, nous avons à nouveau protégé efficacement les Français, notamment avec le bouclier tarifaire.

Nous sommes sortis de la crise inflationniste. Nous serons sous les 3% d'inflation dans le courant du premier semestre 2024.

Nous avons eu une croissance positive en 2023 et nous aurons une croissance qui accélérera en 2024.

Nos choix économiques ont donc été les bons.

3. Tout a changé en sept ans parce que le monde a changé.

Nous vivons un moment historique, qui définira les rapports de force mondiaux des cinquante prochaines années.

Historique, la réorganisation des chaînes de valeur.

La mondialisation ne sera plus jamais comme avant.

Elle était purement économique, elle est devenue largement politique – je veux dire : dictée par des impératifs de puissance, motivée par des logiques de transaction et de pur intérêt, et guidée par une course à l'indépendance.

Cette réorganisation à marche forcée des chaînes de valeur nous donne une chance unique de poursuivre notre réindustrialisation : saisissons-la, avec nos partenaires européens.

Historique, l'accélération du changement climatique.

Sécheresses, inondations, tempêtes, cyclones sont devenus la triste règle de notre temps.

Mes pensées vont à ce moment aux habitants du Pas-de-Calais à qui je veux dire toute ma solidarité et ma mobilisation totale avec les assureurs et les élus locaux.

Historique encore, le retour de la guerre dans le monde et sur le territoire européen.

Le premier risque économique est désormais un risque géopolitique.

Un embrasement du Proche-Orient, une insécurité croissante dans le trafic de la mer rouge, un incident dans le détroit de Taïwan remettraient en cause la stabilité internationale et affecteraient durablement le commerce mondial.

Historique enfin, l'accélération du déploiement de l'intelligence artificielle.

L'intelligence artificielle est la révolution technologique la plus radicale depuis l'invention des caractères métalliques mobiles par Gutenberg.

Comme toute révolution, elle est ambivalente.

Elle représente un risque majeur de dépossession des individus par les algorithmes, mais elle nous donne aussi une opportunité unique pour améliorer notre productivité et diffuser plus largement la connaissance.

Elle peut nous asservir, comme nous libérer. Elle peut nous enfermer, comme nous ouvrir.

Nous travaillons avec Jean-Noël Barrot à ce que la France devienne le pays leader de l'intelligence artificielle en Europe au XXIème siècle.

4. Ce moment de basculement historique nous donne à tous des responsabilités immenses, mais en particulier à la majorité.

Nous sommes à un moment charnière du quinquennat : ce que nous avons accompli avec le président de la République est considérable, ce qu'il nous reste à accomplir est encore plus important.

A tous nos compatriotes, je veux dire une chose simple : rien n'est écrit, tout dépend de nous. Nous affirmerons notre place, nos intérêts et nos valeurs uniquement à force de volonté. Nous devons faire preuve de clarté et de fermeté.

Contre les fraudes, les abus, la violation de nos règles communes, une seule réponse : la fermeté. Fermeté et autorité sont aussi des valeurs cardinales au ministère des Finances.

Nous avons durci notre réponse en matière de recouvrement des amendes. Nous continuerons.

Nous durcirons également notre réponse face aux trafics de stupéfiants. Une modification législative nous permettra dès cette année de geler les avoirs des trafiquants de stupéfiants, comme nous le faisons déjà pour les terroristes.

Il faut frapper les trafiquants de stupéfiants au portefeuille.

Contre la crainte du déclassement financier, une seule exigence : la réduction de la dépense publique, le désendettement accéléré de la nation, la tenue rigoureuse des comptes publics.

Nous avons pris de premières décisions avec la sortie du bouclier tarifaire et la suppression de dépenses publiques qui n'avaient pas fait la preuve de leur utilité, comme le PINEL.

Nous ferons de nouvelles propositions dans les semaines qui viennent, notamment sur la base de la revue des dépenses publiques.

