Interview de M. Gabriel Attal, Premier ministre, à RTL le 27 février 2024, sur le soutien à l'Ukraine, la crise agricole, le plan de trésorerie d'urgence pour les exploitations en grande difficulté et l'assurance chômage.

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Média : RTL

Texte intégral

YVES CALVI
En pleine crise agricole, le Premier ministre Gabriel ATTAL prend la parole sur RTL, avec vous, Amandine BEGOT.

AMANDINE BEGOT
Monsieur le Premier ministre, bonjour.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

AMANDINE BEGOT
Et bienvenue, je le disais, dans ce studio, installé ici au Hall 1, en direct du Salon de l'Agriculture. A mes côtés, pour vous interroger, François LENGLET. Bonjour François.

FRANÇOIS LENGLET
Bonjour.

AMANDINE BEGOT
On va bien sûr ensemble évoquer longuement cette crise agricole. Mais d'abord, c'est l'information de la nuit : Emmanuel MACRON n'exclut pas l'envoi de troupes occidentales en Ukraine. Il ne dit pas qu'il y est favorable, mais il ne l'exclut pas. Gabriel ATTAL, est-ce que ça veut dire qu'on peut se retrouver avec des soldats français au combat, aux côtés de l'armée ukrainienne ?

GABRIEL ATTAL
La première question qu'on doit se poser, c'est de savoir si on accepte la perspective, qu'à un moment donné, la Russie puisse gagner cette guerre. Avec le président de la République, on répond que non, parce qu'on ne peut pas accepter aujourd'hui, qu'un pays autoritaire puisse prendre le contrôle d'un pays démocratique par la force. Et parce que derrière, l'Ukraine, c'est nous. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui vous avez des pays comme la Suède, la Finlande, qui avaient une histoire de neutralité, qui décident de rejoindre l'OTAN ? Précisément parce qu'ils voient venir cette menace. Et moi, je ne veux pas que ma génération, les générations qui viennent, grandissent dans un monde qui est celui qui est un monde de menace où un pays comme la Russie peut se dire qu'il prend le contrôle d'un autre pays libre et démocratique par la force. Ça c'est la première chose.

AMANDINE BEGOT
Mais ça veut dire que c'est un scénario envisagé, envisageable ?

GABRIEL ATTAL
Attendez, j'y viens. C'est pour ça qu'on a été depuis le premier jour de cette guerre aux côtés de l'Ukraine. Ce qu'a dit le président de la République, c'est d'abord qu'on allait continuer à soutenir les Ukrainiens. Hier, il a réuni au Palais de l'Elysée, une coalition de pays qui se sont engagés pour poursuivre et amplifier le soutien, notamment en équipements militaires, à l'Ukraine, pour résister face à la Russie. Et quand le président a été interrogé sur le fait de savoir si on pouvait exclure des choses pour l'avenir, il a répondu que rien ne pouvait jamais être exclu ; de la même manière qu'il avait répondu cela il y a deux ans, au début de la guerre en Ukraine. Vous vous souvenez, à l'époque, vous aviez beaucoup de pays qui disaient : on peut éventuellement envoyer, et je crois que l'exemple a donné le président hier, des sacs de couchage ou du matériel non militaire pour soutenir les Ukrainiens.

FRANÇOIS LENGLET
Envoyer des troupes françaises, c'est quand même pas du tout la même chose que d'envoyer des sacs de couchage.

GABRIEL ATTAL
Absolument. Justement. Il y a deux ans, beaucoup disaient : on exclut d'envoyer des armes, ne serait-ce que pour se défendre. On est aujourd'hui à envoyer des missiles à longue portée pour soutenir les Ukrainiens face à cette agression. Donc, ce qu'a rappelé le président de la République, c'est qu'on ne peut rien exclure dans une guerre qui, encore une fois, agit au cœur de l'Europe et aux portes de l'Union européenne.

AMANDINE BEGOT
Envisageable, donc, mais pas envisagé, là à très court terme.

