Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur la décentralisation des politiques publiques agricoles, à l'Assemblée nationale le 26 février 2024.

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Intervenant(s) : 
  • Agnès Pannier-Runacher - Ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le thème : « Décentralisation des politiques publiques agricoles : simplifier, adapter et mieux associer les territoires ».

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " Décentralisation des politiques publiques agricoles : simplifier, adapter et mieux associer les territoires ".

Ce débat a été demandé par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires. À la demande de ce dernier, il se tient en salle Lamartine, afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées. La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde en présence de personnalités invitées, d'une durée d'une heure. Nous procéderons ensuite, après avoir entendu une intervention liminaire du Gouvernement, à une nouvelle séquence de questions-réponses, d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

Pour la première phase du débat, je souhaite la bienvenue à M. Stéphane Le Moing, directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP) ; à M. Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne et de la commission Agriculture, alimentation, forêt, pêche, de Régions de France ; à M. Gilbert Guignand, secrétaire adjoint de Chambres d'agriculture France et président de la chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes.

Je vais maintenant donner la parole à chacun de nos invités, pour une intervention d'environ cinq minutes.

(…)

Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Je remercie le groupe LIOT d'avoir proposé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Cela me donne l'occasion de rappeler les préoccupations et les objectifs du Gouvernement en matière de simplification et d'adaptation de notre politique agricole aux réalités du terrain.

Nous engageons un tournant dans l'action publique avec l'ambition, d'une part, de faciliter la vie de nos agriculteurs en simplifiant les procédures et les normes partout où elles peuvent l'être de manière concrète dans l'action au quotidien des agriculteurs et, d'autre part, de s'engager pleinement, territoire par territoire, dans la transition et dans l'adaptation de notre agriculture au changement climatique.

Il y a près d'un mois, le Premier ministre, Gabriel Attal, a présenté un ensemble de soixante-deux mesures pour soutenir nos agriculteurs et renforcer la souveraineté alimentaire de notre pays. Ce plan prévoit notamment un volet pour simplifier et faciliter la vie d'agriculteurs confrontés à un empilement de normes tel qu'ils perdent du temps et parfois même le sens de leur travail.

Dix mesures de simplification immédiates, réglementaires comme législatives, ont été annoncées et leur déploiement a déjà commencé. Je pense en particulier à la simplification des curages des cours d'eau agricole – sujet de grande actualité après les inondations survenues dans le Pas-de-Calais –, qui a fait l'objet d'un décret publié, mais également à la réduction des délais de recours contre les projets hydrauliques et d'élevage – un décret a été transmis au Conseil d'État le 13 février et nos travaux se sont inspirés de ceux réalisés dans le domaine des énergies renouvelables.

Je pense aussi à la réduction des délais de contentieux des projets relatifs à la gestion de l'eau par la suppression d'un niveau de juridiction, également inspirée par notre politique en matière d'énergies renouvelables – un décret a été transmis au Conseil d'État –, et par l'application de la présomption d'urgence – un article a été intégré au projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, lui-même transmis au Conseil d'État.

Parmi ces dix mesures, on trouve la simplification et l'unification des quatorze régimes applicable aux haies, sujet abondamment commenté par plusieurs parlementaires – un article sur ce sujet est intégré au projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Je citerai aussi la révision des procédures de contrôle – une mission interinspections a été lancée cette semaine.

Nous souhaitons que ce choc de simplification advienne également au niveau européen. Ainsi, nous avons saisi la Commission européenne et travaillé avec nos partenaires pour alléger la charge administrative qui pèse sur les agriculteurs. Plusieurs victoires ont déjà été obtenues, je pense notamment à la dérogation sur les jachères – particulièrement adaptée cette année – ou encore à la rationalisation des contrôles applicables aux agriculteurs, en facilitant en particulier l'application du droit à l'erreur.

Le 26 janvier, le Premier ministre a également annoncé le lancement du « mois de la simplification », dont l'ambition serait, en partant du terrain et du point de vue de l'agriculteur, de travailler dans chaque département, avec les préfets, pour faire remonter des propositions de mesures de simplification, qui pourraient ensuite se traduire par la modification de normes par arrêté préfectoral. Dans ce cadre, 2 500 propositions de nature très diverses ont déjà été recueillies ; certaines ont déjà permis la modification de soixante-trois arrêtés préfectoraux et d'autres sont encore en cours d'instruction dans les départements, sachant que toutes n'impliqueront pas de telles modifications. En tout état de cause, nous défendons une démarche ascendante qui doit permettre de mieux comprendre, à partir de cas très concrets, la nature des mesures de simplification que nous pouvons appliquer.

Notre approche a donc consisté à nous mettre à la place des agriculteurs et à chercher à simplifier les démarches qu'ils doivent réaliser, en évitant les redondances, à mieux appliquer, sur le terrain, le droit à l'erreur pourtant institué il y a quelques années – quand on regarde les choses de près, il ne trouve pas toujours de traduction concrète –, et à améliorer l'accompagnement des usagers dans la sollicitation de différents dispositifs.