Je rappelle que nous devons trouver au minimum 12 Md€ d'économies en 2025. Appelons un chat un chat : le plus dur est devant nous.

Avec Thomas Cazenave, nous serons intraitables sur les annonces ministérielles non financées. Toute annonce doit respecter rigoureusement et strictement les crédits qui ont été approuvés par le Parlement.

Le 4,4% de déficit n'est pas une lubie du ministre des Finances, c'est un objectif collectif fixé par le président de la République et la Première ministre, approuvée par le Parlement, et qui s'impose à tous.

Nous poursuivrons également le dialogue constructif que nous avons engagé, dans le cadre du Haut conseil sur les finances publiques locales, avec les collectivités locales, qui doivent participer librement à la bonne tenue des finances publiques.

Le tournant du redressement de nos finances publiques a été pris. Il sera maintenu fermement.

Contre la crainte du déclassement économique une seule réponse : plus de travail.

Notre modèle social a été mis en place en 1945 alors que nous avions peu de prestations et beaucoup de cotisants. Désormais, 75 ans plus tard, nous avons beaucoup de prestations et peu de cotisants.

Les chiffres sont sans appel. En 1965 la part de la dépense publique dans la richesse nationale était de 40%, elle est de 54% aujourd'hui.

Ce déséquilibre entre nombre de cotisants et volume de prestations fait peser un risque majeur sur notre modèle social.

Il représente aussi un risque financier et un risque politique majeurs : les Français qui travaillent acceptent de moins en moins de payer pour ceux qui ne travaillent pas.

Nous devons donc continuer à faire du plein emploi un objectif stratégique du quinquennat. Le plein emploi est à 5% : 2 points nous séparent de notre objectif.

Je le redis : cet objectif du plein emploi ne pourra pas être atteint à modèle social constant.

Emploi des plus de 55 ans, logement, complexité des prestations sociales, formation, lycée professionnel, nous devons continuer à explorer tous ces sujets sans tabou. Avec une seule volonté : faire revenir au travail le plus grand nombre de personnes.

Prenez par exemple l'emploi des plus de 55 ans.

Je compte sur tous les entrepreneurs de la nation pour accomplir une véritable révolution culturelle sur le travail des plus de 55 ans.

Ils ne sont pas un poids, ils sont une chance. Leur expérience est précieuse. Leur savoir-faire doit être transmis. Personne ne peut se résigner à ce que le taux d'emploi des plus de 55 ans en France soit de 15 à 20 points inférieur à ce qu'il est dans les autres pays européens. C'est un vrai scandale humain.

Vous, chefs d'entreprise, vous avez une responsabilité particulière : vous devez rompre avec cette pratique d'un autre temps - la mise à la retraite déguisée de vos salariés les plus âgés.

Dans la négociation en cours, j'invite par conséquent les partenaires sociaux à faire preuve de la plus grande ambition pour l'emploi des plus de 55 ans. Soyons clairs : décaler de deux ans la « filière seniors » ne suffira pas. C'est toute la " filière seniors " dont il faudra revoir le fonctionnement pour obtenir de véritables résultats.

Nous devons notamment interroger la durée d'indemnisation, qui incite à repousser les choix du retour au travail, quand nous savons que passés 6 mois, une personne de plus de 55 ans perd de grandes chances de retrouver un travail.

Contre les fins de mois difficiles, un double combat : pour la juste rémunération des salariés et contre les prix élevés.

Je remercie les entreprises qui ont augmenté les salaires en 2023.

Je les incite à continuer dans cette voie en 2024, en utilisant tous les instruments à leur disposition : primes défiscalisées, heures supplémentaires.

Je souhaite aussi que nous menions à terme la réflexion qui a sera ouverte dans le rapport Bozio-Wasmer sur les allègements de charge pour lutter contre la smicardisation de notre société. Nous devons recréer une dynamique des salaires en France, pour recréer un espoir par le travail.