GABRIEL ATTAL
Je crois qu'il a été clair sur le sujet.

AMANDINE BEGOT
Venons-en à cette crise agricole, et ces images qu'on a vues ici samedi, ces tensions parfois extrêmement musclées et tendues entre les agriculteurs et les forces de l'ordre. Sincèrement, Monsieur le Premier ministre, on n'avait jamais vu ça. Des CRS ici même dans les allées du salon, des animaux qui ont été bousculés dans leur enclos. Qu'est-ce que vous vous êtes dit, vous, en voyant ces images ?

GABRIEL ATTAL
Moi, j'ai été nommé Premier ministre au début du mois de janvier et je n'ai eu de cesse d'échanger avec les représentants des agriculteurs et avec les agriculteurs sur le terrain. Je me suis déplacé chaque semaine au contact de nos agriculteurs, de nos éleveurs. J'ai été dans le Rhône, j'ai été en Haute Garonne, j'ai été dans la Marne, j'ai été en Indre et Loire, et je vais continuer à me déplacer. Evidemment qu'il y a un malaise extrêmement fort chez nos agriculteurs, une détresse même chez beaucoup d'entre eux, qui vient de loin, de plusieurs décennies. Ils le disent d'ailleurs eux-mêmes. Mais ce qu'on a vu samedi, ce n'est pas ça. Ce qu'on a vu samedi, c'est certains qui instrumentalisent cette colère pour semer une forme de chaos.

AMANDINE BEGOT
C'est qui "certains" ?

GABRIEL ATTAL
Oh, on a bien vu le Rassemblement national, instrumentalisant probablement certaines forces syndicales. Ce qu'on m'a dit aussi, c'est que parmi ceux qui ont cherché à bousculer samedi, il n'y avait manifestement pas que des agriculteurs, vous aviez des militants qui étaient venus pour ce week-end, probablement pour…

AMANDINE BEGOT
Des militants RN.

GABRIEL ATTAL
Écoutez, en tout cas, je laisse aussi la Presse faire son travail. Je crois qu'il y a eu un certain nombre d'articles de vos confrères qui ont été faits sur le sujet. Moi je le dis, évidemment quand je me déplace sur le terrain, quand j'échange avec les agriculteurs, et encore ce matin à mon arrivée avec les éleveurs, je vois que les attentes sont très fortes, que les inquiétudes sont fortes, que les angoisses et la détresse. Oui, la détresse est forte, mais je vois aussi beaucoup de responsabilité de leur part. Vous savez, je me suis rendu quelques jours après ma nomination sur le barrage de Carbonne en Haute Garonne. Vous aviez des agriculteurs qui avaient bloqué. Ils ont levé le barrage. Vous savez ce qu'ils ont fait ? Ils ont tout remis en état eux-mêmes. Ils ont même payé à leurs frais une société de nettoyage pour balayer l'autoroute.

AMANDINE BEGOT
"Tu casses, tu répares".

GABRIEL ATTAL
Mais... Non, en fait, ce n'est même pas ça, c'est juste de la responsabilité. Moi, c'est ça que je vois chez nos agriculteurs et nos éleveurs. Nos agriculteurs, nos éleveurs, nos pêcheurs aussi, on pourrait en parler aussi, ils se lèvent tous les matins très tôt, on l'a vu là, pour nourrir les Français. Ils sont toujours au rendez-vous de leur responsabilité, donc je ne les mélange pas avec les semeurs de chaos qui ont voulu bousculer la visite du président de la République, qui encore une fois, étaient très politiques.

AMANDINE BEGOT
"Très politiques". Vous avez dénoncé un cirque médiatique et politique. Jordan BARDELLA, qui a passé deux jours ici, hier et avant-hier, a eu des mots très durs à l'encontre d'Emmanuel MACRON. "Je pense – a-t-il dit – qu'Emmanuel MACRON est atteint non seulement d'une schizophrénie inquiétante, mais aussi d'une forme de complotisme et de dérive paranoïaque très inquiétante, quand on est président de la République".

