Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle les questions sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
(…)
Mme la présidente
Merci, chère collègue.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Vous avez tout à fait raison, nos concitoyens attendent avec impatience des politiques publiques de qualité en matière de santé ou d'éducation. Ils ont bien raison.
Vous avez évoqué la question des déserts médicaux en milieu rural. Il en existe également en milieu urbain ; cette question est très prégnante. Aucun acteur seul ne peut assurer la proximité des services publics de santé – ni de celle d'aucun autre service public. Cette proximité est le fruit d'un partenariat avec les collectivités locales, notamment les communes, les intercommunalités et les départements.
Je m'étonne de commencer mon propos relatif à la santé en vous disant à quel point nous avons besoin des collectivités territoriales. Nous avons fixé l'objectif de doubler le nombre de maisons de santé ; nous souhaitons en créer 4 000 d'ici à 2027. Ce travail est en cours. Parmi les 125 maisons de santé que j'ai visitées, celles qui se trouvent en ruralité et qui fonctionnent sont celles gérées par un quatuor composé de la collectivité à l'initiative du projet – intercommunalité, commune –, de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), qui comprend des professionnels de santé libéraux exerçant sur le territoire, de l'ARS et du préfet. Grâce à ce quatuor, auquel le département et la région peuvent être associés, on arrive à bâtir un projet de maison de santé, qui peut consister en la rénovation et la réorganisation des murs, nécessaires à l'accueil des professionnels de santé. Si la maison est bien organisée et permet de loger des médecins, grâce à l'argent injecté par l'État pour accompagner le porteur du projet, quelques internes seront intéressés.
Je suis prête à vous faire part de quelques belles expériences qui montrent qu'ensemble, il est possible de créer un service public de santé, parce que le lieu a attiré de jeunes médecins. Pour peu que la région ou l'intercommunalité décide de salarier les médecins, ce qu'ils réclament instamment, le projet se réalisera.
J'aurai sans doute l'occasion plus tard d'aborder les nombreux autres points que je souhaite évoquer.
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran (HOR)
Depuis des dizaines d'années, nous, habitants des territoires ruraux, nous sentons trop souvent délaissés par la République. Si des efforts ont été fournis depuis 2017, ils restent insuffisants, parfois brouillons et mal coordonnés.
Comment peut-on encore accepter que des pans entiers de l'action de l'État échappent aux préfets dans les départements ? Combien de temps supporterons-nous encore que les décisions prises par les ministères chargés de l'éducation nationale ou de la santé ne prennent nullement en considération les questions d'aménagement du territoire et soient totalement incohérentes avec les politiques en faveur de la ruralité menées par d'autres ministères – notamment par le vôtre ? Nous avons besoin que les services de l'État fassent de nouveau preuve de cohérence, y compris l'éducation nationale, la santé, les finances publiques, sous l'autorité du préfet, seul représentant de l'État, garant de l'aménagement du territoire et de l'égalité républicaine.
Nous devons aussi mettre fin à la concentration dans les villes. Il faut cesser de penser uniquement en termes de service rendu. Pour compenser la fermeture d'une trésorerie dans un territoire rural, on ne peut envoyer des agents travailler une journée dans une maison France Services pour fournir un service à des habitants marginalisés. Ces territoires font partie de la France, des administrations doivent donc y être implantées. Elles ne doivent pas l'être uniquement dans des préfectures où les fonctionnaires travaillent et vivent au quotidien.
Enfin, les services publics ne se limitent pas aux services fournis par la fonction publique. Nous ne pouvons plus supporter que les entreprises assumant des missions de service public – je pense, par exemple, à La Poste ou à Orange – abandonnent des territoires ruraux, laissant pendant des mois les poteaux téléphoniques à terre ou livrant le journal du matin à dix-sept heures. Nous devons exiger que les opérateurs soient davantage présents et fournissent plus de services. En contrepartie, un financement pourrait leur être alloué.
Madame la ministre, êtes-vous prête à promouvoir une politique cohérente et ambitieuse pour nos territoires ruraux afin de mettre fin à toutes ces ruptures d'égalité républicaine ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous le savez, je suis moi aussi une habitante et une députée de la ruralité, avec 115 communes dans ma circonscription. Vous avez raison : les territoires ruraux continuent à être animés par un sentiment de relégation – bien qu'en moindre proportion, me semble-t-il. Depuis juillet 2022, d'abord en tant que secrétaire d'État à la ruralité, j'ai énormément travaillé sur ce sentiment d'être laissé pour compte.
Ce travail a abouti au lancement du plan France ruralités par la Première ministre le 15 juin 2023. Nous avons désormais besoin de temps pour recruter, mettre en oeuvre ces politiques et apporter ces services dans les territoires. Avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la direction générale des collectivités locales (DGCL) et les préfets de départements, nous mettons les bouchées doubles.
Vous évoquez deux sujets, la santé et l'éducation, et demandez pourquoi les autorités locales ne rendent pas compte aux préfets. Les instances de dialogue créées pour que cela fonctionne mieux n'existent pas encore partout, mais les conseils départementaux, les députés et sénateurs doivent, aux côtés du Dasen – le directeur académique des services de l'éducation nationale – et d'autres parties prenantes, travailler sur le sujet des fermetures de classes en milieu rural. Les fermetures d'écoles sont déjà impossibles sans l'accord du maire. Comment procéder pour les fermetures de classes ? Cela se travaille territoire par territoire, en faisant du cousu main.
Peut-on faire un RPI, un regroupement pédagogique intercommunal, afin que quelques communes aient la même école ? J'ai visité un établissement, à Saint-Étienne-sur-Usson, dans le Puy-de-Dôme, vendredi dernier, au fin fond de la ruralité. Il comportait dix-huit élèves et deux classes, parce que les autres écoles étaient trop éloignées pour faire un RPI : faut-il aller jusque-là ?
Il en va de même concernant la santé : les préfets ont la main en cas de crise, en liaison avec les ARS – on l'a vu pendant le covid. La concertation vous semble peut-être insuffisante, mais elle fonctionne.
Mme la présidente
La parole est à M. Didier Lemaire.
M. Didier Lemaire (HOR)
J'appelle votre attention sur un enjeu d'une importance cruciale : nos zones rurales sont confrontées à une crise profonde de l'accessibilité aux soins de santé. Un tel constat n'est pas négligeable quand on sait que les territoires ruraux représentent 91,5% du territoire français et 88% de nos communes. Les habitants de ces territoires subissent gravement la tendance à la désertification médicale. Dans ces régions, les données récentes montrent une diminution alarmante du nombre de médecins généralistes et de spécialistes.
La collectivité européenne d'Alsace note que sur les 880 communes de la région – où se situe ma circonscription –, 130 sont considérées comme des déserts médicaux. Au total, 103 000 habitants sont concernés. Les dispositifs, tels que les contrats d'engagement de service public (CESP), s'avèrent souvent insuffisants pour inciter les médecins à s'installer dans ces zones sous-dotées.
En France, 63% des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes. Ce chiffre, qui ne cesse de progresser, entraîne des effets en cascade, parmi lesquels l'allongement des délais de prise en charge, le renoncement aux soins ou encore la diminution de l'espérance de vie des populations rurales par rapport à la population générale.
Madame la ministre, des politiques publiques adaptées aux territoires ruraux sont possibles. Un rapport d'information de l'Assemblée nationale présentait certaines mesures, parmi lesquelles on peut citer la pérennisation des dispositifs fiscaux et sociaux en faveur des zones rurales ou encore l'accueil, dans chaque préfecture et sous-préfecture, d'une maison France Services.
D'autres mesures sont possibles. Pour ma part, dans ma circonscription, je bataille depuis des mois pour qu'un médecin béninois, habilité à travailler en France, puisse enfin obtenir son droit d'exercer au Pôle Sud Alsace. À la lumière de tels faits, permettez-moi de vous demander quelle stratégie le Gouvernement entend-il privilégier pour assurer un maillage territorial adéquat des services médicaux ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
La santé est le premier souci de nos concitoyens, c'est bien normal. Nous savons que leur exigence est totale. Néanmoins, nous nous sommes saisis dès 2017 de cette problématique, en prenant des mesures structurelles qui doivent permettre de régler notre problème de démographie médicale à long terme. C'est pourquoi nous avons supprimé le numerus clausus. En la matière, il n'y a pas de solution facile. La seule certitude, c'est qu'il nous faut continuer à bâtir en partant des territoires et des projets qu'ils défendent.
Nous continuerons à créer, à imaginer des solutions, mais celles-ci doivent provenir des collectivités locales. Je ne vous demande pas de nous admirer, mais je citerai quelques actions concrètes, comme le doublement des maisons de santé en trois ans – jusqu'à 4 000 en 2027 –, qui bénéficie d'un accompagnement financier de l'État à hauteur de 45 millions d'euros.
L'un des quatre axes du plan France ruralités comporte en outre trente solutions de proximité, dont l'une consiste à déployer dès à présent 100 médicobus partout en France. (Mme Catherine Couturier s'esclaffe.) Invitez vos départements ou vos intercommunalités à s'en saisir – l'ANCT pilote le projet.
Quant à la création d'une quatrième année d'internat de médecine générale pour inciter les médecins généralistes à s'installer en zones sous-dotées, elle constitue une mesure de moyen terme.
Je citerai également le recrutement de 10 000 assistants médicaux et infirmiers en pratique avancée – les IPA. J'ai visité des maisons de santé qui sollicitent des IPA et ça se passe très bien : les médecins comme les jeunes diplômés sont très heureux des possibilités de pratiques avancées qui leur sont offertes. (Mme Catherine Couturier mime un joueur de pipeau.)
Je citerai encore le renforcement de l'action des ARS dans les territoires – au moyen d'un décret leur permettant de déroger aux normes réglementaires – afin de répondre à un besoin particulier local. Peu d'élus locaux et de concitoyens ont connaissance de ce dispositif : saisissez-vous en.
Enfin, le zonage France ruralité revitalisation (FRR) propose des exonérations fiscales et des déductions de charges sociales à tout médecin qui voudrait s'installer dans 17 500 – sur 28 000 au total – communes rurales, lesquelles deviennent donc plus attractives.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)
Nous débattons d'un rapport tout en nuances sur les services publics dans la ruralité, qui montre à la fois une évolution dans la prise en compte de la ruralité dans les politiques publiques et, surtout, la persistance, voire l'accroissement du sentiment d'abandon.
Ce ressenti a encore été vivifié, parfois réveillé, à la suite de l'annonce de fermetures de classes dans des petites communes. L'école du coin, c'est la République dans les campagnes : un service dont on se dit que celui-là, au moins, on n'y touchera pas. Dans certaines communes, il ne reste pourtant parfois que deux services au public : l'école et la mairie. Vous connaissez bien la réaction suscitée par l'annonce des fermetures de classes. Dans ma circonscription, elle a pris corps dans la vive mobilisation des familles, dont je voulais me faire l'écho dans cette chambre.
En milieu rural ne règne pas qu'un sentiment d'abandon. Il y a aussi de la colère – une colère qu'on oublie un peu trop facilement derrière le mot, plutôt vague, de " sentiment ". Je la ressens trop souvent, notamment pour ce qui concerne les difficultés d'accès aux soins. Une question revient : où est passé le service public de santé ? La colère porte aussi sur l'impossibilité de se faire soigner par le médecin dans la commune, voire dans les environs ; sur l'obligation de faire des kilomètres pour se rendre à l'hôpital le plus proche ; de rouler pendant quarante-cinq minutes pour aller accoucher ; de sortir du département afin de trouver un pédiatre pour son enfant.
Le Gouvernement n'a de cesse de répéter que la santé est le chantier prioritaire. Il n'a pourtant rien entrepris pour que tous les habitants et toutes les habitantes disposent enfin d'un service d'urgences et de santé à moins de vingt minutes de leur domicile. Pire, il laisse fermer, à l'instar des classes d'école, des services essentiels de proximité – d'urgences, de maternité ou de psychiatrie.
À Redon, à Ancenis ou à Blain, l'État doit soutenir les hôpitaux publics à la hauteur des besoins, pour que ni des services ni l'existence même de ces établissements ne se trouvent un jour menacés.
Emmanuel Macron disait en conférence de presse, le mois dernier, qu'il fallait responsabiliser les patients. Peut-être, mais je lui réponds que l'État doit, avant tout, prendre ses responsabilités pour sauver le service public de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous dites qu'il ne s'agit pas d'un sentiment mais d'une colère et c'est bien dommage, monsieur le député, parce que, vous l'avez compris, ce gouvernement essaie de ne pas nourrir des angoisses que certains, dans cet hémicycle, font monter. Il cherche plutôt à apporter des preuves et des solutions de proximité. Ces dernières ne sont pas parfaites, bien sûr, mais regardons le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.
Le plan France ruralités ne peut d'ores et déjà produire des services publics pleinement fonctionnels, puisqu'il a été annoncé le 15 juin dernier. Le programme Villages d'avenir, par exemple, implique de l'ingénierie pour les collectivités. Elles en sont à la fin de la phase de recrutement et de formation : il portera ses fruits demain.
Quant aux trente solutions que j'évoquais précédemment et qui touchent aux sujets que vous évoquez – l'éducation nationale, la santé –, elles visent à améliorer la qualité de vie des habitants.
Aussi, quand vous dites " Prenez conscience et agissez ", je réponds : nous avons conscience de la situation, nous partageons votre diagnostic et nous agissons. Le plan France ruralités prévoit 90 millions d'euros pour les mobilités, pas moins. Il faut toutefois que les départements, les collectivités, les intercommunalités s'en saisissent. Nous sommes à la fin du mois de février ; ce plan a été annoncé le 15 juin 2023 et se déploie depuis le 1er janvier. Je suis à votre disposition pour échanger avec vous et le faire connaître en Loire-Atlantique, de sorte que les trente solutions du plan se déploient au plus vite, main dans la main avec les maires, les intercommunalités et les départements.
Nous agissons, en effet : nous avons par exemple rouvert six sous-préfectures. Et quand l'existence d'une maison France Services fait sens, nous la déployons – elles seront 1 750 à la fin de l'année. Vous ne parlez que des écoles et des mairies mais ce ne sont pas les seuls services publics concernés. Il y a des maisons France Services à moins de trente minutes partout en France. En se rendant dans la commune voisine ou dans le centre-bourg de l'intercommunalité, on y trouve neuf services publics, parfois un dixième et un onzième. Regardons le verre à moitié plein et travaillons ensemble au service des habitants de la ruralité.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie (Écolo-NUPES)
Nous ne pouvons aborder la question du soutien aux services publics dans la ruralité sans reconnaître la difficulté de l'État à garantir un accès digne à la santé à chacun et à chacune, qu'importe son lieu de vie, ses moyens ou son âge. Le constat est sans appel : nous sommes confrontés à des besoins de santé croissants, avec un Gouvernement incapable d'imaginer une réponse planifiée à ces besoins, en particulier dans les milieux ruraux, où la démographie médicale et sociale plonge.