La contribution des organisations syndicales, des organismes consulaires et mutualistes, des organismes d'expertise et des collectivités à ce chantier de simplification a été précieuse.

Le 21 février, Marc Fesneau, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a réuni le Conseil supérieur d'orientation agricole (CSO) pour un premier exercice de simplification dont le suivi mensuel sera assuré jusqu'à l'été.

Comme vous le constatez, nous nous attaquons à la simplification sur tous les fronts. Nous sollicitons les représentants des agriculteurs, nous partons du terrain, nous agissons à l'échelon européen et nous nous fondons sur les difficultés que les parlementaires ont eux-mêmes pointées dans leurs travaux.

En matière d'agriculture, il faut évoquer les différentes situations territoriales. Les particularités de la vigne des Pyrénées-Orientales ne sont en effet pas celles de l'endive du nord de la France ou encore celles de la Salers du Massif central. Ceux qui les connaissent le mieux sont les acteurs locaux dans leur diversité, tout particulièrement les collectivités territoriales. Afin de renforcer l'efficacité de notre modèle agricole, elles devront donc être plus étroitement associées à l'élaboration des politiques publiques agricoles.

Associer, c'est d'abord concerter, ce que nous avons fait ces dernières années. Le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, présenté par Marc Fesneau le 15 décembre dernier, en est une preuve : construit grâce à une concertation de plusieurs mois, menée dans chacune de nos régions, y compris dans les outre-mer, il comprend trente-cinq mesures devant permettre la réconciliation entre agriculture et société et faciliter l'installation de nouveaux agriculteurs, alors que 200 000 agriculteurs sont susceptibles de prendre leur retraite dans les prochaines années.

Le remplacement des générations constitue un véritable défi. Vous en avez déjà parlé lors de la première heure de ce débat : France Services agriculture verra le jour pour le relever et pour accompagner les porteurs de projets agricoles en étant au plus proche leurs besoins. S'agissant des aides de la PAC, le plan stratégique national a été finalisé en 2022, après deux ans de concertation, avec les conseils régionaux notamment. Ceux-ci sont en effet les autorités de gestion des aides non surfaciques, c'est-à-dire non corrélées aux surfaces agricoles, attribuées au titre du deuxième pilier de la PAC relatif au développement agricole et rural – je pense notamment aux aides à l'installation et aux aides à l'investissement.

Associer, c'est faire confiance et accompagner les initiatives qui émergent dans les territoires. Les 438 projets alimentaires territoriaux recensés en France et soutenus par des collectivités, fédèrent par exemple différents acteurs, dont les citoyens, autour de la question de l'alimentation. De nouveaux lauréats d'un appel à projets national seront annoncés le 29 février. Cet outil, créé en 2014, fonctionne et tient compte des spécificités de nos régions, tout en impulsant une mobilisation collective.

Associer, c'est enfin faire ensemble. En matière de restauration collective, la loi a assigné des objectifs ambitieux de montée en gamme à l'ensemble des acteurs publics : l'utilisation de 50% de produits durables ou de qualité, dont 20% de produits issus de l'agriculture biologique, ainsi que l'utilisation de 60% de produits durables et de qualité pour les viandes et poissons – ce dernier taux devant atteindre 100% pour la restauration collective de l'État.

Le travail est mené au niveau de chaque type de collectivité territoriale : les communes pour les écoles primaires, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées. Nous avons mis à leur disposition un outil numérique qui permet le suivi des objectifs : la plateforme " ma cantine ". Seuls 5 000 établissements ont renseigné les informations relatives à ces objectifs : il est donc permis de penser que des progrès restent à accomplir avec les collectivités locales, notamment pour partager les bonnes pratiques de suivi des recommandations et des obligations fixées en matière d'approvisionnement des cantines en produits de qualité, issus de l'agriculture biologique et consommés en circuit court.

Dans le cadre de la gestion de la crise agricole actuelle, le Gouvernement adressera bientôt un courrier aux collectivités locales leur demandant l'inscription de leurs restaurants sur la plateforme numérique " ma cantine ". Un diagnostic partagé pourra ainsi être établi et, lors d'une conférence des solutions, que nous organiserons au début du mois d'avril, nous pourrons échanger sur les bonnes pratiques et des mesures d'améliorations qui n'engendrent pas de charge budgétaire supplémentaire et dont l'efficacité a été démontrée par l'expérience de collectivités locales.

Simplifier, adapter et coconstruire sont les maîtres mots de l'action que nous souhaitons, avec Marc Fesneau, mener au plus près des territoires.

Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes.
La parole est à M. David Taupiac.

M. David Taupiac (LIOT)
Votre propos introductif était très général et traduit une logique descendante. De mon côté, je suis favorable à la décentralisation et à l'engagement d'une démarche ascendante. Écoutez les territoires pour construire nos politiques publiques. Nous en sommes très loin ; j'appelle à un sursaut sur ce point.