GABRIEL ATTAL
Bon, d'abord, moi je ne suis jamais favorable à l'utilisation de pathologies et notamment de pathologies mentales comme une insulte, parce que c'est quand même ça qu'il y a derrière les propos de Jordan BARDELLA. Ensuite, la réalité, on le voit, c'est que le Rassemblement national et Marine LE PEN, au premier chef, ce sont les passagers clandestins de cette crise agricole.

AMANDINE BEGOT
"Passagers clandestins".

GABRIEL ATTAL
Mais bien sûr, parce ils sont là, ils attendent que la crise s'éveille. Et puis ils viennent butiner sur cette crise, expliquer qu'ils auraient toutes les solutions. Madame LE PEN, ça fait plus de 20 ans qu'elle est élue, le Rassemblement national, il a 40 ans de bilan au Parlement européen. Qu'est-ce qu'ils ont fait depuis 40 ans ? Qu'est-ce qu'elle a fait, madame LE PEN, depuis 20 ans au Parlement européen ? Est ce qu'il y a eu une proposition de résolution, une proposition d'amendement ? Une question sur la question de nos... sur l'enjeu de nos agriculteurs ? Mais rien, mais rien du tout…

FRANÇOIS LENGLET
Mais pourtant, vous ne voulez pas débattre avec lui. Vous ne voulez pas débattre avec lui. Vous ne voulez pas vous retrouver dans une situation où vous pourriez justement faire valoir le bilan dont ils ne peuvent pas se prévaloir.

GABRIEL ATTAL
Eh bien, non non, alors moi, je peux vous dire, j'ai toujours été prêt à débattre. Jordan BARDELLA, j'ai débattu, je crois, six fois avec lui pendant la campagne présidentielle. On était tous les deux porte-paroles de nos candidats. Aujourd'hui, la proposition qui m'a été faite, c'est qu'il débatte avec moi en tant que tête de liste pour les Européennes. Je ne suis pas tête de liste pour les élections européennes. Moi, je suis Premier ministre. Le Premier ministre, il est responsable devant le Parlement. Qui est la présidente du premier groupe d'opposition au Parlement ? C'est madame LE PEN. C'est pour ça que je lui ai proposé un débat, elle a refusé. Mais je vous le dis, probablement parce qu'elle est mal à l'aise, parce qu'en 40 ans ou 20 ans de mandat, elle n'a absolument rien fait, rien proposé. Parce qu'il y a une incohérence absolue du Rassemblement national qui vote pour la PAC une fois, contre la PAC, la fois suivante, qui est re pour la PAC, re contre la PAC. Quand on fait la réforme de l'assurance récolte, ils ne sont pas dans l'hémicycle pour la voter. Quand on met en place la loi Egalim, ils ne la votent pas. Et je pense que madame LE PEN est mal à l'aise par rapport à ça et qu'elle a peur que ça se voit.

AMANDINE BEGOT
Sauf que vous dites : "Je ne suis pas tête de liste, je n'ai pas à débattre avec Jordan BARDELLA." Sauf que Monsieur le Premier ministre, pardonnez-moi, mais ces élections européennes, si c'est un échec pour la majorité, ce sera votre échec.

GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire, l'enjeu de ces élections européennes, il est européen, et donc si je vais me battre pour ces élections européennes, c'est avant tout pour notre pays et pour l'Europe. Parce que la réalité, c'est que l'alternative, en tout cas la liste que constitue le Rassemblement national, ce qu'ils défendent au fond, dans leur programme, c'est la sortie de l'Union européenne. Quand on dit "on va sortir de tous les traités, on va arrêter de payer la contribution à l'Union européenne" à la fin, ça veut dire quoi ? Ça veut dire la sortie de l'Union européenne. Je vous rappelle par ailleurs que quand il y a eu le Brexit, il y a quelques années seulement, ce n'était pas il y a dix ans, ils soutenaient et défendaient le Brexit.