Ma circonscription, en Dordogne, n'est pas épargnée : il n'y a que 67 médecins pour 100 000 habitants et nous sommes passés de 700 à 1 500 enfants placés ces dix dernières années, par exemple. La médecine de ville craque, la protection de l'enfance craque, les centres médico-sociaux psychologiques craquent, les maternités sont menacées de fermeture, les Ehpad se retrouvent sans médecin référent. Nous savons d'ores et déjà que les besoins vont exploser dans les prochaines années, mais la détresse des secteurs de la santé et du social est à l'image des politiques d'austérité budgétaire successives qui condamnent les services publics à la détérioration.
Comment débattre sereinement de l'accès aux services publics dans la ruralité alors que le Gouvernement a annoncé, la semaine dernière, 10 milliards d'euros de saignée budgétaire ? Nous ne pouvons faire mieux avec moins de moyens : ce constat simple devrait faire l'unanimité. Notre système de soins est totalement inopérant pour faire face au vieillissement croissant de la population et à l'augmentation drastique des maladies chroniques.
Nous devons nous poser les bonnes questions : comment former et donner envie aux nouvelles générations de rejoindre les métiers du soin et de la santé ? Comment donner envie aux générations actuelles de rester et de travailler dignement, avec un salaire à la hauteur de leur contribution à la société ? Comment prendre soin de celles et ceux qui prennent soin de nous ?
Madame la ministre, face à la désertion des professions de santé et à l'augmentation des besoins de la population, quand et comment allez-vous, enfin, faire de l'accès aux soins une priorité gouvernementale à long terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je commencerai par un point qui m'interpelle dans votre propos : comment peut-on faire mieux avec moins ? Je viens d'un monde dans lequel j'ai appris à faire mieux avec moins. Il faut tout simplement être capable de remettre en cause les pratiques et les fonctionnements. Cela demande beaucoup de courage, c'est difficile, mais on doit pouvoir y arriver.
Gouverner la France, ce n'est pas seulement déverser de l'argent dans les territoires pour améliorer l'éducation ou la santé. Certes, elles en ont besoin et, vous avez raison, il faut prendre soin de nos concitoyens, mais il faut être conscient de la situation de nos finances publiques : notre dette s'élève à 3 000 milliards d'euros et le montant des frais financiers, qui est de 40 milliards à ce jour, atteindra 70 milliards en 2027 !
M. Pierre Cordier
C'est le résultat de votre politique budgétaire !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Nous devons donc suivre la trajectoire européenne si nous voulons que la note de la France ne soit pas dégradée. Néanmoins, il nous faut parvenir à assurer un service public médical et à améliorer la qualité du « prendre soin », comme vous le dites.
Vous nous interpellez, d'autre part, sur la nécessité d'anticiper. C'est précisément ce que nous avons fait, en supprimant le numerus clausus et en créant une quatrième année d'internat en médecine générale, qui donnera davantage de résultats que vous ne le pensez – nous pourrons en discuter si vous le souhaitez. Grâce au dispositif d'incitation à l'installation en zone sous-dense, grâce au dispositif FRR, inscrit dans la loi de finances pour 2024 et qui permet à des médecins de ne payer ni impôts ni charges sociales pendant huit ans, grâce aux secrétariats médicaux mis à leur disposition par de nombreuses collectivités et financés par l'agence régionale de santé (ARS) et l'État, on voit revenir les médecins libéraux dans les zones rurales. Certaines collectivités emploient également des médecins en tant que salariés, avec l'aide de l'ARS, qui abonde assez régulièrement leur budget en cas de déficit.
En outre, je le répète, 100 médicobus sont prévus d'ici à la fin 2024. Il me tarde que le premier arrive dans les territoires, car chacun d'entre eux permettra d'organiser une permanence pour une dizaine de villages, à l'instar des bus France Services. Cela fonctionnera : nous nous sommes inspirés du succès du gynécobus, qui se déplace dans le Var.
M. Sébastien Peytavie
Les bus seront-ils accessibles aux personnes handicapées ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je l'espère !
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet (GDR-NUPES)
Déverser de l'argent dans les territoires, on en est loin, surtout depuis que le ministre de l'économie a annoncé 10 milliards d'économies ! (Mme Catherine Couturier et M. Jean-Claude Raux applaudissent.) Ce sont, du reste, souvent les collectivités qui paient le prix fort lorsque des décisions de ce type sont prises – mais ce n'est pas l'objet de ma question.
Sous la précédente législature, mon prédécesseur, Jean-Paul Dufrègne, avait réalisé, avec Jean-Paul Mattei, une évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. À l'issue de nombreuses auditions et de rencontres sur le terrain, ils avaient formulé vingt-trois propositions dans des domaines tels que la couverture numérique, les mobilités, la santé, l'accompagnement, etc. Ces propositions restent, pour la plupart, d'actualité.
S'agissant de la couverture numérique, la promesse d'Emmanuel Macron d'apporter la fibre à tous en 2025 ne sera pas tenue. Dans les zones rurales, le déploiement de la fibre plafonne – le taux de raccordement est de 74 % – parce que le raccordement de certains territoires est jugé trop coûteux et trop compliqué et que les aides de l'État demeurent insuffisantes pour remédier aux difficultés des réseaux d'initiative publique.
D'autre part, près de 48% de nos concitoyens sont confrontés à au moins un facteur qui les empêche d'utiliser pleinement les outils numériques et internet. La crise sanitaire a ainsi révélé que près d'un quart des personnes âgées de 18 à 24 ans rencontrent des difficultés pour réaliser seules des démarches en ligne.
À l'heure de la dématérialisation croissante des démarches administratives et de l'éloignement accru des services publics, le cumul des difficultés en matière d'accès de tous au numérique ne peut qu'accentuer le sentiment d'abandon que vivent les habitants des territoires ruraux. L'État entend-il soutenir les nombreuses initiatives des collectivités territoriales et des associations en y consacrant des moyens budgétaires enfin adaptés aux attentes des habitants de nos territoires ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement n'a pas agi en matière de couverture mobile et fixe : il a agi, et ce, comme je l'indiquais tout à l'heure à l'un de vos collègues, main dans la main avec les collectivités locales, notamment les départements, qui se sont saisis du dossier. C'est ensemble que nous déployons la fibre optique.
La question figurait dans l'agenda rural, et les mesures prises sont efficaces. Nous nous sommes engagés à hauteur de 3,5 milliards pour garantir une couverture numérique par la fibre optique de l'ensemble du territoire national d'ici à 2025. Vous affirmez que nous n'y parviendrons pas ; peut-être avez-vous raison. Nous reviendrons vers vous, le cas échéant, pour vous exposer ce que nous envisageons de faire afin d'achever le déploiement. Cependant, vous n'êtes pas sans savoir qu'Orange va fermer son réseau cuivre. Il va donc bien falloir que la fibre optique s'y substitue. Nous verrons alors comment couvrir, en milieu rural, les derniers kilomètres – ce qui revient le plus cher et est le plus compliqué à faire.
Grâce au plan France très haut débit, 84% des foyers bénéficient d'une connexion à haut débit grâce à la technologie " fibre jusqu'à la maison " (FTTH). Les réseaux d'initiative publique, portés par les collectivités avec le soutien de l'État, permettent d'assurer une couverture qui, d'après ce que j'ai vu lors de mes déplacements dans les départements, paraît très intéressante. Reste celui de la Creuse, où je me suis rendue en décembre et avec lequel je vais travailler, car il est confronté à des difficultés juridiques qui l'empêchent d'achever le déploiement.
Grâce au New Deal mobile, 99,8% des Français vivent dans une zone où au moins trois opérateurs offrent une couverture 4G et 98% du territoire sont couverts par une offre de ce type. Bien entendu, nous allons faire mieux, et vous avez raison de nous interroger sur cet enjeu majeur de la lutte contre l'isolement. Toutefois, je conclurai en rappelant que 3 800 conseillers numériques formés sont en poste depuis 2021. Ils ont souvent été recrutés par des intercommunalités ou des mairies et ont permis de réaliser 3,2 millions d'accompagnements auprès de 2 millions de citoyens.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)
Les ressorts d'une installation ou de la décision de demeurer en milieu rural sont bien documentés ; la qualité des services publics en fait partie.
Or la suppression de 650 postes dans l'enseignement primaire a suscité, partout en France, la mobilisation de parents d'élèves, d'enseignants et d'élus locaux. L'annulation annoncée de 691 millions d'euros de crédits, dont 592 millions pour l'enseignement public, va accroître les difficultés rencontrées par les enfants, en zone rurale comme en zone urbaine ou périurbaine.
La solution consiste, non pas à opposer les enfants entre eux en fonction de leur lieu de résidence, mais à consacrer les moyens nécessaires pour que la baisse du nombre des élèves s'accompagne d'une amélioration des conditions d'encadrement. C'est la seule solution pour sortir par le haut de la situation tendue qu'on observe dans tous les territoires, en particulier dans la ruralité.
S'agissant de l'accès aux soins, en vingt ans, le nombre des professionnels de santé, et d'abord des médecins généralistes, installés dans les territoires ruraux, ainsi que dans les quartiers populaires, s'est effondré. Cette spirale négative ne peut être enrayée sans recourir à une régulation des installations, comme c'est le cas pour les pharmaciens ou les infirmiers. Des propositions, défendues par des députés de différentes sensibilités, sont sur la table. Allez-vous enfin en discuter ?
Quant aux moyens des communes, ils sont décisifs pour faire face aux besoins de service public dans les territoires. Les communes méritent donc également d'être soutenues, notamment par l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation. Par ailleurs, le programme 112, qui finance l'ANCT, l'outil des politiques territoriales en milieu rural, a été réduit de 26 millions d'euros. Ma question est simple : qui fera les frais de ces annulations de crédits ? (MM. Sébastien Peytavie et Sébastien Delogu applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
M'étant déjà suffisamment exprimée sur le sujet de la santé – je pourrai néanmoins y revenir si vous le souhaitez –, je dirai quelques mots sur l'école. Les fermetures de classes inquiètent, dites-vous, les parents et les collectivités, notamment les maires ; mais il ne faut pas négliger les avancées.
D'abord, il convient de prendre conscience de la baisse de la démographie française. C'est la raison pour laquelle le Président de la République appelle de ses voeux un « réarmement démographique ». Peut-être avez-vous les chiffres en tête : Paris, par exemple, compte de moins en moins d'enfants et on y ferme beaucoup de classes. Il en est de même dans la ruralité. Pourtant, à Saint-Étienne-sur-Usson, dans le Puy-de-Dôme, on a pu maintenir deux classes de neuf élèves, dont trois relèveraient d'une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis). Il s'agit, on le voit bien, de cousu main.
M. Philippe Gosselin
Ce n'est pas toujours le cas !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Pourquoi ? Parce que le dialogue est désormais – peut-être pas suffisamment – instauré entre l'éducation nationale, représentée par le Dasen dans les départements, les préfets, qui connaissent bien les collectivités, et les élus locaux.
M. Philippe Gosselin
Mais il faut faire avec les moyens nationaux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Les maires nous ont demandé d'anticiper les ouvertures ou les fermetures de classes. Nous leur avons donc annoncé, avec Pap Ndiaye et la Première ministre Élisabeth Borne, qu'ils auraient de la visibilité en la matière dès la rentrée 2024 et qu'ils pourraient ainsi adapter leurs travaux de réhabilitation aux garanties qu'ils recevront. Des instances de dialogue visant à informer, à écouter et à comprendre les spécificités ont été installées – certes, pas encore partout – et un bonus a été créé pour encourager les regroupements pédagogiques intercommunaux.
M. Philippe Gosselin
Il est censé exister déjà, celui-là !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Il me semble qu'en anticipant et en favorisant le dialogue, nous prenons en considération les difficultés que rencontrent les familles de la ruralité. Je constate, du reste, qu'elles acceptent désormais les classes comprenant un tout petit nombre d'élèves, même lorsqu'elles regroupent quatre niveaux différents, de la petite section au CM2.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen (LIOT)
Puisque mon collègue Dharréville a abordé la question de la présence de l'éducation nationale dans les territoires ruraux, que je souhaitais moi-même évoquer, je vais plutôt réagir aux explications que vous lui avez données.
En réalité, le dialogue est très difficile. En effet, le Dasen se voit imposer par son recteur, qui agit lui-même sur instruction de son ministre de tutelle, l'obligation de supprimer des postes. Dès lors, il n'est pas possible de faire du cousu main, comme vous le dites. Faut-il rappeler que, sur les 10 milliards d'euros d'économies annoncées par Bruno Le Maire, 694 millions concernent le budget de l'éducation nationale – ce qui correspond, me semble-t-il, à 4 000 postes ?
On constate une inégalité entre, d'une part, certaines zones urbaines, notamment celles qui relèvent des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+), où les classes sont dédoublées et ne comptent que douze élèves – ce qui est très bien, au demeurant –, et, d'autre part, les territoires ruraux, où ce dispositif est interdit et où l'on ferme des classes de dix-huit ou dix-neuf élèves, de sorte que celles qui demeurent ouvertes en comptent en moyenne vingt ou vingt et un.
Les habitants des territoires ruraux ne sont pas des sous-citoyens ; ils ont, au même titre que les autres, le droit d'avoir des classes de quinze ou de seize élèves et de bénéficier d'une éducation de choix. Soyez-y attentive, madame la ministre.
Mme Catherine Couturier
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je ne vais pas redire ce que j'ai déjà dit à propos des instances de dialogue, qu'il vous faut solliciter si elles ne viennent pas jusqu'à vous : vous êtes fondés à participer et à réfléchir à cette question. Il n'y a pas de fatalité, d'automaticité. Vous l'avez compris, nous faisons un peu du cousu main, mais nous tenons compte des efforts consentis par les élus ainsi que des perspectives d'évolution – notamment de la baisse démographique, qui entraîne une diminution du nombre d'enseignants – et nous étudions les possibilités de mutualisation entre communes, le tout avec, chevillé au corps, le souci d'éviter une baisse de la qualité de l'enseignement.
M. Christophe Naegelen
Venez dans ma circonscription !
S'agissant de la réussite scolaire des plus jeunes, peut-être connaissez-vous les territoires éducatifs ruraux. Ce dispositif expérimental, qui vise à assurer une continuité dans l'accompagnement de l'élève dès l'école primaire, a d'abord été déployé dans certaines académies, où il a donné de très bons résultats. Nous avons donc décidé de l'étendre et de le financer sur l'ensemble du territoire.
Dans le cadre du volet éducation du Conseil national de la refondation (CNR), nous avons doté un fonds d'innovation pédagogique à hauteur de 500 millions d'euros sur cinq ans. Plus de 19 000 écoles et établissements ont manifesté une intention de concertation. Plus de 8 500 projets ont été élaborés par les équipes pédagogiques ; 3 000 d'entre eux bénéficient d'ores et déjà d'un accompagnement humain et financier.