Dernièrement, vous avez notamment annoncé vouloir donner aux départements un rôle plus important en matière hydraulique, en leur permettant de participer au financement des dispositifs de sécurisation hydraulique. Comme l'a indiqué le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, les collectivités, en particulier les régions, réclament une évolution de la gouvernance. Elles souhaitent que leur rôle dans les comités de bassin soit renforcé. Le problème est que ces annonces sont faites sans que nous ayons connaissance des moyens qui seraient alloués. Pourtant, décentraliser, c'est aussi transférer des moyens. Cette évolution doit être assortie d'une réelle réflexion sur la fiscalité de l'eau pour conforter les moyens d'action. Quels arbitrages le Gouvernement rendra-t-il en la matière ?

Par ailleurs, alors qu'elles ont insufflé un espoir de rééquilibrage du partage de la valeur, il est incompréhensible que les lois Egalim 1 et 2, de 2018 et 2021, ne produisent pas encore d'effets. Les régions souhaitent structurer et renforcer les circuits d'approvisionnements locaux et régionaux. Disposant de nombreux leviers de soutien aux filières, à la production agricole et à la production sous signe de qualité, elles proposent de piloter des schémas d'approvisionnement en produits agricoles et alimentaires locaux.

Le transfert vers les départements et les régions des gestionnaires de restauration des collèges et des lycées, qui gèrent le budget alloué par ces collectivités, devrait résoudre un des problèmes que nous rencontrons – c'est une demande récurrente. En effet, les départements et les régions ne peuvent pas appliquer leurs propres politiques publiques en matière alimentaire. Envisagez-vous de transférer les gestionnaires de restauration vers ces collectivités ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Je n'ai pas adopté une logique descendante, mais, au contraire, j'ai récapitulé toutes les actions que nous avons menées en partant du terrain et en associant étroitement l'ensemble des collectivités locales.

Je reviens donc sur trois de ses actions en complétant mes propos précédents. D'abord, toutes les régions, dans le cadre de leurs compétences, ont été associées à l'élaboration du PSN. La gestion des aides non surfaciques de la PAC leur a ainsi été transférée.

Ensuite, dans le cadre de son élaboration, le pacte agricole a fait l'objet d'une longue concertation sur le terrain, notamment au sein des régions, y compris en outre-mer. Il comporte des mesures qui traduisent la vision des collectivités locales.

Enfin, on ne saurait faire plus ascendant à partir du terrain que la démarche qui a consisté à faire remonter 2 500 propositions de simplification, formulées par des agriculteurs depuis la réalité des cours de leur ferme, puis à les examiner une par une.

En dépit des dispositions de la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2, seules 5 000 cantines sont inscrites sur le site ma-cantine.agriculture.gouv.fr, alors que cette démarche ne nécessite pas spécialement l'allocation de moyens par les collectivités locales. Ces cantines communiquent une information très utile, qui révèle une très grande diversité de pratiques, de performances et de réussites. Ce matin, j'étais avec des représentants de la restauration collective, notamment avec les quarante-quatre représentants des associations des régions et des départements engagés dans l'application d'Egalim 2. Au-delà de la demande, parfois relayée, visant à transférer les gestionnaires de restauration, ils m'expliquaient – je pense notamment aux représentants du département de l'Essonne –, en prenant des exemples très précis, qu'ils avaient réussi à appliquer pleinement la loi : ils ont augmenté la part de produits bio et d'approvisionnement local dans les marchés publics. C'est l'enjeu principal.

La question du transfert des gestionnaires de restauration ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Certaines collectivités locales atteignent ou se rapprochent de leur objectif. Vous avez raison de soulever cette question légitime, mais elle ne constitue pas le point bloquant. Nous devons tous nous retrousser les manches, notamment l'État, étant donné que toutes ses cantines n'atteignent pas les objectifs d'Egalim 2. Nous devons nous concentrer sur l'élaboration des cahiers des charges, sur la formation des cuisiniers et sur les systèmes d'information qui permettent de réduire le gaspillage – c'est l'un des objectifs de la loi. On recourt à une gestion en régie ou à une gestion déléguée des cantines afin d'atteindre ces objectifs.

Mme la présidente
Je rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes. Il s'agit d'une séance publique comme celles qui se tiennent dans l'hémicycle, même si son format est un peu particulier puisque, lors de la première partie du débat, nous avons reçu des invités extérieurs.
La parole est à M. Benoit Mournet.

M. Benoit Mournet (RE)
Ce n'est pas tout à fait un hasard si la crise agricole que nous traversons est née dans le Sud-Ouest. Notre agriculture y est plus familiale, plus paysanne et plus pauvre que dans d'autres régions. Pour bien répondre à cette crise, il faut s'adapter à la diversité des terroirs. Ma question sera simple : y a-t-il encore une place pour une agriculture paysanne et pastorale, qui n'a pas nécessairement besoin d'engager une transition écologique qu'elle pratique déjà ?

Je vous amène quelques instants dans les Hautes-Pyrénées. Côté montagne, notre modèle, soutenu par l'Europe, est agropastoral, avec des estives collectives. Il nous a fallu plaider très fortement pour que des mesures de simplification relatives aux tirs de défense soient prises. Nous subissons les prédations de l'ours, notamment dans les Pyrénées. L'existence d'une double prédation – l'ours et le loup – devrait conduire à définir des zones difficilement protégeables.