AMANDINE BEGOT
Donc il n'y aura pas de débat avec Jordan BARDELLA ? Il n'y aura pas de débat entre Gabriel ATTAL…

GABRIEL ATTAL
Mais, encore une fois, je ne suis pas tête de liste. Je ne suis pas présidente de parti. Je suis Premier ministre.

AMANDINE BEGOT
C'est Valérie HAYER, qui sera bien tête de liste, vous pouvez nous le confirmer ?

GABRIEL ATTAL
Ah, mais ce n'est pas à moi de l'annoncer, c'est aux partis de la majorité de l'annoncer, Renaissance, Le MoDem, Horizons, le Parti radical, ça sera dans les prochains jours, je pense.

AMANDINE BEGOT
Jeudi.

FRANÇOIS LENGLET
On va venir aux aides justement que vous envisagez pour le secteur de l'agriculture. Alors, samedi, le président a annoncé un plan de trésorerie d'urgence pour les exploitations qui sont en grande difficulté. Il s'agit de recenser justement ces exploitations. Est-ce que ce recensement, il a commencé ?

GABRIEL ATTAL
Oui. Il a démarré, à l'initiative des préfets, avec également les Directions départementales des finances publiques. Il y a une réunion très importante qui se tiendra aujourd'hui autour de Bruno LE MAIRE, avec les ministres en charge de l'Agriculture, Marc FESNEAU, Agnès PANNIER-RUNACHER, pour à la fois lancer ce travail au sens (Brouillage du son)... mais aussi et surtout de mobilisation de l'ensemble des acteurs, pour accompagner en matière de trésorerie.

FRANÇOIS LENGLET
Qu'est-ce qu'on va leur proposer ? Ils demandent une année blanche, est ce que vous allez leur proposer des allégements de charges, diminutions d'impôts ou des prêts garantis par l'État ? Est-ce que vous envisagez tout ça ?

GABRIEL ATTAL
Bien sûr, il faut du cas par cas. Il faut regarder la situation de chaque exploitation et regarder comment on peut y répondre. Mais je veux quand même parler de ce qui est déjà fait. Vous parlez de prêts garantis par l'État. On a voté dans le budget, et c'est applicable cette année, 2 milliards d'euros de prêts qui sont garantis par l'État.

FRANÇOIS LENGLET
Visiblement, ça ne suffit pas, puisque c'est antérieur à la crise, et…

GABRIEL ATTAL
Ah, ça démarre là, en 2024, début 2024. Donc je peux vous dire qu'il y a des possibilités. Après, ça ne s'applique pas forcément à toutes les situations.

FRANÇOIS LENGLET
C'est ça.

GABRIEL ATTAL
On a aussi beaucoup tourné ça vers l'installation etc.

FRANÇOIS LENGLET
Report de cotisations sociales…

GABRIEL ATTAL
Non mais première chose. Deuxième chose, je veux quand même insister aussi sur les aides d'urgence en trésorerie qu'on a mis en (Brouillage du son)... notamment pour les (Brouillage du son)... qui ont été confrontés à la MHE, dans le Sud du pays. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en une semaine, le nombre d'éleveurs qui ont reçu une indemnisation, a doublé. On était mercredi dernier à 400 éleveurs à 5 millions d'euros qui avaient été engagés. On est aujourd'hui à 800 exploitations, 10 millions d'euros qui ont été versés, et ça continue à monter, tous les jours ça continue à monter. Troisième chose, on a maintenant ce travail qui va être mené sur la trésorerie pour regarder, situation par situation, comment on peut accompagner. Et on a beaucoup poussé les banques à se mobiliser. Pour certaines, il n'a pas fallu les pousser beaucoup, elles sont engagées avec nos agriculteurs. Je veux quand même insister sur ce qui a été annoncé encore ces tous derniers jours par le CRÉDIT AGRICOLE, le CRÉDIT MUTUEL, des prêts à taux zéro, des prêts à 2 % pour soutenir l'installation, pour soutenir la trésorerie de nos exploitations.

FRANÇOIS LENGLET
Est-ce qu'on a une idée du nombre d'exploitations qui seront concernées par ces aides ?

