Interview de M. Patrice Vergriete, ministre délégué, chargé des transports, à France Inter le 28 février 2024, sur la politique des transports.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Sonia DEVILLERS, votre invité ce matin est le nouveau ministre délégué chargé des Transports.

SONIA DEVILLERS
Voilà, ancien ministre du Logement, et lors du dernier remaniement il se voit confiés les transports à la place de Clément BEAUNE, bonjour Patrice VERGRIETE.

PATRICE VERGRIETE
Bonjour.

SONIA DEVILLERS
La question des transports vous l'avez abordée en tant que maire de Dunkerque, et vous avez été maire de Dunkerque jusqu'en 2023, de 2014 à 2023, vous avez mis en place la gratuité des transports, une opération qui a porté ses fruits, faisant revenir les dunkerquois en centre-ville. Alors, la gratuité des transports est-ce que vous allez inciter d'autres villes, d'autres grandes métropoles, en tant que ministre, à s'y mettre ?

PATRICE VERGRIETE
Ce qui est important c'est de pouvoir réussir le report modal vers le transport collectif, parce que si on doit développer la voiture électrique ça ne suffira pas, dans le cadre de la transition écologique, donc il faut aussi développer d'autres modes de transport et notamment le transport collectif. La situation de chacun des territoires est différente, il n'y a pas deux territoires qui se ressemblent en la matière. A Dunkerque le problème c'était un problème de demande, finalement, quand on avait une voiture, on ne pensait même pas qu'il y avait un bus, et donc l'outil de la gratuité était le plus efficace à Dunkerque, la preuve c'est qu'il a marché, +125% de fréquentation en cinq ans, et ça continue de monter, on développe une culture du transport collectif, on change les comportements, -65% d'incivilités, 50% de report modal de la voiture, enfin que des chiffres ultra positifs sur la gratuité des transports, c'est ça qu'il fallait faire à Dunkerque, dans d'autres territoires il faut trouver la recette, et la meilleure recette.

SONIA DEVILLERS
Montpellier vous a suivi.

PATRICE VERGRIETE
Montpellier a suivi, Calais a suivi, mais d'autres territoires. Si vous prenez par exemple Paris, l'agglomération parisienne, si vous faites la gratuité vous aggravez le problème, parce que vous augmentez la demande, mais vous n'avez pas l'offre, donc ce qui est très important c'est toujours trouver le bon outil qui correspond à la situation d'un territoire, à Dunkerque c'était la gratuité.

SONIA DEVILLERS
Les sujets qui fâchent maintenant. A peine arrivé au ministère du Transport, vous affrontez déjà une grève des contrôleurs SNCF en pleines vacances scolaires, et voilà que resurgit le débat sur le droit de grève. Illico, les Républicains réclament des mesures qui permettent de le suspendre, le président du groupe centriste au Sénat dépose même une proposition de loi en ce sens, qu'en dites-vous, vous, ministre des Transports, il faut des périodes sans droit de grève dans les transports ?

PATRICE VERGRIETE
S'il y avait des périodes, il faudrait les choisir, et qu'est-ce qu'on privilégie, les vacances ou alors le quotidien des Français ? Moi je préfère en appeler à la responsabilité des acteurs. Vous savez, la SNCF fait partie de notre patrimoine national, c'est un joyau, je le dis très souvent, et donc ça appelle la responsabilité, responsabilité de la direction, pour animer un dialogue social sérieux, faire des propositions sérieuses, écouter les salariés, mais aussi responsabilité au niveau des syndicats. Effectivement la grève, à la SNCF, parce qu'on tient le pouvoir de circuler des Français, la capacité à pouvoir se déplacer librement en France, qui est aussi un droit, quand on détient ça, eh bien la grève c'est l'ultime recours, et ça il faut que les syndicats, aussi, fassent preuve de responsabilité. Moi aujourd'hui, en tant que ministre des Transports, j'en appelle surtout à la responsabilité des deux parties.

SONIA DEVILLERS
C'est-à-dire que la grève ne soit pas le début de la négo.

PATRICE VERGRIETE
Voilà, la grève ne doit pas être le début de la négociation, et s'il y a négociation, on ne fait pas grève, c'est l'ultime recours, voilà.

SONIA DEVILLERS
Sauf que la question du droit de grève, Patrice VERGRIETE, c'est aussi une question profondément politique, vous avez vu, il y a eu des réactions plutôt favorables dans votre gouvernement, de la nouvelle ministre déléguée des Outre-mer, de la ministre des Relations avec le Parlement, qui a dit " oui, c'est vrai, on peut s'interroger sur ce fameux recours au droit de grève quand on a une mission de service public ", le président des sénateurs macronistes dit " vouloir réfléchir à toutes les évolutions qui permettraient d'encadrer ces grèves intempestives. " Je rappelle que, Patrice VERGRIETE, que vous êtes fils d'ouvrier, que vous arrivez de Dunkerque, vous arrivez du Parti socialiste, l'aile gauche de la macronie c'est vous, comment vous réagissez ?