J'entends ce que vous dites au sujet des baisses de dotation. Mais si nous travaillons davantage ensemble, si nous nous mettons autour de la table pour trouver des solutions, nous avons largement assez d'argent, au sein de l'éducation nationale – même en tenant compte des baisses annoncées par Bruno Le Maire –, pour faire mieux avec moins.
Mme la présidente
La parole est à M. Guy Bricout.
M. Guy Bricout (LIOT)
« En progrès, mais pourrait faire mieux » : voilà qui résume bien l'état de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Nombre de ces derniers ont le sentiment d'être à la croisée des chemins : si des efforts ont été accomplis ces dernières années – je pense notamment aux maisons France Services et aux bus mis à disposition par les départements ou les communautés de communes –, des difficultés persistent, causées en grande partie par une déshumanisation et une dématérialisation galopantes. Dans la ruralité, où la population est vieillissante, l'illectronisme est assez répandu – sans oublier, pour ceux qui manient l'ordinateur de façon plus aisée, que ces territoires sont loin d'être tous parfaitement raccordés.
Les maisons France Services et les bus ne sont pas la panacée. Les agents de ces structures, quoique très bien formés, ne peuvent être omniscients. Il n'est donc pas rare qu'ils doivent faire appel à l'administration pour répondre aux questions des administrés, et l'on peut regretter qu'ils n'aient pas plus facilement accès, par téléphone, aux différentes administrations.
L'une des grandes failles de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux tient à la déshumanisation – une déshumanisation dont les agents souffrent probablement eux-mêmes, tant le contact est au coeur de leurs missions. L'étude annuelle du Conseil d'État publiée en septembre dernier, intitulée « L'usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d'efficacité de l'action publique et une exigence démocratique », le résume parfaitement. Elle insiste sur " l'impératif de proximité ", expliquant : " […] il faut des personnes pour parler aux personnes. Il y a notamment urgence à sortir du 100% numérique en renouant avec l'accueil téléphonique et physique, à repérer et à accompagner de façon précoce ceux qui "ne rentrent pas dans les cases", à communiquer différemment auprès des usagers et à développer "l'aller vers", via les maisons France Services par exemple ou par une "livraison à domicile" de l'action publique. "
Madame la ministre, comment envisagez-vous la nécessaire réhumanisation des services publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je me propose de revenir dans le Nord, monsieur le député, pour voir ce qui se passe dans les maisons France Services.
M. Christophe Naegelen
Et dans les Vosges !
M. Pierre Cordier
Et dans les Ardennes !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je n'ai certes pas abordé ce sujet dans votre circonscription, mais sachez que le mot « déshumanisation » choquerait les agents de très nombreuses maisons France Service. Celles que j'ai visitées en tout cas – je ne prétends pas que ce soit le cas partout en France – sont bien loin d'une quelconque déshumanisation. Les agents qui les animent, qui déploient les neuf services publics que vous connaissez bien, sont très souvent accompagnés par des conseillers numériques – ils sont 3 800, formés et en poste partout sur le territoire –, ainsi que par des aidants numériques qui assistent dans leurs démarches les administrés qui ne souhaitent pas se former au numérique. Le dispositif Aidants Connect est ainsi un service public numérique qui permet de sécuriser l'accompagnement des démarches administratives dans un cadre légal quand la procédure est dématérialisée.
Comme je l'ai constaté à de très nombreuses reprises, les personnes qui souhaitent être formées au numérique assistent à des ateliers dans les maisons France Services. C'est l'occasion pour les conseillers numériques et les agents d'échanger avec elles : ces maisons sont ainsi des lieux de lien social. Nous sommes loin de la déshumanisation que vous mentionnez – si elle existe à certains endroits, n'hésitez pas à me le signaler. J'ai la ferme intention de faire avancer la situation, tant je suis convaincue qu'il n'y a rien de tel que l'humain – même le téléphone est souvent insuffisant. Il faut pouvoir rencontrer son interlocuteur ; maintenant que nos concitoyens vivent à moins de trente minutes d'une maison France Services, c'est chose possible.
Je partage néanmoins votre constat : des difficultés persistent pour les agents des maisons France Services. Lorsqu'ils sollicitent les administrations centrales – la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou autres –, ils ont besoin d'un accès prioritaire, afin de fournir une réponse plus rapidement aux administrés. Or ils ne disposent pas encore d'une ligne directe avec les neuf administrations qui les concernent. Je prends note de ce sujet, et j'y travaillerai.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana (RE)
" Une justice plus lisible, plus efficace, plus proche des citoyens " : ce ne sont pas là mes mots, mais ceux qu'a employés le Président de la République lors du lancement des états généraux de la justice en 2021. Or, ces dernières décennies, un trop grand nombre de Lot-et-Garonnais m'ont fait part des obstacles considérables qui les empêchaient d'accéder à des services juridiques de qualité : démarches trop complexes pour faire valoir leurs droits, temps d'attente trop longs des jugements… La justice est pourtant l'un des fondements de la République : sans justice, il n'y a ni sécurité, ni égalité. Il est de notre devoir de garantir son accès à chaque citoyen dans les meilleurs délais.
La majorité agit depuis 2017 pour réarmer le service public de la justice – politique publique trop souvent oubliée –, en particulier dans les territoires ruraux. Concrètement, nous avons augmenté de près de 50 % le budget de la justice depuis sept ans ; nous avons également fait adopter deux lois majeures en 2023, visant à moderniser le système, à rendre les métiers attractifs et à renforcer les effectifs. Lors de l'ouverture de la présente année judiciaire, la cour d'appel d'Agen, dans ma circonscription, a dressé un premier bilan positif : le nombre de dossiers en stock a diminué de moitié depuis 2019, et l'âge moyen global du stock est passé de dix-neuf à sept mois. Ce sont des avancées considérables que nous devons pérenniser.
Quels moyens concrets sont déployés dans les territoires ruraux, plus spécifiquement en Lot-et-Garonne, en matière de justice ? Quels résultats et quelles améliorations sont attendus dans les années à venir ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je veillerai à vous communiquer une réponse spécifique concernant la justice dans le Lot-et-Garonne, monsieur le député.
De façon plus générale, je tiens à rappeler que les états généraux de la justice, qui se sont conclus en février 2022, ont permis d'identifier des objectifs partagés. Il s'agit de rendre la justice plus rapide, plus efficace et plus proche en se concentrant sur trois axes : garantir partout l'accès au service public de la justice ; assurer la bonne information des élus officiers de police judiciaire (OPJ) ; mieux protéger les élus locaux victimes d'atteintes et de violences. D'ores et déjà, vous voyez certainement se déployer la formation, assurée par les délégués du procureur, de tous les élus de la République qui sont OPJ, particulièrement des maires et de leurs adjoints.
Le premier axe conduira à rapprocher les forces de l'ordre et la justice dans la ruralité. Nous sommes en très bonne voie, puisque 238 nouvelles brigades de gendarmerie seront créées. De nouveaux moyens sont également accordés à la justice pour que toutes les plaintes soient traitées rapidement et que toutes les victimes soient prises en charge – le tout, avec un meilleur maillage du territoire. Le ministère de la justice recrute encore, en ce moment même, 10 000 agents supplémentaires. Quant aux délégués du procureur, qui participent localement à la politique pénale, ils appliquent des mesures alternatives aux poursuites afin de rendre les démarches plus efficaces, plus justes et plus rapides.
L'aide aux victimes est pour sa part dispensée par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), qui sont parfois présents dans les maisons France Services. Pour rappel, nous comptons 101 CDAD et 2 685 points-justice.
Enfin, vous avez probablement connaissance du plan de prévention et de lutte contre les violences aux élus que j'ai lancé. Dans ce cadre, les procureurs ont pris l'engagement d'expliquer aux maires les raisons des éventuels classements sans suite. Nous progresserons encore dans ce domaine.
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Delpech.
Mme Julie Delpech (RE)
Depuis plusieurs semaines, de nombreux parents d'élèves, accompagnés d'élus et d'enseignants, se mobilisent contre les fermetures de classes qui ont été annoncées après la présentation de la nouvelle carte scolaire. Sachant le Gouvernement et la majorité engagés dans la refondation de l'école républicaine, je souhaite relayer la perception des habitants des communes rurales de ma circonscription : ils me font part d'un sentiment d'incompréhension, parfois de décalage, entre nos ambitions pour l'école et l'affaiblissement du réseau éducatif dans les villages.
Dans les territoires ruraux, l'école de la République représente souvent la dernière marque de service public. Elle est un lieu de vie où parents, enseignants, retraités et bénévoles se retrouvent pour assurer l'éducation des jeunes ; elle tisse un lien entre tous les acteurs du territoire, faisant vivre l'esprit de la nation ; elle permet aux enfants de gravir les paliers de l'échelle sociale.
Je sais l'action du Gouvernement en faveur de l'école : elle a permis de réintroduire, au coeur du projet éducatif, la confiance entre tous les acteurs, l'apprentissage des fondamentaux, le retour de l'autorité et de la responsabilité, ainsi que la lutte contre le harcèlement scolaire – cela n'avait jamais été fait auparavant. Pour déployer au mieux cette politique ambitieuse, il me semble essentiel de protéger l'école rurale. Les communes rurales touchées par les fermetures de classes sont souvent dynamiques, et font tout leur possible pour attirer de nouvelles familles. La fermeture d'une classe porte un coup d'arrêt à leur développement et peut mettre en péril la vitalité de ces territoires nombreux et essentiels à notre pays.
Afin de conjuguer la double ambition de redéployer l'État dans les territoires et de renforcer l'école de la République, l'État ne pourrait-il pas prendre en considération, au-delà du simple nombre d'élèves, le dynamisme des communes, des équipes pédagogiques et des associations de parents d'élèves, avant de décider de fermer une classe – ceci, au cas par cas et quand le nombre d'élèves ne s'éloigne pas trop de la moyenne nationale ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Nous entendons renforcer le dialogue avec les acteurs de l'éducation ; et peut-être, comme vous le proposez, intégrerons-nous d'autres indicateurs dans les décisions, comme le dynamisme des communes – c'est de cela qu'il s'agit quand je parle de coûts humains. Pour avoir échangé avec elle, je sais combien la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Nicole Belloubet, est consciente de la situation de la ruralité et de la nécessité d'aller plus loin.
Qu'avons-nous déjà réalisé ? Comme l'avait annoncé Élisabeth Borne, nous garantissons aux maires des communes rurales que les fermetures de classes seront programmées trois ans à l'avance. Nous avons également créé des instances de dialogue qui réunissent toutes les parties prenantes ; il reste à les animer, sachant qu'elles ne fonctionnent pas encore partout. Enfin, nous devons peut-être travailler sur d'autres critères, comme vous le suggérez. Je ferai part de cette demande – que je soutiens – à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Le critère du nombre d'enfants par classe ne saurait suffire ; comme je l'ai déjà souligné, certaines classes accueillent par exemple des enfants relevant normalement d'une Ulis.
Nous disposerons d'une visibilité sur les évolutions démographiques du territoire à la rentrée 2024, et les communes seront informées des prévisions d'effectifs à trois ans. Le taux d'encadrement moyen sera appréhendé de façon spécifique dans les territoires ruraux, comme vous l'appelez de vos voeux à juste titre. L'élaboration de la carte scolaire est un travail fin fondé sur la concertation, qui répond tout à la fois à un objectif d'équité – celle-ci m'est chère, plus que l'égalité qui est difficilement atteignable – et de prise en compte des besoins spécifiques et locaux de chaque territoire – la spécificité des territoires m'étant chère, elle aussi. Travaillons ensemble pour mieux préparer encore la rentrée de 2024.
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Gérard.
M. Raphaël Gérard (RE)
Comme l'a souligné la mission de suivi de l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, dont les conclusions ont été rendues en 2023, la prise en compte des territoires ruraux s'est nettement améliorée depuis 2017. Je l'ai moi-même observé dans ma circonscription de Charente-Maritime, où le maillage des maisons France Services s'est densifié : de telles maisons ont été ouvertes à Royan, Cozes, Saint-Genis-de-Saintonge, Pons, Jonzac, Mirambeau, Montendre, Montguyon et Saint-Aigulin, couvrant une large partie du sud du département.
La présence de services publics de proximité, dont les guichets regroupent plusieurs administrations afin de simplifier la vie au quotidien, constitue une avancée majeure. Néanmoins, dans des territoires enclavés comme celui du sud de la Haute-Saintonge, l'accès aux services publics reste difficile en raison de contraintes de mobilité. C'est pourquoi je soutiens l'ambition du Gouvernement, dans le cadre du plan France ruralités, de soutenir le développement de l'aller vers, afin d'assurer l'itinérance des services et de couvrir le dernier kilomètre – qui, il est bon de rappeler, vise les citoyens plutôt qu'il ne commence dans les ministères parisiens. C'est une nécessité pour nos concitoyens les plus vulnérables dans les territoires ruraux.
Il existe certes des initiatives locales, comme la création par le département de permanences délocalisées de travailleurs sociaux et de conseillers numériques, notamment dans la commune de Cercoux. Une question se pose néanmoins : comment massifier ces initiatives en assurant une couverture suffisante du territoire ? L'un des écueils rencontrés par les élus sur le terrain réside dans la rigidité de la grille de lecture des services de l'État et dans des financements qui ne sont pas suffisamment flexibles pour toucher tous les citoyens. Il est par exemple prévu de faire circuler un bus médico-social dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de La Rochelle, alors que les zones rurales souffrent plus que tout de la désertification médicale. De même, le Bus du coeur des femmes n'intervient qu'entre La Rochelle et Saintes ; il ne couvre ainsi que la moitié du département et laisse la moitié sud totalement dépourvue, alors qu'elle est la plus touchée par les violences faites aux femmes. Comment envisagez-vous le développement de ces initiatives ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous avez évoqué l'aller vers : c'est évidemment ce que les gens attendent de nous, et nous agissons en ce sens au quotidien.
La première étape consiste à rapprocher les services publics de nos concitoyens : davantage d'agents sur le terrain, une maison France Services à moins de trente minutes de n'importe quelle habitation. Nous renforçons l'échelon départemental des services de l'État – nous avons rouvert six sous-préfectures, dont celle de Clamecy, où je me suis rendue pour l'événement. Nous réimplantons des services dans les territoires, à raison d'une maison France Services, en moyenne, par canton, soit 2 750 d'ici à la fin de l'année. Nous apprenons également à concevoir différemment l'aller vers, en nous appuyant sur des programmes tels qu'Action coeur de ville, Petites Villes de demain et désormais Villages d'avenir, en finançant et en accompagnant en matière d'ingénierie les projets conçus par les élus locaux ; il s'agit là de se rapprocher des préoccupations du maire, de l'habitant.