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça qu'on fait le recensement qui est en cours…

FRANÇOIS LENGLET
Une proportion…

GABRIEL ATTAL
Moi, je ne peux pas m'avancer sur un chiffre, François LENGLET…

AMANDINE BEGOT
Non, mais c'est 10, 40, 50… enfin, c'est impossible…

GABRIEL ATTAL
Je ne veux pas m'avancer sur un chiffre, je pense que c'est pour ça précisément, pour avoir une vision exhaustive de la situation qu'on a lancé ce travail.

AMANDINE BEGOT
Autre annonce du chef de l'État, Gabriel ATTAL, le fameux prix plancher, c'est une mesure qui était réclamée par plusieurs syndicats agricoles, qui a été proposée par LFI, par le passé, retoquée par la majorité, démagogique et infaisable, disait même Marc FESNEAU, le ministre de l'Agriculture, qui est d'ailleurs ici, avec nous ce matin, en novembre dernier. C'est, il n'y a pas si longtemps que ça. Non, il n'est pas là, eh bien, je l'ai croisé tout à l'heure, je croyais, pardon…

GABRIEL ATTAL
Non, c'est Agnès qui est là.

AMANDINE BEGOT
Pardon, excusez-moi, Agnès PANNIER-RUNACHER. Trois mois plus tard, en tout cas, Emmanuel MACRON remet cette idée sur le tapis, franchement, Monsieur le Premier ministre, il faut nous expliquer, soit, ce n'est pas très sérieux, soit, c'est de l'improvisation ?

GABRIEL ATTAL
Je vais vous expliquer très clairement, je vous l'ai dit, je me déplace beaucoup au contact de nos agriculteurs et de nos éleveurs. Il y a une chose qu'ils me disent tous, parce que la réalité, c'est qu'il y a des revendications, des attentes qui sont très différentes selon les filières, et au sein des filières, selon la taille des exploitations. Mais il y a une chose qui revient partout, c'est : on veut être rémunérés au juste prix, et on veut être rémunérés au-dessus de notre coût de production. Ça paraît quand même une forme de bon sens pour tous les auditeurs qui nous écoutent. À chacune de mes visites, ça m'a été demandé. Et donc, qu'est-ce qu'on va faire ? On va faire en sorte que des indicateurs de coûts de production qui existent, ils sont dans la loi Egalim, qui permettent, filière par filière, en les définissant avec l'interprofession, qui permettent de regarder quel est le coût de production dans chaque filière, qui puisse être la base de la construction du prix. C'est ça ce sur quoi on est en train de travailler. Et donc, c'est ça, cette forme de prix plancher dont a parlé le président de la République, ça n'a rien à voir, comme vous le disiez, avec la proposition de La France insoumise. La France Insoumise, ce n'est pas ça du tout, La France Insoumise, ils veulent transformer nos agriculteurs en fonctionnaires et nationaliser la grande distribution…

FRANÇOIS LENGLET
Mais ce que vous ne dites pas, c'est qu'un système comme celui-là ne peut pas fonctionner si vous ne contrôlez pas les frontières françaises, les importations qui, elles, n'ont pas les mêmes coûts de production et qui arrivent sur notre marché à des coûts inférieurs à ceux des Français.

GABRIEL ATTAL
Mais, François LENGLET, on a des filières déjà aujourd'hui, malheureusement, on aimerait qu'elles soient plus nombreuses, dans lesquelles ces indices de coûts de production fonctionnent dans la construction du prix. C'est donc bien que c'est possible. Et donc l'objectif, c'est de l'étendre aux autres filières, là où ça n'est pas aujourd'hui possible. Deuxième chose, on veut aussi mettre fin à une situation qui est une forme de dévoiement de la loi Egalim. Vous avez aujourd'hui certains industriels qui s'accordent avec la distribution sur un prix, et se retournent ensuite vers le producteur en lui disant : voilà, on s'est accordé avec le distributeur sur tel prix. Maintenant, il faut s'aligner…