PATRICE VERGRIETE
Eh bien moi j'en appelle à la responsabilité des acteurs, c'est ma position aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y ait besoin de réformer le droit de grève aujourd'hui, j'ai envie de faire confiance aux acteurs aujourd'hui, j'ai envie de leur faire confiance, je les rencontrerai d'ailleurs très prochainement les syndicats, y compris les syndicats du rail, et on évoquera ces situations.

SONIA DEVILLERS
Donc pas de réforme du droit de grève…

PATRICE VERGRIETE
Pour l'instant.

SONIA DEVILLERS
Pour l'instant, mais une inflexion droitière du gouvernement. L'aile gauche de la macronie elle a été, comment dire, plutôt décapitée depuis le vote de la loi immigration, vous remplacez d'ailleurs, dans votre ministère, Clément BEAUNE, qui incarnait aussi l'aile gauche de la macronie, et qui a dit son désaccord avec la loi immigration, et qui n'est plus au gouvernement aujourd'hui, est-ce que ça vous pose un problème moral, est-ce que ça vous pose un problème politique ?

PATRICE VERGRIETE
Moi je crois toujours en la capacité du dépassement du président de la République et du Premier ministre. Vous savez, je viens d'un territoire, vous l'avez dit tout à l'heure, Dunkerque, dans lequel le président de la République a réussi à développer l'industrie, à réindustrialiser ce territoire, il nous a rendu de l'espoir, 20 000 emplois qui arrivent à Dunkerque, un territoire qui perdait des habitants depuis presque 30 ans, un territoire où on voyait l'emploi industriel partir, diminuer, eh bien ça, je suis désolé, si on ne dit pas que c'est de gauche, je ne sais pas ce que c'est. Donc effectivement, redonner l'espoir à un territoire industriel, comme le dunkerquois, il y a aussi cette sensibilité, donc la capacité du dépassement moi je l'ai vécue sur mon territoire et j'y crois.

SONIA DEVILLERS
Alors, dernière question sur la grève. A la RATP, comme à la SNCF, il y a des inquiétudes sur des potentielles grèves pendant les Jeux olympiques, à la SNCF les syndicats entendent mettre la pression avec des grèves perlées jusqu'aux Jeux olympiques, à la RATP il y a un syndicat, la CGT-RATP, qui a d'ores et déjà déposé un préavis de grève jusqu'à la fin des Jeux paralympiques, est-ce que vous êtes inquiets sur le déroulement des Jeux en termes de transports ?

PATRICE VERGRIETE
Absolument pas.

SONIA DEVILLERS
Absolument pas.

PATRICE VERGRIETE
Absolument pas parce que, vous voyez, vous le disiez tout à l'heure, je viens d'une culture ouvrière et je ne crois pas un seul instant que les ouvriers, que les salariés, que les syndicats, mettront en péril l'image de la France ou l'image de leur entreprise aux yeux du monde entier, je n'y crois pas un seul instant, ce n'est pas du tout dans la culture ouvrière.

SONIA DEVILLERS
Ça signifie que s'il y a grève on met les Jeux en péril ?

PATRICE VERGRIETE
Il n'y aura pas grève.

SONIA DEVILLERS
Il n'y aura pas grève ?

PATRICE VERGRIETE
Il n'y aura pas grève, ce n'est pas du tout dans la culture ouvrière, ou alors je change de pays et je ne comprends plus rien au monde ouvrier, mais très sincèrement, dans la culture ouvrière, on ne donne pas l'image de son pays… on est attaché à l'entreprise quand on est un ouvrier, on est attaché à son entreprise quand on est un syndicaliste, on est attaché aussi à l'image de son pays, et je ne crois pas un seul instant qu'il y aura des grèves au moment des Jeux olympiques.

SONIA DEVILLERS
Patrice VERGRIETE, vous souhaitez une grande convention citoyenne sur la mobilité et les transports, vous nous l'annoncez ce matin, pourquoi une convention citoyenne ?

PATRICE VERGRIETE
Je trouve que sur les questions de mobilité il y a beaucoup de questions qui se posent, des questions essentielles, comment on va faire évoluer les autoroutes demain ? Quand on paiera le péage demain, à quoi ça doit servir, est-ce qu'une partie doit aller financer le réseau ferroviaire pour développer le train ? Est-ce que finalement demain, quand on va payer les péages, est-ce que celui qui va travailler doit payer le même prix que celui qui finalement part en vacances ? Est-ce qu'on doit continuer à développer les trains à grande vitesse pour relier les métropoles ou est-ce qu'on doit mettre le paquet sur les villes moyennes, le lien avec les villes moyennes et les petites villes ? Toutes ces questions sont des débats de société à l'échelle nationale, ce n'est pas du travail fin de terrain au niveau local, c'est un grand débat de société et de justice, et je trouve que cette question des mobilités, qui a été un peu abordée pendant la Convention citoyenne sur le climat, mais j'ai envie de dire de manière très générale, un peu " yakafokon 

", et si on rentrait un peu plus dans le détail sur les mobilités, qu'on allait justement poser ces questions et trancher ces questions de débat national.