La deuxième étape consiste en un aller vers physique : après avoir rapproché les services du citoyen, nous progressons encore à partir de ce point, grâce à 155 bus labellisés France Services, à 153 multisites. Concernant la santé, j'ai de la peine pour vous, car il semble que dans votre département le dispositif ait été déployé dans les QPV, pas encore dans la ruralité ; peut-être la présidente du conseil départemental ne s'est-elle pas encore emparée du sujet, car ces médicobus sont bien destinés à la ruralité, afin de faire pendant à ce qui existe au sein des QPV. J'ajoute que La Poste et ses camions jaunes vont créer des têtes de pont du réseau France Services dans les territoires les plus ruraux, ceux que les maisons ne desservent pas complètement ; nous déployons également ensemble des facteurs-guichetiers. Nous finançons une présence commerciale itinérante dans le cadre du programme de revitalisation du commerce rural. En matière de santé, de commerce, de services, nous nous inscrivons donc pleinement dans la logique de l'aller vers.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Janvier.
Mme Caroline Janvier (RE)
Madame la ministre, il a beaucoup été question ici des télécommunications, de la mobilité, de la santé, de l'éducation, car l'égalité d'accès aux services publics nécessite que soient compensées les difficultés locales ; pour ma part, je souhaiterais vous interroger sur le droit qu'a chaque usager du service public d'être informé, de pouvoir exercer ses droits, ce qui suppose un interlocuteur.
Je considère que la numérisation d'un certain nombre de services, touchant par exemple les cartes d'identité ou les procurations, constitue parfois un frein : tous les Français ne disposent pas d'une imprimante ni même d'une connexion à internet. C'est d'ailleurs pour cela que l'une des réponses proposées depuis 2017 par le Gouvernement réside dans la création d'une maison France Services par canton, mesure tout à fait adaptée – vous avez également cité les conseillers numériques. Dans ma circonscription, les maisons France Services sont ainsi plébiscitées…
Mme Marie-Christine Dalloz
Rien que ça !
Mme Caroline Janvier (RE)
…par les habitants qui les connaissent, la difficulté étant que beaucoup ignorent l'existence de ces guichets et la possibilité d'avoir un interlocuteur pour effectuer les démarches concernant leur pension de retraite, la sécurité sociale ou encore Pôle emploi. Comment pourrions-nous donc améliorer d'une part la connaissance par nos concitoyens des maisons France Services, d'autre part l'équipement de celles-ci en matière de visioconférences, ce qui permet de faire le lien avec d'autres services comme les maisons de justice et du droit (MJD) ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Comme je l'ai évoqué, la proximité que les citoyens attendent de nous doit avoir la mairie pour point d'ancrage. Nous ne proposons pas directement tous ces services de l'État, car nous risquerions de nous disperser ; nous les finançons et souvent les cofinançons au travers des collectivités locales. J'ai été maire d'une commune proche de Toulouse, en zone périurbaine, non en zone rurale, et pourtant j'ai constaté qu'à longueur de journée, des habitants venaient demander à la mairie des renseignements qui ne relevaient pas du tout de celle-ci. Dès mon arrivée, j'avais formé les agents d'accueil à se lever, à écouter debout, à sourire, pour que leur attitude redonne espoir à ces concitoyens souvent perdus – vous avez raison sur ce point.
Vous appelez de vos voeux la possibilité de visioconférences : elle existe déjà dans les caisses d'allocations familiales (CAF). Au sein des maisons France Services, certains des neuf services publics nationaux sont également accessibles par ce moyen, beaucoup plus pédagogique en effet.
Je ne reviendrai pas sur ces maisons, ni sur les bus labellisés ; en revanche, je n'ai encore guère parlé de Villages d'avenir, composante du plan France ruralités, et surtout de la manière dont les collectivités se sont saisies de ce dispositif – 2 458 communes lauréates, comptant chacune en moyenne un millier d'habitants. Nous avons obtenu un financement permettant de recruter 120 chefs de projet, dont 98 l'ont déjà été – soit environ vingt et une communes par chef de projet, avec des budgets d'ingénierie de l'ordre de 40 millions d'euros. Il y a là, pour les maires, une véritable occasion d'offrir un nouveau service à leurs administrés.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand Sorre (RE)
En 2019, le Gouvernement lançait les maisons France Services, afin d'offrir à nos concitoyens un accès à diverses démarches administratives à trente minutes maximum de chez eux. Fixes – au sein notamment des collectivités territoriales, mais aussi d'une quarantaine de sous-préfectures – ou itinérants, par exemple dans mon département, la Manche, ces guichets constituent une vraie réussite. Quatre ans après leur création, le taux de satisfaction des usagers dépasse 94% ; les agents, formés à 200 procédures administratives, répondent pleinement aux attentes, bien souvent dès le premier rendez-vous. Dans la Manche, trente-cinq maisons ont été labellisées et sont fort appréciées des habitants : vous avez pu le constater, madame la ministre, à l'occasion de votre déplacement.
Cette initiative nécessaire a renforcé les services de proximité, auxquels nos concitoyens sont très attachés ; dans les territoires reculés, en effet, peut s'installer un sentiment d'abandon suscité par de réelles difficultés d'accès aux services publics, aux démarches administratives, notamment en raison d'un défaut d'appropriation de leur version dématérialisée. En décembre 2022, 2 538 structures France Services étaient labellisées ; en 2023, il s'en est ouvert 96, dont 54 en zone rurale, portant ainsi leur nombre à 2 700. En outre, depuis 2024, elles donnent accès à de nouvelles démarches, comme celles concernant le chèque énergie, MaPrimeRénov' ou MaPrimeAdapt'.
Cette promesse tenue par le Gouvernement est primordiale en vue de maintenir l'administration au plus près de nos concitoyens. Certains rencontrent toutefois des difficultés à accéder à ces maisons en raison du manque de moyens de transport. Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir, d'une part, en quoi consistent les ambitions du Gouvernement en matière de facilitation de cet accès, d'autre part, si vous entendez de nouveau élargir l'offre de ces structures.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
À ces deux questions, monsieur le député, la réponse est oui.
S'agissant de l'offre, dans presque toutes les maisons France Services arriveront avant la fin de l'année deux nouveaux partenaires. Le premier est l'Agence nationale de l'habitat (Anah) : nos concitoyens se sont bien trop peu saisis de MaPrimeRénov', de MaPrimeAdapt'. Ni auprès des maires ni auprès de leurs administrés nous ne sommes parvenus à faire suffisamment connaître ces dispositifs. Le second est la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : beaucoup pourraient bénéficier du chèque énergie, mais, dans les communes ne possédant pas de centre communal d'action sociale (CCAS), les habitants, encore une fois, ne le sollicitent pas.
Merci d'avoir rappelé la réussite du réseau France Services ; Stanislas Guerini, qui, comme vous le savez, en est chargé et moi sommes très ouverts à l'idée d'intégrer ainsi de nouvelles démarches. Je vous confirme notre constante volonté d'aller plus loin, d'améliorer le service rendu.
Au sujet de l'aller vers, j'ai parlé des agents : il faut que ces derniers, dont la profession figure désormais dans le référentiel des métiers de la fonction publique, soient formés à cette fin.
Les maisons France Services, je l'ai dit à Guy Bricout, font également office d'accélérateurs afin de transformer les espaces en lieux innovants, accueillants, propices au lien social. Un millier d'entre elles, soit près du tiers, vont bénéficier d'un accompagnement renforcé, financé par la Banque des territoires, en vue de faire de leur enceinte un endroit chaleureux, attractif, écologique, ce qui permettra d'assurer une meilleure qualité d'accueil, une hausse de la fréquentation et, surtout, de développer le faire ensemble : après s'être renseigné au guichet, on se rendra dans un atelier pour échanger, se former au numérique avec un conseiller, par exemple.
Quant aux maisons France Services mobiles, il en a déjà été question ; s'y ajoute le plan France ruralités, doté d'une enveloppe de 90 millions d'euros destinée à favoriser les mobilités solidaires en zone rurale.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Guiniot.
M. Michel Guiniot (RN)
Le 6 avril 2023 a été enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale un rapport d'information sur la mise en oeuvre des conclusions d'un précédent rapport d'information – celui du 10 octobre 2019 – consacré à l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Nous voici, le 27 février 2024, cherchant à savoir si les recommandations remises au Gouvernement en 2019 par la représentation nationale ont bien été suivies.
Pour ma part, j'insisterai sur la dématérialisation des services publics. Le rapport de 2019 faisait état de la nécessité d'actions visant tous les publics, afin de répondre aux attentes des catégories de population éloignées du numérique ; ces préconisations n'ont visiblement pas été suivies. Les personnes âgées, isolées, sans famille, dépendantes, très jeunes ou qui, pour toute autre raison, n'ont pas accès à la technologie nécessaire se retrouvent écartées de la multitude de procédures, souvent inaccessibles, qui a remplacé le service public de proximité. Permis de conduire sur le téléphone portable, obligation de déclaration numérique d'occupation des biens immobiliers, pré-déclaration en vue de la délivrance d'une carte d'identité, voire prise de rendez-vous auprès de l'un des services publics qui subsistent encore sous une forme matérielle : autant de démarches qui, pour certains usagers, deviennent de plus en plus complexes, isolant toujours davantage les personnes vulnérables.
Madame la ministre, prenez conscience de cette fracture numérique : si les formulaires sont dématérialisés, les administrés restent des femmes et des hommes de chair et d'os. Quelles mesures envisagez-vous afin de maintenir un service public physique, ou du moins téléphonique, accessible à tous, en particulier dans la ruralité ? Les maisons France Services peuvent rendre service, mais elles ne sauraient remplacer l'instituteur, le gendarme, voire le curé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous avez évoqué, monsieur le député, l'absolue nécessité d'une dématérialisation des procédures, et par conséquent le possible isolement des personnes qui n'ont pas encore pris le train du numérique. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons déployé dans les collectivités, dans les maisons France Services, pas moins de 3 800 conseillers numérique, en grande partie financés par l'État ; à travers tout le territoire, 13 662 professionnels ont été formés à Aidants Connect, service public permettant de sécuriser les démarches d'une personne en difficulté qui ne veut pas s'initier au numérique. Grâce à Aidants Connect, plus de 40 000 personnes ont été accompagnées dans plus de 155 000 démarches administratives !
Mon but n'est pas de dire que ces chiffres sont formidables et que tout va bien ; il nous faut bien sûr poursuivre dans cette voie. Néanmoins, grâce à la présence en nombre de conseillers numériques et d'agents Aidants Connect, grâce également à l'installation, dans toutes les préfectures, de points d'accueil numérique pourvus d'un agent de l'État à même d'accompagner les usagers, nous avons obtenu des avancées intéressantes. Rappelons-nous d'où nous partions. Je le répète : nous avons réussi à transformer ces lieux en espaces de lien social, ce à quoi nous sommes attachés.
M. Michel Guiniot
Maintenez le lien téléphonique, madame la ministre !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Blairy.
M. Emmanuel Blairy (RN)
Même si une question sur trois concerne les déserts médicaux, permettez-moi d'évoquer également ce sujet qui me tient à coeur et qui est particulièrement important dans ma circonscription.
Quelques chiffres, pour commencer : 11% des Français n'ont pas de médecin traitant et près de 60 % auraient déjà renoncé à se soigner, soit en raison de délais d'attente trop longs, soit pour des raisons financières. Le nombre de médecins retraités encore en activité explose, tout comme augmente celui des médecins ayant une activité intermittente ou préférant le salariat.
Vous proposiez au collègue Guy Bricout de vous rendre dans sa circonscription du Cambrésis ; profitez-en pour venir dans la mienne – c'est juste à côté – et vous découvrirez qu'à Bapaume un spécialiste vient de partir à la retraite, ce qui contraindra les administrés à effectuer 25 kilomètres pour se faire soigner – sans compter que, parfois, certains ne possèdent pas de véhicule, ce qui rend la situation encore plus complexe. Des exemples de ce genre, j'en ai à la pelle !
Il est donc incompréhensible d'apprendre l'arrêt des soins non programmés de la maison de santé de Gauchin-Verloingt. J'ai écrit à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui ne m'a pas répondu. La proximité, voyez-vous, c'est aussi respecter la représentation nationale et lui apporter des réponses, afin qu'elle soit en mesure, sinon de pouvoir tout expliquer, du moins de travailler avec les élus dans les territoires.
Compte tenu de la pénurie de médecins, qui menace l'accès aux soins partout et pour tous, dans un pays où le PIB par habitant est parmi les plus élevés des membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les Français demandent au Gouvernement de réduire rapidement les inégalités en matière d'accès aux services publics de la santé. Faut-il, en effet, se résoudre à accepter que l'espérance de vie ait augmenté deux fois moins vite en milieu rural qu'en milieu urbain au cours des trente dernières années ?
Je laisse le mot de la fin au docteur Donadieu : « La santé, c'est comme la richesse, il ne suffit pas de l'avoir, il faut savoir la conserver ». Voilà le défi auquel nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Sans revenir sur ce que j'ai développé précédemment, je rappelle que nous agissons pour répondre à cette préoccupation majeure des Français, que nous avons prise à bras-le-corps. Les effets sont-ils d'ores et déjà visibles ? Non. Il existe effectivement des territoires ruraux dans lesquels les médecins partent et où les maires sont inquiets parce qu'il n'y a pas de jeunes médecins pour les remplacer.
Vous me donnez toutefois l'occasion de redire que les projets et l'attractivité des territoires ruraux sont entre les mains des maires – avec le soutien de l'État, pour ce qui est du fonctionnement comme de l'investissement. Il faut que les élus locaux soient porteurs de projets. Nous atteindrons, en 2027, le nombre de 4 000 maisons de santé, sous réserve que ce soit le cas. Attractifs, ces territoires le seront puisque 17 700 communes bénéficieront du zonage France ruralité revitalisation, ce qui renforcera leur attractivité fiscale et financière.
L'État apporte ainsi ce qui est en son pouvoir : de l'attractivité fiscale et économique, le financement de projets – concernant, par exemple, les murs d'une maison de santé. L'ARS, la CPTS et les médecins libéraux du territoire seront ainsi en mesure de proposer de belles offres de santé.
Il existe un site, piloté par l'ANCT, qui s'appelle Solutions d'élus : y figurent sept ou huit très beaux exemples que j'ai sélectionnés et que je propose aux maires de consulter, car ils permettent d'illustrer le fait que l'État est à leurs côtés pour soutenir leurs projets.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Rancoule.
M. Julien Rancoule (RN)
Je souhaite mettre en lumière un sujet souvent négligé, mais crucial : l'accès aux transports scolaires dans les zones rurales. Dans ces territoires, les familles font souvent face à de réelles difficultés sur ce plan, ce qui met en péril l'égalité d'accès à l'éducation, socle de notre société.
L'école doit donner à chaque enfant la possibilité d'apprendre et de s'épanouir, quel que soit l'endroit où il vit. Malheureusement, les distances importantes, les itinéraires tortueux et le manque de moyens de transport créent une iniquité dans l'accès à l'éducation. Il est inacceptable que des familles soient désavantagées en raison de leur lieu de résidence.
