Interview de Mme Marie Lebec, ministre déléguée, chargée des relations avec le Parlement, à France Info TV le 28 février 2024, sur l'accord bilatéral de sécurité franco-ukrainien, le soutien durable de la France à l'Ukraine et l'inscription de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.

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Média : France Info TV

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
7h45, Alix BOUILHAGUET, votre invité politique et aujourd'hui vous recevez la nouvelle ministre chargée des relations avec le Parlement qui a un peu de travail, j'imagine, dans les semaines et les mois à venir. C'est Marie LEBEC.

ALIX BOUILHAGUET
Oui. On va notamment parler des derniers rebondissements qui concernent l'Ukraine.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
L'interview politique de la matinale, c'est parti.

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Marie LEBEC.

MARIE LEBEC
Bonjour.

ALIX BOUILHAGUET
Merci d'être avec nous ce matin. Ma question est simple, est-ce que demain, la France pourrait envoyer des troupes au sol pour combattre les Russes en Ukraine ?

MARIE LEBEC
Je crois que ça a bien été évoqué par le Président de la République à l'occasion de la conférence de presse qui a eu lieu après le sommet qui s'est tenu à l'Elysée et qui répond au fond à une question de vos confrères sur les possibilités qui existent. Le Président a dit que le sujet… toutes les options avaient été débattues à l'occasion de cette rencontre entre les chefs de l'État. Mais surtout, ce qui est important, c'est que ce qui a été réfléchi à l'occasion de cette conférence, c'est de savoir comment est-ce qu'on accompagne durablement l'Ukraine et comment est-ce qu'on accompagne aussi différemment, puisque c'est une guerre qui évolue et que ce que nous souhaitons, c'est accompagner l'Ukraine dans sa victoire…

ALIX BOUILHAGUET
Sauf qu'on ne l'avait jamais entendu aller aussi loin. Est-ce qu'Emmanuel MACRON prépare sérieusement l'opinion publique à une guerre ? Ou est-ce que c'est un coup de bluff ou une posture pour tenter d'impressionner Vladimir POUTINE ?

MARIE LEBEC
Ce dont il faut avoir conscience, je crois, pour nos compatriotes, c'est que c'était effectivement une guerre qui monte en puissance et dans laquelle la Russie est aussi plus agressive à l'égard des pays européens et des pays qui soutiennent l'Ukraine. Mais encore une fois, je crois que ce qui fait notre force dans cette guerre de la Russie contre l'Ukraine, c'est bien sûr, la solidité du pack qui est derrière l'Ukraine et la volonté d'avancer ensemble pour accompagner l'Ukraine, à y rétablir ses frontières.

ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais je reviens quand même à ma question ; clairement, est-ce qu'il y aura des soldats français qui seront sur le terrain, sur les lignes de front, en Ukraine ?

MARIE LEBEC
À date, encore une fois, il n'y a pas de consensus. Ça a fait partie des hypothèses qui étaient débattues à l'occasion du sommet. Je crois que ce qui est important, c'est que les chefs d'État qui étaient présents, les chefs d'État européens, puissent débattre, anticiper, faire face à la menace aussi qui mute. Je crois que ça fait très longtemps qu'on n'avait pas connu de guerre sur le sol européen. Et je crois que nous devons être collectivement fiers que depuis deux ans, nous accompagnons de manière unie l'Ukraine pour qu'elle puisse rétablir sa souveraineté.

ALIX BOUILHAGUET
Vous dites "unie" mais sur ce dossier-là, sur l'envoi des troupes éventuelles, l'Allemagne et la plupart des pays européens, d'une part, ont été pris, semble-t-il, un peu au dépourvu. Et ils ne soutiennent pas la France. Je trouve que cela a été clair. Il n'est pas question d'envoyer des troupes, pas question de devenir cobelligérants. Au nom de qui Emmanuel MACRON a-t-il parlé lundi soir ?

MARIE LEBEC
Mais encore une fois, le Président de la République répond à une question d'un de vos confrères sur le sujet potentiellement de ce que pourrait … pour les formes que pourraient prendre l'évolution du conflit. Je crois que ce qu'a dit le Président de la République… ce que dit le ministre des Armées lorsqu'il est auditionné par la commission de la défense à l'Assemblée nationale, c'est "comment est-ce que nous inscrivons notre action dans la durée et différemment ?" Et le rôle d'un chef d'État, c'est de pouvoir anticiper les différents scénarios possibles. Il fait ça dans un contexte de sommet, avec l'ensemble des partenaires qui soutiennent l'Ukraine. Et encore une fois, il l'a dit, il a été très clair "il n'y a pas de consensus autour de cette hypothèse". Ça n'empêche pas qu'une hypothèse peut être débattue dans le cadre d'une rencontre des chefs d'État. Cette réaction, elle fait suite à des propos qu'avait eu le Président slovaque de mémoire et qui a permis à un de vos confrères de rebondir sur ce qui est fait. Je pense que ce qui est …

ALIX BOUILHAGUET
Donc, ce n'était pas une annonce, mais c'est une option qui est mise sur la table ?