Du côté des plaines et des coteaux, la pérennité de l'élevage est encore plus critique. En effet, il s'agit de terres plutôt ingrates et difficilement accessibles. Le modèle agricole des coteaux de Galan et du Val d'Adour, qui consiste à pratiquer l'élevage à côté des cultures, a de la valeur. Nous n'avons pas compris pourquoi certaines communes des coteaux ont été sorties du zonage ICHN.

Je précise que je ne mésestime pas la question de la structuration de la filière bovine à laquelle nous devrons répondre. Quant aux céréaliers, leur sujet de préoccupation principale est l'eau. Je salue les mesures de simplification que vous avez citées.

Enfin, dans les coteaux du Madiran, les viticulteurs labourent encore à l'aide de chevaux. Ils vendent une bouteille 10 euros ; elle sera revendue huit à dix fois plus chère dans les grands restaurants. Je pense également à une exploitation qui n'a pu toucher 1 euro sur sa récolte en 2023, décimée par le mildiou. Il ne faut pas imaginer que tous les agriculteurs ont accès simplement à tous les outils d'information. J'appelle donc de mes vœux l'instauration d'un France Services agriculture.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Votre question en comporte plusieurs. Le Gouvernement s'est engagé sur la question du loup et a fait évoluer plusieurs règles. Le premier sujet est relatif au statut du loup, eu égard au droit européen. Cette espèce est " strictement protégée ", ce qui signifie que seuls des tirs de défense peuvent être effectués avec un plafond de destruction. Nous ne sommes pas dans la logique de gestion par le nombre, qui prévaudrait si nous avions affaire à une espèce " protégée ". Au niveau européen, la France a initié un travail afin que le loup devienne une espèce protégée, compte tenu du nombre de représentants de l'espèce sur le territoire français que nous avons estimé. C'est un point important qui se joue au niveau européen, et nous agissons.

Le statut doit d'abord être modifié dans la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, dite Convention de Berne, puis dans la directive " habitats ". Des travaux sont lancés afin que ces textes soient modifiés d'ici à l'été.

Au niveau national, avec la préfète Fabienne Buccio, nous venons de publier le plan national d'actions 2024-2029 sur le loup et les activités d'élevage, qui répond pleinement à vos attentes. Il prévoit le déploiement de louvetiers, la mise à disposition d'équipements destinés aux tireurs, la simplification de l'organisation des tirs de défense.

Le zonage ICHN répond à des critères objectifs, validés par le juge administratif. Je comprends la frustration née de la sortie de certaines communes du zonage. Néanmoins, elle résulte de l'application de ces critères.

S'agissant de la viticulture, il y a un enjeu…(Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.)

M. Benoit Mournet
Dommage, c'était intéressant !

Mme la présidente
La parole est à Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN)
La création des grandes régions a entraîné un éloignement des services, un traitement trop long des dossiers, une complexification des échelons. En outre, l'organisation administrative régionale ne dispose pas forcément des compétences requises et elle est de plus en plus éloignée des réalités de terrain, contrairement à ce qu'on prétend – de nombreux acteurs le constatent.

La régionalisation des politiques publiques agricoles, dont l'objectif affiché est de répondre aux spécificités des territoires, a, en réalité, renforcé la relation entre les régions et l'Union européenne et, en quelque sorte, effacé l'État. Cette situation n'est-elle pas en contradiction avec une politique d'aménagement du territoire à mener au niveau national pour renforcer et garantir l'égalité et l'équité au bénéfice de nos filières et de la souveraineté alimentaire de notre pays ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Une grande partie de la PAC est pilotée par l'État. Les dispositifs déployés par l'État, et financés par l'Agence de services et de paiement dont vous avez auditionné le directeur général tout à l'heure, garantissent l'égalité de toutes les exploitations. C'est à l'État de respecter les délais de paiement, d'instruire les dossiers dans les délais impartis, et de simplifier l'accès à ces différents dispositifs. Il existe des marges d'amélioration, nous sommes en train d'y travailler.

Les délégations aux régions sont le résultat d'un travail réalisé en concertation avec elles, en vue de déterminer les fonctions qui relèveraient le plus de leurs compétences. Nous les assumons.

Au Salon de l'agriculture, plusieurs jeunes agriculteurs, dont l'exploitation se situe parfois dans des territoires à cheval sur deux régions, m'ont indiqué bénéficier des aides de la région la moins généreuse ; ils ont le sentiment d'être maltraités par rapport à ceux qui travaillent de l'autre côté de la frontière régionale. L'essence même de la décentralisation est la définition d'une vision politique pour un territoire par des collectivités locales qui l'appliquent. Si l'on veut la décentralisation avec un portage et une vision politiques, il faut assumer l'existence d'une différenciation territoriale. Il y a là un point d'équilibre. Sans cela, on peut toujours promouvoir des politiques au niveau national en courant le risque de les standardiser sans réaliser de différenciation. De manière un peu taquine, je vous renvoie donc la question. Il faut faire vivre cette PAC avant d'en tirer des conclusions trop hâtives.

Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive.

M. Julien Dive (LR)
Dans votre propos liminaire, vous avez rappelé que 200 000 exploitations sont en passe d'être transmises d'ici à dix ans, car nombre d'agriculteurs, nous le savons, seront alors à la retraite, ou en âge de l'être. Or parmi ces 200 000 exploitations, certaines sont dites intransmissibles en raison d'une valorisation capitalistique qui ne permet pas à un jeune agriculteur ou à un jeune qui souhaiterait épouser cette profession d'investir, faute d'être accompagné par un organisme bancaire. Comment comptez-vous résoudre ce problème dans le cadre de la future loi ? Je vous alerte sur ce point, quand bien même vous ne pourriez pas répondre à la question.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
La transmission de ces 200 000 exploitations représente en effet un défi, vous avez raison de le souligner. Il ne pourra pas être relevé – beaucoup le pressentent – en jouant uniquement sur l'extension des exploitations existantes, car cela obligerait les jeunes agriculteurs à emprunter des sommes considérables pour valoriser leur patrimoine ce qui limiterait leur capacité d'endettement futur. Cela compliquerait la situation à l'heure de la transition agroécologique, et ils ne pourraient pas investir par exemple dans des équipements – on connaît le prix d'un tracteur. Leur installation s'en trouverait freinée. De jeunes agriculteurs passionnés par leur métier et exerçant actuellement dans des exploitations familiales, ou en tant que salariés, disent hésiter à passer à l'acte à cause de cette situation.

Au moyen du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles, ainsi que d'un futur projet de loi de finances, soit rectificatif soit initial – puisque nous parlons de mesures d'ordre fiscal –, nous cherchons à alléger le poids de ces transmissions. Des prêts garantis par l'État, à hauteur de 2 milliards d'euros, sont prévus pour accompagner l'installation des jeunes agriculteurs. Des structures facilitant le portage du foncier les y aideront également ; le réseau France Services agriculture permettra en outre de les accompagner juridiquement et financièrement lors de la construction du projet. Enfin, des exonérations fiscales – sur lesquelles nous devons encore travailler – compléteront l'ensemble des mesures destinées à faciliter les transmissions.

Mme la présidente
La parole est à M. Alain David.

M. Alain David (SOC)
La question agricole occupe l'actualité depuis de longues semaines. Les agriculteurs veulent des réponses rapides, adaptées à leurs problèmes et, pour certains, à leur détresse. Il semblerait qu'ils s'impatientent. Parmi les nombreuses pistes pour améliorer leur condition, certaines relèvent de décisions nationales ou européennes qui peuvent se révéler longues et complexes à mettre en œuvre. D'autres semblent plus concrètes et plus simples à déployer, notamment en décentralisant un certain nombre de compétences en matière de gestion des aides, des incitations ou des indemnisations.

Parmi d'autres, la région Occitanie, par la voix de sa présidente Carole Delga, s'est portée volontaire pour expérimenter la gestion décentralisée. Décentraliser ne constitue cependant pas une fin en soi et ne servira à rien s'il s'agit d'une simple délégation administrative et qu'il reste impossible de peser sur les grandes orientations politiques : cela pourrait certes réduire les délais mais resterait insuffisant. Il faudrait donc que les régions autorisées à expérimenter le pilotage des aides, des incitations ou des indemnisations puissent le faire en les ciblant. Elles pourraient ainsi favoriser des structures vertueuses, respectant des critères de durabilité, d'adaptation des cultures ou de circuits courts, plutôt que la fuite en avant vers l'agrandissement, la mécanisation et l'industrialisation de l'agriculture.

À l'échelle européenne, 80% des aides sont captées par 20% des agriculteurs. Il faut d'urgence inverser la tendance, et la décentralisation est sans doute un très bon outil pour y parvenir. Que répond le Gouvernement à cette demande d'expérimentation formulée par les régions ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Je ne suis pas sûre de comprendre : demandez-vous une expérimentation de la décentralisation des aides qui sont attribuées dans le cadre de la PAC – lesquelles sont en effet assez strictement établies –, ou de celles que nous prévoyons dans les budgets alloués, par exemple, au plan de soutien à la viticulture, au plan de reconquête de la souveraineté de l'élevage ou au plan de lutte contre la MHE, la maladie hémorragique épizootique ?

M. Alain David
En général, madame la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Il me semble que les régions ont compétence pour mener, sur leur propre budget, des politiques de développement économique qui accordent plus ou moins de place à l'agriculture. Certaines d'entre elles vont ainsi d'ores et déjà au-delà des dispositifs nationaux ou européens.

Concernant les aides, telles que celles prévues pour faire face à la MHE, il me paraît assez légitime, lorsqu'une épizootie frappe un troupeau, qu'elles soient les mêmes sur tout le territoire national : lorsque vous faites face au même type de conséquences, vous bénéficiez du même type de soutien.