Dans certaines communes de ma circonscription, telles que Roquefort-de-Sault, Le Bousquet ou Sainte-Colombe-sur-Guette, dans le massif du Madrès, des dessertes de bus ont été supprimées par la région Occitanie, qui exige la présence d'au moins trois élèves pour maintenir le service. À l'inverse, dans le secteur des Corbières, certains bus sont complets, comme à Maisons, laissant des enfants sur le carreau, faute de place.
Bien que la compétence en matière de transport scolaire relève de la région, il revient à l'État de veiller à ce que les enfants ne soient pas pénalisés en cas de défaillance des régions. C'est pourquoi je vous appelle, madame la ministre, à transmettre des directives claires à tous les préfets de France, afin de garantir qu'aucun enfant ne sera laissé sur le bord du chemin et qu'aucune famille ne sera abandonnée. Il est impératif que les services de l'État contraignent les régions à éviter tout oubli ou négligence préjudiciable aux familles de la France rurale. Le transport scolaire doit être non pas un privilège réservé à certains, mais un service public garantissant à chaque enfant, où qu'il réside, le droit de poursuivre son éducation en toute sécurité et avec efficacité. Vous devez prendre des mesures afin de corriger cette situation et de préserver l'égalité d'accès à l'éducation de tous les enfants de la nation, qu'ils résident à Paris, dans les grandes métropoles ou dans les coins les plus reculés de notre beau pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ce sujet me tient évidemment à coeur. Toutefois, il s'agit d'une compétence qui relève de la région – parfois de l'intercommunalité –, laquelle est l'autorité organisatrice des mobilités. Et si elle peut déléguer cette compétence au département – c'est par exemple le cas dans la Haute-Garonne –, je ne saurais dire ce qu'il en est dans l'Aude. J'entends néanmoins ce que vous dites s'agissant de la suppression du ramassage scolaire lorsqu'il y a moins de trois enfants, et je rappellerai aux préfets à quel point il est important que les régions fournissent ce service, soit directement, soit par délégation.
Permettez-moi quand même de rappeler qu'elles sont confrontées à une pénurie de chauffeurs. Peut-être vous en souvenez-vous : nous avions travaillé, avec Clément Beaune, sur ce problème, et avions lancé un plan de recrutement et de formation des chauffeurs de bus scolaires, afin que les régions ne souffrent pas d'un déficit de conducteurs. Précisons toutefois qu'elles sont également compétentes en matière d'apprentissage et qu'elles peuvent s'emparer de ce sujet avec nous.
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Paris.
Mme Mathilde Paris (RN)
L'accès aux services publics dans les territoires ruraux est un thème aussi large que problématique. En effet, les écarts d'accès aux services publics entre urbains et ruraux ne cessent de se creuser et n'épargnent aucun secteur : la santé avec les déserts médicaux, l'éducation avec la multiplication d'annonces de fermetures de classes, ou encore les mobilités.
Pour ce qui concerne la santé, l'accès aux soins est particulièrement difficile pour les personnes en situation de handicap vivant dans un territoire rural : 77% d'entre elles ont dû renoncer à un soin en 2019, par manque d'accessibilité ou de disponibilité. Pour les habitants qui vivent dans la ruralité et qui sont en situation de handicap, c'est la double peine !
Je souhaite vous alerter sur l'exemple concret des plateformes de coordination et d'orientation (PCO), créées afin de repérer et de prendre en charge précocement les enfants qui présentent des troubles du neurodéveloppement (TND). Lancées en 2019, les PCO sont une très bonne chose, mais elles sont inapplicables dans les territoires ruraux en raison de la désertification médicale.
Permettez-moi de vous raconter le parcours de Timéo, un enfant de ma circonscription, atteint de TND. En raison d'un retard du développement cognitif, sa famille est adressée par son médecin à la PCO du Loiret. Face à la pénurie de médecins libéraux, celle-ci décide de l'orienter vers le centre d'action médico-sociale précoce (Camsp), pourtant saturé et ne pouvant pas le prendre en charge avant un délai de deux ans. Le Camsp a alors redirigé la famille vers le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPE) puisque, âgé de 4 ans, Timéo aurait atteint l'âge limite de 6 ans au moment de sa prise en charge. Cependant, le CMPE étant lui aussi saturé, l'enfant a attendu deux ans avant d'être enfin pris en charge, soit autant de temps que s'il n'était pas passé par la PCO.
Deux ans pour obtenir la prise en charge d'un enfant qui présente des troubles du neurodéveloppement, c'est une perte de chance considérable ! Et Timéo n'est pas un cas isolé. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour garantir une réelle équité dans l'accès effectif à une prise en charge précoce des enfants souffrant de TND dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je ne partage pas votre point de vue quant au déséquilibre entre les zones urbaines et rurales. Pour ma collègue qui traite des quartiers prioritaires de la politique de la ville, les déserts médicaux constituent un sujet très prégnant ; elle en souffre beaucoup et elle travaille énormément pour accélérer les choses. Il y a des pénuries de médecins partout.
Le cas de Timéo me touche, bien évidemment. Vous me demandez s'il est normal qu'il faille deux ans pour que cet enfant soit pris en charge, quand on sait à quel point un accompagnement précoce est salvateur, aidant et efficace dans ce type de troubles. Bien sûr, nous ne pouvons nous satisfaire d'une telle situation, mais nous travaillons à y répondre. Nous menons ce travail main dans la main avec les départements, avec lesquels nous construisons des solutions dans les territoires. Nous sommes donc alertés. Oui, nous devons faire des efforts ensemble, avec les collectivités locales, en la matière et, oui, il faut impérativement instaurer un dépistage précoce dans le cas d'enfants atteints de troubles du neurodéveloppement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono (LFI-NUPES)
Un tiers de la population française vit en ruralité. Ces territoires, qui regroupent 88% des communes, présentent une très grande diversité mais ont un point commun, d'ailleurs partagé avec les territoires urbains : la dématérialisation tous azimuts y a engendré des obstacles dans l'accès aux droits et aux services publics.
À la suite de la révolte des gilets jaunes, dont un des ressorts était précisément la question de l'accès aux services publics, le président Macron a souhaité relancer des structures qui existaient déjà à travers les maisons de services au public, autour de la marque France Services. Plusieurs collègues ont relevé l'intérêt de ce dispositif, qui confirme d'ailleurs la nécessité, comme l'avait souligné la Défenseure des droits dans deux rapports, de remettre de l'humain, de réinstaurer des services publics physiques et de permettre un accueil et un accompagnement des usagers et des usagères.
Tel est l'objet de la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics déposée par le groupe LFI-NUPES et qui a été adoptée en novembre dernier par l'Assemblée nationale. Ce texte souligne que les maisons France Services concrétisent et justifient la réouverture des accueils physiques, tout en pointant le fait qu'elles ne sont pas suffisantes, à la fois parce que leur maillage ne couvre pas l'ensemble des besoins en la matière – d'autant que des services continuent de fermer – et parce que le dispositif est sous-dimensionné. Il y a, en moyenne, deux agents par point d'accueil de service public, formés durant une dizaine de jours et censés maîtriser quelque 200 procédures administratives – et il est question d'augmenter encore le bouquet d'offres –, ce qui pose des problèmes de qualité du service rendu. Tout le monde apprécie le retour d'un accueil physique, mais il ne doit pas se limiter à expliquer aux gens comment utiliser internet. Cet accueil de premier niveau peut être utile aux personnes qui rencontrent quelques difficultés, mais il est insuffisant.
Ma question est donc la suivante : soutiendrez-vous, madame la ministre, l'inscription de notre proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat et lui donnerez-vous un avis favorable ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous évoquez la réouverture des accueils physiques, thème sur lequel vous avez déposé une proposition de loi,…
Mme Catherine Couturier
Qui a été adoptée !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…et vous considérez qu'elle permettrait de lever les obstacles auxquels sont confrontés nos concitoyens. Mon opinion est différente de la vôtre : nous n'avons jamais abandonné les accueils physiques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je sais que ce n'est pas votre point de vue.
Mme Danièle Obono
Ce n'est pas le point de vue des citoyens !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Cependant, les préfectures et les sous-préfectures sont toujours là ; jamais neuf services publics d'État n'avaient fait l'objet d'une aussi grande capillarité, grâce aux 2 750 maisons France Services.
S'agissant de la qualité, nous avons à coeur d'améliorer la formation des agents. En effet, il est difficile de faire travailler ensemble neuf services publics dans les maisons France Services. Nous sommes d'accord avec vous quant à la nécessité de poursuivre les progrès ; nous voulons aussi élargir, comme l'un de vos collègues me l'a demandé, le panel des services proposés dans ces maisons. Les préfectures ont en outre instauré le label Qual-e-pref pour évaluer, quantifier et mesurer l'efficacité des services publics délivrés dans les préfectures. Ces accueils physiques de proximité sont donc, à nos yeux, de qualité.
Ensuite – et il est possible que, sur ce sujet, nos points de vue divergent –, nous ne devons pas écarter le numérique. En effet, nous percevons celui-ci comme une opportunité pour nos concitoyens éloignés. L'aller vers, assuré par les conseillers numériques, par le dispositif Aidants Connect ainsi que par tous les agents formés à cette fin, et cofinancé par l'État et les collectivités territoriales, vise à embarquer un maximum de citoyens dans le train de la numérisation. Il se matérialise par les médicobus, par les camions jaunes de La Poste, par les maisons France Services mobiles.
Nous n'avons donc pas abandonné les accueils physiques mais nous considérons, je le répète, que le numérique constitue une opportunité pour nos concitoyens. C'est pourquoi nous investissons beaucoup d'argent pour les former.
Mme la présidente
La parole est à Mme Catherine Couturier.
Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES)
Après France Services et France Travail, voici France ruralités – ou plutôt France inutilité. Ce plan vide de sens et de moyens atteste votre profonde méconnaissance des ruralités. Il vise à mettre en concurrence les collectivités en promouvant la logique des appels à projets de l'ANCT et propose des solutions telles que les médicobus pour lutter contre les déserts médicaux ou les points information jeunesse pour faire face aux fermetures de classes.
Soyons honnêtes : France ruralités ne suffira pas. Les habitants des zones rurales ne sont pas des citoyens de seconde zone. Ils ont le droit à des services publics de proximité. M. Macron, qui en appelle au « réarmement démographique », fait tout pour rendre nos campagnes les moins attractives possible, en fermant des maternités, des lits d'hôpitaux, des petites lignes, des bureaux de postes ou des classes.
M. Pierre Cordier
Il n'y a pas de maternités dans les zones rurales !
Mme Catherine Couturier
Sans écoles, pas de familles et sans familles, pas d'activité : c'est simple et basique.
M. Pierre Cordier
Il faut encourager la natalité !
Mme Catherine Couturier
Une école qui ferme, ce n'est pas un « village d'avenir » ! Après vos fermetures en cascade, qui assure le service public ?
Je pourrais vous parler de la longue bataille des maires, qui avaient déposé leur écharpe pour défendre les services publics, notamment les perceptions, en 2005, en Creuse. La mairie reste la dernière porte du service public, le dernier lien entre les citoyens et l'État,…
M. Pierre Cordier
C'est vrai !
Mme Catherine Couturier
… le dernier rempart de la République sociale dans nos campagnes, et cela sans la moindre dotation supplémentaire de l'État, qui, toujours et encore, se déleste de ses responsabilités. Avec l'inflation des prix de l'énergie et le renchérissement du coût de la vie, nos communes ne peuvent même plus assurer des services pourtant essentiels. Allez-vous renforcer les dotations de fonctionnement pour les collectivités territoriales, afin de financer leurs missions de services publics de proximité, comme une garderie, un centre de loisirs, une crèche ou une cantine servant des produits locaux et bio ? Ces missions sont assurées par du personnel humain formé et qualifié, non par une borne informatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Alain David applaudit aussi.)
M. Pierre Cordier
C'est un pléonasme !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je ne sais pas dans quel registre classer vos propos. En effet, nous nous sommes déjà rencontrées en commission et je vous avais dit à cette occasion qu'il fallait travailler. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Oui, c'est un peu léger, tout ça !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Sur quel fondement affirmez-vous que le plan France ruralités ne suffira pas ? Si vous aviez travaillé le contenu de ce plan, vous pourriez dire : " Je crains que, dans un an, il ne suffise pas et qu'il faille faire autre chose " – mais vous ne pouvez pas affirmer dès aujourd'hui qu'il ne suffira pas !
M. Maxime Minot
Ce n'est pas vous qui allez écrire les questions. Vous vous adressez à l'opposition, non à la majorité !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
J'ai du mal à croire que vous l'ayez lu, travaillé et étudié avec des élus locaux !
D'abord, ce plan apporte trente solutions du quotidien. Le département de la Creuse est en train de s'en saisir tellement il les trouve intéressantes. Je ne vous les énumère pas – je ne dispose que de deux minutes. Ce sont trente solutions de proximité pour résoudre les problèmes au quotidien des citoyens de la Creuse et des ruralités. Tout le monde s'est saisi de Villages d'avenir : il n'y a pas un seul maire ou président de groupement de communes qui ne m'ait dit à quel point il était séduit par cette ingénierie gratuite que nous mettons à sa disposition.
Mme Catherine Couturier
C'est de la mise en concurrence ! Nous sommes là pour parler d'égalité entre les territoires !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ensuite, il y a la dotation biodiversité. Vous demandez de l'argent, de l'argent, de l'argent. Eh bien, en voilà !
Mme Catherine Couturier
Ce sont les collectivités qui en demandent !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je vous remercierai de me laisser parler, madame la députée – pour ma part, je vous ai écoutée.
La dotation biodiversité a été portée de 30 millions à 100 millions d'euros. Vous n'avez cessé en commission de demander de l'argent. Je vous en donne, mais vous ne le savez pas ; vous montrez que vous n'avez pas regardé ce que contient le plan France ruralités.
M. Pierre Cordier
Vous n'avez pas travaillé, madame Couturier : ce n'est pas bien ! (Sourires.)
M. Maxime Minot
Incroyable !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Enfin, j'en viens au dernier axe : France ruralité revitalisation. Toutes les communes en Creuse sont couvertes par ce zonage. Savez-vous de quoi vont pouvoir bénéficier tous les petits boulangers,…
M. Maxime Minot
Il n'y a pas de « petits » boulangers, il n'y a que des boulangers.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…commerçants, artisans et médecins qui s'installeront en Creuse ? Ils bénéficieront de déductions fiscales et d'allègements de charges sociales. Voilà encore de l'argent, qui permettra à votre territoire d'être encore plus attractif.
Mme la présidente
La parole est à M. Léo Walter.