FRANÇOIS LENGLET
Ce qui prouve bien que les lois Egalim 1, 2, 3, ça ne marche pas…

GABRIEL ATTAL
Alors, je ne dirais pas ça, les lois Egalim, ça a été un vrai progrès, et ça, d'ailleurs, les agriculteurs le disent. Aucun agriculteur…

AMANDINE BEGOT
Mais elles ne sont pas appliquées, nous disait tout à l'heure un producteur de lait…

GABRIEL ATTAL
Attendez, je vais au bout de ma démonstration. Mais aucun agriculteur ne demande à revenir sur les lois Egalim. Avant, c'était la loi LME, qui donnait les pleins pouvoirs à la grande distribution. Et moi, j'ai même vu des agriculteurs qui m'ont dit : sans la loi Egalim, on serait tous morts. Maintenant, est-ce que la loi Egalim ou les lois Egalim ont répondu à toutes les difficultés ? La réponse est non. C'est pour ça qu'on a confié une mission à des parlementaires qui vont faire des propositions. Et notamment, moi, j'ai donné une piste, c'est ce qu'on appelle la construction du prix en marche avant, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on impose à l'industriel, avant de conclure un prix avec le distributeur, la grande distribution, de conclure d'abord le prix avec le producteur…

AMANDINE BEGOT
Dans l'ordre en fait…

GABRIEL ATTAL
Eh bien, de faire les choses en bon ordre. Et c'est comme ça, François LENGLET, qu'avec cette série de mesures, la construction du prix en marche avant, les indices de coûts de production qui doivent devenir beaucoup plus centraux dans la construction du prix, qu'on arrive à cette forme de prix plancher, qu'a évoquée le président de la République, mais…

AMANDINE BEGOT
Ça, ce sera pour quand ?

GABRIEL ATTAL
Mais qui n'est pas du tout la proposition de La France Insoumise. Entre l'URSS et le Far-West, il y a un équilibre, voilà.

AMANDINE BEGOT
Et ce sera pour quand ? 2024, 2025 ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien, alors, les parlementaires doivent nous faire une proposition avant l'été. Ensuite, on fera un projet de loi à l'été qui devra être examiné rapidement pour que ça puisse entrer en vigueur, je l'espère, l'année prochaine.

AMANDINE BEGOT
Monsieur le Premier ministre, en marge de cette crise agricole, vous avez annoncé 10 milliards d'euros d'économie. C'est Bruno LE MAIRE qui a fait cette annonce il y a un peu plus d'une semaine. Edouard PHILIPPE salue ce matin l'effort qui a été fait dans les colonnes du journal L'Opinion. Mais clairement, dit l'ancien Premier ministre, ça ne suffit pas. L'État, dit-il, continue de dépenser presque 50 % de plus que ce qu'il perçoit en impôts chaque année. Et il ajoute que, eh bien, en 2017, il était assez d'accord avec le président qui disait : quitte à dépenser, il faut réformer massivement. Problème, aujourd'hui, on ne réforme pas grand-chose, dit Edouard PHILIPPE. Il est toujours dans la majorité quand il dit ça ?

GABRIEL ATTAL
Bien sûr, et je vais vous dire, moi, je suis ravi qu'Edouard PHILIPPE s'exprime aussi sur ce sujet de la dette et des déficits…

AMANDINE BEGOT
Il ne vous fait pas un peu, la leçon, là ?