S'agissant de la viticulture, nous devons mener un travail de concertation. Dans les Pyrénées-Orientales, par exemple, l'État a débloqué une enveloppe de 80 millions d'euros pour des interventions d'urgence. Il prévoit également 150 millions d'euros pour des aides plus structurelles, pouvant conduire à l'arrachage définitif de la vigne. Dans certaines situations, un travail spécifique avec une région peut ainsi conduire, non pas à lui déléguer la gestion des aides, mais à les distribuer avec elle.

On ne peut pas attendre la conclusion d'une convention région par région avant d'intervenir et de libérer les crédits, sans quoi je crains que ces plans de soutien ne soient pas très opérationnels. Lorsque j'étais ministre de la transition énergétique, j'ai déployé le dispositif Territoires d'industrie immédiatement, selon un système qui évitait la conclusion d'une convention. On a travaillé ensemble, puis chacun a versé les aides selon ses propres circuits, avec rapidité, ce qui nous a épargné les dix mois de discussion qui m'avaient été nécessaires pour appliquer un autre dispositif quelques mois auparavant – cette expérience m'avait amenée à privilégier ce système.

Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES)
Nous discutons d'un sujet assez spécifique, celui de la décentralisation. Les raisons de la très forte mobilisation du monde agricole sont diverses et les sujets de débat le seraient également. On a largement et fort logiquement évoqué les compétences des collectivités et de la possibilité d'expérimenter la territorialisation des aides. Je reviendrai pour ma part sur leur capacité d'accompagnement les filières. Dans les questions que me posent certains agriculteurs, je l'évoquais plus tôt, s'exprime le souhait de consommer de manière beaucoup plus locale, notamment chez ceux qui discutent avec des acteurs de l'agroalimentaire extrêmement centralisés.

Pour prendre un exemple concret, mercredi dernier, dans une ferme, l'un d'entre eux me disait vendre du lait transporté à Gap et des bovins tués en Bretagne. Cela n'a pas de sens, ni écologiquement ni pour les agriculteurs, lesquels sont aux prises avec des grosses entreprises qui fixent des prix extrêmement bas.

Concernant ces filières, le Gouvernement entend-il favoriser une organisation beaucoup plus territorialisée et un modèle économique privilégiant des circuits plus courts ? Cela permettrait non seulement aux consommateurs de connaître l'origine des produits mais également aux agriculteurs de travailler avec des acteurs de la transformation dans des réseaux beaucoup plus régionalisés au lieu de dépendre d'une organisation fortement centralisée en France voire au niveau européen.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Votre question, si je comprends bien, concerne l'organisation du système, de l'amont à l'aval, qui permettrait d'être au plus proche du terrain. Cela pose une autre question car l'exploitant conclue un contrat sous seing privé avec son transformateur : le choix d'appartenir à telle ou telle coopérative relève de son libre arbitre.

Vous mentionnez des coopératives de dimension nationale, voire internationale. Certaines sont effectivement des acteurs majeurs de la transformation sur le plan européen, voire mondial, mais d'autres sont de taille beaucoup plus modeste. Il a aussi des choix dans tout cela. Je ne sais pas jusqu'où l'État a vocation à organiser, en disant à tel acteur à qui il doit vendre et pourquoi. Vous avez raison sur un point : il s'agit d'un rapport de force, et les lois Egalim successives visent précisément à rééquilibrer ce rapport de force.

Des initiatives ont toutefois émergé, y compris dans la filière laitière, avec des acteurs de la transformation – je pense aux sociétés Bel ou C'est qui le patron ? – dont le modèle se fonde sur des relations plus équilibrées et de plus long terme entre les producteurs et les consommateurs, en intégrant la dimension environnementale et la question des circuits courts.

Au-delà de ce rééquilibrage du rapport de force auquel nous essayons de procéder grâce aux lois Egalim, je ne vois donc pas de jeu, dans la nature de ces contrats, permettant une intervention de l'État.

Se poser en revanche la question stratégique de l'organisation des filières, et considérer qu'elle doit être construite territoire par territoire, parce que la viticulture dans les Pyrénées-Orientales n'aura pas le même destin que dans la Loire – pour des raisons de dérèglement climatique ou de ressources différenciées en eau –, tout cela me paraît tout à fait légitime. Nous voulons soutenir des plans de souveraineté territorialisés, filière par filière, qui pourront probablement entraîner ce que vous appelez de vos vœux, à savoir le rééquilibrage des contrats, lesquels seront davantage organisés territorialement. J'espère avoir répondu à votre question.

Mme Cyrielle Chatelain
Oui, mais il reste un petit sujet. Puis-je m'exprimer, madame la présidente ?