SONIA DEVILLERS
Alors justement, Monsieur le ministre, vous citez la Convention citoyenne pour le climat, on pourrait citer aussi celle sur la fin de vie, justement c'est deux questions qui précisément ne semblent pas vraiment avancer à grand pas, ni pendant le premier quinquennat, ni lors du second, les Français sont peut-être un peu échaudés, vous ne pensez pas qu'il y a un effet déceptif de ces conventions citoyennes ?

PATRICE VERGRIETE
Mais précisément non, justement pour ça.

SONIA DEVILLERS
Non ?

PATRICE VERGRIETE
Quand vous regardez la Convention citoyenne sur le climat, et je reste sur les mobilités, quand vous regardez les mesures qui sont proposées, elles ne sont pas financées, elles sont du « il faut que », parce qu'on est resté sur un sujet extrêmement large et qu'on n'est pas allé au bout de la question. Moi, justement, je propose d'aller au bout du débat national. Les questions que je vous ai posées ce n'est pas qu'est-ce qu'on fait pour le climat, c'est concrètement, est-ce ce qu'on privilégie le développement des TGV ou est-ce qu'on privilégie le développement des villes moyennes et des petites villes ? Là la réponse elle est simple, et c'est une question de débat de société, et moi je crois aux conventions citoyennes si on reste sur des questions qui sont des questions de société à l'échelle nationale, c'est ça qui est intéressant, et j'ai envie de faire cette proposition au président de la République et au Premier ministre pour justement qu'on arrive sur des questions qui seront très concrètes pour les citoyens.

SONIA DEVILLERS
Alors, questions très concrètes, mais quid de l'argent et des finances pour derrière mettre en oeuvre les propositions, les envies et les demandes, et les requêtes des Français que vous allez interroger. Bruno LE MAIRE a annoncé 10 milliards d'économies, on sait déjà, parmi les coupes budgétaires, il va y avoir la mobilité durable, concrètement ça va donner quoi Monsieur le ministre, qu'est-ce qu'on va arrêter comme projet, à quoi on va renoncer ?

PATRICE VERGRIETE
Là on a un budget 2024 en hausse, alors effectivement aujourd'hui la situation budgétaire de la France nécessite de faire des choix, des arbitrages, alors c'est vrai qu'il aurait pu être plus en hausse, mais on est en hausse d'1 milliard, sur le budget des transports aujourd'hui, donc on voit qu'on garde ces priorités, qui sont importantes, donc je ne peux pas me plaindre d'avoir un budget en hausse d'1 milliard. Alors certes, ce n'est pas 1,3 milliard, mais c'est 1 milliard, et je pense qu'effectivement les priorités sont quand même clairement affichées, c'est-à-dire la rigueur budgétaire elle n'empêche pas, et puis le respect effectivement des équilibres budgétaires n'empêche pas de pouvoir définir ces priorités, le transport en fait partie.

SONIA DEVILLERS
Deux petites questions très concrètes pour la vie des usagers des transports en commun. Annonce de la SNCF, depuis la mi-février le nombre de bagages et leur taille sont limités dans les TGV inOui et le TER, alors moi je me dis, vu le prix des billets, quand on est une famille, qu'on a trois enfants, que la petite dernière est en poussette, que le grand trimballe sa guitare ou ça, je ne sais pas quoi, sa planche de surf, eh bien…

PATRICE VERGRIETE
Sa contrebasse.

SONIA DEVILLERS
Voilà, contrebasse, eh bien on prend la voiture !

PATRICE VERGRIETE
Oui, la difficulté est un problème de sécurité, et effectivement, au cas où il y a un problème, il faut pouvoir évacuer, et donc la SNCF est en train d'engager ce dialogue, mon prédécesseur, Clément BEAUNE d'ailleurs, était intervenu là-dessus, notamment pour les contrebassistes, donc vous voyez, c'est une question essentielle, on va continuer à travailler sur cette question pour trouver à la fois une solution sécure pour les passagers et à la fois qui permette d'avoir le plus de flexibilité.

SONIA DEVILLERS
Et le malaise des voyageurs, on n'arrête plus les métros ? Ça fait beaucoup causer depuis hier.

PATRICE VERGRIETE
Oui.

SONIA DEVILLERS
Oui, d'accord ! merci Monsieur le ministre.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 février 2024