GABRIEL ATTAL
Pas du tout. Alors, là, franchement, je vais vous dire, Edouard PHILIPPE…

FRANÇOIS LENGLET
Ce n'est pas très charitable quand même ce commentaire…

GABRIEL ATTAL
Le cœur de son engagement en politique, c'est ces questions de déficits, de dette. Vous savez, il est engagé sur ce sujet depuis toujours. Et je vais vous dire, moi, je le rejoins totalement dans le fait que c'est évidemment une priorité de réduire nos déficits, d'assainir nos comptes pour les générations futures. Parce que ceux qui vous expliquent qu'on peut vivre dans un monde sans contrainte, ceux qui vous explique que les questions de déficits, de dette, ce n'est pas un sujet, ils promettent aux générations à venir, et d'ailleurs, pas si lointaines, des augmentations d'impôts, notamment pour les classes moyennes qui travaillent. Moi, je ne veux pas qu'on augmente les impôts des classes moyennes. Côté Rassemblement National, France Insoumise, ça ne les dérangerait pas, mais moi, je le refuse. Et donc le meilleur moyen de l'éviter, c'est évidemment la responsabilité budgétaire, la réduction des déficits. Et, oui, on va continuer à réformer de façon structurelle…

FRANÇOIS LENGLET
Justement, parmi les réformes que vous annoncez, il y a celle de l'assurance-chômage. Vous avez dit, vous l'avez confirmé ce week-end dans le Journal du dimanche. Deux questions c'est pour quand ? Allez-vous réduire la durée d'indemnisation de tous les chômeurs ou vous vous focalisez seulement, si je puis dire, sur les plus de 55 ans en réduisant aussi leur durée d'allocation ?

GABRIEL ATTAL
Donc, vous savez que les partenaires sociaux négocient actuellement sur ces questions, emploi des seniors, et assurance-chômage. Donc on verra comment la négociation se poursuit. Mais moi, ce que je veux dire, c'est que cette négociation, elle a été lancée par ma prédécesseure dans un cadrage financier qui n'est plus celui qu'on a aujourd'hui. Pour être encore plus clair, quand cette négociation a démarré, on n'avait pas le ralentissement économique qu'on observe aujourd'hui partout en Europe. Heureusement, la France s'en sort mieux que nos voisins européens.

FRANÇOIS LENGLET
Ça veut dire, vous confirmez la réduction de la durée d'indemnisation pour les chômeurs ?

GABRIEL ATTAL
Non, ce que je confirme, c'est que l'évolution des conditions économiques, et par ailleurs, le fait que vous ne pouvez pas vous déplacer quelque part aujourd'hui sans rencontrer un chef d'entreprise, un patron de PME qui vous dit : je cherche à recruter, c'est un frein pour mon activité de ne pas pouvoir recruter…

FRANÇOIS LENGLET
Oui, ça, ce sont des impressions. Les chiffres de l'emploi, c'est zéro…

GABRIEL ATTAL
Ah, ce n'est pas des impressions, attendez…

FRANÇOIS LENGLET
Zéro création d'emploi…

GABRIEL ATTAL
François LENGLET, il y a aujourd'hui 7… on est à plus de 7 % de chômage, et vous vous déplacez partout, j'étais encore en Charente-Maritime, il y a quelques jours, mais à chaque fois que je me déplace, vous avez des gens qui cherchent à recruter, premièrement…

FRANÇOIS LENGLET
Vous nous avez dit, il y a quelques mois, au contraire…

GABRIEL ATTAL
Et deuxièmement…

FRANÇOIS LENGLET
Quand le chômage augmente, on va allonger la durée d'indemnisation…

GABRIEL ATTAL
Attendez, évidemment, François LENGLET. On a aussi une attente des Français que j'entends, qui est de dire qu'on doit toujours avoir un modèle qui incite à la reprise d'emploi, et que travailler doit toujours rapporter plus que ne pas travailler. Et moi, je me retrouve totalement, et je vais vous dire les Français qui nous écoutent, là, qui sont en route vers le travail dans leur voiture, je pense qu'ils se retrouvent aussi derrière cet objectif. Travailler doit toujours rapporter plus que ne pas travailler. Et notre modèle social doit inciter davantage à l'activité. Et donc, oui, moi, je suis favorable à ce qu'on rouvre ce chantier, maintenant, à quel moment…

FRANÇOIS LENGLET
Quand ? Quand ? A quel moment ?