Mme la présidente
Malgré l'organisation de ce débat, vous pouvez reprendre la parole madame Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain
Le déséquilibre tient à la nature privée des contrats, vous l'avez mentionnée, mais aussi à l'impression, partagée par un certain nombre d'agriculteurs, qu'ils n'ont finalement pas le choix face à des acteurs qui semblent s'être globalement entendus entre eux, à la fois sur la répartition du territoire et sur les prix. Là est l'enjeu pour l'État, me semble-t-il, dès lors qu'on observe des ententes plus ou moins tacites entre de grands acteurs financiers.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Le problème de l'instauration d'un rapport de force équilibré se pose aussi dans la grande distribution. Quand, sur un marché, cinq groupes sont en train de n'être plus que trois, il s'agit d'une organisation oligopolistique. On en tire les conclusions qu'on veut, mais passer de cinq à trois est une réduction, c'est un constat.

Mme la présidente
La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES)
Je suis un peu désemparé, car votre introduction ne correspondait pas tout à fait au thème du débat : la décentralisation des politiques agricoles en lien, notamment, avec les régions.

En revanche, vous avez déjà répondu à la question que je voulais poser sur les distorsions d'aide à l'installation d'une région à une autre.

Je vais donc, comme vous, m'éloigner du sujet. (Sourires.) Beaucoup d'annonces ont été faites à la suite de la colère exprimée par les agriculteurs. Mais on sait bien que le Gouvernement risque de se cogner le nez à la vitre de l'Union européenne. Certes, les plans stratégiques nationaux, qui déclinent la politique agricole commune et s'inscrivent dans les cadres très stricts de l'Union européenne, peuvent être légèrement révisés d'une année sur l'autre si l'on constate une inadéquation entre ce que l'État a prévu et ce qu'il aurait pu faire pour mieux répondre aux attentes – en d'autres termes, on peut apporter une rectification si l'on s'est planté.

Mais de là à reprendre une mesure que j'ai proposée à trois reprises au cours des vingt dernières années dans le cadre de la niche parlementaire de mon groupe et qui a été invariablement repoussée au motif qu'elle était d'inspiration bolchevique, qu'elle participait d'une économie administrée et qu'elle méconnaissait le droit de la concurrence ! Je veux, bien entendu, parler des prix planchers, qui ont été évoqués par le Président de la République.

Ce n'était pas du tout l'effet d'une sorte de clause miroir (Sourires), mais je me suis demandé comment il allait faire. Depuis vingt ans, on m'explique que c'est une mesure bolchevique impossible à mettre en œuvre, et voilà que le Président de la République nous dit désormais que c'est faisable !

M. Alain David
Il est converti ! (Sourires.)

M. Bertrand Pancher
Exactement !

M. André Chassaigne
Comment une telle mesure peut-elle s'appliquer sans fausser le principe de libre concurrence chère à l'Union européenne ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
S'agissant de votre première question, je me suis concentrée sur la seconde partie du thème de notre débat, à savoir " simplifier, adapter et mieux associer les territoires ". Peut-être aurais-je dû me focaliser sur la décentralisation.

M. André Chassaigne
C'est le groupe LIOT qui n'a pas été clair !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Je ne sais pas. Je crois plutôt qu'un tel thème peut être abordé de différentes manières et que nous ne nous sommes pas attachés au même aspect – peut-être est-ce révélateur de quelque chose, du reste.

Quant aux prix planchers, ils sont, au fond, un prolongement des lois Egalim. Celle de 2023, la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite Egalim 3, prévoit des index de référence définis par les interprofessions, index qui sont un des éléments pouvant servir à la construction des contrats, à la " marche en avant " et à la prise en compte du coût de la matière première agricole. Nous estimons que l'on doit pouvoir aller plus loin, de sorte que ces index permettent une réelle prise en compte du coût de la matière première dans les contrats agricoles.

Il ne s'agit donc pas d'instaurer des prix administrés, définis par l'État. L'index de référence restera fixé par l'interprofession, sur la base des coûts de production, au terme d'une discussion en son sein. Il doit inciter cette dernière à renforcer la contractualisation. Dans le secteur du lait, par exemple, on observe que 90 % des volumes et 70 % des exploitations sont contractualisés. Un travail important a donc été réalisé. On entend parler, à juste raison, de ce qui ne fonctionne pas, mais le fait est qu'une part des volumes est contractualisée dans de bonnes conditions, sur la base de l'index de référence.

Nous estimons qu'il faut aller plus loin dans ce domaine ; c'est pourquoi la mesure envisagée nous semble compatible avec le droit européen et ne correspond probablement pas à la proposition que vous avez défendue à plusieurs reprises.

Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac (LIOT)
Je me concentrerai, pour ma part, sur la décentralisation.

Je souhaite tout d'abord appeler votre attention sur la question des politiques menées par les régions. Prenons la question des haies, par exemple : cela fait maintenant une bonne vingtaine d'années que la région Bretagne a adopté une politique dans ce domaine. Il ne faut donc pas que les décisions du Gouvernement arrivent comme un cheveu sur la soupe, sans avoir été précédées d'une concertation – c'est, du reste, le reproche que l'on vous avait fait à propos du programme Territoires d'industrie.

Ce qui est vrai concernant les haies l'est aussi s'agissant des installations. Comme l'a indiqué le président de la région Bretagne tout à l'heure, si l'on veut garantir une véritable égalité, il faut faire le compte de l'ensemble des aides versées en sus par les régions. On s'apercevra alors que les choses sont beaucoup plus équilibrées qu'on l'a dit.