MARIE LEBEC
C'est un des objets qui a été débattu à l'occasion du sommet.

ALIX BOUILHAGUET
L'opposition a été assez émue par cette sortie d'Emmanuel MACRON, à droite d'ailleurs comme à gauche. Elle demande déjà à Emmanuel MACRON qu'il commence par remplir ses engagements. Ses engagements, ça veut dire livrer les armes et les munitions qu'il a promis aux Ukrainiens. Pourquoi, par exemple, ne pas donner à Volodymyr ZELENSKY ce qu'il demande ? Il ne demande pas des troupes, mais il demande des bombardiers Mirages.

MARIE LEBEC
Sur les modalités d'accompagnement, le Président l'a rappelé également dans son propos liminaire, nous cherchons à accompagner l'Ukraine ? Je rappelle que l'accompagnement a beaucoup évolué depuis deux ans. Initialement, on disait "on cherche à donner des équipements civils, dirons-nous, des sacs de couchage, des tentes pour accompagner l'Ukraine". Et aujourd'hui, on accompagne l'Ukraine par l'envoi de part de matériels…

ALIX BOUILHAGUET
Mais il n'y a que 30 % du million d'obus qui est finalement… qu'on a promis à l'Ukraine, qui est arrivé aujourd'hui.

MARIE LEBEC
Et encore une fois, c'est le sujet d'accompagner durablement l'Ukraine et de pouvoir poursuivre notre effort. C'est le sens aussi des 3 milliards d'euros qui sont engagés par le ministère de la Défense pour accompagner l'Ukraine dans sa bataille.

ALIX BOUILHAGUET
Il y aura bientôt un débat qui va, sans doute, beaucoup vous occuper sur l'Ukraine au Parlement. Il sera suivi d'un vote. D'abord, est-ce que vous avez la date ? Ça va se passer quand ?

MARIE LEBEC
Alors, il n'y a pas de date encore qui a été évoquée. Effectivement, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé que, suite à l'accord bilatéral de soutien à l'Ukraine qui a été décidé au mois de février, qu'il était utile que le Parlement puisse avoir un débat parce que vous avez raison…

ALIX BOUILHAGUET
Mais c'est dans une semaine ? Deux jours ? Un mois ?

MARIE LEBEC
Ce sera dans les prochains jours. Encore une fois, il n'y a pas de date qui a été arrêtée par le Premier ministre hier. Mais ce qui est sûr, c'est que ce débat est fondamental parce que justement, nous voulons accompagner l'Ukraine durablement, que ça a des conséquences pour notre pays et que je crois qu'il faut… ce sera aussi l'occasion de chacun des parlementaires de se rendre compte à la fois de l'importance de ce soutien à l'Ukraine et de ce que ça implique pour notre pays que de soutenir l'Ukraine.

ALIX BOUILHAGUET
Pour être clair, ce débat suivi d'un vote portera sur l'aide à l'Ukraine, cette fameuse aide qui va être étalée sur dix ans ; pas du tout sur l'engagement éventuel de troupes sur le sol ukrainien ?

MARIE LEBEC
Oui, mais pas du tout, c'est effectivement un débat qui vient sur la question de l'accord bilatéral que nous avons signé avec l'Ukraine, qui est un accord au demeurant où il y a à la fois des pays du G7 mais aussi d'autre pays qui ont décidé de soutenir l'Ukraine dans le rétablissement de sa souveraineté.

ALIX BOUILHAGUET
Et qu'est-ce qui se passerait si vous n'aviez pas la majorité ? ça veut dire quoi, que cette aide, cet engagement, il tomberait à l'eau ?

MARIE LEBEC
C'est un débat 50-1, sans être trop technique, mais qui permet, je crois, au Parlement de se saisir de l'importance du sujet et sur lequel, effectivement, je crois qu'il serait bon que chacun puisse exprimer ses convictions quant au soutien à l'Ukraine, que hier, la…

ALIX BOUILHAGUET
Techniquement, ça veut dire quoi ? ça veut dire que ce vote pourrait ne pas être pris en compte, enfin, par le Président de la République ?

MARIE LEBEC
Oui, voilà, absolument, c'est un vote qui permet de consulter les parlementaires et d'émettre une position majoritaire. Mais je crois, encore une fois, que surtout, ça permettrait à chacun de clarifier ses positions quant à la ligne de soutien à l'Ukraine. Je crois que c'est absolument français.

ALIX BOUILHAGUET
Quand vous dites ça, vous visez le Rassemblement National ? Est-ce que ça veut dire que vous n'êtes pas en train de vouloir les cornériser, en disant : "Ils vont voter contre ce texte" ? Donc ça veut dire que ce sont des soutiens de Vladimir POUTINE. C'est la petite musique qu'on entend et qu'on a entendue hier soir à l'Assemblée nationale, de la bouche de Gabriel ATTAL.