GABRIEL ATTAL
Maintenant, les partenaires sociaux sont en négociation, négociation qui doit courir, je crois, jusqu'à fin mars. Donc, on fera le point dans les prochaines semaines. Mais moi, je suis favorable à ce qu'on puisse avancer sur cette question.

AMANDINE BEGOT
Autre chantier, et vous l'évoquiez à l'instant, vous parliez des classes moyennes avec ces deux milliards d'euros qui ont été promis pour 2025. Vous avez d'ailleurs indiqué dans votre déclaration de politique générale que ce serait financé par la solidarité nationale. Ça veut dire quoi, un nouvel impôt ?

GABRIEL ATTAL
Ah non, ça veut dire que vous avez aujourd'hui, je le disais tout à l'heure, des circonstances budgétaires qui sont compliquées. Il y a un ralentissement de l'économie. Du coup, il y a moins de recettes pour l'État. Ça nous impose de faire des économies et on en a fait. On a annoncé dix milliards d'euros d'économie. Ce n'est jamais facile, mais on le fait. On a un engagement du président de la République à baisser de deux milliards d'euros les impôts pour les classes moyennes. Je rappelle que cet engagement vient après la suppression de la taxe d'habitation, la suppression de la redevance télé que payaient beaucoup de Français. On a tendance à oublier, mais on l'a supprimée, la baisse de l'impôt sur le revenu pour les Français qui travaillent sur les premières tranches, je veux dire, ça vient aussi après tout ça. Mais donc il y a cet engagement…

FRANÇOIS LENGLET
Sur l'impôt quand même, les impôts n'ont jamais été aussi élevés en France.

GABRIEL ATTAL
Lesquels ? Quels impôts on a augmenté ?

FRANÇOIS LENGLET
Les prélèvements obligatoires.

AMANDINE BEGOT
Les prélèvements obligatoires.

FRANÇOIS LENGLET
45,3 % du PIB.

GABRIEL ATTAL
Non mais, les prélèvements obligatoires ils ont augmenté, parce qu'on a davantage de recettes, notamment des entreprises liées à l'activité économique. On perçoit effectivement plus d'impôts des entreprises, parce qu'on a créé 2 millions d'emplois, parce qu'on a des activités économiques qui s'étaient beaucoup développées ces dernières années, mais on n'a pas augmenté de taux d'imposition. Vous avez eu des décisions de collectivités locales sur la taxe foncière, qui sont des décisions de collectivités locales, la taxe d'habitation, sa suppression, elle leur a été compensée. Donc, c'est important de le dire.

AMANDINE BEGOT
Vous les trouvez, ces 2 milliards ? Pardon, il nous reste moins d'une minute, c'est fini.

GABRIEL ATTAL
C'est le travail qu'on va faire avec les parlementaires. Il y a ici, avec moi, le Rapporteur général du budget. Je ne le vois pas non plus, alors il était avec nous il y a deux secondes, Jean-René CAZENEUVE.

AMANDINE BEGOT
Décidément…

GABRIEL ATTAL
C'est le travail qu'on va faire avec les parlementaires.

AMANDINE BEGOT
Mais la gratuité pour tous, pour tout le monde, pour tout. En termes de santé, par exemple, ce n'est plus possible. C'est ce qu'on lit ce matin dans les colonnes du Figaro. C'est ça, c'est sur les dépenses de santé pour certains en tout cas ?

GABRIEL ATTAL
Non mais on a assumé sur ce sujet-là, de prendre une décision sur les franchises médicales par exemple. Oui, parce que la réalité, c'est que ceux qui vendent cela, vendent des augmentations d'impôts à retardement pour les Français et moi, ce n'est pas ce que je souhaite pour mon pays, ni pour les Français qui travaillent.

AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Monsieur le Premier ministre, et à vous aussi François.

FRANÇOIS LENGLET
Merci.

GABRIEL ATTAL
Merci.

YVES CALVI
À la question de savoir si des soldats français peuvent combattre aux côtés des Ukrainiens, "on ne peut rien exclure dans une guerre", vient de nous dire notamment le Premier ministre, Gabriel ATTAL.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2024