M. Léo Walter (LFI-NUPES)
Madame la ministre, le 30 mai 2023 au Sénat, vous déclariez que le Gouvernement veille à ce que " les services publics restent à proximité de tous nos compatriotes ", mais dans le plan France ruralités, publié quinze jours plus tard, les mots " services publics " n'apparaissent que cinq fois : deux fois à la page 3, où Élisabeth Borne explique qu'il faut " lutter contre […] les difficultés d'accès aux services publics " et qu'elle proposera des " solutions " ; une fois à la page 4, où Christophe Béchu affirme que les ruraux " doivent avoir accès à des services publics " ; une fois à la page 5, où Stanislas Guerini assure que « la prise en compte des besoins spécifiques des usagers les plus éloignés des services publics est une priorité de [sa] feuille de route » ; une dernière fois, à la page 10, dans une infographie qui souligne que " 60% des ruraux font état d'une dégradation des services publics ".
M. Pierre Cordier
Eh oui !
M. Léo Walter
Et puis, c'est tout ! Ils n'apparaissent pas dans les vingt-deux pages qui restent, hormis la mention à la page 23 d'un " soutien à l'installation de France Services en milieu rural " – vous m'accorderez que c'est un peu léger.
Dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence, la ruralité est pleine de talents et de promesses d'avenir, mais elle a besoin de services publics. Or la réalité, ce sont des villages qui ont perdu leur classe unique, donc leur école ; ce sont des transports scolaires gérés depuis Nice, bien loin des usagers, et des transports publics quasi inexistants, qui renvoient les habitants à leur onéreuse dépendance à la voiture ; ce sont les urgences de Sisteron, fermées la nuit pendant cinquante-sept semaines, et maintenant celles de Manosque, qui ont connu plus de 200 nuits de fermeture en 2023 et qui sont actuellement fermées la nuit, parfois même en journée, et ce au moins jusqu'à fin février.
Les services publics sont les piliers de la République, et c'est encore plus vrai dans la ruralité. Comment attirer et garder des jeunes, des familles, des médecins, quand tout est loin ? Ne me répondez pas « maisons France Services ». Jusqu'à preuve du contraire, on n'y enseigne pas, on n'y soigne pas et on ne peut pas toujours y refaire ses papiers.
M. Pierre Cordier
Mais on peut y payer ses impôts !
M. Léo Walter
Pour sortir du cercle vicieux de la désertification, il y a urgence à faire revenir partout dans nos campagnes des services publics disposant d'accueils physiques. Ma collègue Danièle Obono l'a dit : une proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics a été adoptée dans cet hémicycle le 30 novembre. Elle est à votre disposition. Je vous pose donc de nouveau la question : comptez-vous vous en saisir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Cette proposition de loi sera travaillée comme toutes les autres et nous vous communiquerons notre opinion en temps voulu.
Je m'inscris en faux contre l'idée que les services publics ne seraient pas au coeur de France ruralités. Vous vous attachez à une distinction sémantique qui n'a pas lieu d'être : pour vous, quand on parle de 100 médicobus ou de mobilités solidaires, on ne parle pas de services publics ? Comment pouvez-vous affirmer cela alors que les services au public sont au coeur du plan France ruralités, à toutes les lignes et pour tous les projets ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Sophia Chikirou
Ce n'est pas la même chose !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ces services au public, ce sont ceux que nos concitoyens attendent.
Mme Catherine Couturier
Non, ce sont des services marchands ! Vous ne savez pas la différence ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Votre département des Alpes-de-Haute-Provence est gâté par France ruralités dans le cadre de la dotation biodiversité – mais peut-être ne savez-vous pas quels villages peuvent en bénéficier ? Le département est entièrement couvert par le zonage France ruralités revitalisation – le vecteur d'attractivité des villages le plus demandé par les maires.
Cessez donc d'appeler de vos voeux que le mot " service public " soit écrit dix fois et non cinq, et lisez plutôt le plan France ruralités.
M. Léo Walter
Je l'ai lu.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Saisissez-vous en, travaillez avec les élus locaux et vous verrez à quel point France ruralités va redonner de l'espoir à tous nos concitoyens. Cessez d'agiter les peurs, s'il vous plaît, monsieur le député ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Sophia Chikirou
Vous êtes désespérante, madame la ministre !
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz (LR)
La ruralité représente 88% des communes et 33% de la population française. La France compte 21,9 millions de ruraux, ce qui fait d'elle le deuxième pays d'Europe le plus rural après la Pologne.
Le monde rural subit des difficultés liées à l'éloignement des services publics, à l'accès à la santé ou encore à la couverture numérique. Une grande majorité des populations rurales ressent un fort sentiment d'isolement. Pourtant, les politiques publiques ont conduit ces dernières années plusieurs grands chantiers pour tenter de créer un maillage territorial efficace, tels que le plan France très haut débit ou le développement des maisons France Services. Cependant, leurs résultats sont insuffisants : le processus de numérisation met en difficulté environ 13 millions de personnes, en particulier des personnes âgées.
De plus, si les structures France Services labellisées et leur guichet unique pour les usagers de l'administration sont situés à moins de trente minutes de la plupart des citoyens, ces derniers ne disposent pas toujours d'un moyen de transport pour s'y rendre. La solution la plus simple pour les personnes âgées reste l'appel téléphonique, mais il devient très compliqué d'avoir accès à un interlocuteur. On nous dit qu'elles seront aidées, mais les courriels de l'administration sont récurrents. J'ai fait l'expérience avec la boîte électronique de ma maman : c'est assez ubuesque.
Sur le plan de la santé, les habitants des territoires ruraux sont toujours les plus gravement pénalisés par la désertification médicale, qui ne cesse de progresser : 63% des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes. Cette situation entraîne l'allongement des délais de prise en charge, le renoncement aux soins et la diminution de l'espérance de vie.
Proximité et revitalisation : quelle est votre feuille de route, madame la ministre ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je partage le constat que la France est un pays très rural. C'est la raison pour laquelle la Première ministre m'a confié en juillet 2022 le soin de poursuivre le travail engagé par mon prédécesseur Joël Giraud autour de l'agenda rural. Telle est l'origine du plan France ruralités.
Peu de personnes connaissent et s'approprient le volet mobilité de ce plan. Qu'est-ce que la mobilité solidaire dans les territoires ruraux ? C'est lorsqu'un département, une intercommunalité, voire une région, qui a la compétence autorité organisatrice de la mobilité, se saisit du service de transport à la demande : j'appelle et un véhicule vient me chercher pour aller deux fois par semaine chez le médecin ou faire mes courses.
Un département ou une intercommunalité peut assurer ce service directement – il faut vite que les collectivités dans le Jura vous disent, madame la députée, si elles s'en saisissent. Si tel n'est pas le cas, le plan France ruralités s'adresse aussi aux associations : l'association Famille rurales est très présente dans un département voisin du vôtre.
Comment ce dispositif est-il financé ? Les véhicules sont financés grâce au fonds de soutien de 90 millions du plan France ruralités. L'association finance l'assurance et l'indemnisation des conducteurs, qui, la plupart du temps, sont bénévoles. Dans tous les départements où l'association Familles rurales est implantée, cela fonctionne très bien.
Les deux mots que vous avez employés, proximité et revitalisation, me parlent beaucoup – vous vous en doutez. J'ai indiqué à quel point la proximité repose sur les maires et les mairies. Tout seul, l'État ne peut rien et, sans le soutien financier de l'État en fonctionnement et en investissement, la mairie ne peut pas autant. Le zonage France ruralités revitalisation du plan France ruralités contribue à l'attractivité de nos petits villages.
M. Maxime Minot
Il y a trop de dispositifs.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Vatin.
M. Pierre Vatin (LR)
Dans l'Oise, dans le Jura et ailleurs, nous avons lu le rapport de Mathilde Desjonquères et Pierre Morel-À-L'Huissier publié en avril dernier. Si la situation s'est globalement améliorée, de nombreux chantiers sont à mener…
M. Maxime Minot
Eh oui !
M. Pierre Vatin
… en matière d'accès aux services publics, en particulier dans les secteurs de la santé et du numérique. À cet égard, l'Oise, mon département, n'est pas épargné.
M. Maxime Minot
C'est le mien aussi !
M. Pierre Vatin
Chaque jour, je rencontre des citoyens qui souffrent de ce phénomène.
Parlons du numérique. Le processus de numérisation, censé accompagner la dématérialisation des services publics, reste imparfait : le nombre de personnes en difficulté avec le numérique est estimé à 13 millions.
M. Maxime Minot
C'est énorme !
M. Pierre Vatin
En outre, si les 2 700 guichets uniques France Services sont situés à moins de trente minutes de trajet du domicile de la quasi-totalité de nos concitoyens, ces derniers ne disposent pas toujours d'un moyen de transport pour s'y rendre.
M. Pierre Cordier
C'est le cas dans les Ardennes.
M. Pierre Vatin
Le Conseil national du numérique (CNNUM) écrivait déjà dans un rapport de 2013 : « Nous soutenons que la quasi-totalité des services, que ceux-ci soient fournis par des acteurs publics ou par le secteur privé, va dans l'avenir avoir de plus en plus besoin de médiations humaines avec les usagers ».
M. Maxime Minot
Eh oui !
M. Pierre Vatin
Ce constat oblige les pouvoirs publics à envisager une action dans deux directions : accompagner les usagers qui ne suivent pas et, en même temps, former ceux qui y aspirent.
M. Pierre Cordier
Attention : pas trop de « en même temps » !
M. Pierre Vatin
Ce qui est en cause, ce n'est pas la qualité de la connexion – l'Oise est le premier département rural en matière de couverture par la fibre –…
M. Maxime Minot
Grâce au conseil départemental !
M. Pierre Vatin
…mais bien l'éloignement de l'outil numérique. Dès lors, quelle action le Gouvernement envisage-t-il pour combler ce fossé ?
J'en viens au domaine de la santé. Les habitants des territoires ruraux sont les plus gravement pénalisés par la désertification médicale. Selon le rapport Desjonquères-Morel-À-L'Huissier, 63 % des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes. Ce taux, qui ne cesse d'augmenter, a pour effet d'allonger les délais de prise en charge, d'accroître le renoncement aux soins et de diminuer l'espérance de vie des populations rurales par rapport à la population générale.
M. Maxime Minot
C'est un vrai problème !
M. Pierre Vatin
Or, les solutions développées depuis 2019, notamment la suppression du numerus clausus, ne sont pas de nature à transformer immédiatement l'offre de soins. Comment le Gouvernement compte-t-il intensifier la lutte contre les déserts médicaux ruraux alors que les communes et les intercommunalités, dans l'Oise par exemple, prennent déjà une large part dans ce combat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Très bonne question ! Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous appelez de vos voeux une médiation plus poussée de la part de nos conseillers dans les maisons France Services. Sachez qu'elle figure au coeur de la formation de ces agents qui sont, comme je l'ai dit, référencés dans la fonction publique territoriale. Dans les territoires dans lesquels je me suis rendue, j'ai pu constater que la médiation humaine fonctionnait. Les maisons France Services sont des lieux d'accueil où se développe le lien social entre l'usager et le conseiller numérique ou l'Aidant Connect qui l'accompagne.
Quant aux enjeux en matière de santé, j'ai eu l'occasion de les évoquer plus tôt. Je rappellerai brièvement que nous avons supprimé le numerus clausus et que nous avons mis en place une quatrième année d'internat en médecine générale pour inciter les médecins généralistes à s'installer dans des zones sous-dotées. Même si ces deux mesures n'auront pas d'effets dans l'immédiat, nous comptons sur leurs résultats à terme – vous reconnaîtrez que nous avons fait preuve d'esprit d'anticipation.
En matière de santé, nous constatons que les projets réussissent d'autant mieux quand ils sont soutenus par nos maires, nos élus locaux, nos intercommunalités. Nous devrions atteindre le chiffre de 4 000 maisons de santé en 2027, ce qui recouvre autant d'initiatives portées par les CPTS. En tant que députés, vous êtes fondés à réunir autour d'une même table des maires demandeurs, susceptibles de disposer de locaux, des professionnels des CPTS, des représentants de l'ARS et le préfet en vue de créer une maison de santé. L'État sera à vos côtés pour financer investissement et fonctionnement. L'ARS a tous les outils en main pour accompagner ces projets lorsqu'ils sont lancés par les médecins libéraux des communautés professionnelles territoriales de santé. C'est le nerf de la guerre pour relever le défi de la santé dans les zones rurales en attendant que les décisions que nous avons prises portent leurs fruits.
M. Maxime Minot
Mouais !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cordier.
M. Pierre Cordier (LR)
Le ministre de l'économie vient d'annoncer un plan de rigueur comportant l'annulation de 10 milliards de crédits pour 2024.
Mme Delphine Lingemann
Vous êtes les premiers à dire qu'il faut faire des économies !
M. Pierre Cordier
Cette annonce suscite de vives inquiétudes parmi les citoyens et les élus, qui redoutent un nouveau désengagement de l'État, surtout dans les territoires fragiles comme ceux des Ardennes,…
M. Maxime Minot
Ou de l'Oise !
M. Pierre Cordier
…en particulier de la Vallée de la Meuse, où la situation ne s'améliore pas. Le taux de chômage, qui atteint 17%, est très supérieur au taux national et le taux de pauvreté s'élève à 20,5%, ce qui signifie qu'un Ardennais sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
M. Maxime Minot
Eh bien !
M. Pierre Cordier
Depuis une quinzaine d'années, des fermetures de trésoreries pénalisent les forces vives locales, auxquelles s'ajoutent des fermetures de bureaux de poste et de guichets SNCF en zone rurale.
M. Maxime Minot
Il n'y a plus rien !
M. Pierre Cordier
Les médecins généralistes et spécialistes manquent, alors que la population est plus âgée que la moyenne nationale. La suppression des crédits liés à la politique de la ville désavantage des communes socialement fragiles comme Nouzonville, Bogny-sur-Meuse, Fumay et Revin – et je ne parle pas des vingt-huit nouvelles suppressions de postes d'enseignants dans les écoles primaires ardennaises annoncées pour la rentrée 2024, malgré les promesses présidentielles.
On ne peut pas raisonner seulement en termes de chiffres, madame la ministre : il faut aussi tenir compte de la réalité du terrain et du facteur humain.
M. Bertrand Petit
Très juste !
M. Maxime Minot
On n'est pas des variables d'ajustement !
M. Pierre Cordier
Votre gouvernement ne cesse de dématérialiser des services publics alors que dans un département rural comme celui des Ardennes, certains de nos concitoyens peuvent se montrer réticents à utiliser internet et que les plus âgés n'ont pas toujours un ordinateur ou un smartphone.
M. Maxime Minot
Exactement !
M. Pierre Cordier
Les maisons France Services, payées en partie par les intercommunalités, les bus médicaux ou les buralistes ne peuvent pas remplacer l'État !
M. Pierre Vatin
En effet !
M. Pierre Cordier
Vous qui parlez toujours d'expérimentation territoriale, vous devriez comprendre qu'il est essentiel de s'adapter à la réalité du terrain.
M. Maxime Minot
Chaque territoire a ses spécificités !
M. Pierre Cordier
La solidarité nationale doit se faire encore plus présente dans les territoires qui souffrent ou qui sont enclavés dans un autre pays, comme c'est le cas pour la pointe des Ardennes.