MARIE LEBEC
Oui, mais le Premier ministre, je crois, a eu raison de rappeler quelles sont les positions du Rassemblement National de longue date, quelles sont les connivences du Rassemblement national. Et vous savez, je crois qu'en dehors de la majorité, hier, sur un autre plateau, Robert MENARD, qui est pourtant un soutien affiché de Marine LE PEN…

ALIX BOUILHAGUET
Il n'est pas du Rassemblement National.

MARIE LEBEC
Non, il n'est pas de Rassemblement National.

ALIX BOUILHAGUET
Et son soutien parie en fonction des époques.

MARIE LEBEC
Mais il a – Justement. – évoqué l'inquiétude que suscitait Marine LE PEN chez lui quant à son soutien à Vladimir POUTINE. Donc effectivement, je crois que chacun pourra clarifier ses positions, les exprimer, et que le vote viendra entériner ces positions.

ALIX BOUILHAGUET
La réunion du Congrès de Versailles pour l'inscription de l'IVG dans la Constitution est prévue, à ce stade, lundi prochain. Pour ça, le Sénat doit voter aujourd'hui un texte conforme à celui de l'Assemblée nationale. On sait qu'il y a des réticences de la part notamment de certains Républicains. Est-ce que vous pensez que vous obtiendrez, tout à l'heure, la majorité ?

MARIE LEBEC
Alors je me permets juste de modifier un petit peu votre propos. Il n'y a pas de date arrêtée du congrès puisque nous laissons, je crois…

ALIX BOUILHAGUET
C'est ce que Sylvain MAILLARD a laissé entendre, c'est le patron du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale.

MARIE LEBEC
Ce que nous... Il y aura le débat dans l'après-midi au Sénat, qui doit permettre effectivement aux sénateurs de prendre une position quant au texte qui a été transmis par l'Assemblée nationale. Je crois qu'il faut être très respectueux du temps de débat qui est accordé aux sénateurs, et des options qu'ils pourraient choisir. Soit voter conforme, effectivement, c'est une possibilité, soit adopter des amendements qui ont été déposés.

ALIX BOUILHAGUET
Vous êtes confiante, à ce stade, sur le fait que ce texte sera voté en conformité avec celui de l'Assemblée nationale ?

MARIE LEBEC
Je crois que la majorité, mais aussi une part de la majorité sénatoriale, a beaucoup plaidé pour ce texte qui est, je crois, la résultante du travail des sénateurs et des députés. Nous verrons le débat, je pense que c'est…

ALIX BOUILHAGUET
Donc vous n'êtes pas totalement optimiste ?

MARIE LEBEC
Non.

ALIX BOUILHAGUET
Vous ne dites pas ce matin : "Je pense que ça va passer" ?

MARIE LEBEC
Moi, je ne veux pas trancher à la place des sénateurs, je suis ministre des Relations avec le Parlement. Je crois que c'est important de respecter aussi le débat des sénateurs. En revanche, ce que je peux vous dire, c'est que nous souhaitons, une fois que le texte est adopté, conforme, pouvoir engager un congrès rapidement derrière. Encore une fois, ça peut être dans les prochains jours, si le Sénat fait le choix d'adopter le texte conforme, ou plus tard. Je crois que la bataille que nous avons engagée depuis longtemps sur cette question de l'inscription des budgets dans la Constitution, elle est fondamentale. Et je crois que la majorité, le Gouvernement qui est en appui de la majorité, les sénateurs qui ont travaillé à la construction de ce texte voient toute l'importance de cet enjeu.

ALIX BOUILHAGUET
30 secondes sur vous, Marie LEBEC. Les Français vous connaissent peu, puisque vous apparaissez maintenant, finalement, aux yeux du grand public. Vous vous êtes engagée très jeune en politique, d'abord aux côtés de Nicolas SARKOZY. Est-ce que ça reste aujourd'hui une figure tutélaire pour vous ?

MARIE LEBEC
Je crois qu'on se construit de son parcours politique, des rencontres que l'on peut faire, mais moi, ça fait maintenant sept ans que je suis engagée aux côtés du Président de la République, engagée pour mettre en œuvre le programme, les engagements qu'il a pris. Et c'est ce à quoi je vais m'atteler dans les mois qui viennent.

ALIX BOUILHAGUET
Vous êtes aussi la première femme à occuper ce poste de ministre de Relations avec le Parlement. Ce sera quoi, votre méthode ? Est-ce que, d'ailleurs, on fait différemment quand on est une femme à ce poste-là ?

MARIE LEBEC
Ça n'a jamais été un paramètre dans ma vie politique. Je suis très honorée de la confiance du Président de la République et du Premier ministre. On s'inspire à la fois de ce qui a pu être fait par mes prédécesseurs. On est dans une Assemblée qui a une configuration très différente, un Parlement qui est dans une configuration aussi assez inédite puisque le Sénat et l'Assemblée nationale ne sont pas de la même figure. Mon intérêt, c'est d'être au service des Français, de mettre en place le programme du Président de la République lorsqu'il s'agit d'agir par la loi, je crois que c'est très important, et surtout que pour nos concitoyens, ça apparaisse concrètement dans leur quotidien.

ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup. Bon courage à vous, Marie LEBEC.

MARIE LEBEC
Bien sûr. Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 février 2024