Quant à la question des lois Egalim, elle rejoint celle des intendants. Les personnels des lycées sont des personnels régionaux tandis que l'intendant demeure un agent de l'État. Or je sais, pour siéger au conseil d'administration de plusieurs lycées, que les intendants discutent avec la région de telle ou telle question – la tarification sociale de la cantine, par exemple, décidée par la région Bretagne. En fait, ils sont en contact permanent avec la région, si bien que, s'ils ne relèvent pas juridiquement de cette collectivité, ils sont « régionalisés » de fait. Il ne serait donc pas du tout choquant qu'ils relèvent statutairement de la région ; ce serait même plus simple et plus clair !

La région Bretagne a mis en place des indicateurs concernant les cantines des lycées. On sait ainsi que la part du bio est de 22% et celle des produits bénéficiant d'un signe de qualité de 34%. On voit donc bien où il faut faire porter l'effort, même si notre collectivité est sans doute en avance. Les indicateurs sont donc indispensables. La loi Notre, étant bien faite, la région exerce la compétence en matière économique et donc, d'une certaine manière, dans le domaine alimentaire s'agissant des lycées. La région Bretagne a donc conclu, avec les départements volontaires, un contrat afin de développer les circuits courts pour la fourniture des cantines des lycées.

Vous pouvez bien entendu vous inspirer de ces expériences. Mais il faut surtout bien les prendre en compte, pour éviter que les régions ne doivent tout changer parce qu'une décision venue d'en haut les y contraint. C'est en ce sens que la décentralisation et les logiques ascendantes sont importantes.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Sur la question des lois Egalim, je vous rejoins : c'est bien la démarche que nous souhaitons adopter. Tout d'abord, ce que vous avez dit à propos des gestionnaires montre que le fait qu'ils soient ou non rattachés à la région ne change pas grand-chose. Vous allez donc dans mon sens. La question est plutôt d'ordre d'administratif ; vous pourrez l'évoquer, le cas échéant, avec la ministre de l'éducation nationale.

Quant aux pratiques adoptées par la région Bretagne pour les cantines, elles peuvent surtout être très utiles à d'autres régions. Je crains, par exemple, de ne pas pouvoir en tirer des enseignements pour les cantines du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et de ses services déconcentrés, car les clientèles et les pratiques des restaurants sont différentes. En revanche, rien ne ressemble plus à un lycée qu'un autre lycée ou, éventuellement, un collège.

C'est à ce niveau-là que l'on peut rechercher des complémentarités fondées sur des expérimentations qui ont fonctionné. C'est tout l'intérêt du site ma-cantine.agriculture.gouv.fr : il est important d'animer ce réseau pour partager les bonnes pratiques et favoriser l'émulation entre les différentes collectivités locales. Pourquoi l'une d'entre elles ne pourrait-elle pas bénéficier d'un outil informatique, par exemple, qui a été développé par une autre et a fait ses preuves ? Le développement peut avoir un coût, mais nous pouvons nous accorder à reconnaître que cela aurait beaucoup de valeur pour les autres collectivités.

Je m'inscris dans cette logique s'agissant de l'approche des solutions. Au demeurant, il n'y a pas une seule manière de faire. J'ai ainsi observé, lors de mes réunions avec des responsables de la restauration collective, qu'il existe des modèles assez centralisés et des modèles assez décentralisés qui fonctionnent aussi bien les uns que les autres, probablement parce qu'ils s'inscrivent dans logiques territoriales différentes : les premiers correspondent davantage à un habitat urbain que les seconds, plus adaptés à des zones moins denses – j'enfonce là une porte ouverte.

Le fait de disposer de trois ou quatre modèles établis qui font figure d'avant-garde aiderait les collectivités locales à se positionner. Chacune pourrait reprendre un cahier des charges et une organisation éprouvée. Elle devra bien entendu les adapter à la marge, mais elle n'aura pas eu à réinventer la poudre et elle sera gagnante.

Par ailleurs, il faut s'inscrire dans des logiques qui rompent avec le fonctionnement en silos. Ainsi, faire travailler le secteur médico-social avec les cantines des établissements scolaires des régions, des départements, voire des communes, ce n'est pas idiot. Certains y sont parvenus, et cela apporte beaucoup de valeur. Le bénéfice est considérable, ce qui motive souvent les équipes, non seulement du point de vue de la qualité de la nourriture servie aux enfants, mais aussi du point de vue de la qualité de la prise en charge dans les établissements médico-sociaux. De fait, cela permet d'éviter la dénutrition des personnes âgées ou hospitalisées. Ainsi, le dispositif est favorable à la fois au bien-être des personnes et aux finances de la sécurité sociale.

Nous avons donc beaucoup de grain à moudre. nous ne sommes pas allés au bout des choses. Il ne faut pas s'arrêter à des questions d'argent ou de statut, même s'il est légitime que vous me titilliez sur le sujet.

Mme la présidente
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 28 février 2024