Quel impact auront ces restrictions budgétaires de 10 milliards d'euros sur le maintien des services publics dans les territoires ruraux, sachant que 735 millions d'euros seront retirés de la mission Cohésion des territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupe LR et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. Pierre Cordier
Je veux une vraie réponse !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
J'irai directement au but. Vous me demandez quel effet aura la baisse de 10 milliards d'euros : eh bien, le plan France ruralités ne se verra pas retirer un seul euro. Annoncé le 15 juin, il continuera à accompagner nos concitoyens habitant des zones rurales et à améliorer leur qualité de vie au quotidien grâce au déploiement de divers services. La mission Relations avec les collectivités territoriales, bien connue des familiers des débats budgétaires, ne sera pas non plus affectée.
Vous connaissez la dette de notre pays, vous savez l'état de nos finances publiques.
M. Pierre Cordier
Ce n'est pas nous qui sommes aux affaires depuis sept ans !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Cette dette, il ne faut pas l'imputer à Emmanuel Macron ou à tel ou tel président de la République en particulier. Elle est de nature transpartisane. Elle a commencé avec François Mitterrand (Exclamations sur les bancs du groupe SOC)…
M. Pierre Cordier
Les radicaux étaient avec lui, ne l'oubliez pas !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Monsieur Cordier, je vous ai écouté et je m'étonne que vous ne me laissiez pas parler. Je vous dis simplement que j'apprécierais qu'en tant que députés responsables, vous vous rendiez bien compte qu'avec nos 3 000 milliards de dette et nos 40 milliards de frais financiers qui, dès 2027, vont se traduire par…
M. Pierre Cordier
Je suis conscient de cela !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ce débat dans l'hémicycle n'est pas un dialogue, cher monsieur. Nous avons deux minutes chacun, vous pour poser une question, moi pour répondre.
M. Pierre Cordier
Cela ne m'a pas échappé !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je reprends donc. Le montant de la dette et des frais financiers étant ce qu'il est, le Gouvernement a décidé de réduire de 10 milliards la dépense publique en 2024 pour tenir compte de la révision du taux de croissance, désormais de 1% et non plus de 1,4%,
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères.
Mme Mathilde Desjonquères (Dem)
Le 6 avril dernier, dans le cadre des travaux du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, j'ai rendu un rapport d'information rédigé avec Pierre Morel-À-L'Huissier qui porte sur l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Il nous a permis de mettre en exergue plusieurs enjeux qui renvoient, en ligne de fond, à l'accès aux services publics, préoccupation des habitants des zones rurales, qui se sentent abandonnés par l'État.
Le processus de numérisation qui accompagne la dématérialisation des services publics nourrit ce phénomène. Le nombre de nos concitoyens confrontés à des difficultés avec le numérique est en effet estimé à 13 millions. Pour remédier à ce problème, des maisons France Services ont été implantées et la pertinence de ce dispositif a été largement saluée. Si elles se situent à moins de trente minutes de presque chacun de nos concitoyens, ces derniers ne disposent pas toujours d'un moyen de transport pour s'y rendre. Pour aller au plus près de celles et ceux qui ne sont pas en mesure de se déplacer, notamment dans les zones rurales, des structures itinérantes, communément appelées bus France Services ou multisites, se sont développées. Soulignons toutefois que sur les 140 bus France Services existants, seuls 55 circulent uniquement dans les territoires ruraux.
Cette répartition entre zones urbaines et zones rurales conduit à s'interroger. La mobilité étant une problématique centrale dans nos campagnes, les dispositifs mobiles semblent particulièrement appropriés car ils permettent de se rendre au plus près des habitants, en particulier les plus fragiles. Les permanences France Services en mairie constituent aussi des solutions efficaces, puisque c'est d'abord auprès d'elles que les habitants en difficulté vont demander de l'aide pour être accompagnés, constat partagé par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et Intercommunalités de France lors des auditions que nous avons menées à la fin de l'année 2022 et au début de l'année 2023.
En 2020 et 2021, la Banque des territoires a consacré 3 millions d'euros au dispositif des bus France Services à travers trois appels à manifestation d'intérêt (AMI). Elle envisageait dans le courant de l'année 2023 un nouvel AMI tourné vers des solutions privilégiant l'" aller vers ".
Madame la ministre, quel est aujourd'hui le bilan de ces bus France Services ? Leur déploiement en zone rurale s'est-il renforcé ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour favoriser l'accessibilité des services publics dans les territoires ruraux ? (Mme Élodie Jacquier-Laforge applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Le plan France ruralités, vous l'aurez compris, s'est largement inspiré de votre rapport. L'itinérance comme politique territoriale du premier et du dernier kilomètre est fondamentale dans les territoires ruraux. L'amélioration de l'accessibilité des espaces France Services doit aussi passer par le développement de solutions itinérantes. Vous avez salué le déploiement des 155 bus labellisés France Services. Ce service fonctionne et nous allons poursuivre son déploiement d'ici à la fin de l'année 2024.
Il faut également savoir que France ruralités propose en son sein un volet dédié à la mobilité, doté de 90 millions d'euros. Il offre aux départements, aux intercommunalités et aux associations la possibilité de développer des solutions financées avec l'appui de l'ANCT.
Par ailleurs, La Poste a lancé le 22 janvier dernier à Saint-Étienne-de-Chigny, dans l'Indre-et-Loire, une expérimentation autour d'un Poste Truck, camion ambulant dans lequel sont proposés aux usagers tous les services habituels, à l'exception des opérations bancaires.
France ruralités prévoit également la mise en circulation de 100 médicobus. À cela s'ajoute la présence commerciale en itinérance, dont on parle moins. Ce dispositif qui repose sur des commerces ambulants allant de village en village a fait ses preuves jusqu'au fin fond de l'Ariège. Je ne m'appesantirai pas sur l'AMI lancé par la Banque des territoires et l'ANCT, car vous en avez parlé.
Nous voulons encourager une itinérance innovante qui réponde aux enjeux d'une mobilité plus verte, plus inclusive, afin de toucher les Français les plus fragiles et de garantir l'accès au droit de l'ensemble des citoyens. Cette mobilité que vous appelez de vos voeux, madame la députée, est au coeur de France ruralités. Sachez que je me tiens à votre disposition pour aller plus loin dans les solutions, en particulier si celles qui existent ne s'appliquent pas dans votre territoire.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem)
Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé à renforcer l'égal accès de tous les citoyens aux services publics, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, grâce à la création de maisons France Services. Ces espaces de services de proximité, salués par la Défenseure des droits, répondent aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes car ils assurent un accès physique à tous les services publics, enjeu d'importance à l'heure où de nombreuses démarches administratives sont dématérialisées. En effet, il faut désormais se connecter à internet pour effectuer des demandes d'aides sociales, consulter ses fiches d'imposition, obtenir ses papiers d'identité, sa carte grise ou encore des aides de la politique agricole commune (PAC), sujet d'importance en ce moment.
Il existe une double difficulté. D'une part, comme l'a souligné notre collègue Guy Bricout, certains de nos concitoyens sont touchés par l'illectronisme, qui se traduit par une difficulté voire une incapacité à utiliser des appareils numériques et les outils informatiques en raison d'un manque de connaissance de leur fonctionnement. D'autre part, l'accès à internet demeure peu aisé dans certains territoires, même si l'État et les opérateurs ont tenu leurs engagements. Si la couverture numérique est passée de 72,7% à plus de 85% en 2021, des coupures et des zones blanches subsistent dans certains territoires et les réseaux filaires restent de mauvaise qualité, problème dont certains de nos concitoyens me saisissent. Dans les territoires ruraux les plus éloignés des services physiques, ce double phénomène crée des obstacles supplémentaires pour effectuer les démarches administratives en ligne.
Même si les efforts fournis par l'État sont considérables et mènent à des résultats concrets comme l'implantation de nouveaux pylônes dans des zones blanches, il importe de renforcer cette dynamique d'inclusion numérique des territoires. Ma question est donc double : comment lutter d'une part contre l'illectronisme, d'autre part contre les difficultés d'accès aux services publics, notamment contre les zones blanches ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous posez deux questions structurantes pour les Français : celle des infrastructures et celle des difficultés d'accès au numérique, que vous appelez l'illectronisme.
En ce qui concerne les infrastructures, elles sont de deux natures : le haut débit fixe et le haut débit mobile. Depuis 2013, 13,3 milliards d'euros d'investissements publics ont permis d'atteindre les objectifs de connectivité très haut débit dans les territoires ruraux, grâce à un panel de technologies allant de la fibre au satellite. Le plan France très haut débit, qui faisait partie de l'agenda rural défendu par votre collègue Joël Giraud lorsqu'il était au gouvernement, porte ses fruits : la fibre couvre désormais 84% du territoire. Les réseaux d'initiative publique (RIP) pilotés par les collectivités – souvent les départements – avec le soutien de l'État permettent d'assurer la couverture des zones rurales du territoire. Ce bilan est très positif, mais il reste nécessaire de faire preuve de vigilance à l'égard des opérateurs : ils ne tiennent pas toujours leurs engagements, ce que je n'ai jamais hésité à leur faire observer, que ce soit aujourd'hui ou du temps où Jean-Noël Barrot était ministre délégué chargé du numérique.
Quant au haut débit mobile, le New Deal mobile produit également des résultats : 99,8% des Français vivent dans une zone où au moins trois opérateurs offrent une couverture 4G et 98% du territoire est couvert par une offre 4G. Là encore, il convient de poursuivre dans cette voie, car comme vous le rappelez avec raison, des zones blanches subsistent dans les territoires ruraux. Gardons par ailleurs à l'esprit qu'Orange va démonter son réseau cuivre, qu'il faudra donc remplacer soit par la fibre, soit par la 4G.
Pour finir, vous appelez de vos voeux l'amélioration de l'accessibilité du numérique pour nos concitoyens. À cet effet, le programme Société numérique de l'ANCT déploie des dispositifs pour favoriser l'autonomie numérique des citoyens et pour mettre les possibilités du numérique à la portée de chacun. Depuis 2023, il suit une nouvelle feuille de route validée par les associations d'élus et par les acteurs associatifs du secteur, baptisée France numérique ensemble. Aux 3 800 conseillers numériques et au dispositif Aidants Connect, que j'ai déjà largement commentés, il faut donc ajouter la gouvernance locale France numérique ensemble, dont il conviendra de mesurer l'efficacité pour la faire évoluer le cas échéant.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo (Dem)
Parce qu'elle englobe huit communes sur dix, la ruralité compte pour la France. Parce qu'un Français sur trois y vit, la ruralité compte pour la France. Parce qu'elle nourrit chaque jour le pays, matin, midi et soir, la ruralité compte pour la France. Parce qu'elle est liée à notre géographie et à notre histoire, la ruralité compte pour la France. Parce qu'elle a façonné notre culture et nos traditions, la ruralité compte pour la France.
Malgré ces évidences, la France rurale a le sentiment d'être mise à l'écart et éloignée des services publics. Qu'il s'agisse de la santé, de la poste, des transports en commun ou encore de l'enseignement, trop de services du quotidien sont absents des territoires ruraux. En réponse à cet éloignement, plusieurs politiques publiques ont été lancées ; la plus emblématique est sans aucun doute la création des maisons France Services.
Si l'État a impulsé une dynamique utile et reconnue, le succès rencontré par ces maisons résulte aussi de l'engagement des maires qui les accueillent. Ce sont eux qui permettent le fonctionnement des maisons France Services en finançant les dépenses nécessaires, en affrontant les complexités administratives, en réorganisant leurs services et en se chargeant de faire monter leurs agents en compétence. Cet engagement fort des maires à réinstaller les services publics dans leur territoire doit être souligné et reconnu.
Les territoires ruraux font partie de la République. L'accès de chaque citoyen aux services publics construit la confiance dans notre modèle républicain et renforce le consentement à l'impôt. Les citoyens ruraux ne sont pas des citoyens de seconde zone. Défendre l'accès aux services publics dans la ruralité, c'est aussi lutter contre l'idée simpliste que seuls les élus situés à l'extrême droite de notre hémicycle seraient les défenseurs d'une ruralité laissée à l'abandon par les pouvoirs publics. Aussi, à l'heure où les recherches d'économies contractent certains budgets, pouvez-vous rassurer les maires ruraux qui se démènent pour garantir l'accès aux services publics ? Peuvent-ils compter sur le soutien durable de l'État, dans une logique de différenciation ? En effet, ils connaissent mieux que quiconque les attentes de leur territoire et la meilleure façon d'y répondre. Pouvez-vous également leur assurer que les transferts de compétences ne se feront plus sans les moyens financiers censés les accompagner ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
" La ruralité compte pour la France " : que c'est beau ! J'aimerais vous convaincre que la ruralité compte pour le Gouvernement.
M. Philippe Bolo
C'est pour cela que je pose la question !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je compte sur vous pour le faire savoir ensuite dans votre circonscription.
Nous disposons de deux pépites. La première, ce sont les maisons France Services, qui évoluent grâce à nos échanges et en fonction des difficultés que vous observez dans vos circonscriptions. Piloter France Services représente un véritable défi, car l'offre de services proposés est très large et les opérateurs concernés sont au nombre de neuf, auxquels deux autres viendront bientôt s'ajouter. Le panel des démarches administratives qui peuvent être effectuées s'élargira pour inclure le chèque énergie ainsi que les dispositifs MaPrimeRénov' et MaPrimeAdapt', dont les citoyens ne se sont pas encore suffisamment saisis. Nous ajoutons ainsi deux nouveaux services aux neuf que vous connaissez – le point-justice, La Poste, France Travail, etc. – et les agents France Services devront être formés en conséquence. C'est le signe que les maisons France Services évoluent en permanence pour mieux servir nos concitoyens.
La seconde pépite, c'est le plan France ruralités, qui complète l'offre des maisons France Services en offrant trente solutions de proximité. Quoi de mieux que la jonction des deux dispositifs ? Ainsi, les maisons France Services installées dans les anciennes zones de revitalisation rurale (ZRR), désormais nommées zones France ruralité revitalisation, qui permettent aux commerçants, aux artisans ou encore aux médecins de bénéficier de dispositifs fiscaux attractifs, bénéficient d'une bonification. Les deux dispositifs cofinancés par l'État et par la mairie se rejoignent ainsi.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Lingemann.
Mme Delphine Lingemann (Dem)
Les territoires ruraux sont désormais appréhendés comme des territoires à part entière dotés de caractéristiques identifiables nécessitant la mise en place de politiques publiques adaptées. Chacun d'entre nous reconnaît les avancées impulsées par le plan France ruralités. Toutefois, des problèmes persistent en ce qui concerne la mobilité, le numérique ou encore l'accès à la santé, touchant toutes les tranches d'âge parmi les habitants ruraux.