Formation, qualification, orientation, charges, prime d'activité, tout doit être remis à plat pour nous assurer que tous ceux qui ne comptent pas leurs heures n'aient plus à compter leurs fins de mois.

Une rémunération juste fait une société juste.

Nos victoires économiques doivent être des victoires pour tous.

Pour la baisse des prix, je poursuivrai avec Olivia Grégoire le travail qui a été entrepris avec le trimestre anti-inflation ou les négociations commerciales avancées. Nous ne lâcherons rien. Nous obtiendrons des baisses de prix sur un certain nombre de produits alimentaires. Nous mesurons trop bien combien la flambée des prix alimentaires a pesé et continue de peser sur la vie quotidienne des ménages.

Contre les doutes des entrepreneurs, une seule réponse : la simplification.

Nous avons déjà recueilli 730 000 votes et 5400 propositions sur la consultation publique lancée sur make.org.

Notre objectif est double : une vague massive de simplification et une transformation du rapport entre administration et entreprises.

En bref, notre administration ne doit plus être face aux entrepreneurs, elle doit être avec eux. Elle ne doit pas défendre sa place, elle doit se mettre à leur place. Elle ne doit pas sanctionner, elle doit servir. Je ferai de premières propositions en mars 2024.

Contre la désindustrialisation, une seule politique : la décarbonation de notre industrie, la baisse des impôts de production, la protection de nos intérêts industriels européens.

La réindustrialisation verte permettra à la France de renouer avec sa culture industrielle en produisant des batteries électriques, des pompes à chaleur, des éoliennes ou encore des panneaux photovoltaïques.

Cette réindustrialisation verte passe par une électricité décarbonée, nucléaire ou renouvelable. L'accord que nous avons trouvé avec EDF doit permettre de consolider EDF tout en proposant des prix stables et compétitifs pour tous nos industriels.

Elle passe aussi par la baisse des impôts de production : je veux vous rassurer, nous tiendrons nos engagements en la matière.

Elle demande des financements considérables, évalués par Jean Pisani-Ferry entre 60 et 70 Md€ par an. Nous ne pourrons pas réussir sans mobiliser massivement l'épargne privée grâce à véritable Union des marchés de capitaux.

Je viens de charger le gouverneur honoraire de la Banque de France, Christian Noyer, de piloter une mission qui devra proposer une méthode de travail sur ce sujet fondamental.

Nous travaillons également à ce projet stratégique avec nos partenaires allemands.

Ma conviction est faite : nous devons mobiliser un groupe moteur d'Etats-membres pour faire avancer ce projet. Nous devons offrir la possibilité aux groupes financiers européens d'être supervisés sur une base européenne.

La mise en oeuvre de cette politique suppose la protection des produits européens.

Nous devons rétablir des frontières européennes pour notre économie. Nous avons ouvert une voie avec les primes pour les véhicules électriques, qui seront désormais réservées aux véhicules qui respectent les normes environnementales les plus strictes. Nous devons faire de ce choix une règle partout en Europe, sur tous les produits industriels. Le contenu européen est le gage de moindres émissions de CO2. Il doit devenir un référentiel de nos politiques publiques.


Conclusion

Vous le voyez, dans cette année 2024 qui est une année de tous les dangers internationaux mais aussi de toutes les opportunités pour la France, il n'y a pas de place pour les états d'âmes ou les hésitations.

Il n'y a de place que pour la clarté et la détermination.

Notre économie a tout pour s'imposer comme l'une des grandes économies décarbonées et innovantes du XXIe siècle.

Les choix que nous avons fait depuis 2017 avec le président de la République ont été les bons. Deux crises majeures n'ont pas réussi à les ébranler.

Alors maintenant, le moment est venu de parachever cette transformation du modèle économique et social français, pour qu'il mérite vraiment son nom de modèle et inspire d'autres nations.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 9 janvier 2024