Je souhaite m'attarder sur le cas des jeunes ruraux, pour qui la promesse républicaine de l'égalité des chances doit devenir une réalité. Si la corrélation entre inégalité des chances et origine sociale est bien connue, l'influence des disparités territoriales sur ces déterminismes est trop souvent reléguée au second plan. L'égalité des chances pour les jeunes ruraux en matière éducative passe par une meilleure information au sujet des formations supérieures, mais aussi par un meilleur accès à la culture, levier d'émancipation.
Autre facette de la ruralité, la question des jeunes ruraux en difficulté – ni en formation, ni en emploi – doit également être posée. En effet, on observe chez ces jeunes un phénomène de rejet des aides sociales plus prononcé que chez les urbains, qui s'explique par leur manque de connaissance de ces aides, lié à l'éloignement des services publics, mais aussi par leur affirmation de la valeur travail. Les jeunes ruraux ne souhaitent pas passer pour des assistés, dans des territoires où tout le monde se connaît. Des moyens spécifiques pourraient être déployés au sein des maisons ou des bus France Services pour atteindre cette population.
Pourriez-vous nous apporter des éléments de réponse quant à l'accompagnement par les services publics de ces jeunes ruraux aux problématiques spécifiques ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous avez rapidement évoqué les problématiques de la mobilité ou du numérique, déjà largement traitées, mais vous m'avez surtout demandé où nous en sommes concernant la jeunesse rurale. Le Gouvernement doit relever le défi majeur consistant à construire un parcours sans rupture en milieu rural, de la petite enfance à l'entrée dans la vie professionnelle, pour ouvrir le champ des possibles aux habitants de la ruralité. Trop de jeunes, persuadés qu'ils se heurteront à un plafond de verre, n'envisagent pas de poursuivre leurs études alors qu'ils ont le talent et la capacité de travail nécessaires.
L'accès à l'éducation, au sport et à la culture est plus difficile pour les jeunes ruraux. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour illustrer la situation de cette jeunesse qui peine à se réaliser pleinement, notamment à cause de l'autocensure que je viens d'évoquer. Parmi les 17,7 millions d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes âgés de 3 à 24 ans en France, 30%, c'est-à-dire 5,3 millions, vivent en zone rurale, selon une enquête publiée par l'Insee. Le taux de mobilité de ces jeunes vers le milieu urbain s'élève à 20%. Parmi les jeunes de milieu rural, 28% arrêtent leurs études après l'obtention du brevet des collèges et 23% après l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP). Pas moins de 42% des jeunes ruraux ont le sentiment de ne pas avoir suffisamment d'informations pour s'orienter. Enfin, 32% des jeunes en zone rurale n'ont jamais pratiqué d'activité extrascolaire pendant leur scolarité.
Alors oui, nous agissons. Nous généralisons les territoires éducatifs ruraux (TER) – j'ai évoqué le sujet récemment avec vous dans votre circonscription du Puy-de-Dôme –, visant à accompagner le parcours du jeune de l'école au lycée, avec l'objectif d'atteindre 185 TER. Nous avons également pris des mesures pour favoriser l'accueil de 5 000 jeunes en service civique. Plus de 150 000 jeunes effectuent en ce moment un service civique, dont 25% se trouvent en zone rurale. En outre, nous avons créé le fonds d'innovation pédagogique, doté de 500 millions d'euros sur cinq ans, dédié à l'éducation en zone rurale. Enfin, vous vous souvenez sans doute que nous nous étions fixé l'objectif d'aménager 87 campus connectés ; ils sont là. Nous avons aussi ouvert les cordées de la réussite à 30 000 jeunes ruraux. En somme, nous avons déjà obtenu des résultats ; il faut aller plus loin, ensemble.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC)
Alors que les services publics devraient faire notre force face aux grands enjeux sociaux et environnementaux, ils se trouvent encore affaiblis par des politiques néolibérales et d'austérité. Moins 2 milliards pour l'écologie et les mobilités durables, moins 700 millions pour l'école, moins 1,5 milliard pour le logement… Ces décisions vont complètement à rebours des besoins et des urgences. Elles s'inscrivent dans une logique de sape des services publics au profit du privé.
Les territoires ruraux ont été les premiers pénalisés. Ils sont désormais asséchés des services essentiels ainsi que de leur population, qui a migré dans des métropoles où s'est installée la ségrégation sociale, corollaire des grands malaises sociétaux.
Notre pays a besoin d'une politique d'aménagement du territoire ambitieuse et juste, qui doit favoriser la mixité et la cohésion sociales. Cela implique la relocalisation des activités et le développement d'un maillage de services publics efficients.
Dans mon département de l'Orne comme dans de nombreux territoires ruraux, l'installation de nouveaux venus lors de la crise sanitaire a redonné espoir. Malheureusement, cette dynamique s'essouffle, car les nouveaux habitants n'y trouvent pas les services dont ils ont besoin, notamment en matière de santé et de mobilité.
J'insiste sur le problème de la mobilité. Les distances journalières se sont multipliées par cinq lors des dernières décennies. Ces déplacements, essentiellement accomplis en voiture individuelle, ont un impact environnemental considérable et un coût important pour les familles. Malheureusement, les services de mobilité durable ne sont pas à la hauteur des besoins, alors qu'ils devraient constituer l'armature du développement des territoires ruraux. Les lignes ferroviaires sont insuffisantes, la fréquence des trains est trop faible, la rareté des guichets physiques empêche trop de citoyens d'accéder à ces services et les liaisons intermodales sont parfois inexistantes. Les collectivités tentent bien de les financer, mais leur budget contraint ne permet pas les investissements nécessaires.
Quand le Gouvernement reconnaîtra-t-il l'absolue nécessité de consolider nos services publics et d'en permettre l'accès à tous ? Entendrez-vous les propositions adoptées par la majorité des députés lors des discussions budgétaires, notamment en matière de besoins ferroviaires et de mobilités durables ? Quand accepterez-vous de rétablir une justice fiscale permettant le financement de nos services publics ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous me demandez quand ; je vous réponds que c'est déjà le cas, même si l'effet ne s'en fait pas encore sentir sur le terrain. Nous sommes encore en train de déployer le plan France ruralités, qui a été annoncé le 15 juin 2023. Vous évoquez la mobilité en milieu rural, qui représente un réel défi. L'itinérance de nos services et le " aller vers " sont absolument indispensables. Or les 2 750 maisons France Services, dont 150 sont itinérantes, relèvent de l'aller vers. Le plan France ruralités et les services de mobilité durable, innovante et solidaire, financés en grande partie par l'État, qu'il propose s'inscrivent également dans cette démarche.
Je vous invite à demander rendez-vous à M. le préfet de l'Orne et aux élus locaux avec lesquels vous travaillez pour les inciter à se saisir de ce dispositif ; vous pourrez ainsi m'indiquer dans trois mois quelles mesures fonctionnent et quelles mesures sont à revoir. Nous y parviendrons, car le plan est assorti d'un financement considérable ; ce n'est pas d'argent supplémentaire dont nous avons besoin pour faire mieux.
Nous agissons au plus vite pour que nos concitoyens voient les effets du plan France ruralités. Il faut qu'ils sachent qu'ils trouveront une maison France Services à moins de trente minutes de chez eux et que de plus en plus de renseignements y sont à leur disposition : désormais, ils peuvent accéder à onze services différents, soit deux de plus qu'auparavant.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Petit.
M. Bertrand Petit (SOC)
La semaine dernière, le Gouvernement a rayé d'un trait de plume 10 milliards d'euros pour les services publics. Ce sont autant de moyens en moins pour l'énergie, pour les transports, pour l'école, pour l'université, mais aussi pour la justice et pour la police. La cure d'austérité imposée par le Gouvernement n'épargne donc aucun service public.
Accéder aux services publics reste pourtant une difficulté dans la vie quotidienne des Français. Les obstacles sont nombreux : exposition accrue aux risques sanitaires et sociaux, illectronisme et bien sûr éloignement géographique. Il faudrait des moyens en plus, or le Gouvernement décide de moyens en moins.
Dans ma circonscription du Pas-de-Calais, comme dans beaucoup de territoires ruraux, la population n'est pas épargnée. Les habitants y subissent, impuissants, la disparition des services publics. Bureaux de poste, hôpitaux, écoles, mais aussi de nombreuses trésoreries : la liste des fermetures de services publics est longue, madame la ministre. À chaque fois, on dépossède encore un peu plus ceux qui possèdent le moins, accroissant d'autant les inégalités territoriales.
En réponse, l'État a créé les maisons France Services. Le dispositif a le mérite d'exister, même s'il ne remplacera jamais les services publics qui étaient présents auparavant.
Un espace France Services coûte 110 000 euros. Jusqu'en 2023, l'État en assumait 30 000 euros ; le reste, plus de 70 %, était pris en charge par les collectivités locales. Dans le budget pour 2024, l'État devait augmenter sa participation de 19 millions. Entre-temps, le Gouvernement a annulé 730 millions d'euros dévolus à la cohésion des territoires, dont 26 millions d'euros sur le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, qui concerne justement France Services.
Madame la ministre, ma question est simple et je l'ai déjà posée à plusieurs reprises : les collectivités locales ne devront-elles pas, une fois de plus, prendre intégralement en charge le financement de ces maisons si elles veulent les maintenir sur leur territoire ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Monsieur le député, je ne partage pas votre diagnostic. Je parcours constamment ces territoires, et si j'observe bien les difficultés que leurs habitants rencontrent, je constate également les progrès, dès lors que les élus locaux se saisissent des dispositifs nationaux que nous mettons à leur disposition pour injecter de l'argent et offrir de nouveaux services aux habitants.
L'État n'agit pas directement, mais au travers des collectivités locales, car c'est ensemble que nous pouvons amener des services à nos concitoyens. Vous avez évoqué les 30 000 euros que l'État verse pour une maison France services, mais en 2024, cette somme s'élève à 40 000 euros ; en 2026, elle s'élèvera à 50 000 euros. En outre, dans les zones France ruralité revitalisation, la dotation que l'État verse aux collectivités qui créent une maison France services est bonifiée.
Je ne répéterai pas ce que j'ai exposé précédemment. Vous faites peur en affirmant que l'État réduit le budget de 10 milliards d'euros et diminue les crédits du programme 112, que les services publics sont moins dotés. Je soutiens pour ma part que les crédits dédiés aux maisons France services augmentent et que le plan France ruralités n'est pas touché par la baisse de 10 milliards.
Travaillons donc ensemble pour faire connaître à nos concitoyens ce qui est à leur disposition. Certains dispositifs ne sont pas encore devenus une réalité dans les territoires, car il faut du temps pour les faire connaître et les déployer, mais vous constaterez bientôt les améliorations. Nous continuerons à travailler toujours plus pour les ruralités, car nous les aimons beaucoup.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Besse.
Mme Véronique Besse (NI)
Je salue le travail présenté aujourd'hui. Il est en effet indispensable que notre assemblée suive de près l'action de l'État dans les territoires ruraux.
Près de 90 % des communes de France sont des communes rurales où vivent 33% de nos compatriotes. La ruralité mérite donc toute notre attention. Elle ne doit plus jamais apparaître comme le parent pauvre de notre pays, mais comme un atout à développer et à promouvoir.
Le triptyque des enjeux essentiels pour nos territoires ruraux me semble être l'accès aux soins, l'école, notamment l'épineuse question des fermetures de classes et des regroupements scolaires, et les commerces.
Une grande partie du rapport de nos collègues est consacrée à France Services, dont je salue la création, le développement et la nécessité ; mais il faut aller plus vite et plus loin.
Je voudrais ainsi revenir sur la recommandation 13 du rapport de 2019 sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, qui prévoyait « un principe d'accès multicanal au service public, consistant à compléter l'accès normal en ligne par une possibilité de recourir […] à d'autres modes d'accès, téléphonique ou physique ».
Le rapport soutient qu'un effort doit être accompli, mais je dirais plutôt qu'un grand effort est nécessaire. Face à la numérisation grandissante des démarches et à la fermeture des guichets physiques, le téléphone est la solution alternative indispensable. Cependant, l'accès à un interlocuteur par ce moyen reste trop souvent aléatoire, les temps d'attente sont trop longs et les réponses obtenues ne sont pas toujours satisfaisantes : ainsi certaines personnes sont-elles invitées à se rendre elles-mêmes sur le site internet du service public en question ou à envoyer un e-mail.
L'objectif devrait être simple : pallier le manque de formation au numérique par un accompagnement réel au bout du fil. Pour cela, il faut que les agents soient en nombre suffisant, formés, et surtout disponibles à des horaires plus pratiques qu'actuellement.
Je prends l'exemple des caisses d'assurance retraite et de santé au travail, les Carsat, car 37% des difficultés rencontrées auprès des services publics au titre de la dématérialisation des démarches les concernent. Du fait du vieillissement de la population, le nombre d'utilisateurs de ce service augmentera ; son accès reste cependant compliqué, voire très difficile.
Dans mon département, la Vendée, la ligne téléphonique de la Carsat n'est ouverte que deux matinées par semaine. Je vous laisse imaginer le temps d'attente – j'en ai moi-même fait l'expérience.
Nous recevons très souvent à nos permanences des personnes qui, faute d'avoir pu accéder correctement à un service, ont mal rempli un formulaire.
Quels moyens entendez-vous déployer pour que cette recommandation 13 du rapport de 2019 soit rapidement appliquée ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous appelez de vos voeux un accès multicanal au service public, autrement dit un accès physique. Vous étiez présente, je pense, quand j'ai exposé à quel point nous tenons à cet accueil physique : les 2 750 maisons France Services permettent à tous nos concitoyens d'accéder aux services publics à moins de trente minutes de chez eux.
Nous sommes très attachés au numérique, car c'est un vecteur de lutte contre l'isolement. En effet, les personnes qui ont accès à internet peuvent échanger avec leurs familles et leurs amis depuis leur lieu de résidence.
Vous demandez qu'un accès téléphonique soit l'un des éléments de cet accès multicanal. Pourquoi pas ? Le ministre de la transformation et de la fonction publique Stanislas Guerini travaille sur ces questions et il a pris en considération la recommandation 13 sur laquelle vous vous appuyez.
Néanmoins, ce n'est pas en augmentant le nombre des services accessibles par téléphone ou celui des agents répondant à distance qu'on luttera contre l'isolement dans les zones rurales. Nous voulons développer le plus possible des services publics de proximité, auxquels les personnes accéderont avec les Aidants Connect auprès desquels elles se rendront grâce à France ruralités et en particulier aux services de mobilité. Elles pourront échanger avec eux dans des lieux de convivialité, ce qui nourrit le lien social. Travaillons donc, comme le fait Stanislas Guerini, sur ces trois axes.
Nous ne souhaitons donc pas particulièrement développer l'accès par téléphone en déployant des batteries d'agents à la Carsat. Nous voulons plutôt développer la proximité et l'accès au numérique. L'accès par téléphone n'intervient qu'en second lieu dans l'accès multicanal que vous avez proposé de manière pertinente.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 février 2024